Annexe V
Avis de
l'Initiative pour des
Services d'Utilité Publique en Europe (ISUPE)
ISUPE souscrit largement à l'analyse faite dans le rapport, ainsi qu'à la proposition de résolution.
Notamment, ISUPE est d'accord avec Monsieur le Sénateur que la question critique de la place des services publics en Europe n'est pas réglée et que tout en progressant la Communication de la Commission n'apporte pas la clarification nécessaire.
L'équilibre à tracer entre les prescriptions des articles du traité relatifs au libre-échange et la concurrence d'une part, et les articles relatifs aux services d'intérêt économique général est complexe et évolutif. Cet équilibre se constitue progressivement, à travers les textes de droit dérivé et la jurisprudence.
ISUPE souhaite que la notion de services d'intérêt général prenne une place plus importante dans les textes européens de façon à aider à l'élaboration d'un droit dérivé fondé sur la prise en compte de l'article 16 du traité d'Amsterdam - et ce en suivant une démarche analogue à celle qui a conduit à appliquer les règles du marché intérieur pour une série de secteurs et d'activités à partir des prescriptions contenues dans l'Acte unique de 1988 : préparation de livres verts et blancs, élaboration de projets de directives et règlements, transposition en droit national, arrêts et décisions à valeur jurisprudentielle, etc.
Pour ce faire ISUPE peut concevoir une approche au niveau européen basée sur la définition des services d'intérêt général par secteur d'activité économique. Comment donner corps à une prescription non seulement de l'article 16 du traité d'Amsterdam, mais aussi de l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux et d'autres articles à venir dans les différents secteurs les plus directement concernés ? ISUPE recommande qu'une telle approche soit partie de la communication en préparation par la présidence française avec l'intention de l'annexer aux résolutions du Conseil européen de Nice.
Annexe VI
Avis de la Commission
Supérieure du Service Public
des Postes et
Télécommunications (CSSPpt)
Lors de sa séance plénière du 25 octobre 2000, la Commission Supérieure du Service Public des Postes et Télécommunications a décidé de porter à la connaissance du Gouvernement et du public la déclaration suivante, en vue de nourrir le débat en cours au sein de l'Union européenne, sur les services publics.
I. Une initiative intéressante de la Commission des Communautés européennes
La CSSPpt approuve l'initiative de la Commission d'inscrire la question des services d'intérêt économique général au rang de ses priorités et d'engager les Etats membres à une réflexion commune, à l'occasion de la publication de sa Communication sur les services d'intérêt général en Europe (COM (2000) 580 final du 20 septembre 2000).
La CSSPpt voit dans les différents équilibres recherchés entre les approches des membres de l'Union européenne partisans de la seule loi des marchés et celles des partisans d'une intervention importante de l'Etat, une intéressante base de discussion.
La CSSPpt reconnaît à la démarche de la Commission une double nécessité qui la justifie entièrement :
- mieux définir ce qu'est le service public afin d'apporter à tous une plus grande sécurité juridique par une lisibilité accrue ;
- harmoniser les principes qui guideront la politique européenne des services publics.
Dans un texte montrant, pour la première fois, une volonté d'approche transversale, la CSSPpt se réjouit de constater que :
a) l'on sort d'une approche purement sectorielle pour reconnaître, au sein du marché, l'existence d'une catégorie spécifique de services répondant à des besoins essentiels.
Ce progrès va permettre de passer de la pratique au droit.
Se cantonner dans une offre technique susceptible de répondre à des besoins précis des consommateurs à un moment donné de l'évolution technologique conduirait à enfermer le service public dans un périmètre rapidement obsolète ; un des premiers exemples en est donné par le service universel des télécommunications limité au téléphone fixe et ignorant tout du réseau Internet. Le service public s'affichera désormais comme la réponse au droit reconnu aux citoyens de l'Union européenne d'obtenir satisfaction de certains besoins par la garantie d'une offre de services de qualité, qualifiés d'intérêt général, faite par des prestataires remplissant des missions d'intérêt général. Partant des besoins des populations, le service public ne peut être qu'évolutif. Améliorer la qualité du service public, c'est rechercher la satisfaction la meilleure des besoins. Ce n'est pas se limiter au " zéro défaut " de services inscrits, une fois pour toutes, dans le périmètre de tel ou tel service universel.
A aucun moment, les intérêts du marché ne peuvent être considérés comme supérieurs aux droits reconnus aux citoyens. Cependant, la logique propre du marché tend à réduire les obligations de fourniture de services publics et à limiter leur financement, au motif qu'ils entravent la libre concurrence. Pour résister à cette tendance, liberté doit être laissée aux Etats membres, dans le respect des règles du traité CE relatives aux aides d'Etat, d'investir en vue d'assurer, partout et à tous, une offre modernisée de services publics de qualité.
Dans ce cadre général, la CSSPpt approuve la recherche et la mise en oeuvre, par la Commission des Communautés européennes, de méthodes adéquates et harmonisées d'évaluation des besoins, de contrôle des offres et de traitement des contentieux.
b) cette volonté d'harmonisation, de synergie et de cohérence dans l'offre de services publics concerne tous les citoyens de l'Union européenne sans restriction et contribue à leur meilleure intégration.
En affirmant le droit d'accès aux services publics de tous les citoyens, quelle que soit leur situation économique ou géographique, l'approche nouvelle promeut le rôle de " facilitateur " de la cohésion sociale et de l'aménagement du territoire rempli par les services d'intérêt économique général. Montrer que l'on vise véritablement une meilleure intégration de tous dans l'espace européen est de nature à réconcilier l'ensemble des citoyens avec les politiques européennes et à en faire accepter la primauté.
Il. Les services d'intérêt économique général en Europe ne peuvent qu'être le résultat de choix politiques
Dans une unanimité constante depuis sa création, enrichie par dix années d'expérience, la CSSPpt affirme qu'il appartient au pouvoir politique de décider en matière de service public.
Devant une tentation naturelle pour la Commission, auteur du texte de référence, l'entraînant à valoriser son propre rôle, la CSSPpt demande que soient clairement distingués les pouvoirs politiques et administratifs, au niveau communautaire comme au niveau national.
Confiante dans la capacité du Parlement européen et du Conseil à étayer la construction de l'espace européen par des services publics solidement établis, la CSSPpt considère qu'il n'y a pas contradiction à ce que le libre choix de chaque Etat membre d'aller au-delà des exigences communautaires s'exerce dans le cadre du principe de subsidiarité. Harmoniser les principes et les droits ne signifie pas abandonner toute prise en compte des spécificités locales (celle d'une région au sein d'un Etat, d'un Etat au sein de la Communauté, comme de la Communauté face aux Etats-Unis ou au Japon, par exemple). Pays centralisé et pouvant se référer à plus d'un siècle d'expérience de services publics, la France occupe une place privilégiée dans la Communauté européenne. A condition qu'ils se montrent guidés par les mêmes principes pour atteindre les mêmes objectifs, les pouvoirs publics français ne doivent pas être tenus de suivre les mêmes chemins que ceux d'autres Etats, puisque les points de départ ne sont pas les mêmes.
La Commission des Communautés européennes, quoique dotée seulement d'un pouvoir administratif, confirme sa volonté de se situer au dessus des Etats en s'octroyant pour missions de les contrôler, de les sanctionner ou de décider des harmonisations nécessaires. Il ne saurait être accepté que s'établissent ainsi deux voies parallèles de création du droit communautaire. L'une, conformément aux plus récentes dispositions du Traité, aurait pour source les codécisions du Conseil et du Parlement européens et s'appuierait sur des directives. L'autre, inspirée de la pensée juridique anglo-saxonne, construirait, cas par cas, après simple consultation des Etats membres, au fil de communications et de lignes directrices publiées par la Commission sous le seul contrôle de la Cour de Justice des Communautés européennes, une jurisprudence, avec des risques évidents de subjectivité, à partir de pratiques échappant à toute approbation du pouvoir politique communautaire.
Si les propositions de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe sont suivies, alors la première voie, plus lente dans son déroulement, aura naturellement tendance à s'effacer devant l'argument d'efficacité de la seconde. Les contentieux relatifs à l'application des directives finissant, eux aussi, par arriver à la Cour de Justice des Communautés Européennes, le pouvoir de ses juges indépendants deviendrait également déterminant sur l'organisation de l'Union européenne.
Face à cette perspective, la CSSPpt déclare que, pour elle, seuls des élus peuvent se prévaloir de représenter les citoyens de l'Union européenne. Seuls des élus et des gouvernants, responsables devant les électeurs ou les parlements nationaux, peuvent prétendre choisir et tracer les voies politiques de l'évolution de la société européenne.
III. Une directive doit garantir, à tous et partout, le droit et l'accès à des services d'intérêt économique général de qualité
En conséquence la CSSPpt,
- considérant l'importance des services d'intérêt économique général pour la cohésion sociale et territoriale, pour la compétitivité de l'industrie (particulièrement pour les PME et les PMI) et pour la vie quotidienne des citoyens/consommateurs de l'Union européenne ;
- ayant pris connaissance des conclusions du débat public du Conseil européen sur les services d'intérêt général du 28 septembre 2000 ;
- estimant qu'en laissant à la Commission le soin d'agir seule par communications, lignes directrices et règlements d'exemption, elle ferait perdre aux pouvoirs politiques leurs prérogatives réglementaires ;
- estimant que la Commission ne doit avoir en charge que la mise en oeuvre des décisions du Conseil et du Parlement et un pouvoir de propositions ;
Demande au Gouvernement de faire adopter au Conseil européen de Nice en décembre 2000, pendant la présidence française, le principe d'une directive politique sur les services d'intérêt économique général, pour en consacrer la sécurité juridique, souhaitée par la Commission elle-même dans ses motivations ;
C'est dans cet esprit que la CSSPpt a examiné les principaux points de la communication de la Commission des Communautés européennes sur les services d'intérêt général en Europe, qu'elle considère comme un document de référence important et une avancée.