2. La « nouvelle économie » en France et en Europe
a) Des retards importants dans les secteurs producteurs
Les secteurs utilisateurs : un rattrapage rapide
L'Europe présente tout d'abord un certain retard pour l'utilisation des technologies de l'information et de la communication.
Si elle occupe la seconde place pour l'équipement en téléphones mobiles , après le Japon mais avant les Etats-Unis, dans le cas de l'équipement en micro-ordinateurs et de l'accès à Internet elle se situe à peu près au niveau du Japon, mais présente un retard important par rapport aux Etats-Unis .
En outre, dans ces trois domaines la France est en retard par rapport à la moyenne de l'Union européenne.
Toutefois les pays européens s'équipent rapidement , de sorte que ce retard ne devrait être que temporaire.
Equipement des principaux pays
en technologies de l'information et de la communication
Taux d'équipement (en fin d'année, en % de la population) |
Union européenne |
France |
Japon |
Etats-Unis |
Téléphones mobiles (2000) |
47 |
40,4 1 |
48 2 |
30 |
Micro-ordinateurs (1997) |
20 |
16 |
22 |
36 |
Internet (1998) |
16 |
13 |
15 |
45 |
(1) 30 juin 2000.
(2) 30 août 2000.
Sources :
OCDE, NUA Internet Surveys (citées par le CEPII).
Téléphone mobile : Strategy Analytics (Union européenne), Autorité de régulation des télécommunications (France), Telecommunication Carriers Association (Japon), Forrester Research (Etats-Unis).
Les secteurs producteurs : un retard préoccupant
La situation est plus préoccupante en ce qui concerne les secteurs producteurs .
En effet, les technologies de l'information et de la communication correspondent à une part du PIB plus faible dans l'Union européenne qu'au Japon et aux Etats-Unis.
Part des technologies de l'information et de la communication dans le PIB, selon l'OCDE (en %)
Union européenne |
France |
Japon |
Etats-Unis |
|
Part des TIC dans le PIB (1998) (en %) |
5,9 |
6,4 |
7,4 |
7,8 |
Selon la définition de l'OCDE, le secteur des technologies de l'information et de la communication comprend principalement les secteurs suivants:
- production de biens d'équipement et de biens durables électroniques ;
- services de télécommunications ;
- services informatiques ;
- commerce, location et maintenance des biens et services précédents.
Source : OCDE.
Ce retard est préoccupant, dans la mesure où, comme on l'a vu, le progrès technique observé aux Etats-Unis concerne essentiellement les secteurs producteurs de technologies de l'information et de la communication. Ainsi, selon M. Michel DIDIER, directeur de Rexecode, « Si, pour donner une image, les Français se mettent tous à l'Internet pour acheter sur Amazon.com à partir d'ordinateurs Compaq, le moteur de la nouvelle croissance ne s'allumera pas pour autant en France » 6 ( * ) .
Certes, l'Europe dispose par rapport aux Etats-Unis d'un avantage concurrentiel dans le domaine de la troisième génération de téléphones mobiles , qui doit permettre l'accès à Internet : la norme UMTS, alors que les Etats-Unis sont retardés par l'absence de norme nationale.
Toutefois les dépenses de R & D peuvent sembler insuffisantes en Europe, où elles ne représentent que 1,9 % du PIB (contre 2,6 % aux Etats-Unis et 2,8 % au Japon ) et où, en proportion de ces dépenses, le nombre de brevets est beaucoup plus faible qu'aux Etats-Unis.
b) Quel impact sur la croissance et l'emploi en France ?
Impact actuel
Une contribution significative à la croissance
La contribution du secteur des technologies de l'information et de la communication à la croissance française est néanmoins significative.
Ainsi, selon le BIPE, avec un taux de croissance annuel supérieur à 10 % depuis 1997, ce secteur apporterait une contribution à la croissance du PIB de 0,6 point en 1998-99 (contre 0,3 point en 1996), soit 20 % de la croissance totale du PIB (contre 30 % aux Etats-Unis).
Une faible contribution aux créations d'emplois ?
En revanche, la contribution des secteurs producteurs de technologies de l'information et de la communication aux créations d'emplois semble aujourd'hui modeste.
En effet, selon l'Insee, si les effectifs des technologies de l'information et de la communication ont progressé de 20 % au cours des années quatre-vingt, ils étaient en 1998 à peu près au même niveau qu'en 1990.
Ce paradoxe s'explique par le fait que si l'emploi augmente rapidement dans les services informatiques (en particulier ceux qui accompagnent la micro-informatique et la mise en réseau : logiciels, programmation, gestion de services, ingénierie...), il diminue dans le secteur de la production d'ordinateurs (à cause du niveau élevé de la croissance de la productivité apparente du travail).
Quel impact futur sur la croissance ?
Quel supplément de croissance les technologies de l'information et de la communication sont-elles susceptibles de susciter en France dans les années à venir ?
A titre d'illustration, on présentera les résultats de deux modélisations de l'impact des technologies de l'information et de la communication en France : celle commandée par votre Délégation au Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris à l'occasion du précédent rapport sur les perspectives macroéconomiques, réalisée à l'aide du modèle international OEF (Oxford Economic Forecasting), et celle effectuée cette année par le BIPE (Bureau d'information et de prévision économiques) pour le ministère de l'Industrie, avec le modèle DIVATIC de simulation des effets économiques liés aux technologies de l'information et de la communication.
Ces simulations reposent sur l'hypothèse que les technologies de l'information et de la communication vont susciter une augmentation de la demande vis-à-vis des secteurs qui les produisent , et donc de l'investissement dans ces secteurs (le COE retenant l'hypothèse d'une augmentation de l'investissement des entreprises de 4 points par an pendant 5 ans).
Ainsi, à moyen terme (au cours des trois prochaines années selon le BIPE, des cinq prochaines selon le COE), les technologies de l'information et de la communication augmenteraient la croissance de 0,4 point par an selon le COE et 0,6 point par an selon le BIPE.
Le BIPE distingue un second scénario , reposant sur une hypothèse forte , celle d'une augmentation de la demande non seulement vis-à-vis des secteurs producteurs de technologies de l'information et de la communication, mais aussi vis-à-vis des secteurs utilisateurs , du fait du recours à ces dernières (par exemple, le développement de la « banque en ligne » pourrait accroître la demande de certains services bancaires). Selon le BIPE, la croissance serait alors accrue de 1,6 point par an au cours des trois prochaines années.
* 6 Le Monde , 30 novembre 1999.