II. UN CONSTAT EST ÉVIDENT : GLOBALEMENT LES INVESTISSEMENTS SONT EN RÉDUCTION

A. L'EFFORT DE L'ETAT EST FLUCTUANT SUR LE LONG TERME ET EN BAISSE DEPUIS 10 ANS

1. Un effort global en diminution

La période de fort investissement dans le secteur des transports a culminé en 1992 puis les investissements ont ralenti pour n'atteindre plus que 82 milliards de francs en 1998 (selon les chiffres du rapport de la commission des comptes des transports). Cette somme se répartit en 54 milliards de francs pour les routes, 12,5 milliards de francs pour le ferroviaire, 7,7 milliards de francs pour les transports urbains et 7,1 milliards de francs pour le reste.

Sur la longue période, le stock d'infrastructures a connu une forte augmentation depuis 1970 (multiplié par trois) mais ce sont surtout les "équipements sociaux " qui en ont bénéficié, au contraire des infrastructures " productives " (dont les infrastructures de transport) qui ont vu leur part diminuer. La part des équipements consacrés aux transports dans le patrimoine des administrations publiques est passé de 32,5 % à 24,1 % en 20 ans.

Source : 36ème rapport de la commission des comptes des transports de la Nation

2. L'investissement routier

Après avoir connu une vive progression au début des années 1990, l'investissement routier s'est très fortement ralenti.

Source : direction des routes

La chute de l'investissement routier s'explique essentiellement par la diminution sensible de l'investissement en autoroutes concédées.

A titre d'illustration, ces deux dernières années, en 1999 et 2000, le nombre de kilomètres de sections d'autoroutes concédées mises en chantier a fortement chuté, comme le montre le graphique ci-dessous.

Source : METL

Comme nous le verrons, cette chute brutale de l'investissement autoroutier s'explique par un coup de frein massif dans une phase d'achèvement du schéma directeur routier national. La réforme en cours du financement autoroutier avec le terme mis à la procédure de l'adossement devrait accentuer cette phase d'atterrissage de l'investissement autoroutier, avec des perspectives très sombres pour la réalisation de nouvelles liaisons.

3. L'investissement ferroviaire

a) Une légère augmentation des subventions publiques

Le montant des subventions publiques pour les investissements du secteur ferroviaire s'élève à 6,3 milliards de francs, alors que l'ensemble des dotations au secteur sont dix fois plus élevées, soit de l'ordre de 65 milliards de francs environ.

Les subventions publiques couvrent un tiers des investissements de RFF et de la SNCF, le reste étant financé sur les " ressources propres " de ces établissements.

Le programme d'investissement ferroviaire 1999-2001

en millions de francs courants

1999

2000 (e)

2001 (e)

SNCF

dont ressources propres

dont subventions publiques

6 578

4 529

2 049

7 963

5 900

2 063

9 176

6 300

2 876

RFF

dont ressources propres

dont subventions publiques

10 405

8 452

1 953

11 075

8 095

2 980

10 391

6 886

3 505

Ensemble SNCF + RFF

dont ressources propres

dont subventions publiques

16 983

12 981

4 002

19 038

13 995

5 043

19 567

13 183

6 381

Source : METL

Globalement, la part des investissements du secteur ferroviaire financée par des subventions publiques devrait augmenter au cours des prochaines années, compte tenu des nouvelles règles de financement des projets d'infrastructures introduites lors de la réforme ferroviaire de 1997 (article 4 du décret n°97-444 du 5 mai 1999 relatif aux missions et aux statuts de RFF 5 ( * ) ), de la montée en puissance des contrats de plan Etat-région conclus pour la période 2000-2006 et des modalités de financement du TGV Est-européen.

On observe ainsi, dans les prévisions pour 2001, un léger accroissement de l'investissement de RFF+ SNCF (de 19 milliards de francs à 19,5 milliards de francs) au prix d'une progression plus importante des subventions publiques (de 5 milliards de francs à 6,3 milliards de francs), ceci afin de compenser la diminution de la part des ressources propres de RFF.

Dans ces conditions, il faut souligner que même une hausse significative des subventions publiques ne signifierait pas un programme d'investissements fortement accru.

On peut par ailleurs observer que les dotations en capital versées chaque année à RFF simplement pour stabiliser la dette liée aux investissements et au fonctionnement des services ferroviaires avant 1997, sont de 12 milliards de francs par an, c'est-à-dire trois fois plus élevés que les contributions aux investissements futurs.

b) Mais des investissements en forte baisse

Source : direction des transports terrestres

En 10 ans, de 1991 à 2001, financements SNCF et RFF confondus, les investissements ferroviaires auront chuté de 17,6 à 10 milliards de francs.

L'examen des budgets d'investissement de la SNCF et de RFF d'ici à 2002 traduit bien le désengagement de l'Etat en ce domaine.

Les programmes détaillés de la SNCF et de RFF sont les suivants.

Le programme d'investissements de la SNCF

Millions de

1999 (résultats)

2000 (budget)

2001 (propositions SNCF°

francs courants

total des paiements

dont financement SNCF

total des paiements

dont financement SNCF

total des paiements

dont financement SNCF

réseau principal

5.178

3.379

6.377

4.713

7.867

5.583

Ile de France

1.400

1.150

1.586

1.187

1.842

1.250

ensemble

6.578

4.529

7.963

5.900

9.709

6.833

D'après ce tableau, le programme d'investissements de la SNCF augmente. Mais il faut prendre garde à plusieurs éléments. Seule l'année 1999 donne des résultats, l'année 2000 ne représente que des prévisions et l'année 2001 est encore plus incertaine puisqu'il s'agit seulement des propositions de la SNCF .

Il est ainsi précisé que le comité des investissements économiques et sociaux (CIES) a décidé de limiter le volume des investissements sur ressources propres de l'entreprise à 6,3 milliards de francs (contre 6,83 demandés). Pour une période pluriannuelle donnée, le niveau des investissements financés par la SNCF sur ses ressources propres ne doit pas excéder la capacité d'autofinancement de l'entreprise, de façon à ne pas accroître son endettement.

De fait, le ministère précise que le budget d'investissement 2000 de la SNCF s'inscrit dans la continuité des exercices précédents et le budget d'investissement 2001 de la SNCF sera consacré essentiellement à la poursuite d'opérations engagées les années précédentes.

Les projets nouveaux sont restreints. Il s'agit de la commande nouvelle de locomotives diesel, destinées à renouveler le parc actuel de locomotives de l'activité fret et la généralisation des aménagements des rames " trains rapides nationaux ".

Programme d'investissement de RFF

1998 (réalisation)

1999 (réalisation)

2000 (budget prévisionnel)

2001 (e)

total

réseau principal

banlieue parisienne

total

réseau principal

banlieue parisienne

total

réseau principal

banlieue

total

régénération

4 235

3 961

274

4 224

3 904

320

4 320

3 961

359

4 270

sécurité

256

193

63

166

122

44

242

166

76

614

mise aux normes

494

387

107

412

344

68

477

393

84

649

développement réseau TGV

5 229

5 229

0

4 069

4 069

0

4 452

4 452

0

3 433

développement réseau classique (CPER)

1 770

886

884

1 234

832

402

1 333

1 095

238

1 175

opérations pour tiers

187

187

0

300

300

0

250

250

0

250

total

12 171

10 843

1 328

10 405

9 571

834

11 074

10 317

787

10 391

dont subventions

2 054

1 953

2 979

3 505

dont fonds propres RFF

10 117

8 452

8 095

6 886

Pour 2001, les investissements de RFF s'élèveraient à 10,4 milliards de francs, contre 11,1 milliards en 2000 (-7,6 %).

Pour 2002, les investissements de RFF devraient atteindre 12,1 milliards de francs, dont 6,7 milliards de francs sur fonds propres et 5,5 milliards de francs sous forme de subventions publiques. En 1997, les investissements s'élevaient à 13,3 milliards de francs, dont 11,1 milliards de francs sur fonds propres. En cinq ans, les investissements de RFF auront chuté de 9 %.

Le programme d'investissement de RFF concerne d'abord la politique de régénération, et l'adaptation du réseau à l'évolution des normes et obligations en matière de sécurité, d'environnement, etc... pour un total d'environ 5 milliards de francs, en relative stabilité sur la période 1998-2000, soit près de la moitié du programme d'investissement.

Le développement du réseau classique et du réseau principal constituent l'autre moitié du programme d'investissement.

S'agissant des projets de lignes nouvelles à grande vitesse, les prochaines années verront notamment l'achèvement du TGV Méditerranée (en 2001) et la réalisation des travaux de la première phase du TGV est-européen, représentant un investissement de 20,5 milliards de francs.

En ce qui concerne la modernisation du réseau classique, un important programme d'investissements, représentant un montant total d'environ 25 milliards de francs, a été programmé dans le cadre des contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006. Le ministère indique que " la mise en oeuvre de ce programme sera une des priorités de RFF au cours des prochaines années ".

Mais le programme d'investissement ferroviaire à 10 ans, tel qu'il a été annoncé en février 1999 par le gouvernement, est encore plus ambitieux.

Programme d'investissements ferroviaires à 10 ans

Nature des investissements

Par an, en moyenne (en milliards de francs)

Sur dix ans (en milliards de francs)

Régénération du réseau

de 4 à 4,5

de 40 à 45

Modernisation du réseau classique

de 3 à 3,5

de 30 à 35

Création de lignes à grande vitesse

de 4,5 à 5,5

de 45 à 55

Toute la question est de savoir s'il s'agit de vaines promesses ou d'engagement fermes en faveur de l'investissement ferroviaire.

Les contrats de plan Etat-régions sont mis en oeuvre sur la période 2000-2006 et la priorité à leur accorder doit être immédiate, et non repoussée aux " prochaines années ".

De fait, l'ensemble des engagements donnés par le gouvernement en matière de développement ferroviaire représente plusieurs dizaines de milliards de francs. La faiblesse du programme d'investissement de RFF et l'absence de programmation au delà de 2002 augure mal du respect de ces engagements.

Quoique le gouvernement affirme sur la nécessité de relancer le transport ferroviaire et notamment l'investissement public en sa faveur, notamment pour le fret, il est bien inscrit dans une logique de freinage massif de l'investissement ferroviaire dont la raison fondamentale est le poids considérable de la dette du secteur, soit 253 milliards de francs.

* 5 " RFF ne peut accepter un projet d'investissement sur le réseau ferré national, inscrit à un programme à la demande de l'Etat, d'une collectivité locale ou d'un organisme public local ou national, que s'il fait l'objet de la part des demandeurs d'un concours financier propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d'amortissement de cet investissement. "

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