Rapport d'information n° 42 (2000-2001) de M. Jacques OUDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 octobre 2000

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N° 42

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 octobre 2000

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le financement des infrastructures de transport ,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Transports.

INTRODUCTION

Dans une période de croissance dynamique, comme celle que connaissent actuellement l'Europe et la France, il est indispensable d'accompagner le développement des flux de marchandises et d'échanges, qui est la conséquence normale de la mise en oeuvre d'un vaste espace européen, pôle principal d'une économie mondialisée.

Nier l'augmentation de la demande général de transports conduit à l'engorgement des réseaux de transports et donc au ralentissement économique. Certains axes subissent un tel engorgement qu'il en résulte des nuisances préjudiciables au développement économique futur et à la préservation de l'environnement.

Cependant, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, le financement des investissements de long terme devient problématique pour un Etat qui refuse d'engager une réflexion exhaustive et approfondie dans un domaine de cette importance, et qui refuse de s'endetter davantage sans prendre en compte les capacités de remboursement des différents secteurs, en préférant rejeter les responsabilités financières sur les collectivités locales.

Les politiques actuelles privilégient donc un discours restrictif centré sur l'offre, souvent en s'appuyant sur le respect de l'environnement, sans chercher à répondre aux besoins qui s'expriment. Après avoir supprimé les ambitions fixées par la loi d'aménagement du territoire de 1995 et remplacé les schémas de structures par des schémas de services qui n'ont pas encore été approuvés, le gouvernement n'a pas encore été en mesure de présenter à la représentation nationale une politique globale, cohérente, multimodale, de transports associée à une politique de financement fondée sur des analyses sérieuses et comparant les rentabilités et les possibilités de financement.

L'objet du présent rapport, issu des auditions et travaux menés par un groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport créé au sein de la commission des finances du Sénat 1 ( * ) , est de faire le point sur le financement actuel des infrastructures de transport, en le mettant en rapport avec les objectifs politiques souhaités, et de tracer des pistes pour l'avenir.

Ce rapport ne prétend pas à l'exhaustivité sur un sujet particulièrement vaste, qui a déjà fait l'objet d'un travail très approfondi du Sénat 2 ( * ) , qu'il ne s'agit pas de répéter. Il se concentre donc sur les grandes infrastructures de transports, à l'exclusion des transports urbains et périurbains, qui relèvent d'une logique très spécifique, et traite plus particulièrement de deux modes de transport qui concentrent les efforts des pouvoirs publics, à savoir le mode ferroviaire et le mode routier. Non que les infrastructures aériennes, fluviales ou portuaires soient moins importantes pour le développement économique de la France, mais du fait soit de leur particularité qui les met souvent " hors concurrence " avec les autres modes (le transport aérien), soit de la faiblesse des subventions publiques (les infrastructures portuaires et fluviales), de longs développements sur ces secteurs n'ont pas été possibles dans les délais impartis pour la rédaction de ce rapport.

De même, des éléments d'information détaillés sur la participation financière des régions et des départements aux infrastructures de transports n'étant pas parvenus en temps utile pour figurer dans le rapport, il sera demandé au lecteur de bien vouloir excuser le caractère parfois lacunaire des informations sur la participation, pourtant très forte, des collectivités locales au financement des infrastructures de transport nationales.

Enfin, la participation des institutions européennes à la définition d'une politique des transports de niveau européen faisant actuellement l'objet d'un travail spécifique au sein de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, le présent rapport ne traitera que brièvement des enjeux communautaires.

I. LES CONTRIBUTIONS PUBLIQUES AU FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT SONT DIFFICILES A RETRACER

La clarté et l'exhaustivité des comptes sont à la base de la rigueur de la gestion publique. Les articles 14 et 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 fondent comme principe que chaque citoyen doit pouvoir connaître les comptes publics et que chaque responsable public doit rendre compte de sa gestion. Dans le domaine des transports, ces principes sont loin d'être respectés.

A. LES FINANCEMENTS PUBLICS NE SONT PAS CONSOLIDÉS

1. Les contributions de l'Etat

Les contributions publiques au financement des infrastructures de transports ne peuvent être établies clairement et il semble que tout soit fait pour qu'une telle situation puisse perdurer.

Même le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a du mal à s'y retrouver dans le financement du secteur des transports, et en premier lieu en ce qui concerne l'Etat. Il indique ainsi que " l'effort public est dispersé entre le budget général et plusieurs comptes d'affectation spéciale ".

Selon lui, la section budgétaire des transports et de la mer qui s'élève à 64 milliards de francs en 2000, est un ensemble hétérogène puisqu'elle intègre des crédits dont l'objet premier n'est pas relatif au secteur des transports pour 8 milliards de francs environ : dépenses d'administration générale de la mer, soutien à la construction aéronautique, à l'établissement public Météo France, au régime social des marins (ENIM)... D'autres crédits sont destinés au fonctionnement du secteur.

Ainsi, la part du budget des transports revenant " spécifiquement " aux infrastructures avoisine 21 milliards de francs dont l'essentiel va à Réseau Ferré de France, RFF (13 milliards) et au réseau routier (7 milliards).

Part du budget des transports revenant aux infrastructures

Entretien routes nationales (y.c. circulation routière)

3.591

Développement routes nationales (y.c. circulation routière)

3.157

Subvention infrastructure ferroviaire (TTC)

13.315

Subvention aviation civile

210

Entretien infrastructures portuaires

440

Investissement infrastructures portuaires

245

Total LFI 2000

20 958

(en millions de francs)

Le ministère des finances comptabilise aussi les personnels affectés aux infrastructures pour 3 milliards de francs. Enfin, les comptes d'affectation spéciale et budgets annexes sont consacrés à des investissements d'infrastructures pour 5,3 milliards de francs 3 ( * ) et l'Etat verse chaque année 12 milliards de francs à RFF.

Au total, l'effort de l'Etat en matière d'infrastructures de transport pourrait donc être évalué à 41,2 milliards de francs en 2000. On remarquera que plus de 60 % de cet effort est destiné au secteur ferroviaire, environ 25 % aux routes et que les autres secteurs ne bénéficient que de moyens résiduels.

Contributions de l'Etat au financement des infrastructures

budget transports et mer

budget services communs

autres (CST, budgets annexes)

routes

6.700

3.000

-

transports terrestres

13.300

-

12.000

ports maritimes

685

-

-

5.300

aviation civile

210

-

-

total

20.895

3.000

17.300

Total général

41.195

(en millions de francs)

Ce tableau montre bien l'éparpillement des moyens en faveur des transports. Il apparaît inacceptable que des informations claires et fiables ne puissent être fournies au Parlement dans le cadre de la discussion budgétaire.

2. L'ensemble des contributions publiques aux infrastructures de transport

L'Etat n'est pas le seul contributeur public au financement des infrastructures de transport.

Ainsi, 2,23 milliards de francs de taxes sont directement affectées aux établissements publics nationaux (aéroports, ports, voies navigables de France - VNF) et l'effort des collectivités locales est estimé par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à 6,7 milliards de francs.

Taxes directement affectées aux établissements publics nationaux 4 ( * )

Taxe d'aéroports perçue par les gestionnaires d'aéroports

1.400

Taxe passagers versée aux ports

300

Taxe hydraulique perçue par VNF

527

TOTAL

2.227

(en millions de francs)

Par ailleurs, les dépenses des collectivités locales se décomposent comme suit :

Ferroviaire

800

Ports autonomes et d'intérêt national

600

Voies navigables

200

Concessions aéroportuaires

80

Routes

5 000

TOTAL

6 680

(en millions de francs)

Ainsi, si l'effort d'investissement de l'Etat va essentiellement au secteur ferroviaire, celui des collectivités locales est très orienté vers l'investissement routier. L'effort d'investissement total sur le réseau routier national aura ainsi représenté en 1999, 24,5 milliards de francs, dont 9,7 milliards de francs de contributions publiques sur le réseau non concédé (4,7 milliards de francs pour l'Etat et 5 milliards de francs pour les collectivités locales) et 14,7 milliards de francs d'investissement sur le réseau concédé. Dans le même temps, les crédits à l'entretien auront représenté seulement 7,9 milliards de francs.

Au total, les fonds publics concernant l'entretien, l'exploitation et le développement des infrastructures de transport sont donc estimés à 50 milliards de francs par an.

Ensemble des contributions publiques pour les infrastructures de transport

contributions de l'Etat au financement des infrastructures (développement et entretien)

41.195

ressources affectées

2.227

effort des collectivités locales

6.680

TOTAL

50.102

(en millions de francs)

Les chiffres des subventions publiques n'ont toutefois pas grand sens si on ne les rapporte pas au tableau global des investissements en infrastructures de transport.

3. Les dépenses totales en infrastructures de transport

Il faut reconnaître une certaine méconnaissance statistique concernant le volume total de dépenses annuelles en infrastructures de transport.

Selon la commission des comptes des transports, les dépenses en infrastructures de transports se sont élevées à 82 milliards de francs en 1998 , dont 54,6 milliards de francs pour la route, 12,5 milliards de francs pour le rail, 7,7 milliards de francs pour les transports collectifs urbains et 7,1 milliards de francs pour le reste (ports maritimes, aéroports, voies navigables).

Les dépenses en infrastructures de transport (en milliards de francs )

1980

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

réseau routier

23,8

28,1

30,6

34

36,1

44

46,3

48,9

52

55

55,9

57,3

56,1

59,5

58,6

54,6

non concédé

18,7

23,8

25,8

28,7

29,6

35,7

37,1

38,9

40,9

44

43,8

43,2

39,6

40

40,1

39,6

coll locales

11,7

16,2

18,1

20,5

21,6

25,6

26,4

27,3

29,6

31,9

30,1

31,1

29

27,1

27,7

29,3

Etat

7

7,6

7,7

8,2

8

10,1

10,7

11,6

11,3

12,1

13,7

12,1

10,6

12,9

12,4

10,3

autoroutes concédées

5,1

4,3

4,8

5,4

6,5

8,3

9,2

10,1

11,1

11

12,1

14,1

16,5

19,5

18,5

15

réseau ferroviaire

6,7

7,7

8,1

10,1

9,7

9

9,5

15,2

19,2

18,3

13,5

9,9

9,9

12,1

13,3

12,5

grande vitesse

1,2

0,2

0,9

2,2

2,8

2,8

2,5

6,6

9,7

8,5

4,6

2,4

1,8

4

6

5,2

classique

1,4

2,7

2,4

3,2

2,8

2,9

3,8

5,3

6,1

6,4

5,9

4,9

5,1

3,8

3,7

3,3

gros entretien

4,1

4,8

4,8

4,7

4,1

3,3

3,2

3,3

3,4

3,4

3

2,5

3,1

4,3

3,6

4

TCU

4,3

5,7

8,1

6,1

5,7

5,6

4,7

5,4

6,9

8,1

10,4

9,9

10

8,7

8,1

7,7

TCU province

1,9

3,4

6

3,7

3,1

3,3

2,5

2,4

2,8

2,9

3,1

3,2

2,9

2,6

2,7

2,8

RATP

1,6

1,6

1,5

1,4

1,6

1,5

1,6

2

2,3

2,7

3,9

3,5

3,8

3,2

3,1

2,7

banlieue

0,8

0,7

0,6

1

1

0,8

0,6

1

1,8

2,5

3,5

3,2

3,3

2,9

2,4

2,1

Ports maritimes

1,3

0,9

0,9

1

0,8

1,1

1,3

1,7

1,8

1,4

1,5

1,7

1,5

1,3

1,2

1,2

subventions

0,5

0,3

0,4

0,3

0,4

0,3

0,4

0,5

0,7

0,5

0,6

0,7

0,5

0,4

0,4

0,4

emprunts

0,5

0,3

0,3

0,3

0,3

0,4

0,3

0,2

0,2

0,3

0,3

0,4

0,3

0,3

0,1

0

fonds propres

0,3

0,3

0,2

0,3

0,2

0,3

0,6

0,9

0,9

0,6

0,6

0,7

0,8

0,6

0,7

0,8

aéroports

1

0,9

1

1,3

1,6

1,9

2

3

3,7

4,8

3,4

3,4

3,9

4,1

4,3

4,9

Etat

0,3

0,4

0,3

0,4

0,4

0,4

0,5

0,7

1

1

1,2

1,2

1,2

1,3

1,1

1,3

aéroports

0,7

0,5

0,7

0,9

1,3

1,5

1,5

2,3

2,7

3,8

2,2

2,3

2,6

2,8

3,2

3,6

voies navigables

0,3

0,3

0,3

0,6

0,5

0,5

0,5

0,6

0,7

0,7

0,6

0,9

1,1

0,9

0,8

1

ensemble

37,4

43,6

49

53,1

54,5

62,1

64,4

74,8

84,4

88,4

85,3

83,1

82,6

86,7

86,4

81,9

Source : 36ème rapport de la commission des comptes des transports de la Nation.

Ces chiffres ne peuvent toutefois être mis en parallèle avec ceux du ministère des finances, tant les écarts de méthode sont importants. En effet, pour 1998, concernant le secteur ferroviaire, le chiffre retenu ne prend en compte que les investissements nouveaux et non les moyens financiers accordés au propriétaire de l'infrastructure, RFF, qui ont également pour objet de financer, a posteriori, des investissements ferroviaires.

Par ailleurs, en annexe au compte satellite des transports en 1992 et 1996, publié par la direction des affaires économiques et internationales du ministère de l'équipement, des transports et du logement en décembre 1999, figurent deux tableaux différents, qui font apparaître, hors transports collectifs urbains, lorsque l'on ne retient que les chiffres de la rubrique " infrastructures ", une dépense courante de 131,3 milliards de francs en infrastructures de transports en 1996 ou une dépense brute en capital de 93 milliards de francs.

Dépense courante en 1996 (tous modes confondus) y.c TVA en milliards de francs

Dépenses d'infrastructure

ménages

entreprises

administrations

total

Routes

21,0

11,3

82,2

114,5

Fer

0

0

14,9

14,9

Aérien

0

0

0,3

0,3

Maritime

0

0

0,5

0,5

Fluvial

0

0

1,1

1,1

Total

21,0

11,3

99

131,3

Transports collectifs urbains (voyageurs et infrastructures)

20,3

19,2

9,0

48,5

Source : compte satellite des transports - décembre 1999- tableau A1.1, p 49.

L'évaluation en terme de dépense courante est sensiblement différente de celle de la dépense brute en capital telle qu'elle figure dans le même document.

Dépense brute en capital en 1996 y.c TVA en milliards de francs

Dépenses d'infrastructure

ménages

entreprises

administrations

total

Routes

0

20,1

41,9

62,0

Fer

0

10,3

4,1

14,5

Aérien

0

8,4

2,1

10,5

Maritime

0

4,9

0,7

5,6

Fluvial

0

0,4

0,2

0,6

Total

0

44,1

49

93,1

Transports collectifs urbains (voyageurs et infrastructures)

0

11,4

4,2

15,6

Source : compte satellite des transports - décembre 1999- tableau A1.2, p 51.

Ainsi, l'évaluation des dépenses totales en infrastructures de transport varie selon les documents et les méthodes retenues, entre 80 milliards de francs et 130 milliards de francs , à comparer aux 50 milliards de subventions publiques annuellement allouées aux infrastructures.

Ces différences de présentation sont surprenantes et on peut légitimement s'étonner de l'absence de chiffre fiable et unique concernant l'investissement en infrastructures de transport.

Force est de constater que, d'une manière générale, il est très difficile de faire le bilan des financements publics et privés allant aux différents secteurs de transport, dans la mesure où ce bilan dépend largement de la méthodologie utilisée. Le lien entre fiscalité, subvention, et investissement est dès lors presque impossible à faire.

4. Des dépenses de fonctionnement représentent une part importante des subventions publiques

Comme cela a été vu, les dépenses publiques en faveur de l'investissement en infrastructures de transport peuvent être évaluées globalement à 50 milliards de francs par an, sans que l'on puisse connaître précisément le montant annuel de la dépense en infrastructures de transport. Mais les subventions publiques en faveur du fonctionnement du secteur des transports sont considérablement plus élevées.

Ainsi, le budget des transports terrestres, qui représente 50 milliards de francs est constitué pour 47,4 milliards de francs de dépenses d'intervention, versées pour l'essentiel à la SNCF, soit près de 95 % des crédits. Le budget des services communs, qui s'élève à 27 milliards de francs pour 2001 représente à 95 % le budget de personnel et de fonctionnement des directions départementales de l'équipement, qui se consacrent notamment à l'entretien du réseau routier et des voies navigables.

Il faut cependant noter, comme le souligne le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en réponse au questionnaire qui lui a été adressé, que les services du ministère de l'équipement affectés aux différents métiers de gestion d'infrastructure exercés directement par l'Etat (en matière de routes ou de voies navigables) ne font pas l'objet d'une identification budgétaire au sein des services communs de l'équipement, alors qu'ils en représentent plus de la moitié des effectifs.

Une évaluation non budgétaire reposant sur la comptabilité analytique du ministère est désormais présentée dans le bleu en ce qui concerne les missions relatives à la voirie routière de l'Etat. Elle fait état des coûts suivants portés par la section services communs du ministère des transports :

Personnel affecté au développement de l'infrastructure routière de l'Etat

1 100 MF

Personnel affecté à l'entretien routier :

1 900 MF

Il n'a pas été possible de disposer des mêmes informations pour ce qui concerne les domaines fluvial et ferroviaire.

De fait, sans pouvoir procéder à une évaluation consolidée des dépenses de fonctionnement en faveur des différents modes de transport, force est de constater que si le budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement est le premier budget d'investissement civil de l'Etat, il connaît, comme tous les budgets ministériels, un écart flagrant entre ses dépenses de fonctionnement et d'intervention et ses dépenses d'investissements . Sur 57,2 milliards de francs de crédits de paiement demandés pour 2001 au titre de la section " transports " du budget de l'équipement, des transports et du logement, moins de 10 milliards de francs sont directement destinés à des investissements. Et encore ce budget ne retrace-t-il pas les moyens en personnel de l'Etat affectés à tous les modes de transport.

B. IL N'Y A PAS DE BILAN COÛTS/CONTRIBUTIONS POUR CHAQUE INFRASTRUCTURE

Aucune politique générale des transports ne saurait être élaborée, tant en France qu'en Europe, si les pouvoirs publics ne disposent pas d'une appréciation aussi exacte que possible des bilans coûts/contributions et des ratios de rentabilité des différents modes de transport. Or, dans ce domaine, force est de constater une autre carence étonnante et critiquable.

1. La fiscalité générée par les différents modes de transport

Pour connaître réellement l'effort de la collectivité nationale en faveur des transports, il faut mettre en regard les subventions publiques ou avantages fiscaux accordés avec les différentes ponctions financières effectuées au profit ou au détriment de chaque secteur.

Or, s'agissant des contributions financières de chaque secteur de transport, les chiffres sont encore plus imprécis que s'agissant de la dépense publique .

Le dernier compte satellite des transports estime, pour 1996, à 320 milliards de francs la fiscalité générée par le secteur des transports.

Fiscalité générée par chaque mode de transport en 1996 (en milliards de francs)

TVA

Autres taxes

Total

Route

108,3

195,1

303,4

Fer

1,6

3,2

4,8

TCU

2,4

2,2

4,6

Aérien

1,5

3,2

4,7

Maritime

0,4

0,6

1,0

Fluvial

0,2

0,1

0,3

Total

114,5

204,3

318,8

Source : compte satellite des transports

Mais d'après le 36ème rapport de la commission des comptes des transports de la Nation (septembre 1999), les recettes spécifiques des administrations liées à l'activité des transports se sont élevées seulement à 205 milliards de francs en 1998, dont 182 milliards de francs pour la fiscalité et 23 milliards de francs au titre du versement transport.

Evolution des recettes des administrations publiques liées à l'activité transport (en milliards de francs courants)

1995

1996

1997

1998

routes

32,6

34,8

31,7

32,6

voies navigables

0,6

0,6

0,6

0,6

aviation civile

5,4

5,4

5,6

5,8

TIPP

133,0

137,5

140,0

143,0

total

171,6

178,3

177,9

182,0

versement transport

18,9

20,6

21,4

22,7

ensemble

190,5

198,9

199,3

204,7

Source : les comptes des transports en 1998 - septembre 1999- tableau 8.2

L'écart entre les chiffres avancés (entre 200 et 320 milliards de francs de recettes liées à la fiscalité) tient essentiellement à la prise en compte ou non de la TVA non déductible, supportée à 95 % par la route. Mais d'autres contradictions existent entre les tableaux de financement, notamment sur le montant de certaines taxes (ex : la taxe sur les assurances).

A titre d'exemple, l'instruction relative aux méthodes d'évaluation des routes en rase campagne fait la liste des recettes fiscales pouvant être considérées comme les recettes résultant de la construction d'une route. Il s'agit de la fiscalité spécifique des carburants (TIPP), de la TVA perçue sur les agents qui ne la récupèrent pas, des impôts et taxes payés à l'Etat et aux collectivités territoriales par les opérateurs du réseau concédé. Ce bilan est tempéré par les variations de recettes fiscales des autres opérateurs de transport, corrigées des compensations tarifaires éventuelles.

Il n'y a donc pas de règles précises pour déterminer la fiscalité générée par chaque mode de transport, ce qui permet d'entretenir sans fin des débats tels que " la route paye-t-elle ses coûts ? ". Il ressort néanmoins avec évidence que la route est le contributeur final majoritaire dans le domaine des transports.

2. Quel bilan coût/contributions peut-on en tirer ?

Il n'y a donc pas de règle conventionnelle pour connaître exactement la contribution publique de chaque mode.

Cependant, tous les tableaux font apparaître que les contributions publiques sont essentiellement supportées par la route . En effet, les impôts et taxes acquittés par le secteur ferroviaire sont modestes. Ils se sont élevés seulement à 4 milliards de francs pour la SNCF en 1999.

Fiscalité générée par le transport routier (en milliards de francs et en %)

1992

1996

92/96 en %

TIPP

103,7

133,8

29,1

Taxes sur les assurances

16,5

19,6

18,8

Fiscalité spécifique

23,2

25,4

9,3

Impôts liés à la production

12,6

16,3

29,8

TVA

91,3

108,3

18,6

Total

247,2

303,4

22,7

Source : compte satellite des transports

La fiscalité générée par le transport ferroviaire n'a aucune commune mesure avec la fiscalité générée par le transport routier.

Fiscalité générée par le transport ferroviaire (en milliards de francs et en %)

1992

1996

évolution

impôt sur les produits

1,8

1,7

-5,4

TVA non déductible

1,4

1,3

-8,0

TVA sur les subventions

0,3

0,4

6,3

autres impôts sur les produits

0,1

0,1

-9,2

impôts sur la production

1,7

3,1

84,3

total fiscalité générée

3,5

4,8

38,3

Source : compte satellite des transports

D'après les informations statistiques, il apparaît donc que le secteur routier contribue davantage à la collectivité publique qu'il ne lui coûte financièrement. L'inverse se produit pour le secteur ferroviaire : le bilan est nettement en faveur des contributions publiques. Ces indications sont d'ailleurs confirmées par les tableaux figurant la part de l'usager dans le financement des infrastructures.

Dans cette analyse, il faut toutefois clairement distinguer le bilan strictement financier (quelles sont les ressources tirées de chaque mode de transport par rapport aux subventions qu'il reçoit ?) et le bilan dit socio-économique (quelles sont les avantages ou inconvénients de tel mode de transport pour la collectivité publique ?). Il va de soit qu'un mode de transport dont la rentabilité financière est négative peut justifier pleinement les subventions de l'Etat à partir du moment où sa rentabilité socio-économique est positive.

La différence entre l'évaluation socio-économique et l'évaluation financière

" L'évaluation économique, complétée, le cas échéant, par d'autres éléments, a pour objectif d'apprécier l'intérêt d'un projet routier pour la collectivité. Par contre l'évaluation financière, lorsqu'elle a un sens, c'est-à-dire dans le cas d'une concession, ne saurait constituer la base du choix d'un ouvrage public ; elle précise les conditions de faisabilité du projet sous forme de concession. "

(circulaire n°98-99 du 20 octobre 1998 relative aux méthodes d'évaluation économique des investissements routiers en rase campagne).

C'est bien sur le terrain de la rentabilité socio-économique que peuvent apparaître des débats sur le financement prioritaire du secteur routier ou ferroviaire, non sur le terrain strictement financier où le bilan pour la route est clairement positif et le bilan pour le rail clairement négatif .

L'insuffisance manifeste des bilans coûts/contributions confirme à l'évidence que les pouvoirs publics ont une lourde responsabilité dans la sous-information de la représentation nationale, des collectivités locales et des citoyens.

C. LES RÈGLES DE TARIFICATION SONT MAL DÉFINIES OU INEXISTANTES

1. Le recours au péage est encore limité

Les mécanismes de financement par péages ou redevances sont centraux dans l'économie des transports. Ils déterminent en effet la part de l'usager dans le financement de l'infrastructure par rapport à celle du contribuable.

Cependant, l'application pratique du péage est encore très limitée, sauf pour la route et l'aérien.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie fait preuve d'un optimisme forcené en indiquant : " les péages et redevances tendent à devenir le mode normal de prise en charge par l'usager des coûts d'infrastructures de transport. ". En effet, tous les chiffres montrent que le recours aux péages et redevances est encore très limité et inégal.

Il est vrai que les péages tendent globalement à augmenter : ils sont passés de 44 milliards de francs en 1997 à 54 milliards de francs en 2000. Cependant, l'augmentation concerne surtout les péages autoroutiers (de 26 à 32 milliards de francs) et dans une moindre mesure les péages ferroviaires (de 6 à 9,8 milliards de francs).

L'évolution des péages d'infrastructures

(en millions de francs)

Péages, redevances de trafic, droits de ports

1997

1998

1999

2000

(rémunérations pour services rendus hors domanial et divers)

Péages autoroutiers

26.907

29.102

30.595

32.400

Péages ferroviaires (perçus par RFF)

6.000

6.105

9.595

9.895

Redevances aériennes

9.676

9.974

9.845

9.620

Dont redevances de contrôle aérien (versées au BAAC)

5.736

5.880

6.023

6.204

Dont redevances aéroportuaires

3.940

4.094

3.822

3.416

Péages fluviaux (perçus par VNF)

58

60

63

66

Péages portuaires (droits de port)

1.713

1.801

1.855

1.911

TOTAL

44.354

47.042

51.953

53.892

(source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie)

Mais ces chiffres n'ont qu'une signification très limitée, car le péage reste encore un modèle d'exception pour la plupart des modes de transport, à l'exception des autoroutes concédées, alors même que toutes les réflexions menées dans le cadre européen préconisent le développement du péage.

Si la part de l'usager dans le financement des autoroutes concédées atteint 92 %, elle descend à 76 % pour le contrôle aérien, 63 % pour les aéroports, et 56 % pour les ports. Elle est très réduite pour le transport ferroviaire (25 %) et les voies navigables (9 %) et nulle pour les routes nationales.

Effort de l'usager dans le financement des infrastructures

(en millions de francs)

Etat

Fiscalité affectée

Collectivités locales

dette du gestionnaire

Effort de l'usager

Total

part de l'usager

Autoroutes concédées

3.000

32.400

35.400

92 %

Routes nationales

9.748

1.527

5.000

16.275

0 %

Total

9.748

1.527

5.000

3.000

32.400

51.675

63 %

Réseau ferré national

25.315

2.308

800

2.000

9.895

40.318

25 %

Contrôle aérien

210

1.258

500

6.204

8.172

76 %

Aéroports

1.656

80

300

3.416

5.452

63 %

Voies navigables

500

200

66

766

9 %

Ports

683

298

600

-100

1.911

3.392

56 %

(source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie)

Ces chiffres montrent bien que les autoroutes sont financées presque exclusivement par les usagers et non par les contribuables. Les aéroports et les ports sont également majoritairement financés par l'usager. En revanche, c'est essentiellement le contribuable national ou local (particulièrement dans le cas des routes nationales) qui finance le réseau ferré, les routes nationales, et les voies navigables.

La tarification au coût complet a été mise en oeuvre pour les infrastructures les plus rentables, à savoir les autoroutes et le transport aérien.

En revanche, les péages des voies navigables et des ports sont fixés à un niveau relativement bas. Le niveau des péages versés à l'établissement public VNF ne couvre pas le coût marginal d'exploitation.

Lorsqu'elles existent, les modalités de tarification des infrastructures ont, de toute manière, un caractère fantaisiste, en l'absence de critères objectifs d'évaluation des péages d'infrastructure.

2. Le cas des péages ferroviaires

a) Des péages en progression

Les péages du secteur ferroviaire sont emblématiques de l'absence totale de critères de tarification des infrastructures.

La SNCF paye à RFF une redevance d'utilisation de l'infrastructure ferroviaire.

De 1997 à 1998, le montant des redevances d'utilisation de l'infrastructures versées par la SNCF à RFF a été plafonné par le décret n° 97-446 du 5 mai 1997 à 5,85 milliards de francs puis à 6 milliards de francs, à volume constant et consistance du réseau inchangé.

Pour 1999, le barème des redevances a été sensiblement revalorisé, pour atteindre 9,8 milliards de francs. Les barèmes des redevances d'infrastructures versées par la SNCF à RFF ont été relevés par l'arrêté du 8 juillet 1999. Compte tenu du volume de circulation prévu par la SNCF en 1999, le nouveau barème a conduit à un montant prévisionnel de redevances de 9.870 millions de francs (+ 61,7 %) contre 6.105 millions de francs en 1998 et 5.908 millions de francs en 1997. Pour 2000-2001, le barème devrait rester inchangé, mais les redevances progresseraient grâce au trafic.

Les péages versés par la SNCF à RFF (en millions de francs)

1997

1998

1999

2000 (e)

redevances d'infrastructures

5.908

6.105

9.856

10.138

facturations complémentaires

100

103

106

107

total

6.008

6.208

9.962

10.245

Source : ministère de l'équipement, des transports et du logement

b) Des péages limités par la capacité contributive de la SNCF

Malgré leur progression ces trois dernières années, les redevances sont limitées en France par la capacité contributive de la SNCF. Le ministère des finances reconnaît lui-même que " en pratique, sur les 9,9 milliards de francs de péages ferroviaires, 2,8 milliards de francs sont pris en charge par des concours publics . ". Le paiement des redevances est biaisé puisque qu'une partie de ce qui est versé est pris en charge par l'Etat, ce qui revient à faire transiter par la SNCF une subvention de l'Etat à RFF.

Le ministère de l'équipement, des transports et du logement faisait savoir l'an dernier que " l'Etat s'est engagé à garantir à la SNCF des concours supplémentaires pour l'aider à faire face à ces augmentations sans compromettre son équilibre ".

Faute de précisions sur cette compensation, on pouvait s'interroger sur la réalité de la compensation et sa nature. En réponse au questionnaire sur son budget pour 2001, le ministère de l'équipement, des transports et du logement a bien voulu détailler le montant de la compensation.

La hausse des redevances d'infrastructure fait en effet l'objet de compensations à la SNCF. En 1999, la hausse de redevances s'est élevée à 3,75 milliards de francs, résultant pour 3,5 milliards de francs de la revalorisation du barème et pour 200 millions de francs de l'évolution des trafics.

Au total, la compensation a représenté 3,158 milliards de francs, ce qui a laissé à la charge de la SNCF un coût net de 600 millions de francs, dont 400 millions de francs pour la revalorisation du barème et 200 millions de francs pour la hausse des trafics.

Mesure de compensation à la SNCF de la hausse des redevances à RFF
(en millions de francs)

Montant

Rémunération versée par RFF à la SNCF

600

Augmentation de la contribution de l'Etat à la SNCF au titre des services régionaux de voyageurs (hors régions expérimentatrices)

958

Transfert de dette au service annexe d'amortissement de la dette et transfert de taux par la création d'une franchise de soulte entre la SNCF et le SAAD

800

compensation transitoire de la hausse des redevances

800

TOTAL

3.158

Dans le document de la direction du contrôle de gestion de la SNCF intitulé démarche prévisionnelle pour 2000, un tableau détaille, page 46, " le changement de présentation du compte prévisionnel 1999 (...) pour l'aligner sur la structure comptable de l'exercice 1998 et prendre en considération l'incidence des compléments de péages d'infrastructures décidés en février 1999. " En effet, à la ligne versements de l'Etat et des collectivités publiques, il est noté " contributions aux péages : + 800 millions de francs sur les grandes lignes, + 200 millions de francs sur TER ". Les versements publics à la SNCF passent donc de 8,6 milliards de francs à 9,6 milliards de francs. De fait, les compléments de péages représentant 1,6 milliards de francs pour les grandes lignes et 200 millions de francs pour les TER, les augmentations auront été compensées pour moitié sur les grandes lignes et intégralement pour les TER.

Aujourd'hui, le niveau des péages versés par la SNCF à RFF est inférieur au coût marginal social. " La tarification devra évoluer " selon les termes du ministère de l'économie et des finances. Mais toute évolution se heurte aux contraintes du seul opérateur français, la SNCF.

Dans les annales de la direction de la stratégie 1999 de la SNCF, ceci est dit sans ambiguïté : " on a manifestement atteint un niveau au-delà duquel serait remis en cause l'équilibre de la politique de volume mise en oeuvre par la SNCF et encouragée par le gouvernement pour conquérir de nouvelles clientèles ". Ou encore " l'activité fret, avec un résultat prévisionnel négatif de l'ordre de 300 millions de francs en 2000 ne peut évidemment supporter aucune hausse de ses redevances ". Concernant la ligne nouvelle Est, la SNCF suggère même d'ajuster les barèmes généraux de péages " en fonction de la variation de capacité contributive de la SNCF ".

Le principe du péage pour l'utilisation des infrastructures de transport est donc reconnu, mais pas appliqué en pratique, sauf lorsqu'il s'agit de faire payer directement l'usager, comme en matière autoroutière. Or, en matière ferroviaire, le péage est acquitté par le seul opérateur public du secteur, qui bénéficie par ailleurs de subventions publiques, et le niveau du péage est fixé par les pouvoirs publics. On obtient ainsi un système que l'on pourrait qualifier de " transparence fictive " où, sous couvert d'opérer une véritable séparation entre propriétaire, gestionnaire et client, se met en place une mécanique complexe dont pratiquement tous les leviers sont en définitive aux mains de l'Etat.

A cet égard, la France ne fait pas exception. La plupart des pays européens n'ont pas réalisé une séparation réelle entre l'utilisateur et le propriétaire de l'infrastructure ferroviaire, un certain nombre de pays s'étant contentés d'une simple séparation comptable. Il y a donc lieu de s'interroger sérieusement sur la capacité des pays européens de " normaliser " le secteur ferroviaire en l'intégrant dans une logique sinon de rentabilité, du moins d'efficacité.

Réformes mises en oeuvre dans l'Union européenne

Etats européens

Séparation comptable

Séparation institutionnelle

Séparation organisationnelle

Séparation totale

Allemagne

X

Autriche

X

Belgique

X

Danemark

X

Espagne

X

Finlande

X

France

X

Grèce

X

Irlande

X

Italie

X

Luxembourg

X

Pays-Bas

X

Portugal

X

Royaume-Uni

X

Suède

X

Source : RFF

On pourra enfin observer que la " transparence fictive " n'est pas l'apanage du mode ferroviaire. Dès lors qu'il existe un opérateur public dans une situation de prédominance, voire d'exclusivité, sur un secteur précis et qu'il est amené à intervenir sur différents aspects de la réglementation de ce secteur, il y a un risque de confusion des genres. A titre d'exemple, on pourra signaler que le commissaire de gouvernement au conseil d'administration d'Air France est également à celui d'Aéroports de Paris : il fixe les tarifs d'utilisation des infrastructures aéroportuaires et doit en même temps promouvoir une ouverture à la concurrence du secteur.

3. Le cas des péages routiers

Contrairement aux péages ferroviaires, qui figurent encore un mode fictif de tarification de l'infrastructure, les péages routiers représentent véritablement un mode de financement de l'infrastructure routière.

a) La politique tarifaire des sociétés concessionnaires d'autoroutes

L'évolution des tarifs de péage est régie par les contrats de plan quinquennaux (1995-1999) passés entre l'Etat et les sociétés d'autoroutes .

La création et le doublement de la taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, pendant la période 1995-1999, a conduit l'Etat à autoriser des hausses tarifaires plus importantes que l'inflation, afin de compenser en partie l'impact de la taxe sur les comptes des sociétés d'autoroutes. En 1999, le tarif des péages a toutefois progressé seulement de 1,2 % en moyenne.

L'évolution des péages à compter de 2000 devra être fixée par les prochains contrats de plan Etat/société (2000-2006), " en fonction de la situation de chaque société concessionnaire, notamment des contraintes financières présentes et futures des sociétés concernées, de leur programme de construction, des bilans tirés des premiers contrats de plan, en particulier en matière de modulation tarifaire, mais également des orientations de la politique suivie en matière de gestion du trafic et d'optimisation du réseau ".

Conséquence du relèvement des tarifs et surtout de l'évolution des trafics, les recettes annuelles de péages se sont élevées à 33.862 millions de francs en 1999, soit une hausse très forte, de 10,2 % par rapport à 1998, après des accroissements déjà très substantiels en 1997 et 1998.

Recettes de péages 1995-1999

1995

1996

1997

1998

1999

en millions de francs courants

24.939

26.491

28.322

30.726

33.862

Evolution en %

+6,5%

+6,2%

+6,9%

+8,5%

+10,2%

Source : METL

Les péages autoroutiers ne sont pas utilisés exclusivement au financement des infrastructures, mais seulement pour moitié. Une part significative sert à acquitter une fiscalité importante, une autre sert aux dépenses d'exploitation.

En 1999, le produit des péages a été utilisé pour 16 % à l'exploitation courante, 22 % aux impôts et taxes et 49 % pour le poste financement-construction, c'est-à-dire le remboursement des emprunts et des frais financiers contractés pour la construction des autoroutes nouvelles et les extensions du réseau existant.

b) L'application de la TVA aux péages autoroutiers

Jusqu'à présent, les péages autoroutiers n'étaient pas soumis à la TVA. Suivant la doctrine administrative, le péage représente " non la contrepartie d'un service rendu à l'usager mais une redevance d'utilisation d'un équipement public dont la construction, qu'elle soit ou non assurée directement par l'Etat, est soumise aux règles de droit public ".

Il en résultait jusqu'à présent un régime de TVA dérogatoire. Depuis l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 12 septembre 2000, la TVA de droit commun s'applique.

L'application de la TVA aux péages autoroutiers

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes ne sont pas soumises au régime de TVA de droit commun mais à un régime spécifique défini par les instructions du 10 mai 1972 et du 7 septembre 1973, lesquelles ont fait l'objet d'une validation législative par l'article 109 de la loi de finances pour 1984 codifié aux articles 266 1.h et 273 ter dans le code général des impôts.

Ce régime est fondé sur le principe que les sociétés concessionnaires agissent en qualité de simples mandataires de l'Etat pour construire l'autoroute et collecter les péages. Elles construisent l'autoroute pour l'Etat et ne récupèrent donc pas la TVA sur les travaux de construction. Par ailleurs, les péages sont réputés perçus pour le compte de l'Etat et ne sont donc pas assujettis à la TVA. Seule la part des recettes servant à couvrir d'autres charges que les charges de construction, c'est-à-dire essentiellement les charges d'exploitation, est assujettie à la TVA.

La TVA n'est donc pas assise sur le chiffre d'affaires des sociétés (la totalité des recettes de péages) mais sur la rémunération du " mandataire " des concessionnaires, c'est-à-dire sur la part des recettes couvrant les seules charges d'exploitation.

Or, la 6ème directive du Conseil du 17 mai 1977 oblige les Etats membres de l'Union européenne à harmoniser leurs systèmes de TVA. Sur son fondement, la commission européenne considère que les péages perçus par les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont la contrepartie d'une prestation de services à titre onéreux rendue aux usagers de l'infrastructure et qu'ils sont par conséquent passibles de la TVA. Elle a demandé à la France d'adapter le régime de TVA des sociétés concessionnaires d'autoroutes en conséquence.

Après une longue période de statu quo, la commission a saisi la Cour de justice des communautés européennes le 30 juillet 1997. L'arrêt de la Cour est intervenu le 12 septembre 2000. L'application du régime de droit commun fait l'objet de l'article premier du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

4. Les péages comme outils de régulation

Les péages sont utilisés comme outil de financement de l'infrastructure mais constituent également un moyen de réguler le trafic ou d'adapter les tarifs aux utilisateurs de l'infrastructure.

Les contrats de plan entre l'Etat et les sociétés d'autoroutes prévoient ainsi une évolution différenciée des tarifs entre véhicules légers et poids lourds . Les poids lourds représentent environ 19 % de l'ensemble du trafic sur les autoroutes, pour environ 30 % des recettes du secteur. En principe pour un même trajet, les tarifs qui leur sont appliqués doivent en effet être 2,3 fois plus importants en moyenne que ceux des véhicules légers (contre 2,15 fois en 1995). En réalité, compte tenu des réductions liées aux abonnements, le rapport est de l'ordre de 1,9.

L'évolution comparée des tarifs montre un décrochage entre les tarifs poids lourds et véhicules légers depuis 1990, sans toutefois former un écart très significatif, alors même que les poids lourds créent des dommages plus importants à l'infrastructure.

Les péages routiers : la réglementation

Conformément à l'article L. 122.4 du code de la voirie routière, les sociétés concessionnaires d'autoroutes peuvent " percevoir des péages afin d'assurer le remboursement des avances et des dépenses de toute nature faites par l'Etat et les collectivités ou établissements publics, l'exploitation et éventuellement l'entretien et l'extension de l'autoroute, la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. "

Le décret n°95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers définit le cadre réglementaire dans lequel interviennent les hausses des tarifs de péage. En particulier, pour toute période couverte par un contrat de plan quinquennal conclu entre l'Etat et les sociétés concessionnaires, ce décret donne compétence aux sociétés concessionnaires pour fixer chaque année les tarifs de péage.

Les règles et les modalités de fixation et d'évolution des tarifs de péages autoroutiers sont inscrites dans les cahiers des charges des sociétés (articles 25 à 28) et dans les contrats de plan quinquennaux conclu entre ces sociétés et l'Etat.

L'article 25.3 du cahier des charges des sociétés prévoit, pour chaque société concessionnaire, qu'elle " s'engage à mettre en oeuvre les modulations spatiales et temporelles de ses tarifs de péages demandés par l'Etat dans le cadre de sa politique générale en matière de régulation des trafics. En outre, la société concessionnaire peut appliquer des taux kilométriques différents selon les trajets et les périodes. Ces modulations doivent trouver leur justification à la fois dans certaines différences de situation appréciables faites aux usagers et dans des considérations d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service public autoroutier. Les objectifs de ces modulations sont précisés dans le contrat de plan . "

Le barème des redevances de l'infrastructure ferroviaire répond également à un souci de régulation. Ainsi, les objectifs de la politique tarifaire sont de couvrir tout ou partie des coûts d'exploitation et d'entretien du réseau, mais également favoriser la meilleure utilisation possible du réseau et contribuer à l'aménagement équilibré des territoires et au développement économique et social.

La tarification est donc fondée sur trois droits (décret n°97-446 du 5 mai 1997) :

- un droit d'accès, en fonction du nombre de kilomètres sur lesquels l'entreprise ferroviaire se propose de circuler chaque mois,

- un droit de circulation, en fonction du nombre de trains-kilomètres,

- un droit de réservation, différent selon les périodes horaires, en fonction aussi du nombre de trains-kilomètres.

Ainsi, les tarifs sont plus élevés pendant les heures de pointes et sur les axes à forte circulation. Le droit d'accès est le plus fort pour les lignes à grande vitesse et à fort trafic, comme le montre le tableau ci-après.

Réseau

Définition

Droit d'accès (F/KM/mois)

Longueur lignes

RO

lignes périurbaines

11.282

766

R1

lignes à grande vitesse à fort trafic

64.400

831

R2a

lignes à grande vitesse à trafic moindre

256

412

R2b

grandes lignes interurbaines

256

4.483

R3

autres lignes

0

25.500

D. LES CALCULS DE RENTABILITÉ FINANCIÈRE NE SONT PAS SATISFAISANTS

1. Des évaluations de qualités diverses

Les projets d'investissements publics sont soumis à l'approbation d'un comité interministériel spécialisé, le comité des investissements à caractère économique et social (CIES).

Cependant, les calculs de rentabilité financière des investissements sont très différents suivant les modes de transports .

Pour simplifier, en matière aérienne, les projets qui sont développés sont financièrement rentables et ne posent pas de difficulté de financement. Ainsi, aéroport de Paris (ADP) dont les investissements représentent 2 à 3 milliards de francs pas an, ne reçoit pas de subventions. Pour les aéroports de province, la capacité d'autofinancement (marge brute) 1998 couvre 73,5 % des investissements de l'année, contre 70 % en 1997 et 76 % en 1996. Le taux moyen des subventions publiques s'établit à 16 % en 1998 contre 17,4 % en 1997.

En matière routière et autoroutière, le ministère chargé des transports produit l'essentiel des expertises, le ministère de l'économie et des finances intervenant ponctuellement. Enfin, en matière ferroviaire, fluviale et portuaire, ce sont les établissements publics en charge des infrastructures qui produisent eux-mêmes les études financières ! Ils sont ainsi juges et parties. Le ministère de l'économie et des finances trouve cette situation " pas très satisfaisante ". Il signale des progrès dans l'analyse interministérielle des projets et un renforcement des compétences de la direction de la prévision.

Le secteur ferroviaire atteint un paroxysme " Les relations financières entre la SNCF et RFF sont largement forfaitisées et il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'analyse fine des coûts de l'infrastructure par section de ligne ferroviaire. "

" La grande difficulté repose dans la correcte évaluation du besoin réel en concours publics dans un contexte où les différents acteurs ont des intérêts largement divergents. Il convient dès lors que l'Etat soit en mesure de développer une capacité d'expertise indépendante, ce qui n'est pas toujours le cas ".

A une question sur les outils d'information dont dispose la direction des transports terrestres du ministère de l'équipement, des transports et du logement, sur le coût des infrastructures et leur rentabilité , celle-ci a répondu que :

1) Les grands projets d'infrastructures ferroviaire font l'objet, au fur et à mesure de leur élaboration, d'évaluations de leur rentabilité économique et socio-économique. Ces évaluations sont réalisées par le maître d'ouvrage (RFF) en liaison avec la SNCF pour les aspects concernant le transporteur (schémas de desserte, besoins en matériel roulant, prévisions de trafic...) ;

2) A chaque fois que cela apparaît nécessaire, les évaluations de coût et de rentabilité font l'objet d'expertises par le ministère de l'équipement, des transports et du logement. Ces expertises sont en règle générale, confiées au conseil général des ponts et chaussées (CGPC) éventuellement associé à l'Inspection générale des finances (IGF). Des expertises de ce type ont eu lieu pour le TGV Méditerranée et pour le TGV Est européen ;

3) La loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI) et ses textes d'application prévoient que les grands projets font l'objet d'évaluations a posteriori . Ces évaluations sont établies par le maître d'ouvrage, puis soumises à l'avis du CGPC. Un bilan économique a posteriori vient ainsi d'être établi pour le TGV Atlantique (en cours d'examen au CGPC) et un bilan similaire devrait être prochainement établi pour le TGV Nord.

Ainsi, les investissements ferroviaires sont essentiellement évalués par les gestionnaires du système (RFF et SNCF) avant de l'être " si nécessaire " par les services du ministère de l'équipement ou des finances . Il est curieux de constater que les évaluations a priori comme a posteriori sont réalisées par le maître d'ouvrage lui-même . Tout ceci résulte évidemment de la concentration de l'expertise, mais se réalise au détriment de l'objectivité. Seule la Cour des comptes est en définitive à même de dénoncer des évaluations de rentabilité hasardeuses, mais encore ne peut-elle le faire que plusieurs années après.

Le secteur routier et autoroutier semble réaliser des efforts méritoires afin de mieux appréhender ses critères de rentabilité et répondre aux critiques dont il a fait l'objet.

Ainsi, le directeur des routes a décidé la création en mars 1999 d'un comité d'analyse et de maîtrise des coûts, chargé de mener les études sur ce domaine et de préparer des propositions d'action au directeur des routes et d'un observatoire des coûts, géré par le service d'études techniques des routes et autoroutes (SETRA) chargé de recueillir les informations nécessaires aux études sur la maîtrise des coûts, en organisant un retour fiable et systématique des coûts réels à partir des informations transmises par les sociétés concessionnaires d'autoroutes et par les DDE. Une première étude a été réalisée sur l'autoroute A 39 entre Dole et Bourg en Bresse.

La direction des routes dispose par ailleurs de méthodes d'évaluation économique des investissements routiers en rase campagne sur la base de la circulaire n° 98-99 du 20 octobre 1998 et de l'instruction relative aux méthodes d'évaluation économique des investissements routiers en rase campagne.

2. Des conséquences dommageables pour les finances publiques

La concentration de l'expertise par les gestionnaires des réseaux de transports, l'absence quasi totale de contrôle extérieur au ministère chargé des transports, à l'exception de contrôles a posteriori par l'inspection des finances ou la Cour des comptes, alors même que les investissements en cause sont importants, expliquent des dérives financières.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie reconnaît en effet que les insuffisances des études conduisent à des errements : " Les expériences récentes, comme le TGV Méditerranée ou le TGV Est, ont révélé l'extrême difficulté de l'exercice (études de trafic, calcul des péages, rentabilité financière du projet), dans un contexte où l'expertise est encore largement centralisée à la SNCF, le cadre institutionnel et les barèmes de péages ne sont pas encore stabilisés. La réforme ferroviaire doit se poursuivre (...) ".

La Cour des comptes joue un rôle essentiel dans la constatation, a posteriori, des défaillances de l'expertise. Elle s'est penchée en 1996 sur le TGV Nord, en critiquant les méthodes d'évaluation du coût de l'investissement par la SNCF et l'Etat, elle a également fait de nombreuses observations sur les chantiers Eole et Météor. Il s'avère que les entreprises comme l'Etat peinent à calculer les investissements et leur rentabilité et à soutenir un grand projet d'infrastructure en maîtrisant sa conception et sa réalisation.

Dans le cadre de l'élaboration des schémas de service et de la nécessaire comparaison entre les modes de transports, il est impératif de développer de manière significative toutes les analyses et expertises antérieures aux prises de décisions pour mieux appréhender les différences de rentabilité et de compétitivité.

E. LE FINANCEMENT DU SECTEUR DES TRANSPORTS EST PEU TRANSPARENT

1. Les comptes des opérateurs de transport sont opaques ou biaisés

Il n'est pas du tout évident de connaître exactement le montant des contributions publiques aux transports ferroviaires. En effet, les comptes des opérateurs de transport ne permettent pas de connaître exactement leur situation financière.

Ainsi, la SNCF produit un tableau détaillant les concours de l'Etat et des collectivités publiques. Dans le compte de résultat apparaissent 17 milliards de francs de concours publics. Mais ce chiffre ne tient pas compte du versement à la caisse de retraite (14,3 milliards de francs) ni du versement de l'Etat au service de la dette (4,4 milliards de francs). Au total, ces contributions représentent 35,5 milliards de francs, et le président de la SNCF a indiqué lui-même que les contributions publiques au secteur ferroviaire s'élevaient à environ 65 milliards de francs par an.

Globalement, ces contributions à hauteur de 65 milliards de francs environ se répartissent en 40 milliards de francs versés à la SNCF et 25 milliards de francs versés à RFF, comme le montre le tableau ci-après, qui tente de faire un bilan pour les années 2000 et 2001 (les subventions globales ressortent à environ 67 milliards de francs).

Contributions au secteur ferroviaire *

2000 (e)

2001 (e)

contribution à l'exploitation des services régionaux de voyageurs

5.928

6.278

contribution au désendettement de la SNCF

4.442

4.442

compensation pour tarifs sociaux

1.933

1.933

indemnité compensatrice IDF

1.049,3

1.502

Réductions tarifaires IDF

91,7

100

charges de retraite

14.329

14.482

Total SNCF hors investissements et versements contractuels

27.773

28.737

contribution aux charges d'infrastructure

13.300

12.600

dotations en capital

12.000

12.000

Total RFF hors subventions d'investissements

25.300

24.600

Total SNCF + RFF

53.073

53.337

Versements contractuels Etat et collectivités locales + subventions d'investissements (estimation)

14.000

14.000

TOTAL

67.073

67.337

* La ligne des versements contractuels et subventions d'investissements fait l'objet d'une simple estimation.

D'une manière générale, il est très difficile d'obtenir des chiffres fiables. A titre d'illustration, on citera le rapport de la commission des comptes des transports 1998 qui ne fait apparaître qu'une ligne de subvention de 3,4 milliards de francs dans le tableau des comptes de la SNCF.

L'équation financière du financement de l'infrastructure ferroviaire est très complexe et facilite, dans une certaine mesure, l'opacité.

1) La SNCF se fait rémunérer par RFF pour l'entretien et l'exploitation du réseau ;

2) La SNCF se fait payer pour étudier et réaliser pour le compte de RFF des investissements ;

3) La SNCF paye à RFF une redevance d'utilisation de l'infrastructure ;

4) RFF gère la dette de l'infrastructure.

Il résulte de cette mécanique complexe de nombreux flux financiers qui ne permettent pas d'avoir une vision claire de la situation financière de chaque opérateur.

A titre d'illustration, les principaux transferts financiers entre l'Etat, la SNCF et RFF s'établiraient comme suit en 2001 :

Relations financières entre l'Etat, RFF et la SNCF en 2001
(hors Ile-de-France et ministère de la Défense)

(en milliards de francs)

Contributeur

Bénéficiaire

Etat

SNCF

RFF

SNCF

Contribution au désen-dettement :


4,4

Rémunération du gestionnaire d'infrastructures


17,2 *

Dotation aux services régionaux


6,3

Compensations tarifaires

1,9

Dotation charges de retraites

14,5

Sous-total SNCF

28,7

RFF

Contribution au désen-dettement


12,6


Péages 10,3*

Dotation en capital

12,0

Sous-total RFF

24,6

TOTAL

53,3

* chiffres 2000

2. La gestion du secteur des transports est morcelée

Chaque mode de transport est géré de manière autonome.

L'établissement public est le cas le plus fréquent (SNCF, RFF, RATP, ports autonomes, VNF) mais la gestion peut aussi se faire en régie (routes nationales, contrôle aérien) ou sous forme de concessions à des organismes publics (SEMCA, CCI) ou à des sociétés privées (COFIROUTE). On constate qu'un même mode de transport (routier, aérien et portuaire) a souvent des modes de gestion variés.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie reconnaît ainsi ne suivre qu'une partie du secteur : son suivi est centré sur les données budgétaires c'est-à-dire seulement le financement de l'Etat à l'exclusion de celui des collectivités locales, il suit également les entreprises publiques et seulement les infrastructures de sa responsabilité.

Dans ces conditions, il dispose évidemment d'une vision très parcellaire des infrastructures de transports en France.

De même, le ministère de l'équipement se divise en directions par mode de transport (direction des routes, direction des transports terrestres, direction générale de l'aviation civile etc...) sans véritable instrument de coordination, à l'exception imparfaite et encore à venir des schémas de service.

Du morcellement du secteur des transports résulte un éparpillement de l'expertise . Chaque secteur dispose par exemple de ses propres projections de trafics. Ainsi, la SNCF dispose de " projections internes " qu'elle ne communique pas. Les grandes compagnies aériennes font également des prévisions de trafics, de même que les sociétés d'autoroutes...

II. UN CONSTAT EST ÉVIDENT : GLOBALEMENT LES INVESTISSEMENTS SONT EN RÉDUCTION

A. L'EFFORT DE L'ETAT EST FLUCTUANT SUR LE LONG TERME ET EN BAISSE DEPUIS 10 ANS

1. Un effort global en diminution

La période de fort investissement dans le secteur des transports a culminé en 1992 puis les investissements ont ralenti pour n'atteindre plus que 82 milliards de francs en 1998 (selon les chiffres du rapport de la commission des comptes des transports). Cette somme se répartit en 54 milliards de francs pour les routes, 12,5 milliards de francs pour le ferroviaire, 7,7 milliards de francs pour les transports urbains et 7,1 milliards de francs pour le reste.

Sur la longue période, le stock d'infrastructures a connu une forte augmentation depuis 1970 (multiplié par trois) mais ce sont surtout les "équipements sociaux " qui en ont bénéficié, au contraire des infrastructures " productives " (dont les infrastructures de transport) qui ont vu leur part diminuer. La part des équipements consacrés aux transports dans le patrimoine des administrations publiques est passé de 32,5 % à 24,1 % en 20 ans.

Source : 36ème rapport de la commission des comptes des transports de la Nation

2. L'investissement routier

Après avoir connu une vive progression au début des années 1990, l'investissement routier s'est très fortement ralenti.

Source : direction des routes

La chute de l'investissement routier s'explique essentiellement par la diminution sensible de l'investissement en autoroutes concédées.

A titre d'illustration, ces deux dernières années, en 1999 et 2000, le nombre de kilomètres de sections d'autoroutes concédées mises en chantier a fortement chuté, comme le montre le graphique ci-dessous.

Source : METL

Comme nous le verrons, cette chute brutale de l'investissement autoroutier s'explique par un coup de frein massif dans une phase d'achèvement du schéma directeur routier national. La réforme en cours du financement autoroutier avec le terme mis à la procédure de l'adossement devrait accentuer cette phase d'atterrissage de l'investissement autoroutier, avec des perspectives très sombres pour la réalisation de nouvelles liaisons.

3. L'investissement ferroviaire

a) Une légère augmentation des subventions publiques

Le montant des subventions publiques pour les investissements du secteur ferroviaire s'élève à 6,3 milliards de francs, alors que l'ensemble des dotations au secteur sont dix fois plus élevées, soit de l'ordre de 65 milliards de francs environ.

Les subventions publiques couvrent un tiers des investissements de RFF et de la SNCF, le reste étant financé sur les " ressources propres " de ces établissements.

Le programme d'investissement ferroviaire 1999-2001

en millions de francs courants

1999

2000 (e)

2001 (e)

SNCF

dont ressources propres

dont subventions publiques

6 578

4 529

2 049

7 963

5 900

2 063

9 176

6 300

2 876

RFF

dont ressources propres

dont subventions publiques

10 405

8 452

1 953

11 075

8 095

2 980

10 391

6 886

3 505

Ensemble SNCF + RFF

dont ressources propres

dont subventions publiques

16 983

12 981

4 002

19 038

13 995

5 043

19 567

13 183

6 381

Source : METL

Globalement, la part des investissements du secteur ferroviaire financée par des subventions publiques devrait augmenter au cours des prochaines années, compte tenu des nouvelles règles de financement des projets d'infrastructures introduites lors de la réforme ferroviaire de 1997 (article 4 du décret n°97-444 du 5 mai 1999 relatif aux missions et aux statuts de RFF 5 ( * ) ), de la montée en puissance des contrats de plan Etat-région conclus pour la période 2000-2006 et des modalités de financement du TGV Est-européen.

On observe ainsi, dans les prévisions pour 2001, un léger accroissement de l'investissement de RFF+ SNCF (de 19 milliards de francs à 19,5 milliards de francs) au prix d'une progression plus importante des subventions publiques (de 5 milliards de francs à 6,3 milliards de francs), ceci afin de compenser la diminution de la part des ressources propres de RFF.

Dans ces conditions, il faut souligner que même une hausse significative des subventions publiques ne signifierait pas un programme d'investissements fortement accru.

On peut par ailleurs observer que les dotations en capital versées chaque année à RFF simplement pour stabiliser la dette liée aux investissements et au fonctionnement des services ferroviaires avant 1997, sont de 12 milliards de francs par an, c'est-à-dire trois fois plus élevés que les contributions aux investissements futurs.

b) Mais des investissements en forte baisse

Source : direction des transports terrestres

En 10 ans, de 1991 à 2001, financements SNCF et RFF confondus, les investissements ferroviaires auront chuté de 17,6 à 10 milliards de francs.

L'examen des budgets d'investissement de la SNCF et de RFF d'ici à 2002 traduit bien le désengagement de l'Etat en ce domaine.

Les programmes détaillés de la SNCF et de RFF sont les suivants.

Le programme d'investissements de la SNCF

Millions de

1999 (résultats)

2000 (budget)

2001 (propositions SNCF°

francs courants

total des paiements

dont financement SNCF

total des paiements

dont financement SNCF

total des paiements

dont financement SNCF

réseau principal

5.178

3.379

6.377

4.713

7.867

5.583

Ile de France

1.400

1.150

1.586

1.187

1.842

1.250

ensemble

6.578

4.529

7.963

5.900

9.709

6.833

D'après ce tableau, le programme d'investissements de la SNCF augmente. Mais il faut prendre garde à plusieurs éléments. Seule l'année 1999 donne des résultats, l'année 2000 ne représente que des prévisions et l'année 2001 est encore plus incertaine puisqu'il s'agit seulement des propositions de la SNCF .

Il est ainsi précisé que le comité des investissements économiques et sociaux (CIES) a décidé de limiter le volume des investissements sur ressources propres de l'entreprise à 6,3 milliards de francs (contre 6,83 demandés). Pour une période pluriannuelle donnée, le niveau des investissements financés par la SNCF sur ses ressources propres ne doit pas excéder la capacité d'autofinancement de l'entreprise, de façon à ne pas accroître son endettement.

De fait, le ministère précise que le budget d'investissement 2000 de la SNCF s'inscrit dans la continuité des exercices précédents et le budget d'investissement 2001 de la SNCF sera consacré essentiellement à la poursuite d'opérations engagées les années précédentes.

Les projets nouveaux sont restreints. Il s'agit de la commande nouvelle de locomotives diesel, destinées à renouveler le parc actuel de locomotives de l'activité fret et la généralisation des aménagements des rames " trains rapides nationaux ".

Programme d'investissement de RFF

1998 (réalisation)

1999 (réalisation)

2000 (budget prévisionnel)

2001 (e)

total

réseau principal

banlieue parisienne

total

réseau principal

banlieue parisienne

total

réseau principal

banlieue

total

régénération

4 235

3 961

274

4 224

3 904

320

4 320

3 961

359

4 270

sécurité

256

193

63

166

122

44

242

166

76

614

mise aux normes

494

387

107

412

344

68

477

393

84

649

développement réseau TGV

5 229

5 229

0

4 069

4 069

0

4 452

4 452

0

3 433

développement réseau classique (CPER)

1 770

886

884

1 234

832

402

1 333

1 095

238

1 175

opérations pour tiers

187

187

0

300

300

0

250

250

0

250

total

12 171

10 843

1 328

10 405

9 571

834

11 074

10 317

787

10 391

dont subventions

2 054

1 953

2 979

3 505

dont fonds propres RFF

10 117

8 452

8 095

6 886

Pour 2001, les investissements de RFF s'élèveraient à 10,4 milliards de francs, contre 11,1 milliards en 2000 (-7,6 %).

Pour 2002, les investissements de RFF devraient atteindre 12,1 milliards de francs, dont 6,7 milliards de francs sur fonds propres et 5,5 milliards de francs sous forme de subventions publiques. En 1997, les investissements s'élevaient à 13,3 milliards de francs, dont 11,1 milliards de francs sur fonds propres. En cinq ans, les investissements de RFF auront chuté de 9 %.

Le programme d'investissement de RFF concerne d'abord la politique de régénération, et l'adaptation du réseau à l'évolution des normes et obligations en matière de sécurité, d'environnement, etc... pour un total d'environ 5 milliards de francs, en relative stabilité sur la période 1998-2000, soit près de la moitié du programme d'investissement.

Le développement du réseau classique et du réseau principal constituent l'autre moitié du programme d'investissement.

S'agissant des projets de lignes nouvelles à grande vitesse, les prochaines années verront notamment l'achèvement du TGV Méditerranée (en 2001) et la réalisation des travaux de la première phase du TGV est-européen, représentant un investissement de 20,5 milliards de francs.

En ce qui concerne la modernisation du réseau classique, un important programme d'investissements, représentant un montant total d'environ 25 milliards de francs, a été programmé dans le cadre des contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006. Le ministère indique que " la mise en oeuvre de ce programme sera une des priorités de RFF au cours des prochaines années ".

Mais le programme d'investissement ferroviaire à 10 ans, tel qu'il a été annoncé en février 1999 par le gouvernement, est encore plus ambitieux.

Programme d'investissements ferroviaires à 10 ans

Nature des investissements

Par an, en moyenne (en milliards de francs)

Sur dix ans (en milliards de francs)

Régénération du réseau

de 4 à 4,5

de 40 à 45

Modernisation du réseau classique

de 3 à 3,5

de 30 à 35

Création de lignes à grande vitesse

de 4,5 à 5,5

de 45 à 55

Toute la question est de savoir s'il s'agit de vaines promesses ou d'engagement fermes en faveur de l'investissement ferroviaire.

Les contrats de plan Etat-régions sont mis en oeuvre sur la période 2000-2006 et la priorité à leur accorder doit être immédiate, et non repoussée aux " prochaines années ".

De fait, l'ensemble des engagements donnés par le gouvernement en matière de développement ferroviaire représente plusieurs dizaines de milliards de francs. La faiblesse du programme d'investissement de RFF et l'absence de programmation au delà de 2002 augure mal du respect de ces engagements.

Quoique le gouvernement affirme sur la nécessité de relancer le transport ferroviaire et notamment l'investissement public en sa faveur, notamment pour le fret, il est bien inscrit dans une logique de freinage massif de l'investissement ferroviaire dont la raison fondamentale est le poids considérable de la dette du secteur, soit 253 milliards de francs.

B. MALGRÉ SES PROGRÈS, L'INVESTISSEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES NE PEUT SUPPLÉER CELUI DE L'ETAT

L'Etat se désengage du financement des infrastructures de transports tandis que les collectivités locales ne prennent qu'en partie la relève.

L'investissement des collectivités territoriales n'est en effet orienté favorablement que depuis 1997. Après avoir progressé de 7,2 % en 1998, il devrait croître de 5,1 % en 1999 tandis que les investissements civils de l'Etat baissaient de 3,1 %.

Ainsi, l'investissement sur le réseau routier non concédé ne se maintient que grâce aux efforts des collectivités locales.

L'Etat se défausse clairement sur les collectivités locales pour l'investissement futur : " il est à noter que la participation des collectivités territoriales est appelée à s'accroître dans les prochaines années. Ainsi, outre le XIIème CPER dont les partie fluviales et ferroviaires ont été clairement renforcées, le financement du TGV Est ou celui de Port 2000 au Havre soulignent le poids croissant de ces mécanismes de cofinancement dans le développement des grandes infrastructures . "

Or, si les investissements des collectivités locales ont repris leur progression ces trois dernières années, la raison essentielle est la progression des recettes fiscales induite par une conjoncture économique favorable et la poursuite de la baisse des taux d'intérêt. La perte progressive du potentiel fiscal des collectivités locales et un environnement économique et financier moins favorable pourraient inverser la tendance.

Malgré tout, les transferts aux collectivités locales se poursuivent. La régionalisation des services régionaux de transport de voyageurs , actuellement lourdement déficitaires, en est une illustration. Sans les moyens financiers, les collectivités locales ne pourront pas assumer la charge du financement des transports.

Bilan des contrats de plan Etat-régions dans le secteur routier

Les deux premières générations de contrat de plan, le IXème et le Xème, qui couvraient les périodes 1984-1988 et 1989-1993, portaient principalement sur des engagements de principes. Pour la plupart, ils ne comportaient pas de véritables annexes financières.

Pour le IXème plan, l'engagement de l'Etat pour les investissements routiers est estimé à 10,7 milliards de francs (en F84), il aura été exécuté à plus de 100 % avec un montant affecté fin 1988 de 11 milliards de francs. Pour le Xème plan, l'engagement de l'Etat pour les investissements routiers est estimé à 24 milliards de francs (en F89), il aura été exécuté à un peu moins de 100% avec un montant affecté fin 1993 de 23,2 milliards de francs (en F89). Le contrat a ainsi doublé entre le IXème et le Xème plan. Les régions et les autres collectivités s'étaient également engagées sur un montant de, respectivement, 20,3 milliards de francs (F89) et 11 milliards de francs (F89). Le montant total inscrit pour le volet routier était donc de 55,3 milliards de francs (F89).

Pour le XIème plan, l'engagement de l'Etat pour les investissements routiers était de 27,5 milliards de francs (en F94). Les régions et les autres collectivités s'étaient également engagées sur un montant de, respectivement, 22,8 milliards de francs (F94) et 15,5 milliards de francs (F94). Le montant total inscrit pour le volet routier était donc de 65,8 milliards de francs (F94). Compte tenu de l'inflation, le volume des travaux a peu augmenté entre le Xème et le XIème plan.

Les lois de finances successives entre 1994 et 1999 n'ont que réservé 22,4 milliards de francs (F94) en faveur du volet routier des contrats Etat-régions. La totalité de ces ressources a été affecté aux opérations correspondantes. Il a donc subsisté un écart entre les enveloppes inscrites dans les contrats Etats-régions et les moyens effectivement mis en oeuvre depuis 1994, en conformité avec le vote des lois de finances depuis cette date, écart sensiblement plus important qu'au plan précédent. Le XIème plan s'est ainsi achevé avec une exécution d'environ 54 milliards de francs, soit 81%.

C. LES RAISONS DE LA CHUTE DE L'INVESTISSEMENT

1. Un endettement trop lourd

La chute de l'investissement résulte d'abord d'une obsession : limiter l'endettement du secteur.

Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'endettement du secteur des transports a atteint un point haut qu'il convient de contenir.

" Il convient de rappeler que la dette portée par le secteur public des infrastructures de transport atteint 340 milliards de francs et a cru fortement au cours des dernières décennies. En particulier RFF, les ports autonomes, les SEMCA et ADP doivent gérer des stocks importants qui sont issus d'un passé où le besoin en concours publics des infrastructures n'était pas pris en compte. "

Aucune référence n'est faite aux capacités de remboursement de chacun des secteurs.

a) L'endettement du secteur ferroviaire

La chute des investissements ferroviaires s'explique par le faible engagement des pouvoirs publics mais également le poids de l'endettement du secteur.

En effet, le secteur ferroviaire supporte un endettement trop lourd qui, même cantonné à RFF depuis la réforme de 1997, pèse énormément sur les choix d'investissement.

Au 31 décembre 1999, l'endettement à long terme de la SNCF s'élevait à 44 milliards de francs et la dette du service annexe d'amortissement de la dette (SAAD) à 58,7 milliards de francs, soit au total 102,7 milliards de francs.

Au 31 décembre 1999, l'endettement de RFF s'élevait à 170 milliards de francs. La dette brute de RFF a fortement augmenté en 1999, en raison de la mise en place par l'établissement d'un programme de restructuration du profil de sa dette par la constitution d'un portefeuille d'actifs pour 20 milliards de francs.

(en millions de francs)

01/01/1997

31/12/1997

31/12/1998

21/12/1999

Dette héritée

134.200

129.027

122.480

115.234

Dette propre à long terme

6.500

25.607

54.843

Dette long terme

134.200

135.527

148.087

170.076

Portefeuille de restructuration

1.389

20.003

Dette nette à long terme

134.200

135.527

146.698

150.073

Source : ministère de l'équipement, des transports et du logement

Au total, l'endettement global du secteur ferroviaire atteint 253 milliards de francs au 31 décembre 1999.

Dette du secteur ferroviaire au 31 décembre 1999
(en milliards de francs)

SNCF

44

RFF

150

SAAD

59

TOTAL

253

On rappellera que RFF ayant le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, dont plus de la moitié des recettes est d'origine commerciale, sa dette n'est pas agrégée à la dette des administrations publiques.

b) L'endettement des sociétés concessionnaires d'autoroutes

L'endettement total (qui tient compte des intérêts courus) des sociétés concessionnaires d'autoroutes s'élevait au 31 décembre 1999 à 158.858 millions de francs se répartissant comme le montre le tableau ci-après.

Endettement externe des sociétés concessionnaires d'autoroutes de 1995 à 1999 (en millions de francs)

1995

1996

1997

1998

1999

SEMCA

ASF

28.948,6

32.052,0

34.936,6

36.728,9

39.844,7

ESCOTA

10.949,9

11.266,6

11.643,2

11.919,3

11.645,8

SAPRR

33.642,4

35.466,9

38.435,0

40.946,7

41.586,6

AREA

8.874,4

8.824,4

9.082,5

9.207,2

9.184,5

SANEF

18.289,1

20.082,1

21.114,8

20.982,5

20.224,0

SAPN

8.395,4

10.649,7

12.223,6

13.093,7

13.384,6

ATMB

1.348,3

1.511,1

1.400,1

1.482,4

1.461,9

SFTRF

3.339,6

5.963,1

8.071,7

9.362,3

10.289,7

Total SEMCA

113.787,7

125.815,9

136.907,5

143.7230,0

147.621,8

COFIROUTE

7.265,2

8.400,8

9.516,4

10.294,9

11.236,9

Total SECTEUR

121.052,9

134.216,7

146.423,9

154.017,9

158.858,7

Source : ministère de l'équipement, des transports et du logement.

L'endettement des sociétés d'autoroutes représente un montant élevé qui est encore appelé à s'accroître dans les prochaines années en raison de la poursuite de programmes d'investissement qui figurent dans les contrats de concession.

Les emprunts destinés à procurer aux sociétés d'économie mixte concessionnaires les ressources nécessaires au financement de la construction ou de l'aménagement des autoroutes à péage sont émis par la Caisse nationale des autoroutes (CNA), établissement public à caractère administratif doté de l'autonomie financière, créé par un décret du 20 juin 1963 et géré par la Caisse des dépôts et consignations. Cofiroute émet elle-même ses emprunts. Pour 2000, le montant autorisé s'élève à 10.097 millions de francs (hors ATMB). Il devrait atteindre 10.588 millions de francs en 2001 (dont 432 millions de francs de refinancement).

(en millions de francs)

Années

Montant des émissions autorisées

1990

8 594

1991

10 035

1992

11 335

1993

10 400

1994

15 809

1995

16 297

1996

17 977

1997

17 694

1998

14 355

1999

10 630

2000

10 097

2001

10 588

Source : METL

Le montant des emprunts autorisés sur la période 1995-2001 est sensiblement plus faible que celui de la période 1994-1998, témoignant notamment du ralentissement de l'investissement autoroutier.

Répartition des autorisations d'emprunts par société d'autoroute

1996

1997

1998

1999

2000

ASF

4.901

4.627

4.055

4.500

5.000

ESCOTA

984

989

1.056

584

491

SAPRR

3.777

4.793

4.636

2.607

1.937

AREA

495

644

677

485

334

SANEF

2.945

2.064

1.347

223

949

ATMB

273

367

100

0

513

SFTRF

2.337

2.437

1.595

883

658

TOTAL

18.094

17.694

14.355

9.826

10.097

Source : METL

A la fin de 1999, l'encours de dette de la CNA s'élevait à 138,2 milliards de francs, contre 134 milliards de francs en 1998.

2. Des capacités de remboursement inégales

a) Un certain nombre d'actions ont été mises en oeuvre pour limiter l'endettement

La maîtrise de la dette du secteur des transports passe par plusieurs moyens, notamment le cadrage réalisé par le comité des investissements économiques et sociaux et le respect de l'article 4 du statut de RFF qui lui interdit de financer sur fonds propres des projets qui ne génèrent pas de recettes suffisantes pour amortir la dette contractée par leur financement.

Le processus de décision du CIES

Créé par le décret n°96-1022 du 27 novembre 1996, le comité des investissements à caractère économique et social (CIES) a succédé au fonds de développement économique et social (FDES).

Cette instance ministérielle, présidée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, est chargée d'examiner deux fois par an les programmes d'investissements des entreprises et organismes bénéficiant de concours financiers publics. Sur les neuf sociétés concessionnaires d'autoroutes, seule Cofiroute, dont le capital est entièrement privé, est hors du champ des compétences du CIES.

Des comités spécialisés examinent les dossiers, leur instruction portant en particulier sur le rythme de réalisation des travaux et les montants d'investissements et d'emprunts. Le directeur du Trésor assure le secrétariat du CIES et établit des rapports sur la base des conclusions des comités spécialisés.

En fin de premier semestre, le CIES prend acte de l'exécution du programme de l'année précédente, il se prononce sur la réalisation du programme de l'année en cours et le projet de programme de l'année suivante. Il examine les avant-projets de programme pour la deuxième et troisième années suivant l'année en cours. En fin de second semestre, le CIES examine l'avancement du programme de l'année en cours et la révision éventuelle du programme pour l'année suivante.

L'effort de contenir la dette est louable, mais l'on doit noter que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie témoigne d'une véritable aversion pour l'endettement : " la dette globale des gestionnaires d'infrastructures continue d'augmenter. (...) Ce mode de financement n'est pas satisfaisant dans la mesure où il fait peser l'effort d'équipement sur les générations futures. "

Ce raisonnement ne tient pas : tout effort d'investissement est un pari sur l'avenir. Il est normal de faire peser sur les générations futures le poids d'investissements dont elles bénéficieront avant tout. Ce sont les dépenses de fonctionnement courant qui ne doivent pas peser sur l'avenir.

Bien évidemment, l'objectif de " stabilisation de l'endettement " ne peut qu'être approuvé, mais tout endettement doit être rapporté à la capacité de remboursement.

De fait, le flux annuel de dette des gestionnaires d'infrastructures s'est réduit des trois-quarts depuis 1997, passant de 23,6 milliards de francs à 5,7 milliards de francs. Le flux d'endettement s'est même réduit des 4/5èmes pour RFF (de 12 milliards à 2 milliards).

Flux annuel de dette des gestionnaires d'infrastructure (source CIES pour l'année 2000) en MF courants

1997

1998

1999

2000

Autoroutes

10.200

7.000

3.600

3.000

RFF

11.800

8.000

3.400

2.000

Budget annexe de l'aviation civile

700

500

400

300

Aéroports

1.138

-100

700

500

Ports

-228

-200

-200

-100

TOTAL

23.610

15.200

7.900

5.700

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

b) Des perspectives favorables pour le secteur autoroutier

Malgré l'endettement actuel des sociétés concessionnaires d'autoroutes, toutes les projections de long terme montrent que leur situation financière devrait se stabiliser en 2019, date à laquelle les sociétés concessionnaires d'autoroutes auront remboursé leur dette en capital.

La situation des sociétés d'autoroutes s'améliore nettement, comme en témoigne le graphique ci-après.

Source : CIES

Les péages sont extrêmement dynamiques et, dans le même temps, les investissements chutent, de même que les emprunts à long terme.

L'an dernier, le ministère de l'équipement, des transports et du logement, indiquait que l'endettement des six principales sociétés concessionnaires d'autoroutes devait progresser jusqu'à 154 milliards de francs en 2004, en raison :

• du lancement des sections prévues dans les conventions de concessions actuelles ;

• du poids de la fiscalité, qui représente environ 18,7% des recettes de péages ;

• de la progression des recettes de péage de plus de 30 % sur la même période.

Le ministère est plus optimiste aujourd'hui, puisqu'il annonce que l'endettement des six principales SEMCA devrait progresser jusqu'à 143 milliards de francs en 2002 pour diminuer ensuite régulièrement.

Le ministère indique d'ailleurs : " l'endettement du secteur ne constitue donc pas une source d'inquiétude, sa capacité à dégager les ressources nécessaires pour rembourser en particulier les emprunts (l'excédent brut d'exploitation), une fois les charges d'exploitation courantes payées, étant largement positive ".

Les études financières à long terme montrent que les sociétés d'autoroutes pourront rembourser leur dette avant la fin de la concession (soit 170 milliards de francs sur 15 ans) à l'exception de deux sociétés, la société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) et la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN). Des solutions devront donc être trouvées, notamment la reprise de la dette non apurée par la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) pour la SAPN, la recapitalisation et l'allongement de la concession et/ou l'adossement à une autre société pour la SFTRF.

Le volume d'investissements en 1999 s'est élevé à 11,2 milliards de francs pour les huit SEMCA, dont 8,1 milliards de francs d'opérations préliminaires et de travaux de construction de lignes nouvelles et 3 milliards de francs d'aménagement et d'équipement du réseau existant. Le financement des investissements des SEMCA a été réalisé en 1999 par les emprunts émis par la Caisse nationale des autoroutes à concurrence de 78 %, l'autofinancement dégagé par les SEMCA et les autres participations représentant 22 % du total.

De 2000 à 2003 et pour ce qui concerne les seules sections d'autoroutes déjà concédées au 31 décembre 1999, les principales prévisions pour les SEMCA sont les suivantes :

- les recettes devraient croître de 4,5 % par an compte tenu des prévisions de trafic et d'extension du réseau ;

- les investissements devraient baisser progressivement compte tenu de la réduction de la part des investissements neufs et de la relative stabilité des investissements sur autoroutes en service. Les derniers kilomètres d'autoroutes déjà concédés, toutes sociétés concessionnaires confondues, devraient être mis en service en 2008, le rythme des mises en service s'infléchissant fortement dès 2005 ;

- la dette totale des SEMCA devrait croître jusqu'en 2003-2004 compte tenu du programme d'investissements concédés restant à réaliser, pour se résorber rapidement ensuite.

ASF

ESCOTA

SAPRR

AREA

SANEF

SAPN

ATMB

TOTAL

dettes financières

32,6

10,6

36,2

8,5

19,9

11,6

1,0

120,5

avances

1,5

3,0

2,1

2,1

7,4

0,8

0,02

10,3

dettes d'exploitation

0,5

0,09

0,4

0,09

0,2

0,05

0,08

1,4

dettes hors exploitation

0,4

0,04

0,3

0,06

0,2

0,07

0,3

1,3

total

35

13,73

39

10,75

27,7

12,52

1,4

133,5

(en milliards de francs)

L'appréciation qui peut être portée sur la situation financière des sociétés concessionnaires d'autoroutes est étroitement dépendante de la situation et des perspectives du trafic. Or, on peut remarquer que la croissance du trafic s'accélère nettement depuis 1997, entraînée en cela par la croissance économique.

On pourra observer que la progression du trafic, particulièrement forte pour les poids lourds ces trois dernières années, est également sensible pour les véhicules légers.

Evolution du trafic sur le réseau autoroutier concédé

En milliards de véhicules/km

1997

1998

1999

véhicules légers

46,3

48,8

51,8

poids lourds

10,9

11,7

12,4

total

57,2

60,5

64,2

Ainsi, selon toute vraisemblance, si de nouvelles ponctions financières ne sont pas réalisées sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, compte tenu de l'évolution favorable des trafics, leur capacité à rembourser leur dette devrait être réelle.

c) Mais encore aucun plan de remboursement pour le secteur ferroviaire

Face à une dette ferroviaire de 253 milliards de francs, quelles sont les capacités de remboursement ?

1) S'agissant de la dette de la SNCF, l'entreprise parvient à peine, en 1999, à équilibrer ses comptes. Mais le poids des nouvelles charges laisse présumer une détérioration de la situation. L'entreprise n'aura en tout état de cause pas les moyens de rembourser la dette à moyen terme ;

2) S'agissant du service annexe d'amortissement de la dette, l'Etat verse chaque année une dotation de 4,4 milliards de francs. Le compte de résultat prévisionnel (1999-2000) montre que face à des charges s'élevant à 4,396 milliards de francs en 1999, dont 4,460 milliards de francs d'intérêts, le remboursement ne vient ni des produits d'exploitation (nuls), ni des produits financiers (37 millions de francs) mais des produits exceptionnels c'est-à-dire le versement de l'Etat (4,24 milliards de francs) et plus marginalement de l'entreprise (117 millions de francs).

3) S'agissant de RFF, l'établissement essaye pour le moment simplement de ne pas dégrader ses comptes. S'il parvient à remplir ses objectifs, RFF pourra au mieux voir sa dette se stabiliser. Mais seul l'Etat serait capable de la rembourser. Pour le moment, il s'est contenté de verser des dotations en capital selon un programme triennal.

Pour le président de RFF, Claude Martinand, le but de la réforme ferroviaire était de favoriser le retour à l'équilibre de la SNCF et de stabiliser la dette de RFF autour de 160 milliards de francs en 2001. Cet objectif semble a priori atteint, mais au prix de très fortes contraintes sur l'investissement ferroviaire. De plus, la réforme laisse un goût d'inachevé.

L'Etat a produit un effort considérable avec plus de 50 milliards de francs de dotations en capital à RFF en cinq ans. Les subventions d'investissement s'accroissent dans les contrats de plan Etat-région mais cela ne traduit pas un regain des investissements ferroviaires mais vient simplement compenser la chute des moyens propres du secteur ferroviaire (l'autofinancement diminue).

Comme cela a été vu, le secteur ferroviaire ne dispose pas d'un système de péages qui lui permette d'envisager un remboursement de sa dette. Il est évident que c'est l'Etat, et à travers lui le contribuable, qui sera amené à régler la dette ferroviaire.

Pour le moment, l'Etat se contente de " stabiliser " la dette de RFF autour de 160 milliards de francs, mais cela ne suffit pas. Il devra bien, un jour ou l'autre, trouver le moyen de la rembourser.

De fait, devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, le ministre de l'équipement, des transports et du logement s'est interrogé sur l'affectation du produit de la vente des licences UMTS au remboursement de la dette ferroviaire.

Lors de son audition devant notre commission des finances le 21 novembre 2000, le ministre a déclaré qu'un groupe de travail avait été mis en place au sein du comité des investissements économiques et sociaux, afin de réfléchir à cette question.

Il est de toute manière évident, qu'en l'absence de véritable plan de remboursement de la dette ferroviaire, les pouvoirs publics estimeront que les investissements à venir ont une rentabilité trop faible et ne peuvent être réalisés.

En effet, l'idée du ministère des finances est que " les équipements les plus rentables socio-économiquement comme financièrement ayant été réalisés, les projets aujourd'hui à l'étude affichent un besoin en concours publics accru ".

d) Un effort d'assainissement dans les autres secteurs

Le mode ferroviaire et le mode routier ne sont pas seuls concernés par un endettement excessif.

Ainsi, les infrastructures portuaires ont-elles subi un endettement qui fut jugé pendant longtemps excessif. Mais la situation s'améliore depuis quelques années.

En dépit d'une diminution des trafics et de certaines baisses tarifaires les capacités de financement propre des ports ont été préservées grâce à la poursuite des efforts de gestion et aux effets des politiques de désendettement.

L'enveloppe annuelle de recours à l'emprunt pour la couverture des dépenses d'infrastructure et de superstructures, fixée par le Comité des investissements à caractère économique et social (CIES) a ainsi diminué pour atteindre 79 millions de francs en 1998 puis 25 millions de francs en 2000 alors qu'elle s'élevait encore à 208 millions de francs en 1995.

Autorisations d'emprunt accordées par le CIES

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Ports autonomes

275

290

230

255

208

140

60

35

15

25

Ports d'intérêt national

105

151

103

83

100

79

39

44

0

0

TOTAL

380

441

317

335

307

212

99

79

15

25

Du fait de l'amélioration de la situation financière des ports maritimes, on remarque une très forte remontée de l'autofinancement des projets d'investissements.

En 1999, les ports autonomes ont pu globalement financer leurs investissements à hauteur de 61 % par autofinancement. L'Etat a financé 11 % de l'investissement, les collectivités locales et les tiers 28 %, avec un recours à l'emprunt limité à 0,8 %.

Les prévisions retenues pour 2000 par le CIES, au printemps dernier, indiquent un montant d'investissement de 1.433 millions de francs autofinancé à 56 %, avec 9 % de participation de l'Etat, 33 % des collectivités locales et un recours à l'emprunt de nouveau limité à 1,7 %.

En ce qui concerne le secteur aérien, le financement des investissements aéroportuaires est réalisé en grande partie par l'autofinancement, plus marginalement par l'emprunt et pour une faible part par des subventions . Pour les aéroports de province, de bons résultats en termes d'autofinancement ont permis de limiter le recours à l'emprunt pour couvrir le coût des investissements et d'alléger, ainsi, le poids de la charge de la dette pour les années à venir.

Financement des investissements (en milliers de francs)

AEROPORTS

NICE

MARSEILLE

LYON

TOULOUSE

MULHOUSE

BORDEAUX

TOTAL

EMPLOIS

Investissements

271.484

158.611

153.748

39.979

163.356

24.486

811.633

remboursements d'emprunts

80.378

48.150

29.079

27.652

3.138

32.376

220.773

autres

5.895

751

0

0

0

0

6.646

augmentation du fonds de roulement

24.133

0

4.514

20.265

0

11.871

60.783

TOTAL

381.889

207.512

187.341

87.896

166.494

68.733

1.099.865

RESSOURCES

CAF

193.006

77.821

87.561

71.202

121.051

45.999

596.640

Emprunts

135.000

70.000

90.000

5.638

17.549

19.030

337.217

Autres

3.192

197

3.576

11.056

21.356

2.742

42.299

Subventions

50.691

40.825

6.204

0

1.646

962

100.328

dont Etat

20.387

801

6.204

0

1.646

932

30.000

dont CL

30.304

40.024

0

0

0

0

76.328

Prélèvement sur le fonds de roulement

0

18.669

0

0

4.712

0

23.381

TOTAL

381.889

207.512

187.341

87.896

166.494

68.733

1.099.865

Source : DGAC

III. UNE DEMANDE EN EXPANSION EXIGE POURTANT DES INVESTISSEMENTS

A. UN ÉCART CROISSANT ENTRE L'AUGMENTATION DE LA DEMANDE ET LES INVESTISSEMENTS

1. L'augmentation des trafics touche tous les modes de transport

L'accroissement des trafics concerne tous les modes de transport.

S'agissant des marchandises , le trafic routier est passé de 134 milliards de tonnes-kilomètre en 1990 à 167 milliards en 1998 (+ 24,6 %) tandis que le trafic ferroviaire, après avoir fortement diminué, est passé de 49,7 milliards de T-km en 1990 à 52,7 milliards en 1998 (+ 6 %). Depuis le début des années 1990, l'évolution du trafic de marchandises suit l'évolution du PIB marchand, c'est-à-dire qu'elle est très liée à l'activité économique générale.

S'agissant des passagers , dans le cadre de son projet industriel, la SNCF prévoit une croissance importante de ses trafics d'ici à 2002 : + 12 % pour les grandes lignes, + 10 % pour les TER, + 6 % pour l'Ile de France, + 15 % pour le fret.

L'augmentation des trafics est particulièrement visible sur le réseau autoroutier.

2. Le résultat de faibles investissements : la congestion des réseaux

L'affaiblissement de l'investissement conjugué à l'augmentation des trafics débouche sur des phénomènes de congestion ou d'attente.

La France souffre d'un réseau de transport en étoile qui centralise les flux en direction de l'Ile-de-France et pénalise les relations transversales. Il en découle une insuffisance des liaisons entre l'ouest et l'est de la France, une congestion de la région Ile-de-France et des abords de certaines métropoles régionales, une congestion de l'axe nord-sud qui concentre le trafic national et international et un sous-équipement réel à l'ouest de la ligne Le Havre-Montpellier.

Le transport aérien est l'exemple d'un mode de transport fortement atteint par un phénomène de congestion, qui se traduit par des retards. Une analyse des retards aériens montre que le contrôle aérien est la cause directe d'un retard pour 25 % à 30 % des vols en moyenne annuelle. Au premier trimestre 1999, 1.862.526 minutes de retard ont été comptabilisées en France, soit une moyenne de 3.57 minutes par vol. Au premier trimestre 2000, le retard moyen par vol était toutefois retombé à 1.89 minute.

Par ailleurs, la faiblesse de l'investissement en transports par rapport à l'évolution de la demande ne se traduit pas seulement par des phénomènes de congestion ou d'attente mais également par un ralentissement économique. Comme l'a souligné un récent travail de M. Bernard Fritsch sur la contribution des infrastructures au développement régional, l'investissement de transports a un effet indéniable de développement économique.

B. LES PROJECTIONS À LONG TERME VONT TOUTES DANS LE MÊME SENS

1. Les scénarios du ministère de l'équipement, des transports et du logement

Le ministère des transports et la direction de la prévision distinguent quatre scénarios d'évolution du trafic en fonction de la politique des transports. Ils vont de A à D suivant qu'on laisse les choses en l'état ou que l'on essaye de rééquilibrer les modes de transports.

Dans les schémas de service, le scénario de référence est le scénario C c'est-à-dire celui d'une croissance faible avec une politique volontariste en faveur du mode ferroviaire.

Dans ce scénario C, on remarque que la croissance en volume des transports sera supérieure à la croissance du PIB (+ 2,3 %) pour les voyageurs (+ 2,5 %) et légèrement inférieure pour les marchandises (+ 2,2 %). Toutefois, dans toutes les hypothèses, même une politique volontariste n'empêche pas la croissance des trafics.

Volume total de transport, schémas de service :

1996

Crois forte PIB : +2.9%

Croissance moyenne du PIB : +2.3%

Crois. Faible PIB : +1.9%

scénario

Scen. B

Scen. A

Scen. B

Scen. C

Scen. D

Scen. B

Mds VK

312

610

590

568

564

470

516

croissance

3.6%

2.8%

2.7%

2.5%

2.5%

1.7%

2.1%

Mds TK

268

560

488

458

452

413

390

croissance

2.4%

3.1%

2.5%

2.3%

2.2%

1.8%

1.6%

S'agissant de la part modale voyageurs, la part de la route progresserait légèrement (de 79,5 % à 80,2 %), avec une hausse toutefois sensible pour les autoroutes concédées (de 26,2 % à 35,8 %) et le ferroviaire diminuerait (de 16,3 % à 14,8 %). Seul un scénario extrêmement volontariste et peu réaliste (doublement du prix de l'essence d'ici 2020, compensation intégrale des 35 h) permettrait d'inverser la tendance (baisse de la route et augmentation du ferroviaire).

Parts modales voyageurs, schémas de service - transports terrestres

1996

Crois forte

Croissance moyenne

Crois. faible

scénario

Scen. B

Scen. A

Scen. B

Scen. C

Scen. D

Scen. B

route

79.5

81.7

81.4

81.4

80.2

74

81

Dont aut. concédées

26.2

37.9

37.2

36.7

35.8

29.6

35

Fer (hors IDF)

16.3

12.9

12.7

13.5

14.8

20.4

14.2

aérien

4.2

5.3

5.9

5.1

5

5.6

4.8

Tout mode

100

100

100

100

100

100

100

S'agissant des marchandises, le scénario retenu montre une croissance sensible de la part de la route (de 79,8 à 85 %) et une diminution du ferroviaire (de 18 à 14 %). Même la politique très volontariste ne parviendrait pas à enrayer la diminution du ferroviaire et l'augmentation du trafic routier.

Parts modales marchandises, schémas de service- transports terrestres

1996

Crois forte

Croissance moyenne

Crois. faible

scénario

Scen. B

Scen. A

Scen. B

Scen. C

Scen. D

Scen. B

route

79.8

86.3

87.6

85.7

85

81.2

85.6

Fer hors IDF

18

12.7

11.6

13.4

14

17.4

13.5

fluvial

2.1

1

0.8

1

1

1.4

0.9

Tout mode

100

100

100

100

100

100

100

Dans ces conditions, il apparaît que l'action sur la demande de transports ayant des effets limités, il est nécessaire de prendre acte de cette réalité et de prévoir les infrastructures nécessaires.

Or, le discours politique est aujourd'hui centré sur une politique restrictive de l'offre. La diminution des crédits accordés au secteur des transports est tout simplement en contradiction avec la réalité. Le risque est grand que ces contradictions débouchent sur des impasses.

Les projections d'évolution des différents modes de transport

1970-1996

1996-2020

Route

4.4 %

2.6 %

Dont autoroutes concédées

9.7 %

4 %

ferroviaire

1.6 %

1.7 %

aérien

9.3 %

3.4 %

2. Des projections qui pourraient être complétées

Les études sont réalisées par le seul ministère chargé des transports . Les comptes des transports sont en effet réalisés par le service d'études et de statistiques (SES) du ministère de l'équipement, des transports et du logement.

La direction de la prévision fait par exemple des calculs d'élasticité pour le ferroviaire mais reconnaît qu'ils sont " peu utilisés ".Pour la route, elle est rarement amenée à utiliser des élasticités qui lui sont propres et elle s'appuie sur les élasticités du ministère des transports. Elle utilise les scénarios du ministère des transports pour les schémas de service et ne fait une contre-expertise réelle qu'au niveau micro économique, c'est-à-dire projet par projet. Par ailleurs, il n'y a aucune concurrence d'instituts indépendants.

Il y a donc un monopole de fait du ministère de l'équipement, des transports et du logement, partie prenante pour la réalisation d'infrastructures, sur l'évaluation des perspectives du secteur des transports.

Par ailleurs, on notera que toutes les études du ministère de l'équipement, des transports et du logement mesurent l'évolution des trafics de marchandises, en tonne/km et des trafics de voyageurs en passagers/km, alors qu'il conviendrait de se référer à une mesure de l'activité des différents modes de transport en valeur, c'est-à-dire en francs. Mais les économistes et statisticiens de disposent pas de données sérieuses sur l'évolution des transports en valeur.

3. Un élément de comparaison : les projections du gouvernement allemand

Le plan des infrastructures fédérales de transport 1992 (Bundesverkehrwegeplan ;BVWP 92) prévoyait les estimations de trafic suivantes à l'horizon 2010 6 ( * ) :

1988

1991

2010

Transport de voyageurs

(Mrds de personnes-kilomètres)

%

%

%

Moyens privés

647

80

703

83

838

78

Chemin de fer

62

8

53

6

88

8

Avion

14

2

16

2

34

3

Transports publics par route

87

10

78

9

110

10

Transport de marchandises (Mrds de Tonnes-kilomètres)

%

%

%

Transports routiers longue distance

122

39

163

52

238

43

Chemin de fer

125

40

86

28

194

36

Voies navigables

63

21

63

20

116

21

Source : BVWP 92

Les estimations de trafic pour 2010 traduisent, de même qu'en France, la volonté du gouvernement fédéral d'augmenter la part pour le transport de marchandises des modes les plus respectueux de l'environnement. Ainsi, la part du rail passerait de 28 % en 1991 à 36 % en 2010 au détriment de la route passant de 52 % à 43 %, les voies navigables ne gagnant qu'un point de part de marché avec 21 % en 2010. L'objectif principal assigné à la réforme des chemins de fer allemands est de gagner des parts de marché sur la route pour le transport de marchandises longue distance.

L' évolution à long terme des parts de marché respectives des différents modes de transport s'est en effet traduite en Allemagne comme dans les autres pays par un recul relatif du chemin de fer par rapport à la route :

1950

1997

Transport de marchandises

Mrd

Tonnes-km

%

Mrd

Tonnes-km

%

Transports routiers longue distance

7,1

11,2

211,5

61,4

Chemin de fer

39,4

62,4

70,1

20,4

Voies navigables

16,7

26,4

62,6

18,2

TOTAL

63,2

344

Source : Institut de recherche économique Ifo-Munich.

L'évolution de la répartition du trafic au cours des trois dernières années montre que cette tendance se poursuit ce qui a amené le ministère à revoir ses prévisions :

1995

1996

1997

Transport de marchandises

Mrd

tonne-km

%

Mrd

tonne-km

%

Mrd

tonne-km

%

Transports routiers longue distance

200,3

60

203,8

61,3

211,5

61,4

Chemin de fer

69,9

21

68,2

20,5

70,1

20,4

Voies navigables

64

19

60,7

18,2

62,6

18,2

TOTAL

334,2

332,7

344

Source: Rapport du Ministère fédéral des transports sur les routes 1997.

Les prévisions actuelles à l'horizon 2010 supposent toujours un renversement de tendance mais beaucoup moins important que lors de la rédaction du BVWP 92 . Il s'agit aujourd'hui de viser une part de marché de 60,8 % pour la route, 21,1 % pour le chemin de fer et 18,1 % pour les voies navigables. D'ici 2010 la circulation de marchandises en Allemagne devrait donc augmenter de 80 % et le transport de personnes connaître une hausse de 32 %. La part du trafic de transit en Allemagne pour les marchandises devrait quant à elle doubler et celle concernant les personnes tripler.

IV. LES POLITIQUES MODALES SONT AUJOURD'HUI INADAPTÉES

A. LE SECTEUR ROUTIER : L'AIDE EFFECTIVE DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DE FORTES INTERROGATIONS SUR LA POURSUITE DE L'EFFORT NATIONAL

Le secteur routier concédé est, avec le secteur aérien, le seul secteur financièrement équilibré puisqu'il peut être soumis à une tarification au coût complet. Comme on l'a vu, il apporte également des contributions importantes au budget de l'Etat, notamment par la fiscalité.

Cependant, l'investissement en infrastructures routières et autoroutières souffre de l'incohérence de la politique actuelle.

S'agissant des autoroutes concédées, la renonciation à la procédure de l'adossement freine l'investissement. La nouvelle procédure de mise en concurrence entraîne un très net ralentissement des investissements.

S'agissant du secteur routier non concédé, c'est la faiblesse des moyens de l'Etat qui explique le faible investissement. Les crédits d'entretien et d'exploitation de la route ne sont pas à la hauteur de la conservation du patrimoine routier.

Enfin, seules les collectivités locales accroissent leur effort financier dans le cadre des contrats de plan. Mais cet effort ne permet pas de palier les insuffisances de la politique nationale, prise entre un discours de " pénalisation " de la route et la réalité de l'augmentation des trafics.

Selon les projections du ministère de l'équipement, des transports et du logement, le niveau d'investissement public souhaitable sur le réseau routier non concédé à l'horizon 2015-2020 peut être globalement évalué à 269 milliards de francs, dont environ 120 milliards de francs pour le milieu urbain soit près de 45 % du total. Sur 20 ans, cela correspond à une enveloppe moyenne annuelle d'investissement sur le réseau non concédé de 13,5 milliards de francs. Sur la même période le niveau d'investissement relatif au réseau concédé a été estimé à 115 milliards de francs pour les autoroutes dont la concession n'était pas encore attribuée. Une vigilance s'impose donc sur la réalisation des investissements futurs.

1. Le secteur autoroutier concédé ou les risques liés à la fin de l'adossement

a) Une réforme financière très importante

Pour 2001, une nouvelle ligne est apparue dans le budget des transports, intitulée " subvention pour la construction d'autoroutes concédées ". Elle n'est pas dotée mais devrait, selon les informations du ministère, être abondée en cours d'année. Elle est en quelque sorte le symbole de la réforme du financement autoroutier.

Le gouvernement s'est en effet engagé dans la voie d'une modification profonde du financement de notre système autoroutier.

Il a mis un terme à la procédure de l'adossement . Sa décision a été confortée par un avis du Conseil d'Etat le 16 septembre 1999, qui a conclu que les règles applicables à l'attribution des concessions faisaient désormais obstacle à ce que la réalisation d'une nouvelle section d'autoroute soit confiée à une société dont l'offre prévoit que l'équilibre financier de l'opération sera assuré par la prolongation de la durée d'une concession en cours concernant un autre ouvrage, la passation d'un nouveau contrat s'accompagnant alors de la conclusion d'un avenant au contrat en cause.

L'avis du Conseil d'Etat du 16 septembre 1999

Le Conseil d'Etat indique que " si, en vue de la concession de la construction et de l'exploitation d'un tronçon d'autoroute dont le trafic envisagé ne permet pas d'assurer la rentabilité, un candidat, déjà titulaire d'une concession, était admis à présenter une offre dont l'équilibre financier serait assuré par la prolongation de la durée de la concession initiale, alors que les autres candidats ne pourraient que réclamer une subvention de la part de l'autorité concédante, l'égalité entre candidats serait rompue, et seraient méconnues les dispositions susmentionnées (art 38 et 40 de la loi du 29 janvier 1993) , ainsi que l'article 3 de la directive n°93/37 CEE du Conseil du 14 juin 1993. "

En outre, le Conseil d'Etat note que les dispositions de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne permettent pas d'allonger la durée d'une concession pour des raisons étrangères à la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre.

La conclusion est donc que " la pratique actuelle de l'adossement consistant à financer le déficit d'une concession d'une section non rentable d'autoroute par la conclusion d'un avenant portant prolongation de la durée initiale d'une concession déjà attribuée et exploitée contrevient à un double titre aux dispositions précitées . "

Cependant, le Conseil d'Etat note qu'en application de l'article 40 de la loi du 29 janvier 1993, la prolongation de la durée de la concession pour assurer la réalisation d'un équipement routier nouveau par la pratique de l'adossement peut avoir un caractère exceptionnel.

Il faut que les investissements complémentaires non prévus au contrat constituent un accessoire de l'ouvrage initial, c'est-à-dire aient une dimension et un coût limités en comparaison avec ceux de l'ouvrage principal, et ne disposent pas d'une autonomie fonctionnelle propre.

Par ailleurs, le Parlement a autorisé le gouvernement à prendre des ordonnances sur les points suivants :

- suppression de la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA),

- réforme des comptes des sociétés et prorogation des durées des conventions de concessions conclues entre l'Etat et certaines sociétés concessionnaires.

Cette demande fait suite à un accord conclu avec la Commission européenne, sur l'initiative du gouvernement français. La commission européenne a fait savoir, par un communiqué de presse le 4 octobre 2000, qu'elle avait décidé d'autoriser l'allongement entre 12 et 15 ans des durées de 6 concessions :

- jusqu'en 2026 pour la société des autoroutes Esterel-Côte d'Azur, Provence, Alpes (ESCOTA),

- jusqu'en 2026 pour les sociétés d'autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) et Paris-Normandie (SAPN),

- jusqu'en 2032 pour les sociétés des autoroutes du sud de la France (ASF), Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) et Rhône-Alpes (AREA).

Ces allongements, qui entraînent un avantage financier pour les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes constituent la contrepartie des autres mesures de la réforme, notamment la suppression des engagements de reprise de passif par l'Etat inscrits dans les contrats de concessions des SEMCA, la suppression du régime des charges différées et de l'alignement de leurs pratiques comptables sur le droit commun.

b) Une réforme encore très floue

Au-delà de cet accord obtenu auprès de la Commission européenne, l'objectif du gouvernement est de prendre appui sur la réforme des SEMCA pour obtenir de ces sociétés des résultats d'exploitation bénéficiaires constituant de nouvelles ressources pour l'Etat et permettre, notamment, mais pas essentiellement, de financer le développement du réseau autoroutier.

D'après l'exposé des motifs de l'avant-projet d'ordonnance rédigé par le gouvernement, les dividendes " constitueront une ressource nouvelle affectée au financement des infrastructures de transport et pourront participer ainsi au rééquilibrage intermodal : ils permettront de contribuer au versement des subventions publiques éventuellement nécessaires à de nouvelles sections autoroutières concédées ; ils pourront aussi financer une programme prioritaire de réhabilitation du patrimoine routier national, notamment en agglomération et en zone périurbaine ; ils pourront enfin être affectés à la politique intermodale des transports. "

Ainsi, l'utilisation des dividendes des sociétés d'autoroutes au financement du développement de la politique autoroutière ne devrait être qu'une possibilité parmi d'autres, et sans doute pas, d'après l'exposé général de l'avant-projet d'ordonnance du gouvernement, la priorité. Les dividendes des sociétés d'autoroutes seront plutôt utilisés dans un objectif de péréquation entre modes que de péréquation à l'intérieur d'un même mode, comme c'était le cas pour l'adossement.

Les orientations de la politique des transports ont été réaffirmées lors du CIADT du 18 mai 2000 et visent à la fois un rééquilibrage modal de l'offre de transport et la régulation de la demande. Le rééquilibrage se traduira par une priorité accordée au fret ferroviaire et aux transports alternatifs à la route pour les transports interurbains.

Malgré l'insertion d'une nouvelle ligne budgétaire, le ministre de l'équipement, des transports et du logement a annoncé, lors de l'examen de son budget au Sénat le 1er décembre 2000, que cette ligne ne serait pas dotée en 2001, puisqu'aucune nouvelle liaison ne demandait à être financée.

2. Le réseau routier national

Alors que l'Etat ralentit volontairement l'investissement autoroutier en freinant l'octroi de nouvelles concessions, il peine à trouver les ressources budgétaires pour entretenir son patrimoine routier.

Le problème de l'entretien du réseau routier national est en effet devenu crucial. La faiblesse des crédits budgétaires accordés à l'entretien des routes est génératrice de surcoûts supplémentaires, liés aux nécessaires opérations de réhabilitation. Le ministère de l'équipement, des transports et du logement note lui-même que " compte tenu du niveau des dotations d'entretien qui permettent de satisfaire un entretien préventif sur les deux-tiers du réseau, des besoins de plus en plus importants apparaissent au titre des programmes de réhabilitation-renforcement ".

D'une manière générale, on observe depuis 10 ans un " décrochage " des dotations d'entretien en volume par rapport aux besoins, comme le montre le graphique ci-dessous (indice base 100 en 1980).

Source : direction des routes

La faiblesse des dépenses d'entretien en faveur du patrimoine routier et des infrastructures en général est inquiétante, car elle met en danger l'avenir de notre système de transports.

B. LE SECTEUR FERROVIAIRE : UNE AMBITION LOUABLE DESSERVIE PAR DES STRUCTURES LOURDES ET UNE STRATÉGIE INSUFFISANTE

Le secteur ferroviaire concentre, à juste titre, toutes les attentions. En effet, sa part modale ne cesse de décliner au profit de la route, malgré le besoin de disposer, particulièrement dans certaines zones écologiquement fragiles, de transports substitutif à la route.

L'écart qu'il convient de combler porte surtout sur le transport de marchandises, qui est presque exclusivement réalisé par la route. D'où l'objectif très courageux de doubler le trafic fret en 10 ans, et de maintenir ainsi sa position par rapport à la route.

Mais cette ambition louable se heurte à de nombreux obstacles. La direction de la prévision avoue elle-même que " l'objectif de doublement du trafic fret est retenu à ce stade sans que soient clairement explicités les moyens d'y arriver ".

En effet, la SNCF n'est pas encore parvenue à se défaire de sa priorité absolue donnée aux voyageurs au détriment du fret.

D'autre part, l'entreprise SNCF doit faire face à un important accroissement de ses charges, résultant pour l'essentiel de ses charges de personnel et du financement de la politique des 35 heures.

De surcroît, le développement de l'activité fret de la SNCF nécessiterait des investissements de contournements, pour une vingtaine de milliards de francs, afin d'éviter les goulots d'étranglement autour des grandes villes, mais la priorité politique n'est pas donnée à ce type d'investissement.

1. Les résultats du secteur ferroviaire

a) Le trafic voyageurs

Le tableau suivant donne l'évolution, depuis 1995, du trafic voyageurs de la SNCF sur le réseau principal d'une part, avec la répartition entre TGV, trains rapides et express et services régionaux d'une part, et trafic d'Ile-de-France d'autre part.

Evolution du trafic voyageurs de la SNCF depuis 1995

catégorie de trains

1995

1996

1997

1998

1999

1999/1998

TGV

21,4

24,8

27,6

30,0

32,2

7,3 %

Trains rapides nationaux

18,9

18,9

17,8

17,5

16,8

- 4,0 %

Total grandes lignes

40,3

43,7

45,4

47,5

49,0

3,2 %

Services régionaux de voyageurs

6,8

7,2

7,5

7,7

8,0

3,9 %

total réseau principal

47,1

50,9

52,8

55,2

57,0

3,3 %

Ile-de-France

8,5

8,9

9,0

9,3

9,6

3,2 %

Total voyageurs

55,6

59,8

61,8

64,5

66,6

3,3 %

En milliards de voyageurs/kilomètre

L'ensemble du trafic voyageurs de la SNCF a progressé de 3,3 % en 1999 après avoir augmenté de 4,4 % en 1998 et 3,4 % en 1997.

On remarquera que si le trafic du réseau principal évolue de manière significative (+ 3,3 %), cette évolution est due en grande partie à l'évolution du trafic TGV (+ 7,3 %), alors que le trafic des trains rapides nationaux continue de chuter (- 4 %).

Le trafic régional de voyageurs a quant à lui enregistré une hausse significative (+ 3,9 %).

On observera que le nombre total de voyageurs/kilomètre a progressé de manière significative entre 1995 et 1999, passant de 55,6 à 66,6. Cependant, sur moyen terme, il ne s'agit que d'un rattrapage, puisque le trafic se situe en 1999 à peine au-dessus de celui de 1990. D'autre part, le trafic est poussé par le réseau grandes lignes et en particulier les TGV alors que les trafics régionaux stagnent globalement depuis dix ans.

Toutefois, compte tenu de la bonne tenue du trafic depuis 3 ans, l'objectif de 3 % de hausse du trafic par an retenu par la SNCF pour les années à venir semble plus qu'accessible.

b) Le trafic marchandises

Le tableau suivant donne l'évolution, depuis 1995, du trafic marchandises de la SNCF exprimé en milliards de tonnes-kilomètres, ainsi que l'évolution de la part de marché du rail :

1995

1996

1997

1998

1999

1999/1998

trafic fret

46,6

48,3

52,6

52,7

52,1

- 1,1 %

part de marché (en %)

24,8

25,8

27,4

26,6

25,5

- 1,1 %

Le trafic fret a connu une reprise importante à partir de 1995, reprise qui, après une excellente année 1997, s'est tassée en 1998, et s'est infirmée en 1999. Cette situation est due notamment à l'ampleur des conflits sociaux dans l'entreprise.

L'an dernier, la chute du trafic fret au premier trimestre 1999 était inquiétante. Ce recul, lié aux problèmes de saturation du réseau, aux suites des mouvements sociaux à la SNCF et à l'activité économique, s'est malheureusement confirmé.

Ainsi, malgré la reprise de 1997 (+ 8,7 %), la part de marché du fret ne cesse de se dégrader depuis 10 ans (passant de 28,8 % à 25,5 %) 7 ( * ) . Le fret a reculé à 57,5 milliards de tonnes/km , mais les prévisions pour 2000 (56 milliards de tonnes/km) et 2001 (57,5 milliards de tonnes/km) sont un peu meilleures. De fait, le trafic fret a enregistré une progression de 9,5 % au premier semestre 2000 (9 % pour le trafic conventionnel, 11 % pour le trafic combiné). L'évolution du trafic fret est en effet liée aux perspectives de croissance de secteurs lourds tels que la sidérurgie, la chimie, ou le bâtiment-travaux publics, qui sont aujourd'hui dynamiques.

2. Le redressement financier de la SNCF : un redressement encore fragile

Les résultats du groupe SNCF ont progressé en 1999.

Le résultat de l'ensemble consolidé présente un bénéfice de 264 millions de francs contre - 542 millions de francs au 31 décembre 1998, soit une amélioration de 806 millions de francs. La part revenant au groupe s'élève à 336 millions de francs (- 304 millions de francs en 1998) et la SNCF améliore son résultat net consolidé de 146 millions de francs. L'excédent brut d'exploitation diminue de 356 millions de francs en raison de l'augmentation des redevances d'infrastructures.

La contribution de la SNCF au chiffre d'affaires consolidé passe de 74,3 milliards de francs à 75,6 milliards de francs (+1,8 %). Cette hausse s'explique par la croissance des produits du trafic de 1 milliard de francs (+2,2 %) grâce aux bons résultats du trafic grandes lignes et par l'augmentation de la rémunération du gestionnaire de l'infrastructure par RFF de 597 millions de francs (+ 3,6 %).

En revanche, la contribution de la SNCF au résultat d'exploitation, soit 2 milliards en 1999, se dégrade de 370 millions de francs. Les facteurs expliquant cette dégradation sont l'augmentation des redevances d'infrastructures versées à RFF (+ 3,5 milliards de francs) malgré leur compensation partielle par des versements de l'Etat (958 millions de francs pour les grandes lignes et TER et 800 millions de francs à titre exceptionnel) et la dégradation des charges de personnel de 680 millions de francs. En contrepartie, le chiffre d'affaires n'aura progressé que de 1,4 milliard de francs.

Le développement de la SNCF est cependant bridé par plusieurs éléments : les difficultés persistantes de l'entreprise dans sa gestion du dialogue social, les effets de l'accord national du 7 juin 1999 sur l'application des trente-cinq heures, l'insuffisance des moyens dévolus au fret ferroviaire.

Le gouvernement annonce que le transport combiné est une de ses priorités, ce qui va entièrement dans le sens préconisé par le Sénat. Cependant, les moyens d'investissement qui y sont consacrés sont dérisoires , puisque les subventions aux investissements s'élèvent à 170 millions de francs, dont 145 millions de francs seulement pour les subventions spécifiques aux terminaux de transbordement.

Les dotations au transport combiné

Aides à l'exploitation

260

Subventions aux investissements

170

dont subventions spécifiques aux terminaux de transbordement

145

Aides aux entreprises routières accédant au transport combiné

2

TOTAL

577

On peut douter du résultat d'une telle politique avec des moyens financiers de ce niveau.

Face à la faiblesse des subventions, la SNCF doit agir sur la qualité du service, qui est, avec la capacité de l'infrastructure, un élément essentiel de la démarche vis-à-vis de la clientèle.

Un accord a ainsi été signé le 20 mars 2000 entre les acteurs du transport combiné en France : FNTR, SNCF, NOVATRANS et GNC afin, à titre d'expérimentation, de développer le trafic sur trois grandes liaisons en restaurant la régularité et la fiabilité des acheminements.

Le ministère lui-même semble toutefois pessimiste : " en l'absence d'internalisation des coûts externes des différents modes, et face d'autre part aux difficultés qui subsistent en matière d'harmonisation de la réglementation sociale dans le transport routier, les conditions d'une concurrence loyale et équilibrée entre les différents modes de transport ne sont pas réunies ".

En conclusion, il faut souligner que la SNCF est loin d'être l'entreprise ferroviaire la moins performante en Europe, notamment dans le secteur du transport de fret. Toutefois, comme les autres sociétés ferroviaires, elle connaît d'importantes difficultés à s'adapter à un environnement concurrentiel, dans lequel la part de la route reste prépondérante.

3. Un exemple de comparaison : le secteur ferroviaire allemand

Les déplacements de personnes et les transports de marchandises connaissent une forte croissance en Allemagne. Cette croissance a essentiellement profité au transport routier de marchandises dont la part relative ne cesse de progresser au détriment du chemin de fer.

Evolution du transport de personnes de 1997 à 1999

(en milliards de personnes-kilomètres)

Transport de personnes

1997

1998

1999

(prévisions)

Progression

1998/1999

%

%

%

%

en milliards de personnes-kilomètres

Chemin de fer

64

6,9

62,9

6,7

63,2

6,7

0,5

- proximité

33

32,4

32

-1,2

- longues distances

31

30,5

31,2

2,3

Transports publics

76,2

8,3

76

8,1

76,3

8,1

0,4

autobus

67,9

67,8

68

0,3

- régulier/proximité

43,9

43,6

43,7

0,2

- occasionnel

24

24,2

24,3

0,4

rail

8,3

8,2

8,3

1,2

Voies aériennes

28

3

37,7

4

39,7

4,2

5,3

Transport individuel*

754,8

81,8

760,9

81,2

768

81,1

0,9

TOTAL

923

100

937,5

100

947,2

100

1,0

Source : Institut für Wirtschaftsforschung (Ifo), prévisions février 1999.

* Transport individuel = voitures particulières, breaks, inclus également les taxis et voitures de location.

Selon l'Office fédéral de la statistique (Statistisches Bundesamt) , de plus en plus de passagers utilisent le chemin de fer. De janvier à mars 1999, 465,5 millions de personnes ont emprunté le train (6,5% de plus par rapport à la même période en 1998) : 35,7 millions ont effectué un trajet longue distance et 429,8 millions un trajet de proximité.

Evolution du transport de marchandises de 1997 à 1999

(en milliards de tonnes-kilomètres)

Transport de marchandises

1997

1998

1999

Progression

%

%

%

%

en milliards de tonnes-kilomètres

Chemin de fer

72,7

16,1

73,8

15,8

72,8

15,4

-1,4

Voies maritimes intérieures

62,2

13,8

63,9

13,7

63,5

13,5

-0,6

Transport de marchandises sur route

303,6

67,1

314,8

67,3

319

67,7

1,3

Entreprises nationales

223,1

228,6

229,7

0,5

- Trafic professionnel

151,3

157,8

159

0,8

Entreprises étrangères

80,5

86,2

89,3

3,6

Voies aériennes

0,5

0,1

0,6

0,1

0,6

0,1

0,0

Pipelines

13,2

2,9

14,7

3,1

15,3

3,2

4,1

TOTAL

380,4

100

397

100

401,5

100

0,8

Ifo, prévisions 1999.

La part relative du transport de marchandises par rail ne cesse quant à elle de diminuer. Durant ce même trimestre 70,7 millions de tonnes ont été transportées, soit 12 % de moins qu'à la même période de l'année précédente. Pour le trafic intérieur 4 804 tonnes ont été transportées. Le transit par rail vers l'étranger a diminué de 12 % pour atteindre 9,4 millions de tonnes transportées et le transit de biens depuis l'étranger est passé à 10,6 millions de tonnes, soit une baisse de 2,1 %.

Cette baisse des volumes concernant le transport de marchandises par rail est essentiellement due à une forte baisse de la demande du transport de produits miniers et sidérurgiques. Il a été enregistré une baisse de 25 % en ce qui concerne le transport de métaux ferreux et non ferreux de janvier à mars 1999, soit 11,5 millions de tonnes ainsi qu'une baisse de 29 % pour le transport de minerais, soit 6,5 millions de tonnes. De même le transport de produits chimiques a quant à lui diminué de 11%, soit 5,1 millions et celui de produits alimentaire de 20 %, soit 0,8 million de tonnes. Le transport de produits agricoles a tout de même augmenté de 6,7 % (1,9 million de tonnes ont été transportées durant ce trimestre).

Tableau 1 : Evolution du transport de marchandises par rail

(1 er trimestre 1998 par rapport au 1 er trimestre 1999)

Janvier à mars

1998

1999

Progression (%)

Total marchandises transportées

(en tonnes)

80 221

70 726

- 11,8

Transport intérieur

56 051

48 440

- 13,6

Transit vers l'étranger

10 681

9 357

- 12,4

Transit depuis l'étranger

10 840

10 613

- 2,1

Transit

2 649

2 316

- 12,6

Marchandises transportées

Produits agricoles

1 818

1 940

6,7

Produits alimentaires

1 021

819

- 19,8

Combustibles minéraux durables

16 283

16 113

- 1,0

Produits pétroliers

6 793

6 339

- 6,7

Minerais

9 070

6 481

- 28,5

Métaux ferreux et non ferreux

15 365

11 486

- 25,2

Houille

8 912

8 067

- 9,5

Engrais chimiques

2 178

2 027

- 6,9

Produits chimiques

5 671

5 072

- 10,5

Autres produits finis et demis finis

5 416

5 309

- 2,0

Divers

7 693

7 073

- 8,1

Source : Office fédéral de la statistique, 4janvier 2000.

C. LA POLITIQUE FLUVIALE : NI AMBITIONS, NI MOYENS

A priori, la politique fluviale apparaît comme le maillon faible des transports terrestres : un réseau mal exploité et une gestion du déclin.

Toutefois, le trafic fluvial a progressé de 20 % ces deux dernières années, et la croissance économique fait naître de timides espoirs. Voies navigables de France (VNF) fait ainsi montre d'un dynamisme certain pour une reconquête du trafic fluvial.

En effet, grâce aux contrats de plan, la perspective d'un arrêt du déclin de la voie fluviale est apparue, essentiellement pour les canaux à grand gabarit et les canaux à forte vocation touristique. Les contrats de plan et les programmes cofinancés avec les collectivités territoriales ont représenté 800 millions de francs pour la période du XI ème plan et devraient s'élever à 4,2 milliards de francs pour la période 2000-2006, soit 600 millions de francs par an.

Les nouveaux engagements financiers comprennent notamment le relèvement des ponts sur la liaison Dunkerque-Escaut. En plus des contrats de plan, l'Etat assure seul les financements d'une partie des investissements sur le réseau et VNF dégage une capacité d'autofinancement, si bien que l'on peut considérer que le " trend " d'investissement pour les voies navigables pourrait être de 900 millions de francs pour les six ans à venir.

La légère amélioration des dotations au transport fluvial dans les contrats de plan ne serait toutefois pas suffisante pour provoquer un redémarrage. La réalisation du projet Seine-Nord, permettant de relier la France aux réseaux européens, reste encore une utopie, tant sa rentabilité n'a pas encore convaincu les décideurs publics. Par ailleurs, il faut noter que l'Allemagne investit beaucoup plus, notamment pour l'extension de son réseau fluvial vers l'Europe de l'Est. La Belgique réalise aussi de gros investissements, comme celui de la construction de l'ascenseur de Strepy-Thieu d'une hauteur de 70 mètres capable d'accueillir les bateaux de plus de 1.500 tonnes. Les Pays-Bas ont toujours et traditionnellement eu une politique fluviale active depuis longtemps. La loi française de 1994 et la directive de 1996 sur la libéralisation du transport fluvial ont été, pour le moment, les principales impulsions en matière de politique fluviale, tant au niveau national qu'européen, à l'exception de la création de VNF en 1991 et du FITTVN en 1995, qui vient d'être supprimé par la loi de finances pour 2001.

D. LA POLITIQUE PORTUAIRE : UN RELATIF DÉSINTÉRÊT DES POUVOIRS PUBLICS

La Cour des comptes a fait un constat : l'absence de politique portuaire.

D'une manière générale, la politique portuaire ressemble à une gestion " au fil de l'eau ", ce dont témoigne l'extrême faiblesse des investissements publics. Seul le projet "  Port 2000 " au Havre témoigne d'une certaine ambition, dans un contexte général d'investissements parcimonieux. Mais les ports français sont très loin d'égaler leurs voisins du Nord, belges (Anvers) ou néerlandais (Rotterdam).

L'absence de politique portuaire : le constat de la Cour des comptes

L'Etat n'étant qu'un acteur parmi d'autres -régions, départements ou établissements publics-, la définition d'une stratégie claire de sa part est dès lors plus essentielle estime la Cour.

Or, la politique portuaire nationale est jugée insignifiante.

Elle consisterait essentiellement en une succession de projets de réforme portuaire qui n'ont pas réellement abouti. En outre, les nombreux rapports publics ou internes de réflexion produits sur les questions portuaires n'auraient guère été suivi d'effet.

La Cour incrimine notamment le manque de stabilité et de moyens des structures administratives centrales : celles-ci ne disposeraient pas d'une information concernant l'activité et les investissements des ports suffisamment précise et cohérente.

De manière générale, la cour estime que l'absence de politique globale des transports affecte encore plus les choix de l'Etat à l'égard des ports maritimes. Elle estime d'ailleurs que les structures administratives du ministère de l'équipement, des transports et du logement font obstacle à une réflexion globale sur les transports.

Les recommandations principales de la Cour visent à :

- définir une politique cohérente et globale de l'Etat à l'égard des ports maritimes en tenant mieux compte la nouvelle donne européenne ; traduire effectivement dans le schéma des services de transports de marchandises, les orientations arrêtées par les CIADT de décembre 1998 et juillet 1999 ;

- mettre en place les moyens d'expertise et définir les indicateurs de gestion nécessaires à l'action de l'administration centrale chargée des ports ;

- mettre en place une coordination effective et systématique des transports terrestres, fluviaux et maritimes, ainsi qu'une évaluation intermodale des projets en matière de transport ;

- améliorer la qualité des analyses économiques des ports en matière de desserte terrestre ;

- refuser de prendre en compte et de soutenir des projets de développement portuaire qui n'intégreraient pas une analyse et des décisions portant sur les dessertes terrestres.

E. LA POLITIQUE AÉRIENNE : COMPTE TENU DE L'EXPLOSION DE LA DEMANDE, LA NÉCESSITÉ DE CHOIX URGENTS

La politique aérienne connaît un certain nombre de spécificités, qui empêchent de la considérer comme les autres politiques de transports.

Cependant, une chose est certaine : l'explosion des trafics conduit à une saturation des aéroports actuels et contraint les pouvoirs publics à rechercher l'emplacement du troisième aéroport.

En 30 ans, comme le montre le graphique ci-après, le trafic (hors transit) des aéroports de métropole aura été multiplié par six.

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Au cours de ces dernières années, le trafic aérien a encore enregistré une très forte croissance, comme le montrent les indicateurs suivants.

Indicateur de variation du trafic aérien

1 er semestre 2000/

1 er semestre 1999

1 er semestres 2000/

1 er semestre 1998

1 er semestre 2000/

1 er semestre 1997

+ 5,0 %

+ 14,5 %

+ 23,7 %

Les prévisions pour 2020 s'échelonnent entre une prévision " basse " de 190.000 passagers et une prévision " haute " de 230.000 passagers.

L'intervention de l'Etat en matière aéroportuaire relève avant tout de missions régaliennes de sécurité des infrastructures et des personnes. Toutefois, il lui appartient également de prendre des décisions d'importance, et notamment celles relatives à l'implantation d'un troisième aéroport parisien.

Le régime juridique des grandes plates-formes aéroportuaires

Aéroports de Paris, établissement public créé en 1945, est chargé de l'exploitation et du développement des aérodromes situés dans un périmètre de 50 km autour de Paris.

Les dix principaux aéroports de province (Nice, Marseille, Lyon, Toulouse, Bâle-Mulhouse, Bordeaux, Strasbourg, Nantes, Montpellier et Lille) appartiennent à l'Etat, comme la grande majorité des autres aéroports commerciaux.

La gestion de neuf de ces aéroports est confiée à la chambre de commerce et d'industrie correspondante, celle de Bâle-Mulhouse étant assurée par un établissement franco-suisse relevant d'une convention binationale conclue en 1949.

L'Etat exerce un triple rôle sur ces aéroports :

- en tant que puissance publique, l'Etat a la responsabilité des contrôles de police, de sûreté, de douanes et les contrôles sanitaires et vétérinaires. Il exerce le contrôle de la circulation aérienne. Il fixe les normes en matière de sécurité et contrôle leur respect.

- l'Etat exerce la tutelle économique et financière des gestionnaires d'aéroport, par l'approbation des comptes et des tarifs des redevances réglementées. L'approbation des comptes porte sur le compte d'exploitation annuel et le compte des opérations en capital, exécutés et prévisionnels. Pour ce qui concerne les tarifs, l'Etat a la possibilité de s'opposer aux redevances dites aéronautiques, qui sont constituées selon l'article R.224-2 du code de l'aviation civile par la redevance d'atterrissage, la redevance passagers, la redevance de stationnement, la redevance de balisage et la redevance sur les livraisons de carburant. Les taux de ces redevances, perçues par les gestionnaires d'aéroports auprès des compagnies aériennes, sont fixés pour chaque aéroport par l'exploitant après consultation des usagers.

- enfin, l'Etat assure, en dernier recours, la responsabilité financière de l'aéroport, dès lors que le cahier des charges de la concession est conforme sur ce point au cahier des charges type de 1955. Ainsi, l'Etat garantit en fin d'acte de gestion la reprise des reliquats des emprunts non amortis et le remboursement des avances de trésorerie éventuellement faites par la chambre de commerce concessionnaire. Un décret n°97-547 du 29 mai 1997 a toutefois introduit un nouveau cahier des charges. Ce nouveau régime se caractérise par une meilleure responsabilisation des concessionnaires, assortie d'une tutelle de l'Etat prenant davantage en compte les orientations stratégiques et les choix importants, notamment en matière d'investissements. En fin de concession, l'Etat ne remboursera plus les avances éventuelles des concessionnaires et il n'indemnisera les emprunts résiduels que dans une limite fixée en proportion de l'autofinancement dégagé par l'exploitation.

V. QUELLES PROPOSITIONS POUR L'AVENIR ?

A. LA PRIORITÉ A LA CLARTÉ ET A LA FIABILITÉ DES COMPTES

La priorité absolue doit être la consolidation et la clarté des comptes.

En effet, il est frappant de constater, s'agissant des contributions publiques, que les chiffres les plus divers sont avancés, sans qu'aucune convention de présentation n'existe. Le ministère des finances dispose de ses propres chiffres, le ministère chargé des transports également, les opérateurs de transports aussi, sans compter les évaluations du ministère de l'environnement. Dans ces conditions, il est impossible de dresser un bilan de la rentabilité de chaque secteur, et cela joue notamment sur les critères de tarification.

La clarté passe d'abord par une politique de transparence des différents opérateurs publics. Comme l'a souligné M. Emmanuel Hau, directeur général délégué à l'économie et aux finances à la SNCF, lors de son audition, la SNCF a souhaité passer d'une présentation de l'établissement sous forme de structure horizontale à une structure verticale, par activité, chaque activité représentant un client de la SNCF. Ce tableau vertical par activité permettra à la SNCF de calculer ses marges, alors qu'auparavant, les coûts et les recettes étaient traités séparément, sans être répartis par activité. Toutefois, cette réforme comptable est loin d'être achevée.

La réforme comptable de la SNCF et ses enjeux

La réforme comptable de la SNCF vise à mettre au point un système d'information unique et intégré, permettant d'établir les comptes sociaux de la SNCF, mais aussi des comptes de gestion.

Le principe de base de la réforme est d'affecter le plus directement possible les dépenses et les recettes à une unité comptable, chaque unité comptable étant rattachée à une activité (grandes lignes, TER, fret, Ile-de-France). Il s'agit également de définir les " règles de gestion " pour les refacturations internes entre les différentes activités.

Pour la première fois en 1999, les comptes de la SNCF ont été établis directement par chacune des activités et coordonnés par la direction du contrôle de gestion de la SNCF.

Dans le cadre de la régionalisation, les régions demandent des comptes plus fiables. Les moyens de production propres à l'activité TER et les prestations qu'elle réalise pour les autres activités sont désormais clairement définis. Cependant, les recettes continuent à être affectées aux activités en fonction d'observations statistiques.

Par ailleurs, pour la clarté de l'ensemble des comptes des transports, il existe une commission des comptes des transports de la Nation.

Le ministère de l'équipement (toutes ses directions " transports "), le ministère des finances, l'INSEE, la Banque de France, le ministère de l'environnement, les établissements publics (SNCF, ADEME, VNF, RATP), les associations (Union routière de France, association des utilisateurs de transport de fret), le conseil général des ponts et chaussées, le commissariat général au plan, sont représentés.

Cette commission édite un rapport annuel.

Elle édite également un " compte satellite des transports " depuis 1995, avec un effet rétrospectif (le compte satellite publié en 1995 portait sur l'année 1992, celui publié en 1999 portait sur les années 1992 à 1996).

On trouve pourtant de nombreuses divergences entre le rapport annuel de la commission des comptes des transports et le rapport du compte satellite des transports, car les options méthodologiques ne sont pas bien définies.

Il apparaît donc nécessaire qu'une véritable commission des comptes, disposant d'une méthodologie concernant la comptabilisation des investissements de transports, puisse être mise en place.

B. UNE POLITIQUE DE TARIFICATION ET D'UNIFORMISATION DES CRITÈRES DE RENTABILITÉ

La diversité d'application de la tarification pose des problèmes pour l'ensemble des modes de transports. En matière ferroviaire, la tarification doit fait apparaître la réalité du coût d'utilisation de l'infrastructure, avec s'il le faut une subvention publique bien identifiée. En matière routière, la coexistence au sein du même mode d'autoroutes financées presque exclusivement par les usagers et de routes nationales gratuites nécessite de réfléchir à l'extension du principe du péage.

L'évaluation socio-économique permet de calculer le bilan socio-économique d'un projet d'infrastructure (son intérêt pour la collectivité) et la date optimale de mise en service (taux de rentabilité immédiate). L'outil de référence est le rapport " Boîteux " du commissariat au Plan de 1994 et la circulaire Idrac qui en a été tirée. Ces textes fixent la valeur du temps, les paramètres de pollution (CO2, atmosphère, bruit), les coûts d'exploitation, la sécurité...Mais ces dispositions ne sont pas appliquées par tous les modes de transport, et notamment le mode ferroviaire. Il convient de soumettre tous les modes de transport aux mêmes règles d'évaluation.

Il est enfin nécessaire de promouvoir une harmonisation européenne des critères de tarification : ainsi, les péages en Grande-Bretagne et en Allemagne sont beaucoup plus élevés qu'en France, si bien que les différences entre pays européens conduisent immanquablement au maintien de réseaux strictement nationaux, et non à la promotion d'un véritable réseau européen.

C. CLARIFIER LA NOTION ET LES MOYENS D'UNE POLITIQUE INTERMODALE, DANS UN CADRE EUROPÉEN

L'organisation de l'administration centrale est largement inadaptée au contexte actuel, en raison du cloisonnement des approches et des systèmes de financement par mode de transport, de l'insuffisance de vision stratégique.

Une séparation entre la question des infrastructures d'une part et la question des services de transport d'autre part est nécessaire. Les infrastructures doivent être abordées de manière globale plurimodale et nécessitent de prendre en compte les questions économiques d'ensemble, l'aménagement, l'environnement, le développement. Les services de transport visent l'accès au marché, la régulation de la concurrence, la " tutelle " des professions et des entreprises.

D. RÉSORBER LA DETTE POUR PERMETTRE LA REPRISE DE L'INVESTISSEMENT

L'endettement actuel du secteur des transports est clairement le principal argument pour le freinage des investissements.

Concernant la politique routière, le gouvernement a négocié avec Bruxelles l'allongement des concessions, afin de faciliter le rééquilibre financier des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Mais, dans le même temps, il s'appuie notamment sur les conclusions de la Cour des comptes pour freiner les nouveaux investissements au motif que les nouvelles sections d'autoroutes seraient forcément moins rentables que les précédentes.

S'agissant de la politique ferroviaire, l'endettement de RFF (137,4 milliards de francs) fait également peser un lourd passif sur les investissements à venir malgré la priorité affichée pour le transport ferroviaire. Le calendrier d'investissements 1997-2002, le seul disponible actuellement, montre que les investissements ne pourront se réaliser qu'au prix de subventions accrues.

Selon RFF, le rétablissement de l'équilibre des comptes ne se fait pas au détriment de l'investissement. Mais le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 précisant les missions et les statuts de RFF n'autorise l'établissement public à financer un projet de développement sur ses fonds propres que si des contributions publiques suffisantes lui évitent de dégrader ses comptes. D'où la nécessité de subventions nouvelles. Ainsi, le programme d'investissement ferroviaire à 10 ans annoncé en septembre 1999 par le gouvernement représente 120 milliards de francs (trois pôles : régénération du réseau, modernisation du réseau classique et création de lignes à grande vitesse) dont 70 milliards de francs devront être assumés par RFF et 50 milliards de francs par des contributions publiques (Etat, collectivités locales, Union européenne).

Il est donc important, en parallèle avec une réforme du mode de fonctionnement du système ferroviaire, que l'Etat dispose d'un véritable programme de remboursement de la dette de RFF.

E. DÉGAGER DES MOYENS NOUVEAUX POUR UNE RELANCE DE LA POLITIQUE D'INVESTISSEMENT

L'Etat doit limiter la dérive de ses dépenses de fonctionnement pour financer ses investissements sur son budget général.

Cependant, il devrait également rechercher autant que possible un partenariat public/privé. De fait, devant la faiblesse des moyens publics, il convient de faciliter les modes de partenariat avec le secteur privé. A cet égard, l'Allemagne mène des réflexions intéressantes et sans tabous sur les moyens de mieux associer le secteur privé au financement des transports, en s'inspirant parfois d'un modèle français dont curieusement la France se détourne (les concessions autoroutières).

L'association du secteur privé au financement des infrastructures : l'exemple allemand

Si la concession au secteur privé de l'exploitation des lignes n'est pas un phénomène nouveau, en revanche, la question du financement des infrastructures fait l'objet, depuis quelques années, de débats non encore conclusifs.

a) Quelques exemples de financements privés.

- route

Depuis septembre 1994, la loi permet la construction et le financement de projets d'infrastructures routières dans le cadre d'une concession (Betreibermodell) à un opérateur privé qui assure la construction, le financement, l'entretien et le fonctionnement des ouvrages. En contrepartie et pendant la durée de la concession, l'investisseur privé obtient le droit de lever des droits de péage. Le financement est alors assuré par l'utilisateur de l'infrastructure.

Le recours à la concession reste, pour le moment, limité aux ponts, tunnels, cols de montagne et sections de voies rapides à quatre voies séparées. Les autoroutes ne peuvent pas faire l'objet d'un financement sous forme de concession sans modification du droit national allemand.

-rail

En matière ferroviaire, certaines lignes de transport de proximité ont été concédées au privé. On estime actuellement à 5% le taux d'ouverture de ce secteur au marché.

b) La recrudescence des débats sur la part du secteur privé dans le financement des transports.

Depuis quelques années et pour tenter de faire face à l'accroissement des déficits publics, des solutions ont été recherchées en prenant appui sur des expériences étrangères, la France notamment, pour financer des équipements publics par des acteurs du secteur privé. En outre les conditions imposées par le traité de Maastricht pour le passage à la monnaie unique ont incité fortement les autorités à renforcer et promouvoir l'appel aux fonds privés pour le développement des équipements publics et contribuer ainsi à alléger le poids de la dette publique

Dans ce contexte, un groupe de travail s'est réuni en février 1997. Il était composé de représentants des ministères intéressés par les questions d'investissement (ministères de l'Intérieur, des Finances, du Transport, de l'Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité Nucléaire, de la Construction et de l'Urbanisme, de l'Enseignement, des Sciences, de la Recherche et de la Technologie).Des représentants de la chancellerie fédérale, des syndicats de la construction et de l'IG Bau participaient aussi aux travaux.. Il avait donc pour but de faire le point sur les conditions de fonctionnement de ces financements privés, les comparer aux résultats obtenus par des financements publics et en promouvoir l'utilisation.

Le rapport de ce groupe de travail a été partiellement suivi d'effet dans la mesure où le gouvernement fédéral a décidé en mars 1997 de développer un programme de financement privé à hauteur de 5 milliards de marks. Il a recommandé d'exploiter au mieux les ressources financières privées notamment dans les nouveaux Bundesländer où la demande est plus aiguë.

Le débat a récemment rebondi avec la publication, le 5 septembre 2000, d'un rapport rédigé par une commission ad hoc chargée par le précédent ministre des transports d'étudier les modalités de financement des infrastructures de transport. Présidée par Wilhem Pällmann, ancien président du directoire de la Deutsche Bahn, cette commission dresse un constat sévère des possibilités publiques de financement.

Le volume d'investissement prévu par le plan fédéral d'infrastructures de transport était de 490 milliards de DM pour la période 1991 à 2012. Cette somme, selon la commission, serait insuffisante pour couvrir, par voie de financement budgétaire normal, les besoins de financement. Il y aurait un déficit d'au moins 7,5 milliards de francs jusqu'en 2010 (dont 4 milliards pour les routes de compétence fédérale, 3 milliards pour les voies ferrées et 0,5 milliards pour les voies fluviales).

La commission suggère donc que l'on passe d'un système de financement budgétaire à un financement par l'utilisateur. L'approche qui a été retenue lorsque la Poste, les télécommunications et le transport aérien ont été privatisés devrait être élargie aux infrastructures de transport. La commission Pällman présente donc les recommandations suivantes :

- routes fédérales : la commission préconise la création d'une entreprise de financement des routes fédérales rapides (autoroutes+voies rapides), qui percevrait des redevances d'utilisation. A partir de 2003, estime la commission, il faudrait percevoir des redevances proportionnelles à l'utilisation des autoroutes. Pour les poids lourds, le prix serait proportionnel à la distance parcourue. Pour les véhicules de tourisme, et les autocars, la commission préconise de créer une vignette. Par mesure compensatoire, la commission indique qu'une baisse de la taxe sur les produits pétroliers pourrait être envisagée ;

- infrastructure ferroviaire.

En Allemagne, la Deutsche Bahn AG est depuis le 1 er janvier 1994 une holding qui regroupe les activités d'infrastructures et d'exploitation du réseau ferroviaires. A cet égard et devant le déficit de la Deutsche Bahn, la commission Pällmann préconise de rendre à l'Etat la propriété des infrastructures, sous forme d'une entreprise publique. Pour la commission, la Deutsche Bahn AG devrait se concentrer sur l'exploitation du réseau fédéral (20 000 kms) et transférer ses lignes régionales et locales aux laender ou aux collectivités locales et au secteur privé. Le rapport Pällmann est également favorable à la création d'une autorité chargée de réguler la concurrence au sein du secteur ferroviaire.

- voies fluviales.

L'obstacle majeur à une tarification de l'usage est, d'après la commission, l'exemption de charges prévue par la convention de Mannheim sur le Rhin. Le rapport Pällmann préconise cependant la création d'une entreprise chargée de collecter des redevances d'utilisation car "l'objectif serait de percevoir des droits sur la navigation sur le Rhin, l'Elbe et le Danube".

La publication du rapport Pällmann a suscité des réactions vives et passionnées. Devant l'inquiétude des automobilistes, le ministre fédéral des transports, M. Klimmt, s'est déclaré opposé à l'introduction d'une vignette autoroutière. C'est néanmoins les propositions relatives au secteur ferroviaire qui on provoqué le plus de remous. Le PDG de la Deutsche Bahn AG, M. Mehdorn a déclaré que la partition de la Deutsche Bahn serait un non sens économique. La question du financement du réseau reste cependant en discussion, tous s'accordant à reconnaître que l'Etat fédéral a, s'agissant de l'infrastructure ferroviaire un "devoir de financement".

Source : ambassade de France en Allemagne - service d'expansion économique.

En France, il semble que la réflexion sur ces moyens de tenir un programme d'investissement ambitieux dans un contexte de raréfaction de la ressource publique soit encore très peu développée. La seule idée véritablement nouvelle est la possibilité d'étendre des mécanismes de prêts publics pour le financement des infrastructures de long terme.

Le ministre des finances a annoncé le 29 juin 2000, une extension de l'utilisation des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations au financement d'équipements d'intérêt général, dans le respect du droit communautaire et des règles de la concurrence. Les fonds d'épargne interviendront sous la forme de prêts de très long terme (de 35 à 40 ans) sur la ressource du livret d'épargne populaire (LEP), sur des durées que le marché ne propose pas en quantité suffisante aujourd'hui. Les fonds d'épargne pourront être mobilisés pour le développement des transports urbains et régionaux (au titre des politiques urbaines et de l'habitat). Ils pourront en outre financer les travaux de mise en sécurité des infrastructures collectives de transport (tunnels, ponts, passages à niveau). Le ministère des finances émet des réserves : " il convient cependant de souligner que le recours à ce mode de financement ne permet pas d'éviter un accroissement de l'endettement des gestionnaires d'infrastructures. "

EXAMEN EN COMMISSION

Dans sa séance du 19 octobre 2000 , la commission a entendu une communication de M. Jacques Oudin sur les travaux du groupe de travail relatif au financement des infrastructures de transport.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jacques Oudin a indiqué qu'il présentait les premières conclusions du groupe de travail de la commission. Il a rappelé qu'il avait été également chargé de présenter un rapport sur la politique européenne des transports par la délégation pour l'Union européenne et un rapport sur les schémas de service par la délégation à l'aménagement du territoire.

En introduction, il a indiqué que dans une période de croissance dynamique, la demande de transport ne cessait de croître, alors même que les investissements diminuaient. Il a expliqué que cette situation était imputable à la volonté de l'Etat de se désendetter et de rejeter les responsabilités financières sur les collectivités locales, mais également à son manque de vision stratégique des investissements de long terme.

M. Jacques Oudin a indiqué que le bilan financier du secteur des transports était difficile à établir. En effet, les financements publics ne sont pas consolidés : le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie reconnaît lui-même que l'effort public en matière de transports est dispersé. Il indique simplement que l'effort de l'Etat en matière d'infrastructures peut être évalué à 41 milliards de francs par an, dont 60 % à destination du secteur ferroviaire, 25 % pour les routes, les autres secteurs ne bénéficiant que des moyens résiduels. En tenant compte des taxes affectées aux établissements publics nationaux et de l'effort des collectivités locales, les fonds publics concernant l'entretien, l'exploitation et le développement des infrastructures de transport peuvent être estimés à 50 milliards de francs.

M. Jacques Oudin a toutefois émis des réserves quant à une interprétation trop rapide de ces chiffres, considérant qu'ils négligeaient par exemple certaines formes de financement, l'effort d'investissement en faveur du réseau autoroutier concédé se faisant par exemple sous la forme de l'adossement, c'est-à-dire sans subventions directes. Il a ajouté que la commission des comptes des transports de la Nation chiffrait à 82 milliards de francs pour 1998 les dépenses en infrastructures de transport, dont 54 milliards de francs pour la route, 12,5 milliards de francs pour le rail, 8 milliards de francs pour les transports collectifs urbains et 7 milliards de francs pour le reste. Il a noté qu'il existait une forte contradiction avec les chiffres donnés par le ministère des finances, notamment sur les contributions au mode ferroviaire, et il en a déduit que d'une manière générale, il était très difficile de faire le bilan des financements publics et privés allant aux différents secteurs de transport, dans la mesure où ce bilan dépendait largement de la méthodologie utilisée.

Il a déploré qu'il n'existe pas de bilan coût/contribution pour chaque infrastructure permettant de mettre en regard les subventions publiques et les ponctions effectuées sur chaque mode de transport. Par exemple, le dernier compte satellite des transports estime pour 1996 à 320 milliards de francs la fiscalité produite par le secteur, mais d'après le rapport annuel de la commission des comptes des transports de la Nation, les recettes spécifiques des administrations liées à l'activité des transports se sont élevées à 205 milliards de francs en 1998, dont 182 milliards de francs pour la fiscalité et 23 milliards de francs au titre du versement transport. Si tous les tableaux font apparaître que toutes les contributions publiques sont essentiellement supportées par la route, il n'existe pas de règles conventionnelles pour permettre de définir précisément la contribution financière de chaque mode de transport, ce qui permet d'alimenter sans fin des débats tel que : la route paie-t-elle ses coûts ?

M. Jacques Oudin a également indiqué que les règles de tarification des infrastructures étaient mal définies ou inexistantes. Malgré leur augmentation ces trois dernières années, de 44 milliards de francs en 1997 à 54 milliards de francs en 2000, les péages constituent encore un modèle d'exception pour la plupart des modes de transport, à l'exclusion du transport aérien et des autoroutes concédées. Si la part de l'usager dans le financement des autoroutes concédées atteint 92 %, elle descend à 56 % pour les ports, elle est très réduite pour le transport ferroviaire (25 %), les voies navigables (9 %) et nulle pour les routes nationales. Pour les modes de transport où le péage est faible, c'est le contribuable local ou national qui supporte l'essentiel de l'effort d'investissement.

M. Jacques Oudin a ajouté que, lorsqu'elles existaient, les règles de tarification des infrastructures étaient peu rigoureuses. La tarification au coût complet a été mise en oeuvre pour les infrastructures les plus rentables, à savoir les autoroutes concédées et le transport aérien. En revanche, les péages des voies navigables et des ports sont fixés à des niveaux relativement bas. Les péages du secteur ferroviaire sont emblématiques de l'absence totale de règles de tarification des infrastructures : le paiement des redevances est limité par la capacité contributive de la société nationale des chemins de fer français (SNCF), et environ un tiers des péages, soit près de 3 milliards de francs, est pris en charge directement par des concours publics. Si les péages versés par la SNCF à réseau ferré de France (RFF) sont inférieurs au coût marginal social, contrairement aux préconisations de l'Union européenne, la SNCF redoute toute augmentation qui mettrait en péril son équilibre financier, et compromettrait, notamment, son activité du fret ferroviaire.

M. Jacques Oudin a conclu que d'une manière générale, il n'était pas illogique que l'usager paie plus ou moins selon les modes de transport, mais qu'il regrettait la persistance de distorsions importantes au sein d'un même mode, comme la route, et l'absence totale d'analyse socio-économique objective pour expliquer les divergences dans le choix des modes de tarification.

M. Jacques Oudin a ensuite déclaré que les calculs de rentabilité socio-économique et financière des investissements publics ne lui paraissaient pas satisfaisants. L'écart entre l'évaluation socio-économique d'un investissement et son évaluation financière fonde la légitimité de la subvention publique, un investissement pouvant avoir un intérêt socio-économique sans être financièrement rentable. L'évaluation socio-économique a pour référence le rapport du commissariat général du plan de 1994 et la circulaire qui en a été tirée, mais celle-ci n'est pas appliquée de manière uniforme par tous les opérateurs de transport. Concernant la rentabilité financière, les calculs répondent également à des méthodes très peu satisfaisantes. La direction des routes a fait des efforts avec la création en mars 1999 d'un comité d'analyse et de maîtrise des coûts et d'un observatoire des coûts. En matière ferroviaire, fluviale et portuaire, ce sont les établissements publics en charge des infrastructures qui produisent eux-mêmes les études financières. Ils sont ainsi juges et parties, alors que l'Etat n'est pas en mesure de développer une capacité d'expertise indépendante. Par exemple, concernant les transports ferroviaires, la SNCF dispose de la seule véritable expertise a priori, même si les expertises ont été confiées au conseil général des Ponts et Chaussées, éventuellement associé au conseil général des finances pour le TGV Méditerranée ou le TGV Est européen, mais dans une démarche a posteriori.

M. Jacques Oudin a ensuite déclaré que les comptes des opérateurs des transports lui semblaient opaques ou biaisés. Les comptes de la SNCF ne permettent pas, par exemple, de déterminer clairement le montant des concours publics qui lui sont alloués, puisque le compte de résultat ne tient pas compte du versement à la caisse de retraite ni du versement de l'Etat au service de la dette. Globalement, le président de la SNCF a toutefois indiqué que les contributions publiques au secteur ferroviaire, comprenant celle à RFF, s'élevaient à 65 milliards de francs par an. D'une manière générale, l'équation financière de l'infrastructure ferroviaire est très complexe et facilite, dans une certaine mesure, l'opacité. De même, l'existence du cadre comptable dérogatoire, pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes, a permis de développer des analyses souvent en contradiction avec la situation réelle de ces organismes.

Enfin, M. Jacques Oudin a regretté que chaque mode de transport soit géré de manière autonome, car du morcellement du secteur des transports résulte un éparpillement de l'expertise et l'absence d'une politique d'ensemble qui nuit à l'investissement.

Il a indiqué qu'il avait fait un constat évident, à savoir que globalement l'effort d'investissement de l'Etat en matière de transport était fluctuant sur le long terme, mais en baisse depuis dix ans. Il a cité les investissements ferroviaires, qui ont chuté de 18 milliards de francs en 1990 à 10 milliards de francs en 1999. Le budget d'investissement de RFF jusqu'en 2002 ne traduit pas d'inversion notable, sauf que les subventions d'investissement de l'Etat devront croître pour maintenir un même niveau d'investissement, en raison de la réduction des capacités d'investissement propres de RFF. L'investissement routier a quant à lui connu une inflexion depuis 1996 et les incertitudes les plus grandes demeurent sur le prolongement du programme autoroutier.

M. Jacques Oudin a ensuite indiqué que si les investissements des collectivités locales avaient repris leur progression ces trois dernières années, la perte progressive de leur potentiel fiscal et un environnement économique et financier moins favorable pouvaient contrarier leurs efforts. Or, l'Etat se défausse clairement sur les collectivités locales pour les investissements futurs et les transferts de charges se poursuivent. La régionalisation des services régionaux de transport de voyageurs, actuellement lourdement déficitaires, en est une illustration. Sans les moyens financiers, les collectivités locales ne pourront pas assurer la charge du financement des transports.

M. Jacques Oudin a ensuite expliqué les raisons de la chute de l'investissement, et tout d'abord le souhait des pouvoirs publics de limiter l'endettement. De fait, il a rappelé que la dette portée par le secteur public des infrastructures de transport s'élevait à 250 milliards de francs en 2000 pour le transport ferroviaire, dont 60 milliards de francs au titre du service annexe de l'amortissement de la dette ferroviaire pris en charge par l'Etat, et environ 130 milliards en 1997 pour la dette des sociétés publiques concessionnaires d'autoroutes. Compte tenu de cette très lourde dette, d'importants efforts sont mis en oeuvre pour limiter un nouvel endettement, à travers le cadrage réalisé par le comité des investissements économiques et sociaux, et en matière ferroviaire par le respect de l'article 4 du décret portant statut de RFF qui lui interdit de financer sur fonds propres des projets qui ne procurent pas des recettes suffisantes.

M. Jacques Oudin a toutefois rappelé que tout effort d'investissement était un pari sur l'avenir et qu'il était dès lors logique de faire peser sur les générations futures le poids des investissements de long terme dont elles bénéficieront avant tout, tout en s'efforçant de limiter l'endettement aux capacités de remboursement.

Il a ensuite fait état de l'augmentation de la demande de transport, en précisant qu'entre 1970 et 1996, le trafic routier avait progressé de 4,4 % par an, le trafic ferroviaire de 1,6 % par an, le trafic aérien de 9,3 % par an et le trafic autoroutier de 9,7 % par an. En moyenne, le trafic du secteur des transports aura progressé plus rapidement que le PIB en volume. Or, l'affaiblissement de l'investissement conjugué à l'augmentation des trafics crée un effet de ciseaux qui débouche sur des phénomènes de congestion des réseaux de transport. Même dans le scénario de référence pour les schémas de service, c'est-à-dire celui d'une croissance moyenne avec une politique volontariste en faveur du mode ferroviaire, les trafics progressent de manière importante. S'agissant de la répartition modale des voyageurs, la part de la route progresserait légèrement et le ferroviaire diminuerait. S'agissant de marchandises, le scénario retenu montre une croissance sensible de la part de la route (de 80 % à 85 %) et une diminution du fret ferroviaire (de 18 % à 14 %). Seul un scénario extrêmement volontariste et peu réaliste (doublement du prix de l'essence d'ici 2020, compensation intégrale de la réduction du temps de travail) permettrait d'inverser les tendances. Dans ces conditions, il apparaît que l'action sur la demande de transport ayant des effets limités, il est impératif de prévoir les infrastructures nécessaires.

M. Jacques Oudin a ensuite regretté que les politiques modales de transport aujourd'hui mises en oeuvre soient inadaptées. S'agissant du secteur routier, malgré la bonne situation financière du secteur et ses contributions importantes au budget de l'Etat, l'investissement souffre de l'incohérence de la politique actuelle, notamment en matière de financement autoroutier. Concernant le secteur ferroviaire, l'objectif courageux de doubler le trafic fret en dix ans se heurte aux difficultés de l'entreprise à accorder sa priorité au transport des marchandises et à gérer les dysfonctionnements de nature structurelle de cette activité. De surcroît, le développement de l'activité fret nécessiterait des investissements de contournement de l'ordre d'une vingtaine de milliards de francs, qui ne sont pour le moment pas décidés. En matière fluviale et portuaire, le relatif désintérêt des pouvoirs publics s'exprime par l'abandon du projet Seine-Nord et par l'absence de politique portuaire, comme l'a souligné un récent rapport de la Cour des comptes. Enfin, en matière aérienne, l'explosion de la demande nécessite des choix urgents et notamment des décisions relatives à l'emplacement du troisième aéroport de Paris.

Pour l'avenir, M. Jacques Oudin a souhaité que l'on donne la priorité à la clarté et à la fiabilité des comptes, estimant que les travaux réalisés par la commission des comptes des transports de la Nation ne permettaient pas de disposer d'indicateurs précis en matière de transport. Une politique de tarification et d'uniformisation des critères de rentabilité devrait être également mise en oeuvre dans le cadre de notre réflexion au niveau européen. L'organisation de la tutelle du secteur des transports devrait favoriser une synergie entre les modes plutôt que de promouvoir un cloisonnement des approches par direction thématiques. Enfin, l'endettement du secteur ferroviaire étant l'argument pour justifier l'absence de politique d'investissement, il est important que l'Etat dispose d'un véritable programme de remboursement de la dette de RFF qui, de fait, ne pourra qu'être à terme consolidé dans les comptes de l'Etat. Enfin, l'Etat devra rechercher des moyens nouveaux, auprès du secteur privé, et par l'utilisation de prêts de long terme que pourrait délivrer la Caisse des dépôts et consignations, ou encore par l'affectation de taxes.

Un débat s'est alors ouvert auquel ont participé MM. Alain Lambert, président, Jacques-Richard Delong, François Trucy et Mme Marie-Claude Beaudeau.

En réponse à M. Jacques-Richard Delong, M. Jacques Oudin a indiqué que l'expérience de la construction du Tunnel sous la Manche, qui avait fait appel à des fonds privés, ne permettait pas de rejeter ce type d'investissement, sous réserve d'améliorer les calculs de rentabilité. Il a regretté qu'un certain nombre d'investissements de long terme soient financés par des emprunts sur dix ans, avec un coût de la ressource élevé, alors même que la durée de remboursement des prêts pourrait être allongée. S'agissant du ferroutage, il a expliqué qu'il se heurtait à des obstacles pratiques, notamment l'absence d'harmonisation des systèmes ferroviaires européens et les dysfonctionnements du service fret de la SNCF, mais qu'il était, en tout état de cause, une solution d'avenir.

En réponse à M. François Trucy, M. Jacques Oudin a indiqué que la consommation d'énergie allait fortement progresser, et que d'une manière générale, des études sur le transport maritime montraient que l'élasticité de la demande de transport à la croissance serait plus importante dans les années à venir.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, il a expliqué qu'il considérait également que le transport aérien connaîtrait dans les prochaines années une forte croissance, et qu'il était de la plus impérieuse nécessité de prendre des décisions d'implantation d'un nouvel aéroport afin de remédier à la saturation du ciel européen.

Puis la commission a donné acte à M. Jacques Oudin de sa communication et a autorisé la publication de ses conclusions sous forme d'un rapport d'information.

COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS

Audition de M. Emmanuel HAU , directeur général délégué
à l'économie et aux finances à la SNCF

et de M. Philippe de SAINT-VICTOR , directeur du pôle stratégie, infrastructures et relations avec RFF

mardi 22 février 2000

M. Jacques Oudin a posé de nombreuses questions à M. Emmanuel Hau, concernant notamment les parts de marché de la SNCF, ses perspectives d'investissement, les comptes de l'établissement public et leur éventuelle réforme, la régionalisation des services régionaux de voyageurs et les perspectives offertes par l'intermodalité.

M. Auguste Cazalet a interrogé le directeur général délégué sur la politique de la SNCF en matière de développement du fret, et en particulier sur la réalisation d'axes rapides de transport de fret.

S'agissant des comptes de la SNCF, M. Emmanuel Hau a déclaré que la direction de l'établissement public s'attachait depuis trois ans à créer un système de gestion performant, permettant notamment un pilotage par activités.

Il a expliqué que la SNCF avait souhaité passer d'une présentation de l'établissement sous forme de structure horizontale à une structure verticale, par activité, chaque activité représentant un client de la SNCF. Il a déclaré que ce tableau vertical par activité permettait désormais à la SNCF de calculer ses marges, alors qu'auparavant, les coûts et les recettes étaient traités séparément, sans être répartis par activité.

Le système précédent rendait difficile le calcul de marges par régions, puisque les coûts et les recettes d'un train se répercutaient sur plusieurs d'entre elles. Le pilotage par activité, en se centrant sur une typologie du client, permet de calculer des marges et d'allouer les ressources de façon optimale.

Il a ajouté que la réflexion sur la présentation comptable était au coeur et à la base du dialogue entre l'Etat et les entreprises publiques, dialogue qui exige un effort accru de transparence. Il a toutefois préconisé une présentation en comptabilité générale, seule présentation fiable pour connaître les coûts de gestion, avant de donner une présentation en comptabilité analytique, puisqu'une telle présentation relève de conventions qui peuvent prêter à controverse. Dans ces conditions, la comptabilité analytique s'ancre dans la comptabilité générale qui la fiabilise.

M. Emmanuel Hau a ensuite expliqué que la SNCF était incitée à développer la transparence de ses coûts, du fait de ses nouvelles relations avec Réseau ferré de France, pour lequel elle agit comme prestataire de services, et qui lui demande des données fiables, mais également en raison d'autres réformes à venir, telle la régionalisation des services de transports régionaux de voyageurs inscrite dans le projet de loi " solidarité et renouvellement urbain " ou la contractualisation avec la région Ile-de-France.

Il a souhaité que la présentation de coûts établis sur des méthodes d'évaluation incontestables permette aux régions de mieux comparer le coût des investissements avec la réalité des besoins à satisfaire.

Il a ajouté que la SNCF devait parvenir à détailler ses coûts en utilisant le moins possible le régime du forfait, malgré l'existence de nombreuses prestations croisées. Il a cité le logiciel " Geode ", qui permet actuellement de chiffrer le coût de réalisation des infrastructures ferroviaires, notamment pour RFF.

Le directeur général délégué de la SNCF a souhaité que la réflexion sur les méthodes d'évaluation des coûts soit achevée et validée par les différentes parties prenantes, avant de se prononcer sur les montants d'investissement à financer. Il a annoncé que les comptes de la SNCF en 2000, qui seront publiés au printemps 2001, seront établis selon la nouvelle présentation comptable, dans un souci de transparence.

S'agissant de l'activité Fret, M. Emmanuel Hau a déclaré que l'idée d'une prééminence donnée traditionnellement par la SNCF au transport de voyageurs, était en train d'évoluer. Il a cité l'appel du Groupe d'intérêts pour le fret ferroviaire (GIFF), groupement de transporteurs routiers qui s'insurge contre la politique actuellement menée par la SNCF en matière de fret ferroviaire, de manière sans doute un peu polémique, mais indique aussi que les traditionnelles oppositions rail-route pourraient être progressivement dépassées et aller vers davantage de complémentarité.

Il a indiqué que la SNCF était en train de doter l'activité fret de ses propres moyens, de manière à éviter certaines situations qui se produisent encore, lorsque, par exemple, pour les nécessités du service aux voyageurs, l'on retire un locomotive diesel d'un convoi de fret pour l'affecter au transport de personnes. Aujourd'hui, l'activité fret dispose en propre de ses locomotives.

Il a insisté sur la nécessité d'améliorer la rapidité du transport de fret, et plus encore sur la régularité, la SNCF devant avant tout respecter ses délais pour satisfaire ses clients.

S'agissant de la réalisation de grandes infrastructures, il a recommandé de se méfier de toute démagogie. Il a indiqué que les investissements de désaturation étaient les investissements les plus nécessaires, car permettant de dédier une ligne à une activité spécifique, transport de fret, transport de voyageurs grande ligne, ou transport régional de voyageurs. Il a insisté sur la nécessité de réaliser des infrastructures de contournement des noeuds ferroviaires, infrastructures qui ne sont pas spectaculaires, mais pourtant les plus utiles pour remédier aux goulots d'étranglement et permettre le développement de l'ensemble des trafics.

M. Emmanuel Hau a déclaré que les trafics de marchandises et de voyageurs entraient en compétition au fur et à mesure qu'ils se développaient, ce qui nécessitaient de trouver de nouvelles solutions. Malgré la diminution relative du transport de marchandises par fret au cours de ses dix dernières années, il a indiqué que la baisse enregistrée en France était moins sensible que celle enregistrée en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Il a toutefois ajouté que l'objectif de doublement du trafic fret en dix ans ne pourrait être atteint sans la réalisation des importantes infrastructures de contournement qu'il venait d'évoquer.

M. Emmanuel Hau a ensuite plaidé pour une approche européenne du trafic ferroviaire, en précisant que la France avait transmis à la commission européenne la carte des principaux investissements à réaliser pour développer le réseau ferroviaire européen. Il a ajouté que la SNCF disposait d'atouts naturels pour les distances nécessitant moins de trois heures de trajet, ce qui se vérifiait pour les liaisons entre des capitales européennes très proches, Londres, Paris et Bruxelles, où elle pouvait prendre des parts de marché importantes au transport aérien. A contrario, il a fait observer, que s'agissant notamment des voyages d'affaires, les liaisons de transport de voyageurs sur longue distance ne pourraient pas raisonnablement concurrencer le transport aérien.

Enfin, s'agissant des charges pesant sur la SNCF, le directeur général a rappelé que l'établissement avait toutes les caractéristiques d'une industrie de main-d'oeuvre, les charges de personnel représentant 70 % des coûts, si bien que la réduction du temps de travail à trente-cinq heures coûterait environ 1,3 milliard de francs par an à l'établissement en l'année 2000, cette charge n'étant que progressivement équilibrée par la modération salariale et une meilleure organisation du travail.

En conclusion, M. Emmanuel Hau a indiqué qu'il apporterait des réponses écrites complémentaires aux questions posées par M. Jacques Oudin.

Audition de M. Rémy PRUD'HOMME ,
professeur à l'université Paris XII

et de M. Christian GERONDEAU,
président de l'union routière de France

mercredi 15 mars 2000

M. Jacques Oudin a interrogé M. Rémy Prud'homme sur le lien existant entre le développement économique et la demande de transport.

M. Rémy Prud'homme a répondu que le ministère de l'équipement, des transports et du logement venait de publier un rapport sur les perspectives d'évolution de la demande de transport.

Il a toutefois fait observer que ce rapport mesurait l'évolution des trafics de marchandises, en tonne/km et des trafics de voyageurs en passagers/km, alors qu'il conviendrait de se référer à une mesure de l'activité des différents modes de transport en valeur, c'est-à-dire en francs. Mais il a ajouté que les économistes et statisticiens de disposaient pas de données sérieuses sur l'évolution des transports en valeur.

S'agissant de la comparaison entre la croissance économique et l'évolution de la demande de transport, M. Rémy Prud'homme a déclaré que la demande de transport augmentait au même rythme que la croissance du produit intérieur brut, pour les marchandises, et un peu moins vite pour les passagers.

S'agissant de la décomposition de l'activité des modes de transport, il a indiqué que la demande de transport de voyageurs pouvait être considérée comme deux fois plus importante que la demande de transports de marchandises en valeur. Par ailleurs, et même si les trajets internationaux augmentent plus rapidement que les autres trajets, il faut noter que les trajets régionaux, c'est-à-dire les trajets de moins de 100 km, constituent la part dominante des transports.

S'agissant du rapport entre la qualité des infrastructures et le développement économique, M. Rémy Prud'homme a expliqué que plusieurs études avaient démontré que les infrastructures entraînaient un développement économique régional. Il a cité une thèse de M. Bernard Fritsch, à l'école nationale des ponts et chaussées, intitulée " la contribution des infrastructures au développement régional ".

Il a regretté que la vision des économistes britanniques, marqués par une situation de pénurie des infrastructures dans leur pays, ait profondément influencé les réflexions de la commission européenne, au détriment d'une vision plus réaliste de la situation des infrastructures de transport dans l'Union européenne.

M. Christian Gerondeau a regretté le manque de cohérence de la politique de transports, et le sectionnement des approches entre les différents modes de transports. Il a estimé qu'une politique des transports cohérente aurait dû conduire à faire des choix, mais qu'elle aurait, par exemple, nécessité de reconnaître que les investissements dans les voies navigables n'étaient pas rentables. Il a ajouté que la politique des transports ne deviendrait vraiment cohérente que lorsque l'Etat connaîtra le prix de revient des différents modes de transport.

M. Gérard Miquel , rapporteur spécial du budget des routes, a pris l'exemple des contrats de plan, pour lesquels l'Etat finance un tiers des investissements et les régions au moins un tiers également. Il a expliqué que la responsabilité des décideurs politiques dans le choix de réalisation des infrastructures était importante, mais que ceux-ci n'avaient pas encore choisi de réfléchir au concept d'itinéraire, pourtant seul pertinent en matière de transports. Il a ajouté que l'Etat n'avait plus les moyens de financer directement et d'entretenir des grandes liaisons autoroutières, et qu'il devrait se concentrer sur les liaisons inter-autoroutes. Il en a conclu que l'Etat sera obligé, à terme, de reverser dans le système autoroutier concédé des portions d'autoroutes qu'il n'aura plus les moyens de financer.

M. Christian Gérondeau a répondu que l'Etat avait encore les moyens de financer des infrastructures routières, mais que le problème résidait dans le fait qu'il consacrait dans le domaine des transports une part excessive de ses ressources au financement du rail qui accapare plus de 80 % de celles-ci. Il a indiqué que l'Etat prélevait plus de 200 milliards de francs par an sur les automobilistes, et qu'il n'en rétrocédait rien aux collectivités locales.

M. Rémy Prud'homme a rappelé l'existence du rapport de M. Boîteux sur la rentabilité des infrastructures. Il a ajouté qu'il était très difficile d'apprécier la rentabilité économique des infrastructures, et que l'on se trompait aussi bien sur le coût des infrastructures que sur les projections de trafic, davantage encore pour le fer que pour la route. Il a indiqué que des données fondamentales comme la valeur du temps des camions n'étaient pas, à son avis, convenablement prises en compte. Il a regretté l'absence de services d'étude indépendants, la plupart des études étant réalisées par des organismes intéressés à la réalisation de l'infrastructure ou par la direction de la prévision. Il a également déploré l'absence d'étude a posteriori, alors même que la loi le prévoit. Enfin, il a indiqué que la Cour des comptes ne pourrait être à même de réaliser ce type de travail.

M. Christian Gérondeau a pris l'exemple du trafic du tunnel sous la Manche entre Paris et Londres : il a indiqué que les prévisions de trafic évaluaient à 15 millions le nombre de passagers la première année de mise en service, alors qu'ils ne furent que 3 millions. Aujourd'hui, le trafic est d'environ 6 millions de passagers par an. Il a ajouté que si l'on prenait cet exemple pour mesurer les perspectives de trafic résultant de la construction du tunnel ouvrant la liaison Perpignan-Barcelone, le trafic pouvait être évalué à 300.000 passagers par an, soit pas même un TGV par jour.

M. Rémy Prud'homme a ajouté que le raisonnement valait également pour la liaison Lyon-Turin. Il a expliqué qu'une répartition simple des modes de transports pouvait être réalisée suivant les distances parcourues : les trajets inférieurs à 200 kilomètres se font essentiellement par routes, les trajets entre 200 et 600 kilomètres par rail et les trajets supérieurs à 600 kilomètres par avion.

Audition de M. Claude MARTINAND ,
président de Réseau Ferré de France,

accompagné de M. Dominique LEBRUN ,
chargé des relations extérieures

mercredi 29 mars

Présents

MM. Jacques Oudin, Auguste Cazalet, Gérard Miquel.

S'agissant de la politique globale de l'Etat à l'égard du développement des infrastructures de transport, M. Claude Martinand a rappelé qu'il avait préconisé depuis longtemps de créer une direction générale des infrastructures de transport au ministère chargé de l'équipement et des transports. Seule une direction transversale serait en effet apte à traiter des questions de long terme en matière de tarification et de financement des infrastructures. De surcroît, la gestion actuelle des transports, qui correspond à une séparation par mode, conduit à ce que certaines personnes sont à la fois juge et partie pour des décisions importantes. Il a cité le cas du commissaire de gouvernement au conseil d'administration d'Air France qui est également à celui d'Aéroports de Paris : ils fixent les tarifs d'utilisation des infrastructures aéroportuaires et doivent en même temps promouvoir une ouverture à la concurrence du secteur. L'ouverture à la concurrence et un bon fonctionnement du marché devraient conduire à une séparation entre les gestionnaires et les utilisateurs des infrastructures. Il a expliqué que l'Union européenne avait déjà une organisation conforme à ses préconisations qu'il convenait d'imiter en France, afin d'avoir une vision globale et une meilleure maîtrise de la politique des transports.

M. Claude Martinand a ensuite déclaré en boutade qu'il n'existait pas de problème de financement des infrastructures, mais seulement un problème de tarification. En effet, si l'usager payait réellement le coût de l'utilisation de l'infrastructure, tous les projets utiles pourraient être réalisés.

Il a pris l'exemple de la tarification pour l'utilisation des sillons ferroviaires. A la création de RFF en 1997, la SNCF ne payait que ce qu'elle pouvait et non le coût réel. Les péages représentaient ainsi 6 milliards de francs, soit l'équivalent du solde de gestion de la SNCF. Bien que ne se déclarant pas partisan d'un paiement intégral par l'usager, il a rappelé que RFF avait certaines contraintes, et notamment celle d'obtenir un retour sur investissement, en application de l'article 4 du décret 97-444.

Il a expliqué que très peu de projets pouvaient être financés par les seuls usagers, en citant la liaison Paris-est-Roissy comme le seul projet actuel autofinançable. A cet égard, il a indiqué que malgré la forte augmentation des crédits consacrés aux infrastructures ferroviaires, l'investissement public global n'augmenterait guère, car cette hausse résultait d'un changement dans le mode de financement des infrastructures.

Le président de RFF a ensuite estimé qu'il serait difficile de faire le bilan des financements publics et privés allant aux différents secteurs de transport, dans la mesure où ce bilan dépendait largement de la méthodologie utilisée.

Il a cité l'exemple de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) qui pouvait être considérée, ou non, comme un impôt sur les usagers de la route. Il a ainsi déclaré qu'il était possible d'affirmer que les usagers de la route ne payaient pas les coûts de la route, mais aussi le contraire, avec des déclinaisons possibles entre voitures particulières et véhicules professionnels. Il a estimé, à titre personnel, que la TIPP représentait, au moins en partie, un impôt spécifique à la route, dans la mesure où on ôtait la partie du produit correspondant au fuel domestique et la TVA sur la TIPP. Il en a conclu que, globalement, les usagers de la route payaient peut être leurs coûts, mais pas les poids lourds ni les véhicules particuliers en ville.

M. Claude Martinand a ajouté que la mesure de certains coûts, notamment le bruit, la pollution, la sécurité, le temps, était des plus incertaine. Elle est actuellement réalisée sur la base des conclusions du rapport " Boîteux " et de la circulaire dite "circulaire Idrac ", mais l'on peut contester certaines méthodes d'évaluation de cette circulaire. Ainsi, il a déclaré que l'on surestimait sans doute la valeur du temps, qui dépend du niveau de richesse de chaque individu. Il a ajouté que la SNCF utilisait encore des méthodes de calcul contraires aux dispositions de la circulaire Idrac, notamment pour les projets de trains à grande vitesse, ce que la Cour des comptes avait d'ailleurs critiqué (s'agissant, par exemple, du TGV Nord).

Le président de RFF s'est déclaré favorable à la transparence, mais il a estimé que les tableaux actuels qui chiffrent les contributions de chacun au financement des infrastructures de transports reposaient sur des méthodes incertaines. S'agissant des péages autoroutiers, il a rappelé que ceux-ci finançaient à la fois la présence de gendarmes sur les autoroutes et le FITTVN. Il a pris l'exemple de la Suisse et des Etats-Unis, pays dans lesquels une partie de la taxe sur les produits pétroliers était clairement affectée au secteur routier.

S'agissant de l'évolution des différents modes de transports, il a déclaré ne pas croire à un scénario médian. Il a indiqué que soit le fret ferroviaire se développait dans les 3 à 5 ans à venir, soit il ne fallait pas compter sur une reprise. Pour montrer la prise de conscience de l'importance du fret ferroviaire, il a cité un récent accord entre la SNCF et les associations de transporteurs routiers comprenant un engagement de la SNCF sur une régularité des trains de 95% et une croissance de 20% du transport combiné. Il a également cité l'exemple des vallées alpines qui souffrent du trafic de poids lourds et des réactions populaires qui ne manqueraient pas d'advenir en cas d'accroissement du trafic.

Cependant, il a pointé les nombreux dysfonctionnement de l'organisation du fret ferroviaire en Europe, alors même que le transport de fret est nécessairement un transport longue distance. Il a fait observer que le trafic de fret franco-allemand était dérisoire, que les échanges de marchandises entre la France et l'Espagne ne se réalisaient que pour 5 % par le rail. Il a rappelé que l'objectif de doublement du fret correspondait simplement à une stabilité en pourcentage de la part de marché puisque le trafic routier de marchandises doublerait pendant la même période. Il en a conclu qu'il faudrait des bouleversements profonds mais pourtant très souhaitables pour que le fret se développe.

Il a cité comme obstacle au développement du fret la saturation des noeuds ferroviaires et l'insuffisance des sillons : seuls des investissements à hauteur de 15 à 20 milliards de francs dans les dix ans qui viennent permettraient de telles réalisations, soit l'équivalent du coût du TGV Est. Mais avant même les investissements, il a pointé les problèmes d'organisation, et notamment les difficultés résultant du fait que le fret ne disposait pas de ses propres moyens, que les temps d'attentes aux frontières étaient très longs pour de simples raisons administratives (4 à 5 heures d'attente à la frontière franco-allemande), que le tracé des corridors de fret était encore élaboré de manière artisanale...

Il a cité les corridors internationaux existant entre Anvers et l'Italie (Belifret) où 2.000 trains ont circulé en trois ans, soit l'équivalent de 3 trains par jour seulement. En Allemagne, malgré le libre accès, les corridors de fret ne sont pas utilisés en raison de péages trop élevés.

En conclusion, il a souhaité que la SNCF fasse plus d'effort de productivité, de flexibilité et de régularité pour améliorer le trafic de fret. Il a expliqué que le coût de la traction était trop élevé et qu'il en résultait une mauvaise utilisation du parc actuel : une locomotive diesel ne parcourt ainsi que 40.000 km par an, en moyenne. Même les TGV sont sous-utilisés.

Après trois ans d'existence de RFF, la décision, l'organisation, le pilotage et la maîtrise d'ouvrage des projets d'investissement sont encore largement délégués à la SNCF. La séparation SNCF/RFF a le mieux réussi dans le domaine de gestion de la dette. En revanche, l'entretien du réseau, qui représente 17 milliards de francs par an, ne connaît que des gains de productivité minimes. Même si la SNCF a affiché des gains de productivité de 1 % en 1999, toutes les estimations dépendent de l'entreprise et ne peuvent être vérifiées.

M. Claude Martinand a estimé que d'ici deux à trois ans, et la mise en oeuvre des directives européennes sur l'ouverture des réseaux de transport, la SNCF ne pourra plus être la seule à décider de la mise en place des sillons. Le sujet majeur de préoccupation pour la SNCF devrait donc être la maîtrise de ses coûts, qui n'a guère progressé pour le moment. L'amélioration des comptes de l'entreprise résulte des efforts des pouvoirs publics (désendettement) et de l'accroissement de son activité et non d'une maîtrise de ses coûts. Toutefois, à l'appui des exemples étrangers, M. Claude Martinand a jugé que la réforme française était la plus achevée. Il a indiqué que les méthodes de financement en Grande-Bretagne freinaient les investissements, et que la réforme en Allemagne n'avait été qu'un jeu d'écritures.

Le président de RFF a ensuite indiqué que cinq projets de TGV étaient actuellement en phase d'étude, mais que les investissements ne pourraient guère débuter avant la fin de la construction du TGV Est. Dans les deux à trois ans, il a estimé que seul le TGV Est, les opérations figurant aux contrats de plan et le TGV Perpignan-Figeras pourraient être réalisés. Le FITTVN ne permettra pas de financer tous les projets dans les trois ans à venir.

M. Claude Martinand a ensuite stigmatisé l'égoïsme de certaines collectivités locales, qui, une fois leur desserte TGV obtenue, refusaient tout autre investissement d'intérêt général. Il a cité l'exemple du contournement du Mans qui, bien qu'essentiel, soulevait l'opposition des collectivités locales. Il a rappelé que si les collectivités locales ne s'impliquaient pas financièrement dans les projets d'investissement, ceux-ci n'avaient aucune chance de se réaliser. Il a insisté sur la nécessité de mieux entretenir et de mieux utiliser les infrastructures existantes. Il a souhaité qu'existe un système de nature à stabiliser les crédits d'entretien du réseau routier et autoroutier. Prenant l'exemple du trafic ferroviaire, il a rappelé que le lancement des TGV dans les années 80-90 s'était fait au détriment des crédits d'entretien courant et de dés investissements sur le réseau classique.

Concernant les réseaux transeuropéens de transport, il a expliqué que les avancées avaient été rendues possibles par le passage au vote à la majorité qualifiée.

Rappelant qu'il avait dirigé un livre concernant le financement privé des équipements publics, M. Claude Martinand a ensuite évoqué l'opposition du ministère de l'économie et des finances au régime de la concession. Il a expliqué que, par définition, l'argent privé coûtait plus cher, car le financement privé devait couvrir tous les risques, contrairement au financement public, l'Etat étant alors son propre assureur. Le financement privé impose des choix drastiques, et l'échec d'Orlyval a constitué un exemple sur ce point. Le surcoût privé est donc largement lié à la garantie du risque. Il a estimé qu'une bonne utilisation du secteur privé réside dans le contrat de conception, construction et maintenance sans financement privé, le financement étant assuré par la collectivité publique à un moindre coût.

S'agissant de la tarification, il a rappelé que RFF était favorable à une tarification fondée en partie sur la congestion, ce qui aboutissait, en réalité, à subventionner les petites lignes. Les tarifs dissuadent ainsi les trains " parasites " de passer dans des noeuds congestionnés. Les Allemands vont plus loin, car ils souhaitent tarifer les passages au coût complet, ce qui créerait une barrière à l'entrée : la politique de la Deutschbahn conduit ainsi à une chute du trafic fret, celui-ci n'étant pas assez rentable pour supporter le coût des péages.

Concernant la politique menée par l'Etat à l'égard des différents modes de transports, il a rappelé que les différents modes de transports n'étaient pas en concurrence sur la totalité de leur activité. Ainsi, le fret ferroviaire n'est pas rentable sauf cas particulier pour des distances inférieures à 200 ou 300 kilomètres. Certains trafics ne pourront jamais passer d'un mode à un autre : l'essentiel du trafic routier correspond à des trajets de moins de 120 km, qui ne sont pas transférables. La politique des transports ne peut pas harmoniser les charges d'infrastructures, mais elle doit être une politique de discrimination positive en faveur de certains modes, comme le fret ferroviaire. Pour cela, il lui faut un opérateur performant.

S'agissant de la création de réseaux transeuropéens de transports (RTE), il a déploré l'insuffisante coopération des réseaux, et souhaité que les RTE fasse l'objet d'une gestion spécifique, à l'image d'Eurostar ou Thalys. A terme, il a estimé qu'il y aura trois ou quatre compagnies de fret. Mais il a regretté que ces dossiers avancent lentement. Depuis la directive de 1991, aucune évolution notable n'a pu être enregistrée. De nombreux pays européens n'ont pas séparé l'infrastructure de l'exploitation : l'Allemagne a créé une holding avec une filiale, mais sans faire une séparation réelle de l'infrastructure et de l'utilisateur, de même que l'Italie qui s'est inspirée de l'Allemagne, et la Suisse, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne n'ont pas procédé à des réformes. Partout, l'idée d'une séparation a du mal à s'imposer, même en France, où la réforme est pourtant la plus achevée, en raison de réticences persistantes de la SNCF.

Audition de M. Claude GRESSIER , directeur des ports maritimes et du littoral et de M. Alain PLAUD , délégué général de l'UPACCIM

mardi 24 mars 2000

Etaient réunis MM. Oudin, Gressier, Plaud

M. Jacques Oudin a d'abord souhaité disposer d'outils prévisionnels sur une période de 20 à 30 ans, par exemple :

- un aperçu général des trafics (marchandises, voyageurs) ;

- la croissance des routes mondiales ;

- la croissance des routes arrivant en Europe ;

- le classement des ports européens.

Il a estimé intéressant de regarder l'évolution en 20 ans des ports français, notamment dans l'accueil des marchandises (entrées/sorties).

De même, la part des marchandises arrivée par la mer au niveau français et européen pourrait être utile.

Dans le schéma de service, l'évolution sur 20 ans a été estimée par type de trafic mais sans qu'on distingue les ports entre eux (pétroliers, vracs liquides, vracs solides, etc...), a précisé M. Claude Gressier.

Cette affectation est en effet difficile : interviennent des déplacements brutaux de trafic (cas du transfert de Cherbourg à Zeebruge de l'importation des automobiles Toyota), des phénomènes structurels (cas du trafic de farine, aujourd'hui concentré sur Rouen), a ajouté M. Alain Plaud.

M. Jacques Oudin s'est alors interrogé : si on ne peut prévoir la croissance des ports, comment prévoir les infrastructures qui les desserviront ? Cela est sans doute plus difficile pour les ports, dont le trafic est par nature volatil, que pour les routes, a indiqué M. Alain Plaud.

Les participants s'accordent en fait pour dire que c'est la prise en compte du trafic européen qui permet de résoudre l'équation.

Le développement portuaire relève de la géographie plus que de l'économie. M. Jacques Oudin cite l'exemple du port de Giao Toro, en Italie, dont la capacité est passée de 500.000 unités à 2 millions, et qui d'après lui fournit un bon exemple de port " noeud nodal ".

Actuellement nous sommes dans un cadre européen, sur une pente de croissance, et 80 % des marchandises en volumes viennent de ports maritimes français.

Une politique d'équipement se poursuit dans certains ports : Nantes, Le Havre, Dunkerque. L'UPACCIM étudie les perspectives d'évolution du trafic par filière, par localisation portuaire. Les schémas de développement concernent surtout les contrats de plan (2 milliards de francs) et les schémas de service.

M. Jacques Oudin estime qu'il faudrait une évolution sur une durée supplémentaire à celle des contrats de plan (sept ans). Il considère en effet que le contrat de plan est seulement un contrat de moyens.

M. Claude Gressier estime que dans le domaine portuaire, beaucoup a été obtenu au niveau des contrat de plans. M. Jacques Oudin déplore cependant que le contrat de plan demeure un marchandage plutôt qu'une réflexion stratégique. Il propose d'obtenir des données stratégiques en questionnant les collectivités locales. Le gouvernement a d'ailleurs demandé d'établir des " chartes de places portuaires ". Le pilote en serait le préfet, associé aux chambres de commerce et d'industrie. Elles seraient élaborées pour les ports autonomes et le ports d'intérêt national, qui représentent à eux deux 80 % du trafic.

La Commission européenne va demander une séparation entre les missions régaliennes et d'infrastructure et l'exploitation (à caractère " commercial "). M. Jacques Oudin estime que la gestion des ports en France est trop patrimoniale, parfois timorée, en regard de ce que font nos voisins (souvent ils privilégient la régie municipale).

Un problème de compétitivité va également se poser, estime M. Alain Plaud. Les terminaux sont en effet plus productifs lorsqu'ils sont gérés sous le commandement unique d'un opérateur public ou privé.

M. Alain Plaud exprime des inquiétudes quant à une mise en concurrence obligatoire au niveau européen, mais pour l'instant, rien n'est décidé à la Direction générale de l'énergie et des transports de l'Union Européenne. Pour sa part, le gouvernement français considère qu'il peut continuer à traiter de gré à gré avec les chambres de commerce et d'industrie, la loi Sapin ayant exclu leur mise en concurrence pour l'attribution des concessions portuaires.

Il est fait allusion aux travaux de M. Gilles Bouyer, Président du Comité économique et social des Pays de Loire. Ce dernier a mis en oeuvre une réflexion sur le cabotage maritime et le développement des ports de la façade atlantique.

Cette vision globale est absente des CPER, regrette M. Jacques Oudin . Par exemple, l'opération Port 2000, au Havre (600 millions de francs) se situe hors champ du CPER.

Concernant les schémas de service de transport, M. Brossier, qui préside le groupe de travail interministériel, peut être contacté.

L'enquête de la commission européenne sur les aides publiques apportées au secteur portuaire est évoquée. Elle n'aboutira vraisemblablement pas avant un certain temps, les systèmes étant extrêmement variés.

Les participants considèrent que les aides publiques sont à la source de distorsions de concurrence extrêmement importantes. La France est desservie par sa transparence en matière d'aides publiques.

Audition de M. Jean-Marc DELION ,
Chef du bureau des transports à la direction du budget

lundi 3 avril 2000

M. Jean-Marc Delion a répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

M. Jean-Marc Delion a indiqué que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait, par nature, un rôle de frein et de contrepoids vis-à-vis des ministères dépensiers, avec le souci d'éviter le legs de passifs aux générations futures. La réforme ferroviaire, avec la séparation de la SNCF et de RFF, et la prochaine réforme du financement des autoroutes, ont ainsi pour objectif de mettre en cohérence la politique à l'égard du développement des transports et les moyens de l'Etat. En ce domaine, l'impulsion de l'Union européenne, dans le sens d'une réflexion sur la gestion des transports publics, est importante.

Malgré ces évolutions, il a fait observer que l'investissement de l'Etat n'avait pas ralenti, au contraire, puisque la France investissait aujourd'hui dans ses transports environ 60 milliards de francs contre 45 milliards de francs dans les années 80. Il est vrai que ces dernières années ont marqué une pause, après la relance du programme autoroutier et du programme TGV, à la fin des années 80. Il a toutefois cité le lancement du projet port 2000 au Havre et la concession de l'A 86 dans les récents projets d'investissements. En résumé, il a souhaité que des progrès soient réalisés sur deux plans : d'une part, la gestion, l'utilisation et l'entretien des infrastructures et, d'autre part, la préservation du rôle de la France comme pays de transit.

M. Jean-Marc Delion a ensuite déclaré qu'il n'existait pas d'outil de suivi global des ressources dans le domaine des transports, notamment parce que les données ne prennent pas en compte les transports urbains et les contributions des départements. L'Etat finance une partie des investissements et joue le rôle de tutelle des entreprises publiques du secteur, il est représenté dans les conseils d'administration des entreprises publiques et au comité des investissements (CIES). Cependant, il n'existe pas de bon outil de suivi global des contributions au secteur des transports. Les comptes nationaux des transports n'accompagnent pas la décision : ils sont rendus publics deux à trois ans plus tard. Cependant, on sait que la contribution au secteur ferroviaire est de 68 à 69 milliards de francs par an, puisque la SNCF dépense environ 130 milliards de francs par an et gagne 60 milliards de francs. Les recettes du trafic, soit 47 milliards de francs, sont égales à la masse salariale, sauf depuis deux ans. Les transports ferroviaires sont globalement déficitaires dans tous les pays de l'Union européenne, même en Grande-Bretagne où la subvention atteint 15 à 20 milliards de francs par an.

Pour M. Jean-Marc Delion , le problème est moins le niveau de la contribution au secteur ferroviaire que la question du savoir si l'Etat paye le bon prix pour le service rendu. Or, il a déclaré que l'Etat ne savait pas toujours ce qu'il finançait. Pendant longtemps, les comptes de la SNCF étaient opaques pour l'entreprise elle-même. Aujourd'hui, elle s'efforce de mettre en place des comptes par domaine, afin de se donner une capacité de pilotage. Il a cité la régionalisation des services régionaux de voyageurs, qui permettrait d'améliorer la transparence et de promouvoir une démarche de contrats. La SNCF sera responsable devant les financeurs publics, et devra justifier ses coûts. Une démarche de contrat est également à l'oeuvre concernant le syndicat des transports parisiens.

Auparavant, la politique de lancement du TGV a pu être considérée comme une fuite en avant. Aujourd'hui, pour un investissement important, comme le TGV Est (20 milliards de francs), les pouvoirs publics s'engagent à hauteur de 16 milliards de francs, à charge à la SNCF de trouver le reste des financements. La SNCF doit s'engager sur des seuils de rentabilité, mais cela est difficile pour les lignes de fret, qui ne peuvent pas payer le coût d'utilisation des infrastructures.

M. Jean-Marc Delion a résumé l'action des pouvoirs publics dans le domaine des transports par trois éléments : des choix de structure (avec la séparation SNCF/RFF), le choix de projets (TGV Est, Port 2000, A 86) et une remise en ordre (le schéma autoroutier). Si l'investissement s'est ralenti depuis fin 1997, notamment pour les concessions autoroutières, c'est en raison d'un changement de logique de financement. La remise en ordre se situe d'abord sur le plan financier : le système autoroutier n'est pas en faillite, il dégage de la ressource nette, cependant, sa dette ne pouvait continuer à progresser de 10 milliards de francs par an. Si les recettes de péages progressent et que certaines sociétés d'autoroutes n'ont pas de problèmes financiers, tous les projets ne sont pas rentables. Par l'exemple l'A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand a un coût de 23 milliards de francs pour des recettes attendues de 7 milliards de francs. Le reste est donc apporté par les autres sections.

Le système autoroutier a peu de charges d'exploitation, contrairement au système ferroviaire, ce qui explique les efforts en faveur du rail.

M. Jean-Marc Delion a expliqué que les évaluations de trafic pour la route étaient faites par le logiciel SETRA, qui souffre de quelques insuffisances, puisqu'il ne tient pas compte du trafic local et des transferts de trafic. L'autoroute de l'est a ainsi mis 20 ans à rejoindre les prévisions de trafic.

En matière d'investissements autoroutiers futurs, tout dépendra du niveau de subvention demandé. La commission européenne n'a toujours pas accepté l'allongement des concessions autoroutières. Elle demande de mettre fin au mécanisme de l'adossement et de normaliser les sociétés d'autoroutes. S'agissant du FITTVN, qui représentera 4,5 milliards de francs en l'an 2000, dont 1,5 milliard au profit du secteur routier, le ministère de l'équipement, des transport et du logement n'a pas donné de nouvelles orientations à ce fonds, mais la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale a pris des positions très critiques. Actuellement, le seul outil fiscal de péréquation est la taxe d'aménagement du territoire, qui ne discrimine pas entre sections rentables et non rentables.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie vient de recevoir une lettre de la commission européenne souhaitant des explications sur les subventions versées à la SNCF pour le transport combiné. Les demandes de la commission et la décision relative au " paquet ferroviaire " de décembre 1999 vont avoir des répercussions sur la performance de la SNCF. Les grandes liaisons européennes comme Thalys et Eurostar ne sont pas des modes de gestion supranationaux, car il n'y a pas d'opérateur unique. En revanche, l'ouverture à la concurrence, par le biais des freeways ou corridors de fret aura un véritable impact. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souhaite que la SNCF dispose de temps pour s'adapter, mais également que la France reste un pays de transit.

M. Jean-Marc Delion a conclu en indiquant qu'actuellement, RFF constitue un coût et une charge pour l'Etat. Le coût, soit 32 milliards de francs par an, est financé par une subvention forfaitaire de 11 milliards de francs, des péages pour 10 milliards de francs et une dotation en capital pour 12 milliards de francs. Ce système des trois tiers n'est pas pérenne. Il faut notamment que les péages rejoignent un niveau plus cohérent, et que le système des subventions publiques soit revu. Le recours aux dotations en capital gèle actuellement la réforme des financements publics, mais l'évolution, dans un nouveau contexte européen, est inévitable.

Audition de M. Jean-Luc SCHNEIDER ,
sous-directeur à la direction de la prévision

lundi 3 avril 2000

M. Jean-Luc Schneider a indiqué que la direction de la prévision s'occupait essentiellement de la conjoncture et des prévisions macro-économiques. Elle réalise également des prévisions de très court terme sur les comptes des entreprises publiques, par exemple sur le trafic de la SNCF.

La direction de la prévision apporte également sa contre-expertise vis-à-vis des ministères " techniques ". Les comptes des transports sont réalisés par le service d'étude et de statistiques du ministère de l'équipement, des transports et du logement (SES), et la direction de la prévision participe, avec l'INSEE, à l'élaboration de ces comptes. Les prévisions en matière de transports sont des exercices périodiques interministériels, réalisés notamment au conseil général des ponts et chaussées dans le cadre de la préparation des schémas de service. Une cellule de réflexion a d'ailleurs été créée sur les schémas de service, animée par M. Christian Brossier.

La direction de la prévision fait très peu de prévisions de très long terme, à l'exception des travaux réalisés pour le rapport de M. Charpin sur l'avenir des systèmes de retraite, qui sont des prévisions macro-économiques à l'horizon 2040. Ces évaluations sont désormais reprises dans les projections de long terme de la direction de la prévision, et notamment pour le secteur des transports. La direction de la prévision retient comme hypothèse centrale d'évolution de la demande de transport le scénario central pour le rapport Charpin, soit un taux de croissance de 1,9 % d'ici à 2020 et 1,5 % au-delà, ce qui correspond à peu près au scénario bas présenté dans le cadre des schémas de service. Le rapport Charpin retient en effet quatres scénarios de croissance à long terme :

• un scénario central avec un taux de croissance de 1,9 % d'ici à 2020, puis 1,5 % au delà ;

• un scénario pessimiste, avec un taux de croissance inférieur à 1,9 % d'ici à 2020, puis 0,5 % au-delà ;

• un scénario optimiste, avec un taux de croissance supérieur à 2 % d'ici 2020 et supérieur à 2,5 % au delà.

Un quatrième scénario prend en compte une variante en fonction du chômage d'équilibre.

Il faut noter que le rapport Charpin a été réalisé en 1998, c'est-à-dire à un moment où les interrogations étaient nombreuses quant à l'avenir de la nouvelle économie, et que ces prévisions n'ont pas été modifiées depuis.

M. Jean-Luc Schneider a indiqué que, à sa connaissance, les autres pays européens n'avaient pas systématiquement établi de prévisions macro-économiques à l'horizon 2040. Des concertations entre experts nationaux ont toutefois lieu sur les prévisions macro-économiques, et sur l'élasticité de la demande de transports à la croissance. Cette élasticité est, d'un point de vue général, égale à 1, sans doute légèrement supérieure à 1 pour les routes et légèrement inférieure à 1 pour le train.

Concernant l'Union européenne, la politique des transports se décide de plus en plus au niveau européen pour ce qui concerne l'exploitation, les normes, etc. mais les infrastructures relèvent de la subsidiarité. Ce sont les Etats qui décident de leur programmation, et la Communauté peut ensuite apporter une aide financière, en général faible. Le Conseil des Ministres et la Commission avaient ainsi retenus 14 grands projets prioritaires au Conseil de Essen en 1994, mais cela n'a pas eu d'effet d'impulsion réel. Pour le projet Lyon Turin, une commission intergouvernementale a été créée ce qui témoigne d'une approche bilatérale. De même en est-il pour la liaison Perpignan Figueras. Concernant la liaison Lyon-Turin, l'avenir du projet dépendra notamment de la politique suisse de traversée alpine.

M. Jean-Luc Schneider a expliqué qu'une partie du travail de la direction de la prévision est le suivi des entreprises, l'autre partie est l'analyse socio-économique et financière des projets. La méthodologie d'étude des projets est une procédure validée. Elle a été établie par un travail interministériel du commissariat général au plan, qui a débouché sur un rapport de M. Boîteux, et une circulaire du Ministre chargé des transports, Mme Idrac. Cette méthode est toutefois diversement appliquée selon le mode de transports et certains sujets sont traités sommairement comme l'effet de serre, ce qui explique que cette méthode soit en cours de révision.

Le schéma autoroutier de 1992 a été passé au crible de l'évaluation, mais morceau, par morceau, à travers l'examen au CIES, il n'y a pas eu d'analyse globale du réseau, mais une analyse par section lancée, même si l'analyse du réseau repose sur la notion de maillage. La direction des routes dispose de logiciels puissants pour l'évaluation des différentes sections. L'instruction Idrac a été traduite de manière très complète s'agissant des routes, alors qu'elle l'a été incomplètement pour les autres modes. Il n'existe ainsi pas de document de référence pour le transport ferroviaire. Une des difficultés du transport ferroviaire est l'évaluation du coût de la congestion, qui n'est pas directement visible, mais qui est très importante, car il est difficile d'intercaler les trains de marchandises et de voyageurs. Cette difficulté devrait croître avec la régionalisation des transports régionaux de voyageurs.

S'agissant des voies navigables, les études se poursuivent sur le projet Seine-Nord, avec une méthodologie inspirée du rapport Boîteux.

Concernant les ports maritimes, le sujet est délicat. En effet, on considère qu'il y a une différence entre l'intérêt de la collectivité nationale et de la collectivité mondiale. Dans les projets d'infrastructures, on réalise aujourd'hui des projections de rentabilité socio-économique mondiales, c'est-à-dire que l'on considère que l'essentiel des usagers des infrastructures sont aussi des contribuables. Dans le cas du trafic portuaire, on se pose la question de la nationalité des bénéficiaires, de même que pour les aéroports

M. Jean-Luc Schneider a ensuite expliqué que la direction de la prévision ne mesurait pas les effets socio-économiques des projets en termes d'aménagement du territoire. En effet, il faut voir deux effets à un investissement dans une collectivité donnée :

- un effet d'aubaine, puisque l'investissement produit une activité sur le site où il est réalisé ;

- un effet d'attraction des entreprises et des activités économiques, mais qui est surtout un effet de déplacement.

Même si l'investissement génère de l'activité économique, la direction de la prévision estime d'une part que celle-ci se lit dans les trafics que l'on observera et d'autre part qu'un emploi alternatif des fonds publics correspondants aurait pu générer ailleurs une activité équivalente.

Audition de M. Nicolas JACHIET ,
chef du service des participations à la direction du Trésor
et de Mme Dominique LEGAY,
de M. Marc-Antoine SAGLIO ,
et de M. Hervé de VILLEROCHE

lundi 3 avril 2000

Les personnes auditionnées ont répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

M. Nicolas Jachiet a indiqué, en préalable, que la direction du trésor s'occupait des transports sous l'angle des entreprises publiques de ce secteur, et donnait donc le point de vue de l'Etat-actionnaire.

L'idée générale est aujourd'hui de clarifier ce qui peut être financé par l'usager et ce qui peut être financé par l'Etat. La séparation de RFF et de la SNCF a permis de renforcer la transparence sur ce point puisque l'article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de RFF dispose que " RFF ne peut accepter un projet d'investissement sur le réseau ferré national [...] que s'il fait l'objet de la part des demandeurs d'un concours financier propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d'amortissement de cet investissement ". RFF ne peut donc engager d'investissement que si l'établissement public peut l'autofinancer à travers les péages perçus.

Dans le domaine du financement des transports, M. Nicolas Jachiet a fait observer que les règles communautaires s'appliquaient de plus en plus, et notamment les règles de mise en concurrence, qui conduisent par exemple à la réforme du financement du secteur autoroutier. Jusqu'à présent, les sociétés d'autoroutes se voyaient attribuer de nouveaux tronçons à construire, en échange d'un allongement de leur concession dans le cas de tronçons déficitaires. Chaque nouvelle section d'autoroute donnera désormais lieu à une concession séparée, qui devra être financièrement équilibrée pour être acceptable par le concessionnaire, ce qui pourra donner lieu à un besoin de subvention à verser par le concédant. Généralement, à toute nouvelle décision d'investissement non équilibré devra correspondre un certain volume des concours publics. Le TGV Est n'aurait ainsi pu être décidé sans les contributions des collectivités locales et de l'Etat.

M. Nicolas Jachiet a ajouté que la direction du Trésor avait pour tâche essentielle de s'assurer que les entreprises publiques n'ont pas à supporter des charges supérieures à ce qui leur est possible, mais elle n'a pas la responsabilité de la politique des transports. La direction du budget traite de la contribution financière de l'Etat, le Trésor veille à l'équilibre des comptes des entreprises publiques.

Concernant les voies navigables, Mme Dominique Legay a indiqué que l'Etat mène une politique déterminée de restauration et de modernisation du réseau des voies navigables par l'intermédiaire de VNF, gestionnaire du réseau. Les subventions du FITTVN accordées à VNF ont fortement augmenté pour accompagner la montée en puissance des programmes d'investissements fixés dans le cadre en cours du programme de rénovation du réseau. Ce programme s'appuie sur les recommandations du rapport de Boüard qui a d'une part défini une typologie des voies navigables en fonction de l'intérêt économique, en particulier du point de vue du transport de marchandises, et évalué les besoins de restauration à plus de 7 MdF. Compte tenu de ses contraintes financières, VNF a défini des priorités de réalisation concernant les opérations sur les voies navigables dites de catégorie 1 et 2 et sur les opérations cofinancées, avec comme perspective la réalisation complète du programme sur une dizaine d'années. S'agissant du lancement de grands projets, les études socio-économiques du projet du canal Seine-Nord montrent que le projet global présente une rentabilité très faible dans les conditions actuelles, comprise entre 2,5 % et 3,7 %. L'analyse séparée des trois tronçons de la liaison montre que seules Dunkerque-Escaut et Oise-aval pourraient être rentables. Le projet Seine-Est présente quant à lui une rentabilité socio-économique négative comme l'était celle du projet de canal Saône-Rhin.

Concernant les ports maritimes, qu'il s'agisse des ports autonomes ou des ports d'intérêt national, les modes de gestion sont appelés à évoluer. Dans les ports autonomes, sans remise en cause de leur statut d'établissement public, une réforme importante est en cours avec la mise en place de conventions d'exploitation de terminaux portuaires par des entreprises privées sur la base d'objectifs de trafic. Ce processus a été engagé au port de Dunkerque et sera mis également en oeuvre dans d'autres ports, notamment au Havre dans le cadre de la réalisation du projet port 2000. S'agissant des ports d'intérêt national, un nouveau cahier des charges de concession d'outillage public va être élaboré qui devrait permettre l'ouverture à la concurrence des concessions, actuellement confiées aux chambres de commerce et d'industrie.

S'agissant des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA), M. Marc-Antoine Saglio a expliqué que l'objectif était de banaliser ces sociétés et de les mettre sur un pied d'égalité avec le secteur privé afin de supprimer toute distorsion de concurrence entre sociétés publiques et privées. Le moyen d'atteindre cet objectif est d'allonger la durée des concessions des sociétés publiques en la rapprochant de celle des sociétés privées. Aujourd'hui, ces sociétés ne dégagent aucune rentabilité ; historiquement, les durées de concessions des SEMCA ont été volontairement courtes, car l'Etat apportait sa garantie à ces sociétés à l'échéance des concessions. Certaines méthodes comptables, comme les charges différées, seraient supprimées. Après réforme (qui fait actuellement l'objet d'une négociation avec la commission européenne), il serait normal que ces sociétés dégagent un taux de rentabilité de 8 %, correspondant à leur niveau de risque.

M. Nicolas Jachiet a ajouté que ces calculs de rentabilité financière prennent en compte la fiscalité. L'allongement des concessions devrait permettre aux SEMCA de dégager des bénéfices et de distribuer des dividendes comme pour toute autre société concessionnaire privée.

Il a indiqué que la direction du trésor assurait par ailleurs le secrétariat général du Comité des investissements à caractère économique et social (CIES). Ce comité réunit personnellement les ministres concernés par les programmes d'investissement des entreprises publiques assurant une mission de service public. Il a été substitué par le décret du 27 novembre 1966 au FDES. Il est chargé de se prononcer sur les programmes d'investissement de la plupart des entreprises publiques du secteur des transports. Comme exemple de sujet abordé récemment par le CIES, on peut citer le souci de stabilisation de la dette de RFF.

Concernant le trafic aérien, M. Hervé de Villeroché a indiqué qu'il existait des contraintes environnementales sur la région parisienne, susceptibles de pénaliser l'évolution du trafic, voire d'entraîner une réduction du nombre de mouvements d'avions. Il appartient au pouvoir politique de déterminer les limites acceptables en la matière. L'augmentation du trafic amène certains à considérer une plus grande coopération entre les aéroports pour répartir le trafic aérien comme étant nécessaire, voire à recommander la construction d'un troisième aéroport en Ile-de-France. Sa création coûterait de 20 à 40 milliards de francs mais aucune étude approfondie n'a encore été conduite sur ce thème. Les infrastructures aéroportuaires ne s'autofinancent pas totalement actuellement, et ce d'autant plus que Aéroports de Paris (ADP) réalise beaucoup d'investissements de remise en état qui ne dégagent pas toujours de recettes supplémentaires.

Concernant le système ferroviaire, le raisonnement se fait au moins sur trente ans. La direction de la prévision étudie la rentabilité socio-économique des projets, en tenant compte de l'environnement macro-économique, mais il suffit que la croissance varie d'un point pour que les résultats soient très différents. Sur le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin par exemple, les études montrent que sa rentabilité socio-économique est extrêmement faible.

Audition de M. Patrick GANDIL , directeur des routes,

de M. Patrice PARISÉ , directeur-adjoint,

et de M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE , secrétaire du comité
des directeurs "transports du ministre de l'équipement"

mercredi 5 avril 2000

Les personnes auditionnées ont répondu aux questions de MM. Jacques Oudin et Gérard Miquel.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a répondu aux questions de M. Jacques Oudin sur la motorisation de la société. Il a indiqué que l'INRETS avait fait une étude sur ce sujet, en prenant en compte l'évolution démographique. Il a expliqué qu'à l'horizon 2015, la motorisation de la société devrait atteindre un palier. Il a fait observer l'incertitude existant sur l'utilisation du parc automobile, il est plus simple de quantifier les trajets de longue distance que de courte distance, mais le point de repère national est le suivant : sur 100 déplacements de courte distance, seulement 25 sont réalisés dans les agglomérations.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a par ailleurs affirmé que le temps global consacré aux transports ne variait pas, mais que les distances parcourues s'allongeaient, en raison de l'accélération de la vitesse moyenne de transport. Il a indiqué que l'arbitrage entre les différents modes de transport dépendait toujours du budget. La part du budget de chaque ménage consacrée aux transports varie fortement : pour un même budget " logement ", un habitant de Paris consacre 8 % de son budget aux transports, contre 15 % pour un habitant de Seine-et-Marne.

S'agissant de l'évolution technologique des véhicules, M. Olivier S'agissant de l'évolution technologique des véhicules, M. Olivier Paul-Dubois-Taine a confirmé que des gains considérables sur les émissions de pollution locale avaient été réalisés. Il a cité les travaux du PREDIT sur ce sujet.

M. Paul-Dubois-Taine a confirmé que des gains considérables sur les émissions de pollution locale avaient été réalisés. Il a cité les travaux du PREDIT sur ce sujet.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Patrick Gandil a indiqué que des notes d'information et des directives étaient publiées pour rendre obligatoire l'adaptation des routes à certaines contraintes en matière de sécurité et d'environnement. Il a confirmé que les coûts de réalisation des autoroutes avaient progressé ces dernières années.

M. Patrice Parisé a expliqué que la route s'était enrichie en matière d'équipements, de signalisation, et que les normes de sécurité avaient progressé, ce qui expliquait également une partie de la progression des coûts.

M. Gérard Miquel a fait observer les incohérences de la politique routière. Il a regretté l'absence de schéma routier cohérent. Il a déclaré qu'il aurait souhaité que l'on mettre en oeuvre une notion d'itinéraire, en construisant des autoroutes concédées pour les grands itinéraires, et en réservant les moyens de l'Etat, forcément limités, pour les liaisons entre ces autoroutes.

M. Patrick Gandil a rappelé qu'il existait un schéma directeur routier national, mis en oeuvre au moyen des concessions autoroutières et des contrats de plan Etat-régions. Dans le cadre de la préparation des contrats de plan, il a fait observer que d'importantes études avaient été réalisées au niveau départemental et régional pour déterminer, en fonction de la demande et de l'état du réseau, les opérations à réaliser dans les années à venir. Ces études ont donné lieu à l'établissement dans chaque région d'un rapport d'orientation multimodal (ROM). Le schéma directeur routier national de 1992 n'a été que retouché, pour des opérations ponctuelles, comme la concession du viaduc de Millau, mais une grande réforme devrait intervenir avec la mise en oeuvre des schémas de service, dont une partie importante pour le monde routier sera constituée de schémas d'infrastructures.

S'agissant de la notion d'itinéraires, le directeur des routes a indiqué que les premiers schémas routiers dataient des années 70 et que le concept d'itinéraire en était l'élément principal. Les pouvoirs publics n'ont cessé d'adapter les itinéraires au trafic, par exemple en mettant sous forme de routes à deux fois deux voies les tronçons les plus fréquentés. Toutefois, il a reconnu que la construction du réseau routier avait été marquée, à l'origine, par son insertion dans des limites départementales, qui avait figé le réseau et nui à la définition de grandes liaisons .

M. Patrice Parisé a ajouté que les procédures mises en oeuvres par la direction des routes font qu'il n'est pas possible d'aménager des sections de route nationale sans s'insérer dans une logique d'itinéraire.

M. Patrick Gandil a indiqué que le basculement du réseau autoroutier non concédé dans le domaine du réseau autoroutier concédé n'était pas envisagé, mais que la question de la mise en oeuvre d'un péage d'exploitation se pose. Cependant, il a ajouté que les usagers de la route ne souhaitaient pas payer son coût, si bien que la mise à péage d'une route gratuite était délicate, bien davantage que la mise à péage d'une autoroute nouvelle. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs pris en compte cet élément dans un arrêt concernant la mise à péage de la nationale 10 au sud de Bordeaux, et il a accepté que les usagers desservis uniquement par l'autoroute payante n'aient pas à acquitter de péages. M. Patrice Parisé a rappelé que, s'agissant des péages, il existait deux principes : la liberté d'aller et de venir, et, en application de la loi de 1955, le fait que le péage doit aller à la construction et à l'exploitation des routes. Une évolution du système supposerait que ces principes soient revus. Pour certains, cette évolution devrait consister à passer d'un péage lié directement au coût de construction et d'exploitation de l'infrastructure à un péage de nature fiscale intégrant des coûts externes d'utilisation des véhicules automobiles.

M. Patrice Parisé a ajouté que la taxe intérieure sur les produits pétroliers représentait aujourd'hui une forme de droit d'usage du réseau routier concédé et non concédé, logique différente de celle de la redevance pour service rendu.

M. Patrick Gandil a décrit les principaux systèmes européens : les pays du Nord s'orientent plutôt vers des systèmes de droits d'usages généraux. L'Allemagne dispose d'une taxe générale d'usage qui alimente un fonds en faveur des transports. La Grande-Bretagne a inventé le péage fictif, mais qui n'a pour effet que de cacher les déficits, et qui ne saurait être pris comme modèle. Le club des directeurs des routes se réunit régulièrement pour faire le point sur les différents réseaux routiers et leurs modes de développement. Au niveau européen, il existe deux schémas : le schéma des réseaux routiers européens et les schémas marqués " E " selon la nomenclature de l'ONU. En France, il y a une bonne cohérence entre le réseau routier et le schéma de l'ONU, mais la cohérence est moindre dans d'autres pays de l'Union européenne.

M. Patrice Parisé a ajouté que, depuis deux ans, la commission européenne s'était lancée dans un travail de mise à jour des schémas européens de transport. L'objectif serait de mettre en place un système européen en matière de prévision de trafic, d'évaluation des effets environnementaux et des coûts externes... Cependant, les modes d'évaluations et les valeurs monétaires que les différents pays attachent aux paramètres sont encore trop différents pour que cette harmonisation aboutisse rapidement.

Audition de M. Hubert DU MESNIL ,
directeur des transports terrestres

mercredi 5 avril 2000

M. Hubert du Mesnil a répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

S'agissant de l'endettement du secteur ferroviaire, M. Hubert du Mesnil a indiqué qu'il convenait de se poser la question de la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de la dette de RFF. Cette question avait été posée en 1997, lors de la création de RFF, et il avait alors été décidé de ne pas inclure la dette transférée à RFF dans celle de l'Etat, afin de respecter les critères de Maastricht. Il fallait que RFF soit un établissement public industriel et commercial, c'est à dire qu'il dispose pour plus de la moitié de ses ressources commerciales, pour que sa dette ne soit pas qualifiée, au sens des critères de Maastricht, en endettement public. Il n'en reste pas moins que seul l'Etat est susceptible de garantir la couverture de RFF.

M. Hubert du Mesnil a estimé possible de faire un arbitrage au sein du patrimoine de l'Etat, puisque certaines participations détenues par l'Etat, par exemple dans France Télécom sont aujourd'hui fortement valorisées. Pour stabiliser la dette de RFF, on a jusqu'à présent utilisé les dotations en capital venant de privatisations, mais sans lisibilité durable : 10 à 12 milliards de francs sont versés à RFF selon un engagement triennal. L'objectif de désendettement des entreprises ferroviaires européennes fait partie intégrante de la réforme initiée par l'Union européenne : le remboursement de la dette de RFF par l'Etat ne serait pas en contradiction avec les orientations de la commission européenne, et permettrait à RFF de mieux assumer les investissements à venir.

S'agissant des filiales de la SNCF, il a précisé que l'opération de rapprochement du SERNAM et de Geodis était actuellement soumise à l'accord de la commission européenne. Geodis prendra une participation de 60 % dans le SERNAM. Il faut rappeler que le SERNAM enregistre un déficit de l'ordre de 500 millions de francs par an, pour un chiffre d'affaires d'environ 4 milliards de francs. Quand le déficit de la SCNF atteignait 15 milliards de francs, ces pertes n'étaient pas directement visibles. Mais depuis la réforme de 1997 et l'obligation de retour à l'équilibre de l'entreprise ferroviaire, la situation du SERNAM devait obligatoirement être réglée.

M. Hubert du Mesnil a expliqué que pendant longtemps, le groupe SNCF avait été figé, la SNCF étant un actionnaire passif, qui ne demandait rien aux filiales mais ne leur donnait pas non plus les moyens de se développer. Or, il faut qu'une filiale ait une raison d'être, et le groupe est donc appelé à évoluer. L'évolution des participations de la SNCF n'est plus aujourd'hui un sujet tabou.

La SNCF fait des efforts pour procéder à une réforme comptable d'envergure, mettre en place des comptes analytiques et élaborer des ratios à l'attention de RFF.

En matière de tarification des infrastructures, M. Hubert du Mesnil a indiqué qu'il convenait d'avoir une approche intermodale. Le grand débat a jusqu'à présent porté sur le choix entre coût marginal et coût moyen. La discussion est importante, car il faut des principes de tarification homogènes. Cependant, on dépasse rarement les débats théoriques car une tarification homogène suppose d'évaluer de la même façon les coûts de pollution, de bruit...

Il a expliqué qu'il fallait aussi une harmonisation par mode entre les pays : si la tarification des infrastructures utilisées par le trafic fret est basse en France et élevée en Allemagne, le développement du trafic en est freiné. Or, il n'y a pas eu véritablement d'accord sur ce point en décembre 1999, lors de l'adoption du " paquet ferroviaire " par le conseil des ministres des transports de l'Union européenne. Un compromis énonce que la tarification se fera au coût marginal social, mais avec suffisamment de dérogations pour en atténuer la portée.

M. Hubert du Mesnil a ensuite décrit la situation des différents pays européens. L'Allemagne et la Grande-Bretagne appliquent des tarifs élevés, considérant que l'infrastructure ferroviaire doit être vendue à son coût complet, tandis que la France applique des tarifs bas. L'essentiel de l'effort financier de l'Allemagne en matière ferroviaire a porté sur l'apurement de la dette du passé et le rattrapage de l'investissement ferroviaire pour l'Allemagne de l'Est. Un programme ambitieux d'investissements avait été de surcroît annoncé, mais il a été ralenti. La Grande-Bretagne disposait d'un réseau ferroviaire dans une situation très dégradée, et les améliorations sont lentes. L'Italie et l'Espagne connaissent un décalage entre le discours sur le développement des infrastructures de transports et la réalité : l'Italie a toutefois accéléré ses investissements, de même que l'Espagne, mais celle-ci souffre de normes d'écartement des voies incompatibles avec le réseau européen.

M. Hubert du Mesnil a souligné que la commission européenne affichait clairement une priorité au développement du secteur ferroviaire, mais que si celui-ci n'obtenait pas des résultats à brève échéance, cet échec serait sans doute insurmontable.

S'agissant de la régionalisation des réseaux de transport de voyageurs, il a déclaré que la demande augmenterait du fait du transfert de compétences aux régions et des pressions sur les élus locaux. Cependant, la région aura une compétence intermodale et pourra décider, par exemple, de mettre en place une ligne de bus plutôt qu'un train sur certaines destinations.

S'agissant de l'idée d'utiliser les fonds d'épargne pour la réalisation de nouvelles infrastructures, cette idée permettrait à RFF de disposer d'emprunts de long terme dans des conditions de taux favorables. L'intérêt d'une telle opération n'est pas négligeable, compte tenu de la durée des prêts et de leur taux. Cependant, cette réflexion n'est pas aboutie. L'utilisation des fonds d'épargne pourrait être réservée à la rénovation des tunnels, à la sécurité, ou à des opérations d'intérêt général.

Concernant le FITTVN, il est un sujet de débat permanent. Il a été le seul outil disponible ces dernières années pour accroître les investissements, avec une certaine souplesse, puisqu'il récolte des fonds de diverses origines. Il ne faudrait donc pas le démanteler sans connaître précisément les solutions alternatives.

En tout état de cause, M. Hubert du Mesnil a déclaré qu'il faudrait trouver des financements pour le secteur ferroviaire. Il a pris l'exemple du projet Lyon-Turin, qui a un coût estimé à 70 milliards de francs, et que l'on ne sait pas financer aujourd'hui alors que de plus en plus d'opinions convergent sur l'intérêt stratégique de ce projet.

Audition de M. Pierre GRAFF,
directeur général de l'aviation civile

mercredi 5 avril 2000

M. Pierre Graff a répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

M. Pierre Graff a expliqué que pour résoudre le problème de l'encombrement du ciel, il convenait de prendre pour ce qui concerne les systèmes de contrôle aérien deux familles de mesures : des mesures techniques, au niveau national et européen, et des mesures institutionnelles.

Le directeur général de l'aviation civile a indiqué que le nouveau commissaire européen en charge des transports aériens évoquait l'ouverture à la concurrence des services de contrôle aérien en négligeant d'aborder la question fondamentale en la matière : l'avenir du concept de souveraineté nationale sur l'espace aérien. Pour des raisons liées à la sécurité militaire, il est peu vraisemblable que l'on accepte un transfert de compétence au niveau supranational : il faut donc prendre des mesures pragmatiques. M. Pierre Graff s'est déclaré favorable à une réforme du système de prise de décision, avec la création d'un organisme de coopération fort en matière de contrôle aérien. Toute réforme devra veiller à respecter le travail des contrôleurs aériens.

S'agissant des retards dans le transport aérien, M. Pierre Graff a indiqué que l'année 1999 avait été très mauvaise de ce point de vue, mais que l'on constatait depuis le début de l'année une amélioration. L'année 1999 a été marquée par une augmentation du trafic, la mise en place de nouvelles routes aériennes, la fermeture de l'espace aérien des Balkans en raison du conflit au Kosovo. Le retard moyen par avion a été de 4 minutes, alors qu'il avait atteint 4 minutes 50 secondes en 1995, la pire année en matière de retards. Cependant, il faut souligner que le contrôle aérien n'est responsable que pour la moitié des retards, le reste résultant de divers facteurs liés aux passagers.

S'agissant du financement des infrastructures, le directeur général de l'aviation civile a indiqué que l'aéroport était un instrument qui a vocation à être rentable. Les recettes d'un aéroport doivent donc couvrir le financement et l'amortissement de l'investissement. Seuls les petits aéroports reçoivent des aides des collectivités locales. Les contrats de plan ne comprennent que 180 millions de francs pour les aéroports, sur 7 ans. Les subventions vont essentiellement aux départements et territoires d'outre-mer, à la Corse, mais aussi aux régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes.

Les grandes plates-formes aéroportuaires ne reçoivent pas d'argent public, et pour les autres aéroports, les subventions ne servent qu'à la construction des pistes et jamais des aérogares. Cependant, pour tous les aéroports, l'Etat prend en charge les missions régaliennes, et particulièrement la sécurité. Ces missions sont financées par la taxe d'aviation civile.

S'agissant des infrastructures d'accès et de liaisons, M. Pierre Graff a indiqué qu'il n'y avait pas de schéma national pour la desserte des aéroports. Il a pris l'exemple du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (SDAURIF), qui avait abordé tous les sujets, mais traité la desserte aéroportuaire de façon très sommaire.

Actuellement, il existe un projet ferroviaire entre la gare de l'Est et Roissy : il s'agit de construire un tunnel qui rejoint la ligne B du RER. Un groupement d'intérêt économique en vue de l'étude de ce projet vient de se constituer avec aéroports de Paris (ADP), la SNCF et RFF. L'exemple de la liaison ferroviaire dédiée à Londres, Heathrow-Paddington, en 13 minutes, qui remporte un grand succès, montre l'utilité de telles liaisons. S'agissant du financement de ces infrastructures de liaisons, il a indiqué que le budget annexe de l'aviation civile n'y participait pas, et que la direction générale de l'aviation civile ne jouait un rôle actif que lorsque le projet lui était présenté. Ainsi, la liaison Roissy-Orly est un projet mené par RFF, mais sur lequel la direction générale de l'aviation civile sera consultée. Enfin, les plates-formes aéroportuaires de province ne connaissent pas de difficultés graves d'accès.

S'agissant de l'intermodalité, M. Pierre Graff a rappelé qu'il convenait d'abord de savoir quel était son objet et si les opérateurs étaient prêts à utiliser les nouveaux services. Il a indiqué qu'il y avait des opportunités pour l'intermodalité avion-train. Il faudrait pour cela que le trajet en train soit considéré comme le parcours en avion, c'est-à-dire que le voyageur dispose d'un seul billet, avec un seul prix. Un accord a été conclu entre la France et les Etats-Unis pour ouvrir cette possibilité de coopération entre des compagnies aériennes et ferroviaires, et il commence à remporter un certain succès. La création de gares TGV non loin des aéroports, comme la gare de Lyon-Satolas, participe du renforcement de l'intermodalité et de l'effet " hub ".

Concernant la création de nouvelles plates-formes aéroportuaires ou l'extension des plates-formes existantes, M. Pierre Graff a tout d'abord indiqué que les aéroports de Paris se trouvaient dans une situation similaire à celle des aéroports de Francfort, Heathrow, Amsterdam pour attirer des trafics, mais dans une situation meilleure que Rome ou Madrid. Il reste encore un peu de perspectives de développement de trafic à Roissy, alors qu'en Grande-Bretagne, le développement du trafic conduit à utiliser de plus en plus l'aéroport de Stanstead, après Heathrow et Gattwick. L'aéroport d'Amsterdam est saturé, de même que celui de Francfort, Milan-Linante 8 ( * ) et bientôt Madrid. Roissy accueille 45 millions de passagers par an, avec une progression de trafic de 7 à 8 % par an et Orly reçoit 25 millions de passagers chaque année.

En conclusion, le directeur général de l'aviation civile a déclaré que l'on devrait logiquement s'orienter vers la création d'un troisième aéroport, vraisemblablement dans la période 2010-2015. Il a cité le rapport de M. Douffiague et s'agissant de l'emplacement du site, il a rappelé que 50 % du remplissage provenait du bassin économique, ce qui limitait les choix d'emplacement. Compte tenu de la sensibilité des riverains de Lyon-Satolas aux nuisances provoquées par le développement du trafic aérien, il a indiqué que le choix du troisième aéroport se porterait sans doute sur une zone, la moins peuplée possible, du bassin parisien. Il a évoqué les difficultés techniques qui résulteraient de la construction d'un nouvel aéroport au nord de Paris, qui est déjà la zone la plus circulée d'Europe, et une zone militaire importante. Il a estimé que le coût d'un troisième aéroport devrait être de l'ordre de 20 milliards de francs.

Audition de M. Jean-Marcel PIETRI ,
directeur général de la chambre de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Dieppe,
président de l'ESPO (organisation des ports maritimes européens)

mardi 5 avril 2000

M. Jean-Marcel Pietri a répondu aux questions de M. Jacques Oudin .

M. Jean-Marcel Pietri a indiqué qu'il avait rédigé un rapport en 1997, comportant notamment une approche comparative des ports français et des ports européens, et où il apparaissait que les fluctuations en matière de parts de marché portuaires avaient été très faibles ces vingt dernières années, aussi bien pour le trafic total que pour le trafic en hydrocarbures.

Il a expliqué que la moitié du trafic portuaire était un trafic pétrolier, l'autre moitié étant constituée pour moitié de vracs solides et pour le reste de marchandises diverses, dont 8 à 10 % de conteneurs. Ces estimations sont en tonnage car l'ESPO, pas plus qu'Eurostat, ne détient de données en valeur, alors que les Etats-Unis en ont. Les douanes françaises devraient disposer de données en valeur, mais les autorités portuaires n'y ont pas accès.

S'agissant de l'évolution des trafics, M. Jean-Marcel Pietri a indiqué que dans les années 70, le port de Rotterdam représentait environ 103 % du trafic des ports français, contre environ 93 % aujourd'hui. Le système portuaire français a donc plutôt bien réussi par rapport à son concurrent. Toutefois, le trafic des ports autonomes a un peu régressé et celui des ports d'intérêt national a cru. L'essentiel du développement du trafic roulier transmanche s'est fait au profit des ports d'intérêt national, et notamment du port de Calais. Concernant le trafic conteneurs, la France est plutôt en retard - sa part de marché est stable depuis 1993 - de même sur le trafic pétrolier en raison de sa politique énergétique. Le trafic portuaire français est plutôt en recul sur la Méditerranée et en progression en Manche.

Le cabotage national représente 10 millions de tonnes sur un trafic total de 300 millions de tonnes, avec un trajet moyen de 1.000 kilomètres. Cela correspond en tonne/km à la moitié du trafic intérieur de fret ferroviaire et à deux fois le trafic de fret fluvial. Le trafic maritime intraeuropéen depuis les ports français est en outre supérieur en tonne/km au trafic ferroviaire intraeuropéen de la SNCF. Le cabotage est déjà un segment du marché important.

La commission européenne vient de terminer une enquête sur les aides d'Etat aux ports, les représentants de l'ESPO devraient rencontrer la commission en mai sur ce sujet. La commission a procédé à une analyse par sondage. D'après les éléments publiés, il apparaît que la Belgique investit au moins deux fois plus de fonds publics par tonne que la France dans ses ports (le trafic étant inférieur de moitié). En Allemagne, l'investissement est surtout local.

M. Jean-Marcel Pietri a indiqué que deux pays seulement dans l'Union européenne étaient transparents sur le financement portuaire : la France et la Belgique.

Jusqu'à présent, l'investissement portuaire n'entraînait aucune obligation déclarative au niveau communautaire: aujourd'hui, la commission européenne souhaiterait connaître ces investissements, mais dans l'optique d'interdire un certain nombre de financements publics. La logique d'une " privatisation " des ports est déjà à l'oeuvre en Grande-Bretagne, mais sans que cela aboutisse à des résultats concluants, notamment en matière d'investissement, comme le montre l'exemple du port de Newhaven.

M. Jean-Marcel Pietri a souligné que dans la synthèse des flux financiers, il convenait de ne pas se concentrer seulement sur l'investissement, mais également sur l'important flux financier social, par exemple l'indemnisation du chômage des grutiers et dockers des ports d'Anvers ou de Rotterdam doit être pris en compte dans le total des aides publiques. Concernant les financements sociaux, la transparence est encore moindre que pour l'investissement. Des progrès sont toutefois réalisés dans l'objectif de transparence de la comptabilité portuaire avec une séparation entre les activités commerciales et les activités d'exploitation. Si l'on compare les coûts d'exploitation, on s'aperçoit que le port de Rotterdam emploie 7.000 dockers contre 4.500 dans les ports français (5.500 en comptant les grutiers), si bien que le système portuaire français apparaît, sous cet angle, plus performant. Cependant, le coût d'un docker français est sans doute plus élevé, en raison des charges sociales.

Faut-il un schéma portuaire européen ? M. Jean-Marcel Pietri a indiqué que cela ne lui paraissait pas souhaitable, essentiellement pour des raisons de subsidiarité. Les réseaux transeuropéens de transports comportent un volet portuaire, actuellement essentiellement pour l'accès aux réseaux terrestres. Cependant, l'ESPO ne souhaite pas une présélection des ports, une liste limitative des ports au niveau européen, car cela reviendrait à figer une situation. La commission européenne souhaitait prendre comme critère pour les " grands ports " un trafic minimal de 1,5 million de tonnes et 200.000 passagers. Cependant, cela n'a pas de sens, parce que le trafic évolue sans cesse et qu'une carte des principaux ports n'aurait en conséquence pas d'utilité : contrairement aux liaisons terrestres, ferroviaires ou routières, les routes maritimes ne cessent de se déplacer. Ce qui importe, c'est la qualité du service : le port de Marseille pourrait se développer davantage si les conflits sociaux n'étaient pas si fréquents. En matière d'investissements futurs, les projets port 2000, Euroméditérannée sont en cours et beaucoup de petits projets à la Rochelle, aux sables d'Olonne...contribuent à la vitalité du secteur portuaire. Les petits ports participent de la politique d'aménagement du territoire : par exemple, en Seine-Maritime, le port de Dieppe pour le trafic fruitier et le port de Fécamp pour le bois.

S'agissant du rapport de la Cour des comptes, et de l'idée que la classification des ports serait obsolète, M. Jean-Marcel Pietri a déclaré que le classement des ports était dès l'origine obsolète. Il a cité l'exemple du port de Bordeaux, qui avait déjà en 1965 un intérêt régional, mais avait le statut depuis 1921 de port autonome.

Le deuxième reproche de la Cour des comptes tient au fait qu'il n'y aurait pas de stratégie de l'Etat en matière portuaire. Cependant, la Cour des comptes a regardé les investissements de l'Etat sur une période trop courte, dix ans, alors que les investissements portuaires sont réalisés pour trente ans. Seule cette échelle permet de mesurer la pertinence d'une politique portuaire. Si l'on prend un échelle de temps trop courte, cela donne forcément l'impression d'un saupoudrage.

Les professionnels du secteur portuaire ont élaboré une doctrine avec la fédération européenne des opérateurs privés dans les ports : l'action publique est légitime et ne relève pas de la doctrine des aides d'Etat quand il s'agit de financer des infrastructures d'accès aux ports (à l'exception d'infrastructures dédiées à un opérateur).

En principe, les équipements liés aux opérations portuaires doivent être payés par l'usager sauf pour des motifs exprimés : il pourrait s'agir par exemple des équipements portuaires inscrits aux contrats de plan, de la liste des investissements souhaités par les autorités portuaires et figurant dans les chartes portuaires et de l'insertion des ports dans les schémas de service. La France compte une vingtaine de ports relevant de l'Etat, ce qui ne semble pas disproportionné au regard de son territoire et de la population desservie : la France a une densité portuaire plus faible que celles de ses voisins, notamment la Grande-Bretagne et l'Espagne. S'il existait un nombre limité de plates-formes portuaires, on risquerait de concentrer les opérations industrielles.

Le régime de la concession est un système qui vise à faire payer l'usager plutôt que le contribuable. La France fait largement appel au système de la concession publique, notamment avec les chambres de commerce et d'industrie pour les ports, ou encore la Caisse des dépôts et consignations dans le domaine routier. Mais il s'agit d'une fausse concession, une forme de délégation organique au sein de la sphère publique. Un récent arrêt de la Cour de justice des communautés européennes vient d'ailleurs de préciser que, dans la mesure où la concession restait dans le domaine publique, il n'y avait pas d'obligation de mise en concurrence.

Audition de M. Georges CONSTANTIN ,
directeur des fonds d'épargne à la Caisse
des dépôts et consignations

jeudi 27 avril 2000

M. Georges Constantin a répondu aux questions de M. Jacques Oudin

M. Georges Constantin a précisé que les fonds d'épargne, qui représentent 1.400 milliards de francs, sont utilisés de la manière suivante :

- un peu moins de la moitié des sommes sont utilisées sous forme de prêt à long terme, en faveur du logement social ou de la politique de la ville. Les prêts de long terme ont une durée maximale de 32 ans, mais des prêts sur 50 ans peuvent être accordés pour des actions spécifiques, et notamment des acquisitions foncières. Au total, 500 milliards de francs sont prêtés, pour une durée moyenne de 26-27 ans.

- 75 milliards de francs sont accordés sous forme de prêts à l'équipement des collectivités locales ;

- quelques milliards de francs servent à des opérations demandées par l'Etat, comme le refinancement du Crédit foncier de France et du Comptoir des entrepreneurs ;

- 700 milliards de francs sont placés sur les marchés financiers, dont 94 % en obligations et 6 % en actions. La Caisse des dépôts et consignations détient ainsi 12,5 % de la dette de l'Etat.

Concernant le financement des infrastructures de transports, la Caisse des dépôts et consignations se contentait jusqu'à présent de financer des transports en commun en site propre, dans le cadre des préprojets urbains : la caisse n'apportait pas plus de 50 % du financement de l'opération, mais avec des prêt au taux de 3,55 % sur une durée de 15 à 20 ans.

Désormais, des décisions sont en cours d'arbitrage afin de permettre à la Caisse de financer sur 35-40 ans des projets d'infrastructures, concernant notamment les transports en commun en site propre et les équipements intermodaux pour le fret. Cette possibilité n'avait jamais été envisagée auparavant en raison de la nécessité d'assurer la liquidité des fonds d'épargne. Mais, depuis 1990, la Caisse ne finance plus les collectivités locales et les fonds d'épargne sont ainsi en situation de surliquidité.

A titre d'exemple, M. Georges Constantin a indiqué que la Caisse des dépôts avait participé au financement du tramway de Strasbourg et d'Orléans, et elle pourrait bientôt financer la seconde ligne de métro de Toulouse. Ces interventions ne sont pas subordonnées, à l'heure actuelle, à des calculs de rentabilité économique, mais si la Caisse devait s'engager davantage dans le financement des infrastructures, elle devrait tenir compte de ratios de rentabilité, comme le fait d'ailleurs Réseau ferré de France (RFF).

Les nouvelles interventions de la Caisse pourraient concerner le renforcement de la ligne Dijon-Modane pour le fret ferroviaire, et les plates-formes d'intermodalité. RFF a calculé qu'il faudrait 3,5 à 4 milliards de francs d'investissement par an pour moderniser le réseau de fret. La Caisse s'intéresse également aux sites propres infrarégionaux comme la ligne Aix-Marseille, le barreau sud de Paris.

M. Georges Constantin a pris l'exemple du transport de voyageurs dans les Vosges. La Caisse fait des calculs économiques qui intègrent l'amélioration de la sécurité routière et de l'environnement.

Contrairement aux Etats-Unis, où le secteur privé accorde des financements sur une durée allant jusqu'à 40 ans, au Japon jusqu'à 70 ans, les prêts en France ont des durées beaucoup plus faibles, ce qui handicape les grands investissements. Historiquement, le livret A a servi à financer les infrastructures de transports, mais ce rôle a disparu avec l'extension des financements de marché et l'inflation.

S'agissant du projet " Port 2000 " au Havre, M. Georges Constantin a indiqué que la Caisse ne participait pas au financement de l'investissement. D'une manière générale, des études sont réalisées sur les projets d'investissement pour savoir si les projets peuvent être financés à des conditions de marché ou non. La Caisse des dépôts se réfère aux critères retenus par la commission européenne, qui exige que plusieurs conditions soient remplies pour pouvoir financer hors marché :

- que l'investissement à financer soit un investissement d'intérêt économique général (il appartient à l'Etat dans la plupart des cas de qualifier la nature de l'investissement) ;

- que le bénéficiaire final soit l'usager, c'est-à-dire que la réalisation de l'investissement abaisse son coût d'accès au service ;

- que le marché ne puisse satisfaire dans des conditions normales le projet d'investissement.

Ainsi, en toute logique, les transports de voyageurs grandes lignes devraient s'équilibrer, en revanche, les transports de voyageurs de proximité (sites propres urbains) et les transports de fret ne s'équilibrent pas.

S'agissant de la position de la direction du Trésor à l'égard de l'utilisation des fonds d'épargne, M. Georges Constantin a déclaré que sa principale préoccupation était de savoir si les fonds d'épargne pourront supporter le financement des investissements pendant une longue période. De plus, elle s'inquiète de la position de la commission européenne qui accepte le financement privilégié du logement social, mais n'a pas encore donné sa position sur la question des infrastructures. Enfin, elle craint que le financement par des prêts de long terme n'ait pour conséquence une baisse des crédits budgétaires et donc une débudgétisation. La Caisse des dépôts pense, au contraire, que ses propositions sont modérées, y compris dans leur volume.

M. Georges Constantin a conclu en indiquant qu'une difficulté dans l'utilisation des fonds d'épargne résidait dans le fait que l'action de la Caisse des dépôts est contenue dans les limites du territoire français, en raison de la spécificité de l'épargne réglementée. Ceci pourrait créer des contraintes s'agissant des investissements dans les infrastructures de fret ferroviaire, qui impliquent souvent plusieurs pays.

Audition de M. Jean-Yves PERROT ,
directeur des affaires économiques et internationales
au ministère de l'équipement, des transports et du logement

de M. Yves ROBIN , chef du service économique et statistique

et de M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE

mercredi 3 mai 2000

Participaient à la réunion : MM. Jacques Oudin, Auguste Cazalet, Gérard Miquel.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Olivier Paul-Dubois-Taine a déclaré que le comité interministériel sur l'aménagement du territoire devrait se réunir le 18 mai prochain et statuer sur la question des schémas de service. Aujourd'hui, l'état de préparation de ces schémas n'est pas le même suivant la nature des services concernés.

M. Jean-Yves Perrot a indiqué que les schémas de service constituaient un exercice intéressant, dans le sens où ils imposaient un travail en commun de toutes les administrations concernées. Il a déclaré que la réalisation de ces schémas n'impliquerait pas un ralentissement de l'investissement en infrastructures de transport, mais que celui-ci devrait, au contraire, se redresser.

M. Yves Robin a ajouté que les comptes des transports permettaient de disposer d'une vision précise de la demande de transport et des perpectives d'investissement. Il a confirmé que la construction et l'élargissement de l'Union européenne conduisaient à accroître la demande de transports, et qu'une politique de l'offre induisait une hausse de la circulation des transports. M. Jean-Yves Perrot a toutefois indiqué que la corrélation entre la construction de l'Union européenne et la hausse de la demande de transports n'avait pas fait, à sa connaissance, l'objet d'études précises.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a ajouté que la demande de transport de fret était tirée par la demande internationale, ce qui n'était pas le cas de la demande de transports de voyageurs.

M. Yves Robin a déclaré que l'élasticité de la demande de transports à la croissance économique était sensiblement supérieure à 1. Quand la croissance est forte, la demande de transports croît encore plus vite, à l'inverse quand elle ralentit, la demande de transports diminue encore davantage. Cette élasticité supérieure à 1 peut s'expliquer en partie par des phénomènes de polarisation de l'activité économique autour des axes de transports. Une autre explication est, s'agissant du transport de marchandises, le phénomène d'externalisation du transport routier depuis la seconde moitié des années 80. M. Olivier Paul-Dubois-Taine a ajouté le phénomène de motorisation de la société, qui devrait conduire à un développement des trafics, comme on a pu le constater pour le secteur aérien.

En réponse à M. Jacques Oudin qui l'interrogeait sur les données économiques disponibles, M. Jean-Yves Perrot a indiqué que les documents les plus complets étaient ceux réalisés par le secrétariat des études statistiques (SES) du ministère de l'équipement, des transports et du logement, mais qu'il était bien évidemment très difficile de prévoir la demande de transports à l'horizon 2020. Il a ajouté qu'il convenait d'avoir une analyse des coûts socio-économiques des transports et notamment des externalités négatives.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a précisé que les comptes annexes des transports traitaient des externalités. Les études réalisées sur chaque projet d'investissement intègrent un calcul des externalités, suivant des méthodes codifiées. M. Jean-Yves Perrot a précisé que ces éléments figuraient dans le compte satellite des transports et dans les documents sur les schémas de service.

M. Yves Robin a indiqué que la codification des externalités était en cours de révision. M. Marcel Boîteux devrait rendre ses conclusions prochainement. Il a rappelé qu'il existait deux étapes dans la prise en compte des coûts externes : tout d'abord, l'identification de l'ensemble des coûts, ensuite la mise en oeuvre des règles admises en matière de valorisation de ces coûts externes. Enfin, la comparaison entre les différents modes est encore plus difficile.

En réponse à MM. Gérard Miquel et Auguste Cazalet , M. Jean-Yves Perrot a expliqué que l'on devait distinguer deux choses : l'information dont l'on disposait sur les évolutions climatiques, qui montrait des éléments préoccupants sur la pollution atmosphérique mais sans que l'on ait suffisamment de recul pour les apprécier, et l'incidence des différents modes de transports sur l'environnement, qui devait être prise en compte, notamment dans les schémas de service.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a indiqué que les pollutions locales au soufre ou à l'azote pouvaient être combattues par des mesures réglementaires. En revanche, une question ne peut actuellement être résolue : l'effet de serre dû à la pollution au dioxyde de carbone. Des mesures techniques ont été prises, notamment pour le développement des véhicules non polluants ou la restriction de la circulation automobile, sans toutefois d'effets probants. Il a cependant indiqué que les progrès techniques réalisés sur les véhicules seraient plus importants que les effets de l'augmentation du parc.

M. Yves Robin a précisé que pour tous les polluants atmosphériques, qu'il s'agisse du soufre ou du dioxyde d'azote, les progrès techniques étaient considérables, alors que l'on ne pouvait mettre un terme à la production de dioxyde de carbone, qui intervient naturellement.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a indiqué qu'à l'exception de la circulation urbaine, l'automobiliste paye ses coûts. S'agissant des transferts entre modes, les transferts sont connus pour les transports de voyageurs mais ils sont beaucoup plus complexes à évaluer pour les transports de marchandises, car ils ne dépendent pas seulement de la distance et du prix mais d'abord de la qualité de service, avant l'infrastructure elle-même.

Tout en rappelant l'importance de l'infrastructure, M. Jean-Yves Perrot a évoqué l'effet des grèves à la SNCF, qui conduisait à faire diminuer l'activité fret par palier. M. Yves Robin a confirmé que l'on avait eu tendance à sous-estimer l'impact des mesures d'exploitation sur l'évolution du trafic ferroviaire.

En conclusion, M. Jean-Yves Perrot a rappelé les trois notions qui président à l'intermodalité :

- cerner ce qui est transférable d'un mode à un autre ;

- regarder physiquement la situation et faire sauter les goulets d'étranglement (ex : desserte des ports) ;

- prendre de mesures d'exploitation et viser à l'amélioration de la qualité de service.

Audition de M. Jean-Claude ALBOUY,
président de l'association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

et de M. Jean MESQUI , président de la société d'autoroutes
Paris-Normandie (SAPN)

lundi 15 mai 2000

MM. Jean-Claude Albouy et Jean Mesqui ont répondu aux questions de M. Jacques Oudin

M. Jean-Claude Albouy a indiqué que la situation financière des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes deviendrait saine à l'avenir, si tout se passait bien, mais que, pour le moment, elles n'étaient pas dans une situation florissante. Seule l'existence de procédures comptables dérogatoires explique que les sociétés d'autoroutes ne déposent pas le bilan. Même Autoroute du Sud de la France (ASF), qui est une des sociétés les plus rentables, supporte 1,5 milliard de francs de remboursements différés pour un capital de 150 millions de francs.

Répondant à une demande formulée par écrit par M. Jacques Oudin, il a rappelé que les comptes des sociétés d'autoroutes devaient être approuvés par leurs assemblées générales au mois de juin, et qu'elles ne pourraient les fournir au groupe de travail avant cette date. De surcroît, l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) n'est pas en mesure de procéder à une consolidation des chiffres des sociétés d'autoroutes

S'agissant des négociations en cours sur l'allongement des durées des concessions, M. Jean-Claude Albouy a indiqué qu'il ne disposait d'aucun renseignement sur les négociations en cours, celles-ci se déroulant entre le ministère de l'équipement, des transports et du logement et les services de la commission européenne à Bruxelles, sans l'intervention de l'ASFA. L'ASFA n'a pas eu à se prononcer sur les modalités de la réforme des sociétés d'autoroutes, dont elle a seulement été informée de manière informelle, sans que ne lui soit transmis aucun document écrit détaillant la réforme. D'après les informations dont dispose l'ASFA, la réforme entraînera une modification de nature comptable, qui ne devrait pas entraîner de difficulté notable dans sa mise en oeuvre.

M. Jean-Claude Albouy a ajouté que la question de l'assujettissement à la TVA des péages autoroutiers n'était en rien liée à la négociation sur l'allongement des concessions autoroutières.

Le président de l'ASFA a indiqué que son association n'était absolument pas partie prenante dans la réflexion sur les schémas de service. Une telle participation lui serait d'ailleurs paru anormale, puisque les sociétés d'autoroutes devraient être candidates sur certaines liaisons. Il a simplement indiqué que l'ASFA avait contribué à la réflexion sur l'internalisation des coûts externes dans la lignée du livre vert de la Commission européenne. Il a ajouté que les sociétés d'autoroutes européennes étaient associées à la réflexion menée en ce domaine par la commission européenne.

M. Jean-Claude Albouy a expliqué que les sociétés d'autoroutes s'intéressaient à la rentabilité financière, alors que l'Etat s'intéressait à la rentabilité socio-économique, l'écart entre ces deux rentabilités fondant la légitimité de l'intervention publique. Il a indiqué que l'économie en nombre de tués, la valeur du temps, relevaient de valeurs tutélaires que l'Etat devait fixer.

M. Jean Mesqui a ajouté que les instruments méthodologiques en matière d'internalisation des coûts externes étaient définis par l'Etat, notamment le SETRA, les sociétés d'autoroutes se contentant d'alimenter les bases de données.

M. Jean-Claude Albouy a souhaité que les méthodes retenues soient les mêmes pour tous les modes de transports, notant que la valeur du temps ou la valeur d'une vie sauvée n'était pas la même suivant le mode de transport étudié.

M. Jean Mesqui a indiqué que la loi d'orientation LOTI avait prévu des bilans pour les liaisons autoroutières mises en service, 2 ans puis 5 ans après leur mise en oeuvre. Chaque société d'autoroute établit donc un bilan pour la section d'autoroute dont elle a la charge.

M. Jean-Claude Albouy a indiqué qu'en matière de tarification des infrastructures, on pouvait noter des écarts très importants entre les pays. La difficulté en France vient de la concomitance d'un réseau gratuit avec un réseau payant, qui crée une distorsion économique qui n'est pas bien comprise par la population. Le péage est globalement bien supporté dès lors qu'il correspond à une certaine qualité de service. Les usagers comprennent mal pourquoi la liaison nord-sud du Massif central est gratuite mais pas la liaison est-ouest, de même pour l'autoroute A 20. Le problème se pose surtout pour les poids lourds lorsque sont réalisés des itinéraires parallèles aux autoroutes à péage qui sont gratuits.

Il faut savoir que 30 % des recettes des autoroutes viennent des ressortissants étrangers : la France est un pays de transit. En Allemagne, depuis la chute du Mur, les liaisons avec l'Est se sont développées et le pays a lancé des appels d'offres pour passer au péage. L'Autriche est passée au système de péage pour les poids lourds. L'ASFA souhaite une généralisation du péage.

M. Jean Mesqui a indiqué que les sociétés d'autoroutes françaises étaient en train de mettre au point le péage électronique, qui devrait être opérationnel à l'automne. Le système fonctionnera dès le 1er juillet pour les véhicules légers. Concernant les poids lourds, des études sont en cours pour résoudre les problèmes de sécurité au passage des barrières de péage.

M. Jean-Claude Albouy a ajouté que le champ des réflexions est très ouvert en ce domaine. Ainsi, dans certains pays où il n'existe pas de barrières de péage, il est possible que l'on s'oriente vers d'autres technologies, comme le GSM/GPS.

S'agissant du rapport de la Cour des comptes sur le système autoroutier français, l'ASFA n'a pas fait de réponse officielle, mais à titre personnel M. Jean-Claude Albouy s'est déclaré plutôt en accord avec les grandes lignes du rapport. Il a regretté que la présentation qui en avait été faite se soit très éloignée du rapport lui-même, en vue d'une médiatisation schématique et déformée.

Il a ajouté que, d'une manière générale, il convenait d'éviter que les tarifs de péages augmentent plus rapidement que l'inflation. Même s'il n'existe pas d'élasticité de la demande à l'offre, le risque est grand de constater des révoltes ponctuelles. Déjà, un certain nombre de manifestation, à Toulouse, en région parisienne ou à Nice témoignent de l'existence de points de fixation.

De plus, il a plaidé pour un impôt intelligent. Il a expliqué que la taxe d'aménagement du territoire, perçue au taux de 4,5 cts/km parcouru frappait davantage les sociétés pratiquant des prix bas et davantage les véhicules légers que les poids lourds. Or, ce sont les poids lourds qui devraient financer les autres modes de transport. De surcroît, la taxe frappe les sociétés quelle que soit leur santé financière. Il a souhaité une imposition qui corresponde plus à l'objectif de justice fiscale et il a estimé que le passage des sociétés d'autoroutes au droit commun fiscal, à savoir leur soumission à l'impôt sur les bénéfices, serait une bonne chose dans ce cadre.

Audition de M. Daniel TARDY ,
président de la fédération nationale des travaux publics (FNTP)

et de M. Daniel PARIS , spécialiste des transports au MEDEF

accompagnés de Mme Florence DEPRET

mardi 23 mai 2000

MM. Daniel TARDY et Daniel PARIS ont répondu aux questions de M. Jacques OUDIN.

M. Daniel TARDY a indiqué que le principe de l'annualité budgétaire ne convenait pas au financement des infrastructures, et que, d'une manière générale, il n'existait aucun suivi de l'évolution du patrimoine public, alors que l'administration l'exige pour les entreprises (comptabilité en actif/passif) et que les simples particuliers le voient imposer dès que leur patrimoine les rend imposables à l'ISF.

Il a ajouté que les études réalisées par M. Rémy PRUD'HOMME montraient que les investissements en infrastructures avaient une meilleure rentabilité que la plupart des investissements industriels. Cependant, il a regretté que les infrastructures aient fait l'objet d'une moindre attention de la part des pouvoirs publics ces dernières années.

En prenant comme critère le chiffre d'affaires des travaux publics, dont on sait qui provient pour environ 35 % des travaux routiers, et en le comparant à l'évolution du PIB depuis 10 ans, il apparaît une forte divergence. Sur 10 ans, le PIB aura augmenté de 20 % mais le chiffre d'affaires des travaux publics aura diminué en volume. Cette analyse est vraie aussi bien pour les travaux publics liés aux commandes de l'Etat que pour les investissements des collectivités locales. Il a ajouté que malgré la hausse en valeur des nouveaux contrats de plan, les investissements seront globalement moins importants, en raison de l'érosion monétaire et du rythme d'exécution des contrats de plan.

M. Daniel TARDY a ensuite expliqué que la diminution en volume des travaux publics était due à l'écart entre les moyens de fonctionnement et d'investissement du budget civil de l'Etat. Les collectivités locales (régions, départements, communes) consacrent 30 à 60 % de leur budget annuel à l'investissement, contre seulement 4 à 5 % pour le budget civil de l'Etat. L'Etat a perdu son rôle d'investisseur et les collectivités locales ne parviennent pas à le compenser.

Concernant la remise en cause du système d'adossement pour le financement des autoroutes, il a indiqué que l'interdiction de l'adossement était une interprétation française de la réglementation européenne.

Puis, il a évoqué les nouveaux besoins en infrastructures créés par la croissance économique et notamment le développement de la " nouvelle économie " qui, contrairement aux apparences, suscite de nombreux échanges physiques. Il a cité le cas du télétravail qui, dans certaines régions, conduisait à un accroissement de la circulation et notamment le développement de plates-formes aéroportuaires. Il a indiqué qu'il ne fallait pas attendre que la demande soit présente pour réaliser les infrastructures, sauf à être en retard sur l'évolution économique.

Audition de M. Bernard MEYNASSERE ,
président de la 7ème chambre de la Cour des Comptes

Mercredi 31 mai 2000

M. Bernard MEYNASSERE a répondu aux questions de M. Jacques OUDIN.

M. Bernard MEYNASSERE a rappelé les compétences de la 7ème chambre de la Cour des comptes.

Celle-ci suit l'ensemble du secteur des transports, en calquant son organisation interne sur les différents modes de transports. Elle s'occupe également de l'équipement du territoire, et à ce titre contrôle les secteurs de l'équipement, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Enfin, elle a dans son champ de compétence l'agriculture et l'environnement.

Il existe des convergences indiscutables entre ces différentes compétences. Ainsi, pour la préparation du rapport public particulier sur la politique autoroutière de la France, la Cour a entendu des responsables du ministère de l'équipement, des transports et du logement, en l'occurrence la direction des routes, mais également des représentants du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de la prévision, direction du trésor, direction du budget) et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, notamment la Délégation à l'aménagement du territoire (DATAR). Les services du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement sont devenus des interlocuteurs obligés pour tous les projets d'infrastructures.

L'évaluation des politiques d'infrastructures ne doit pas négliger la dimension environnementale. En effet, le coût environnemental des grandes infrastructures va croissant et il est souvent un facteur de dérive des coûts prévus initialement. Ces coûts sont désormais mieux pris en considération dans le secteur autoroutier, mais ils devraient l'être de manière aussi sérieuse pour les autres types d'investissement, par exemple portuaires.

M. Bernard MEYNASSERE a ensuite indiqué qu'il ne pouvait faire état que des travaux de la Cour déjà rendus publics. Les publications récentes de la Cour concernant le secteur ferroviaire ont porté en 1996 sur le TGV Nord, avec des observations utiles sur la manière dont la SNCF et l'Etat ont calculé le coût de l'investissement. Les méthodes n'auraient pas fondamentalement évolué depuis. De même, dans son rapport public général de 1999, la Cour a fait des observations sur les chantiers Eole et Meteor (période 89-99) : les obstacles, les difficultés ont été quasiment identiques à celles du TGV Nord.

M. Bernard MEYNASSERE a expliqué que les entreprises comme l'Etat peinent à calculer les investissements et leur rentabilité et à soutenir un grand projet d'infrastructure en maîtrisant sa conception et sa réalisation. Or, la maîtrise des coûts, les modalités de passation des marchés, la surveillance des opérations sont essentielles. Concernant l'évaluation des trafics, les remarques formulées par la Cour sur le TGV Nord sont éclairantes. S'agissant des chantiers Eole et Méteor, les entreprises ont eu de grandes difficultés à maîtriser les dossiers. Lorsque les pouvoirs publics décident, ils ne disposent pas toujours, voire jamais, des éléments qui leur permettraient de percevoir les coûts. On investit donc dans l'aléa.

M. Bernard MEYNASSERE s'est réjoui de constater que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait récemment modifié les procédures devant le comité des investissements économiques et sociaux (CIES). Il s'est déclaré frappé de constater que lors de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale, les députés s'interrogeaient sur les missions de la direction du Trésor.

Concernant la politique routière et autoroutière, la Cour a réalisé de nombreux travaux. Elle a fait un rapport public particulier en 1992 sur la politique routière et autoroutière : évaluation de la gestion du réseau national et un rapport public en juin 1999 sur la politique autoroutière de la France. Enfin, il y a une référence à l'A 14 dans son dernier rapport public général de 1997.

S'agissant de la politique portuaire, la Cour vient de réaliser un rapport public particulier, qui ne concerne pas uniquement les infrastructures mais tous les aspects de la filière : le choix entre les ports autonomes et les ports d'intérêt national, le problème de la manutention, de la gestion des ports et de la tarification portuaire. On retrouve les mêmes défauts que pour les autres modes de transports : la difficulté des pouvoirs publics à apprécier le coût d'un investissement. L'exemple de Marseille est caractéristique à cet égard.

Dans le domaine aérien, la Cour s'est intéressée au financement de l'aviation civile, qui ne touche qu'incidemment les infrastructures. Le budget annexe de l'aviation civile concerne essentiellement le contrôle de la navigation aérienne. La Cour a observé le caractère aléatoire du financement de l'aviation civile, dans ses rapports publics de 1991 et 1994. Le système de taxes et redevances fait l'objet d'un long contentieux devant le Conseil d'Etat, et le Conseil constitutionnel.

S'agissant des travaux en cours, la Cour réalise actuellement une étude sur l'entretien du réseau routier national. La présomption de la Cour est que 'Etat ne s'est pas comporté en bon père de famille car l'on a pu constater un déclin des sommes consacrées à l'entretien des routes. La Cour des comptes cherche à savoir si la France a une politique globale en matière routière et autoroutière.

Concernant le transport ferroviaire, la Cour engagera un contrôle sur la SNCF et RFF en septembre 2000. S'agissant d'établissements très importants, il ne lui est en effet pas possible de faire un rapport sur un seul exercice budgétaire. La Cour réalise actuellement deux travaux sur la SNCF : une étude avec les chambres régionales des comptes sur les conditions de l'expérimentation des transports régionaux de voyageurs pour laquelle la Cour espère aboutir en 2001, et une étude sur la politique de transport de fret à la SNCF.

Concernant la politique fluviale, le Premier président de la Cour des comptes a récemment adressé un référé au ministre de l'équipement, des transports et du logement. La Cour s'intéresse particulièrement au problème de l'entretien des voies navigables.

La Cour fait également des observations dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances, sur les fascicules budgétaires concernant le secteur des transports, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), et le fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF).

Elle relève l'incapacité mécanique des comptes d'affectation spéciale à consommer leurs crédits. La mobilisation des crédits publics et leur utilisation est parfois perdue de vue. Une étude sur longue période des crédits du budget et du FITTVN montre que les crédits globaux en faveur des transports n'ont pas augmenté, alors même que l'octroi de crédits complémentaires était une justification à la création du compte d'affectation spéciale. Les administrations ne semblent pas maîtriser l'usage des moyens qu'on leur donne.

Audition de M. François BORDRY ,
président de voies navigables de France

de M. Christian JAMET , directeur général adjoint

et de M. David MÉNAGER , chef de cabinet

mardi 20 juin 2000

M. François Bordry a répondu aux questions de M. Jacques Oudin en présence de M. Christian Jamet, directeur général adjoint et de M. David Ménager, chef de cabinet.

M. François Bordry a indiqué que le trafic fluvial avait augmenté de 20 % en deux ans, témoignant d'un renouveau du transport fluvial, amorcé depuis 1994, après de très nombreuses années de déclin ou de stagnation.

A partir des années 60, l'Etat, constatant le déclin du transport fluvial, a diminué régulièrement les crédits qui lui étaient consacrés.

Cette politique s'est poursuivie jusqu'en 1991, date à laquelle la création de Voies navigables de France (VNF) a permis d'unifier la gestion du réseau et la réglementation du transport fluvial. Des ressources propres ont été attribuées au mode fluvial, avec notamment la création de la taxe hydraulique, créée par la loi de finances pour 1991. Le financement des voies d'eau a donc été débudgétisé et est financé aujourd'hui par les différents utilisateurs du réseau fluvial.

Puis, la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire de 1995 a créé le FITTVN. Initialement, le fonds devait comporter trois sections : transport routier, transport ferroviaire et transport fluvial. Mais à la suite des débats parlementaires, la fongibilité des crédits a été décidée. Aujourd'hui, les sommes collectées sur les ouvrages hydroélectriques s'élèvent à 1,8 milliard de francs. 517 millions de francs reviennent aux voies navigables.

M. Christian Jamet a ajouté qu'une forte diminution du trafic avait eu lieu dans les années 80, conduisant l'Etat à mettre en place des plans de déchirage de la cale destinés à adapter le volume de ladite cale à la demande de transport. Il précise que peu de personnes à l'époque croyait en l'avenir de ce mode de transport.

M. François Bordry a rappelé qu'en 1991, le financement du transport fluvial par la taxe hydraulique est apparu insuffisant. Ce n'est que grâce aux contrats de plan que la perspective d'un arrêt du déclin de la voie fluviale est apparue, essentiellement pour les canaux à grand gabarit et les canaux à forte vocation touristique. Les contrats de plan et les programmes cofinancés avec les collectivités territoriales ont représenté 800 millions de francs pour la période du 11 ème plan et devraient s'élever à 4,2 milliards de francs pour la période 2000-2006, soit 600 millions de francs par an. On dispose désormais d'une visibilité financière pour répondre aux besoins de restauration et de développement du réseau.

Les nouveaux engagements financiers comprennent notamment le relèvement des ponts sur la liaison Dunkerque-Escaut. En plus des contrats de plan, l'Etat assure seul les financements d'une partie des investissements sur le réseau et VNF dégage une capacité d'autofinancement, si bien que l'on peut considérer que le " trend " d'investissement pour les voies navigables pourrait être de 900 millions de francs pour les six ans à venir. Il faut noter que l'Allemagne investit beaucoup plus, notamment pour l'extension de son réseau fluvial vers l'Europe de l'Est. La Belgique réalise aussi de gros investissements, comme celui de la construction de l'ascenseur de Strepy-Thieu d'une hauteur de plus de 70 mètres de haut capable d'accueillir les bateaux de plus de 1.500 tonnes. Les Pays-Bas ont toujours et traditionnellement eu une politique fluviale active depuis longtemps. La loi française de 1994 et la directive de 1996 sur la libéralisation du transport fluvial ont été, pour le moment, les principales impulsions en matière de politique fluviale, tant au niveau national qu'européen, à l'exception de la création de VNF en 1991 et du FITTVN en 1995.

M. Christian Jamet a indiqué que le trafic fluvial avait augmenté jusqu'en 1970 puis connu une période de déclin jusqu'à un point bas en 1994. Les canaux à grand gabarit ont maintenu leur activité mais le petit réseau (réseau Freycinet) a vu la sienne diminuée. Les plans français et européens ont donc eu pour objet de diminuer la cale, accompagnant ainsi le déclin du trafic.

M. François Bordry a expliqué que la relance du projet Rhin-Rhône avait été impulsée par la compagnie nationale du Rhône. Cependant, la déclaration d'utilité publique avait une vingtaine d'années et les conditions de réalisation du projet ne correspondaient plus aux critères modernes de réalisation des équipements publics, en particulier en matière écologique.

Il a ajouté qu'il existe une approche transnationale en matière de politique fluviale, à travers les travaux de l'AIPCN (Association des congrès de la navigation) qui regroupe 35 pays et qui constitue un lieu d'échanges pour traiter des questions relatives au transport fluvial et aux ports maritimes. Des rencontres européennes sont également organisées à l'initiative de la direction DG VII de la Commission européenne. Il faut mentionner également la création d'un office de promotion du transport fluvial au niveau européen qui regroupe la France, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Belgique (Flandres et Wallonie).

S'agissant de la rentabilité des investissements, il a précisé que VNF avait réalisé les études sur la rentabilité socio-économique de Seine-Nord. La rentabilité serait de 3 à 4 % selon les méthodes actuelles de calcul.

M. Christian Jamet a fait part de plusieurs interrogations à l'égard des méthodes actuelles d'évaluation de la rentabilité des investissements. La valorisation des coûts externes n'est pas la même selon les pays européens. A titre d'exemple, lorsque la SNCF fait des calculs de rentabilité, elle adopte deux approches : la première correspond à la valorisation des coûts externes selon les normes en vigueur ; la seconde repose sur sa propre méthode de valorisation des coûts externes. En ce qui concerne la liaison Seine-Nord, s'agissant d'un investissement à dimension européenne, il pourrait être intéressant de faire un calcul de rentabilité qui prendrait en compte, non plus l'espace national, mais l'espace européen.

M. François Bordry a indiqué que le réseau Seine-Est serait d'une longueur double par rapport à la liaison Seine-Nord pour un trafic équivalent, entraînant donc un taux de rentabilité nettement plus faible. La liaison Saône-Moselle n'a pas fait l'objet d'étude précise, mais une étude de trafic est prévue dans le cadre du prochain contrat de plan. La priorité est donc la réalisation du projet Seine-Nord. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a d'ailleurs confirmé que cette liaison serait inscrite au prochain schéma de service.

Le trafic fluvial a augmenté depuis 1994, avec une accélération depuis deux ans : pour moitié, cette accélération est conjoncturelle et liée notamment à la reprise des chantiers du bâtiment et des travaux publics, activités qui génèrent 35 % du transport fluvial, mais aussi aux difficultés de fonctionnement des centrales nucléaires (augmentation du trafic du charbon). L'accroissement du trafic fluvial s'explique aussi par une diversification de l'offre (augmentation du trafic de conteneurs mais aussi des nouveaux marchés liés au transport des déchets et des matières dangereuses) et à une meilleure fiabilité du réseau.

Une récente étude réalisée par VNF sur les perspectives du développement du transport de marchandises par voie fluviale et fluvio-maritime à horizon 2020 retient trois scénarios possibles : dans le premier scénario, l'effort actuel est poursuivi et le trafic progresse de 1,9 % par an. Dans le second scénario, une action plus volontariste est menée, les crédits augmentent et le trafic progresse de 4 % par an (hypothèse réaliste en raison de l'augmentation des crédits prévus dans les contrats de plan). Enfin le dernier scénario ajoute au second la réalisation de la liaison Seine-Nord et, dans ce cas, le trafic progresse de 4,7 % par an. Ces scénarios ont été réalisés en concertation avec les chargeurs.

M. François Bordry a indiqué que VNF ne disposait pas actuellement des moyens financiers pour réaliser Seine-Nord. Il faudrait pour cela 1,5 milliard de francs par an sur dix ans. Cependant, le projet est consensuel, notamment du point de vue de son impact écologique, à l'inverse du canal Rhin-Rhône, et il s'inscrit également dans une logique européenne. Il est évident que si les voies navigables récupéraient l'ensemble des recettes du FITTVN provenant des ouvrages hydroélectriques, le financement ce Seine-Nord pourrait être assuré.

Audition de M. Bruno DEPRESLE
sous-directeur de l'évaluation environnementale
et de l'aménagement durable au ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement

mercredi 28 juin 2000

M. Bruno Depresle a répondu aux questions de MM. Jacques Oudin et Gérard Miquel.

M. Bruno Depresle a précisé qu'une nouvelle direction, intitulée direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, dirigée par M. Dominique Bureau, avait été créée au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La direction comprend quatre sous-directions :

- une sous-direction chargée de la recherche. Elle a pour mission de développer les travaux d'expertise dans le domaine de l'environnement ;

- une sous-direction des politiques environnementales, chargée de procéder à une analyse économique des politiques sectorielles (politique de l'eau, traitement des déchets) et, en appui à la 3 ème sous-direction, des autres politiques publiques ;

- une sous-direction à vocation interministérielle, qui doit assurer la prise en compte de l'environnement dans les politiques et les projets de la compétence des autres ministères, notamment en matière de transports, d'agriculture, d'énergie et d'urbanisme ;

- une sous-direction chargée de la régulation économique, amenée à intervenir sur des dossiers discutés dans des enceintes internationales, comme les organismes génétiquement modifiés ou le changement climatique.

Au sein de la troisième sous-direction, un bureau des infrastructures et de l'énergie suit les actions menées par le ministère de l'équipement, des transports et du logement et par le secrétariat d'Etat à l'industrie. Ainsi, est-il amené à participer à l'élaboration des schémas de services collectifs des transports et de l'énergie mais aussi à apprécier l'impact environnemental de projets autoroutiers. Deux autres bureaux constituent la sous-direction : un bureau ayant pour champ de compétence l'évaluation environnementale et les études d'impact (cadre juridique et méthodologie), et l'autre se consacrant à l'aménagement du territoire et à la politique de la ville, donc à ce titre aux contrats de plan.

M. Bruno Depresle a reconnu que jusqu'à récemment le ministère de l'environnement réagissait à un stade avancé des procédures. Cependant, il cherche aujourd'hui à être associé à l'élaboration des politiques et développer son analyse prospective. Dans le cadre des schémas de service collectifs, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a participé à l'élaboration de quatre scénarios d'évolution des transports, en évaluant leur impact sur l'environnement (notamment effet de serre). Ces scénarios sont multimodaux. Toutefois, les capacités d'expertise du ministère de l'équipement, des transports et du logement étant encore essentiellement concentrées sur le mode routier, il est difficile au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement d'obtenir des informations sur la capacité du transport ferroviaire à conquérir des parts de marché.

M. Bruno Depresle a confirmé que la part de marché du transport ferroviaire avait diminué, mais il a cité les projets en cours, à savoir le creusement du tunnel du Pertus pour la liaison Perpignan-Figueras et du tunnel de Modane pour la liaison Lyon-Turin. Il a estimé que la variante la plus souterraine serait choisie pour le tunnel du Lyon-Turin. Il a fait observé que la rentabilité d'un tel investissement serait très faible si l'on ne prenait pas en compte les effets environnementaux, sous réserve de la construction des tunnels suisses. L'intégration des surplus environnementaux a, pour le moment, donné peu de résultats.

M. Bruno Depresle a ensuite contesté que la croissance du trafic prévue sur le sillon rhodanien puisse être déportée très à l'ouest. Il a précisé que l'autoroute A 20 ne lui paraissait pas une voie d'allégement possible. Le débat ne porte que sur l'autoroute A 75 vers Béziers et le projet d'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron. Il a ajouté que l'essentiel du trafic nord-sud devrait continuer de s'écouler à l'est de la France. Il a rappelé que le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement privilégiait les transferts de charge entre modes de transports, de la route sur le train ou sur la voie d'eau, plutôt que les transferts au sein d'un même mode.

Puis, il a fait observer que le transport routier de marchandises ne supportait pas les coûts qu'il occasionne, même en prenant en compte la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). En prenant en compte l'ensemble des taxes, le transport par véhicule individuel paye en revanche ses coûts (en dehors des zones urbaines). Il s'est déclaré favorable à toutes les techniques permettant un meilleure imputation des coûts, et notamment le péage à distance. Puis, il a indiqué que les études sur les coûts externes des transports et notamment le rapport Boiteux de 1994, traduit par la circulaire Idrac de 1996, reposaient sur des analyses qu'il fallait actualiser. Ainsi, alors que la pollution locale et régionale est globalement évaluée à 0,8 % du PIB, soit environ 70 milliards de francs, des études récentes, tenant compte notamment d'analyses de l'Organisation mondiale de la santé, montrent qu'elle serait plus proche de 1,5 à 1,8 % du PIB. Il faut donc que ces nouveaux éléments soient intégrés dans les révisions en cours du rapport Boiteux.

L'idée que les infrastructures jouent un rôle positif en termes d'aménagement du territoire et de développement économique est avancée par certains, mais les études sont actuellement insuffisantes pour évaluer précisément cet impact. Si les transports sont facturés à un coût inférieur à leur prix de revient, les distances sont insuffisamment prises en compte dans le coût des produits et la concurrence est artificiellement étendue. Dans les villes, le transport collectif accroîtra sa part si l'on ne développe pas en parallèle les infrastructures routières.

* 1 Ce groupe de travail, présidé par M. Jacques Oudin associait les rapporteurs spéciaux de la commission des finances chargés des questions de transport : M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial des crédits des transports terrestres, M. Gérard Miquel, rapporteur spécial des crédits des routes et de la sécurité routière, M. Marc Massion, rapporteur spécial des crédits des ports maritimes et M. Yvon Collin, rapporteur spécial des crédits de l'aviation civile et de la météorologie.

* 2 Rapport de la commission d'enquête concernant les grandes infrastructures de communication : " Fleuve, rail, route : pour des choix nationaux ouverts sur l'Europe ". Rapport n°479 - session ordinaire 1997-1998

* 3 les taxes affectées au Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) et au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) représentent un montant de l'ordre de 6 milliards de francs comprenant la taxe d'aménagement du territoire perçue sur les péages d'autoroutes pour 2,6 milliards de francs, la taxe hydroélectrique pour 1,7 milliard de francs et la taxe d'aviation civile pour 1,6 milliard de francs.

* 4 Hors versement transport affecté au syndicat des transports parisiens (STP) en Ile-de-France.

* 5 " RFF ne peut accepter un projet d'investissement sur le réseau ferré national, inscrit à un programme à la demande de l'Etat, d'une collectivité locale ou d'un organisme public local ou national, que s'il fait l'objet de la part des demandeurs d'un concours financier propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d'amortissement de cet investissement. "

* 6 L'ensemble des informations de ce chapitre proviennent de l'Ambassade de France en Allemagne -service de l'expansion économique--Poste de Berlin

* 7 Ce phénomène n'est pas propre à la France. Ainsi, en Belgique, le trafic de marchandises a augmenté de 73,9 % depuis 1990, mais la route a progressé de 165 % tandis que les chemins de fer régressaient de 4,5 % et les transports par voie navigable de 9,1 %. La part des chemins de fer a regressé de 28,5 % en 1970 à 15,7 % en 1997.

* 8 L'Italie vient d'ouvrir un nouvel aéroport, Milan-Malpensa.

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