Audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

AUDITION DE MADAME DOMINIQUE VOYNET, MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT

M. le Président -
Je suis très heureux d'accueillir Dominique Voynet au terme de ces deux journées marathon, où nous avons tenu les délais, d'audition sur les organismes génétiquement modifiés.

Ces journées nous ont permis d'avoir six tables rondes :

- une sur les enjeux agricoles et ceux de l'agro-alimentaire,

- une sur les enjeux en matière de recherche,

- une sur la réglementation de l'expertise et du contrôle,

- une sur les OGM et l'environnement, nous allons en parler

- une sur les OGM et la santé,

- une sur les problèmes de la consommation et du consommateur.

Nous avons eu également l'audition de cinq ministres. Madame la Ministre, vous êtes la cinquième et vous allez clôturer ces travaux.

En parallèle avec cette confrontation collective contradictoire d'experts, de ces auditions de ministres., nous préparons la conférence de citoyens avec les deux week-ends de formation. Nous avons intégré de nombreux conseils qui nous ont été donnés par ceux qui souhaitaient donner leur avis sur cette organisation.

A côté de l'avis des experts, nous allons également demander à un groupe de citoyens son avis sur ce sujet complexe, passionné, passionnel dans notre pays, nous l'avons vu au cours de ces deux jours.

Je rendrai au Parlement, mais je le transmettrai immédiatement au gouvernement, un rapport le 30 juin.

Ce qui nous intéresse, c'est-à-dire l'environnement, a été au centre de nos travaux au cours de cette journée. Un certain nombre de problèmes ont été posés et nous avons vu le paradoxe qui existait.

Les organismes génétiquement modifiés sont un enjeu pour notre pays en termes d'agriculture, d'agro-alimentaire, de recherche. Leur développement pose un certain nombre de problèmes en termes d'environnement, peut en poser en termes de santé et en termes de développement durable de notre agriculture.

Cela a été bien exprimé par plusieurs intervenants, il y a la volonté de développer la recherche, ces technologies dans un certain nombre de cas, mais de bien l'encadrer.

Le terme de l'organisation de la biovigilance a été très nettement indiqué, mais plus que la biovigilance, un certain nombre d'intervenants ont pensé que, et c'est un peu comme dans le nucléaire, notre système de contrôle et d'expertise n'était peut-être pas satisfaisant.

A côté des experts qui doivent donner des avis techniques, par l'intermédiaire d'un certain nombre de ses représentants, la société doit également donner son avis sur un certain nombre de risques qui peuvent exister dans le développement de ces techniques.

Enfin en fonction de la partie technique et expertise en matière de risques, le gouvernement doit prendre un certain nombre de décisions.

Votre prédécesseur est venu dans une des tables rondes commenter les décisions de 1997, celles de février comme celles de novembre. Nous avons parlé très largement des incidences en termes d'environnement. Les problèmes, aussi bien d'apparition de résistance chez des insectes, de flux de gènes, tout a été abordé et aucune question n'a été éludée.

En fonction des responsabilités qui sont les vôtres, des décisions prises, nous souhaiterions que vous nous indiquiez, Madame la Ministre, vos positions sur ce sujet et que vous nous fassiez part de vos remarques.

Ensuite je vous poserai un certain nombre de questions complémentaires ainsi qu'un certain nombre de personnes. Celles qui veulent poser des questions doivent, c'est la règle lorsque les ministres viennent, les poser par écrit pour que nous puissions les regrouper.

Mme Voynet - Merci, Monsieur le Président.

J'imagine que l'exercice sera pour vous un peu fastidieux, plus en tout cas que pour moi, puisque vous avez assisté à deux journées d'échange d'arguments et que je serai forcément amenée à redire certaines choses.

En tout cas c'est pour moi la première occasion depuis bien longtemps de préciser de quelle façon j'aborde la question des plantes génétiquement modifiées et je commencerai par les points qui concernent plus directement mon domaine de compétence ministérielle.

Ma responsabilité est en effet de veiller que les variétés cultivées en France ne présentent pas de risques pour l'environnement.

A cet égard la situation diffère selon l'espèce concernée, le transgène introduit, comme l'a analysé le Comité de Prévention et de Précaution lors du débat qu'il a tenu sur les OGM le 5 septembre 1997.

Je rappelle que ce Comité de Prévention et de Précaution a été saisi au cours de l'été par moi-même. Il a considéré nécessaire de répondre vite comme je l'en avais prié et il a relativisé la qualité et l'ampleur du travail qu'il pouvait fournir dans un laps de temps aussi réduit.

Pour compléter son travail, nous avions souhaité solliciter par écrit un certain nombre d'organisations (associations, syndicats) qui, en quelques lignes ou sous forme de volumineux apport, ont contribué aussi à éclairer l'avis de ce Comité et ont été très utiles.

En ce qui concerne les espèces tout d'abord, certaines présentent des risques avérés de fertilisation croisée avec des espèces non cultivées et donc de dissémination indésirable des transgènes. C'est le cas de la betterave, identique à l'espèce sauvage betta maritima présente dans certaines régions de France, mais aussi du colza qui peut fertiliser des crucifères sauvages comme la ravenelle. En revanche le maïs ne présente pas ce problème en France.

En ce qui concerne les transgènes introduits, ceux qui permettent la sécrétion de toxines destinés à détruire des ravageurs sont a priori susceptibles de sélectionner des souches de résistance à cette toxine. De même ils risquent de détruire d'autres espèces que les espèces cibles.

Ces questions ne sont d'ailleurs pas à proprement parler spécifiques aux plantes génétiquement modifiées, elles se posent pour tout produit phytosanitaire. Toutefois, elles sont accrues pour les OGM par le caractère systématique de la production de la toxine par la plante alors que les traitements phytosanitaires peuvent être adaptés à la présence effective des ravageurs.

Il est donc indispensable qu'un dispositif de biovigilance permette de déceler le plus tôt possible l'apparition éventuelle de ce type d'impacts indésirables. Pour être crédible, un tel dispositif doit pouvoir conduire au retrait immédiat des semences en cas de nécessité.

Ce n'est cependant pas toujours possible, c'est concevable pour les variétés cultivées de maïs qui, non seulement ne repoussent pas, mais qui également en tant qu'hybrides, ne peuvent être ressemées par l'agriculteur lui-même. Ça l'est beaucoup moins pour les autres espèces qui disséminent.

Au-delà de ces préoccupations strictement environnementales, en tant que médecin, en tant que consommatrice, je ne saurais rester indifférente aux risques éventuels pour la santé publique, sur lesquels vous avez entendu mon collègue Bernard Kouchner.

Le problème le plus discuté actuellement concerne la dissémination de gènes de résistance à des antibiotiques.

Ces gènes ont été largement utilisés comme marqueurs des lignées transgéniques, ils ne sont en rien indispensables à ces lignées. Or il y a suffisamment de doutes parmi les experts sur les conséquences d'une telle dissémination pour la santé publique pour que l'utilisation de ces marqueurs soit proscrite.

Le Comité de Prévention et de Précaution s'est d'ailleurs prononcé sans ambiguïté sur ce point et le gouvernement a décidé de ne plus autoriser de tels OGM à l'avenir.

D'autres inquiétudes sanitaires sont également soulevées par divers experts, sur lesquelles je ne dispose pas d'assez d'éléments pour me prononcer, mais qui me paraissent devoir être analysées. Je pense en particulier aux effets allergènes des aliments issus d'OGM.

Si vous me le permettez, je souhaite maintenant aller au-delà de ces considérations très techniques pour aborder des questions plus fondamentales que ce dossier des OGM me paraît soulever.

Une proportion importante de la population de notre pays fait part actuellement de grandes réticences - c'est un euphémisme - pour consommer des aliments génétiquement modifiés.

Les raisons peuvent en être nombreuses et je vais essayer d'en lister quelques-unes. Après les avoir listées, je pense que nous serons d'accord pour dire que nous ne faisons pas pour autant le tour du problème.

L'essentiel en la matière ne me paraît pas être de nature technique. Le problème est avant tout un problème d'éthique, de société, c'est un problème politique au sens noble du terme.

En la matière il ne s'agit pas simplement de considérer que les citoyens sont mal informés, qu'il faut développer des efforts pédagogiques, leur expliquer, etc. Les arguments d'autorité ne tiennent pas, il faut bien en être conscient.

C'est d'ailleurs un problème important pour des ministres qui ne sont pas des experts. La tentation est grande d'objectiver le problème et de trancher sur la base d'avis autorisés d'experts reconnus.

Une partie de notre travail est de résister à la tentation de trancher sur la base de ces seuls avis et en quelque sorte d'avoir une approche d'honnête homme, au sens des Lumières, ou d'honnête femme si nous pouvons élargir ce concept à l'autre moitié de l'humanité, pour prendre en compte l'ensemble des arguments qui s'expriment au sein de la société.

Quels sont ces arguments ?

Vous avez des arguments :

- d'ordre éthique, d'abord, partant d'un refus a priori de toute manipulation du vivant qui relèverait d'une science sans contrôle jouant à l'apprenti sorcier.

- découlant d'une inquiétude générale sur la perte de lien direct entre les produits théoriquement sains que notre agriculture traditionnelle était censée fournir et ce que nous retrouvons dans nos assiettes.

Nos concitoyens ne savent plus ce qu'ils mangent et la crise de la vache folle ayant dès lors agi comme révélateur, les citoyens sont inquiets et ont besoin d'avoir des éléments de plus en plus clairs et objectifs sur ce qu'il y a vraiment dans leur assiette.

- D'ordre économique et social, ces arguments paraissent tout à fait valides et en tant que citoyenne et personne politiquement engagée depuis longtemps, j'ai envie de les placer au premier plan de mes préoccupations.

La généralisation des plantes génétiquement modifiées relève d'un modèle agricole intensif qui vise à maximiser les rendements, qui conduit en outre à une perte accrue d'indépendance des agriculteurs par rapport aux grands groupes de l'agro-industrie qui leur vendent les semences, les produits phytosanitaires, etc. De nombreux agriculteurs refusent cette évolution.

La question est également posée de savoir si la solution préconisée par les grands groupes de l'agro-alimentaire est une solution qui ne risque pas de s'imposer de façon tout à fait naturelle au détriment de l'examen d'alternatives moins coûteuses, plus raisonnables pour l'environnement et plus rassurantes pour la santé publique.

Ces alternatives plus modestes ont-elles la moindre chance d'être seulement portées à la connaissance du public et des pouvoirs publics lorsqu'une solution, celle des OGM, aussi largement médiatisée est portée et occupe la totalité du débat ?

- D'absence d'utilité des OGM dans nos pays : si aucune démonstration convaincante de leur intérêt pour le consommateur n'est apportée, pourquoi celui-ci devrait-il accepter de courir le moindre risque, aussi faible soit-il ?

Vu l'ampleur de ces réticences, il me semble que le moins que puisse faire un Etat démocratique comme la France est de faire en sorte que les éléments d'un choix aussi rationnel que possible soit débattu. Il est aussi de laisser le choix à ses habitants de déterminer dans la plus parfaite transparence s'ils souhaitent ou non consommer des produits issus d'OGM.

Cela passe en particulier par un étiquetage clair et exhaustif. A cet égard, la présence dans nos supermarchés depuis plusieurs mois de produits issus d'OGM non étiquetés est très dommageable.

Cette situation résulte pour une large part du temps considérable qu'il a fallu aux pays membres de l'Union Européenne pour se mettre d'accord sur les modalités d'étiquetage et je vois que vous en avez déjà largement discuté aujourd'hui.

Cette lacune est maintenant comblée grâce aux efforts de la présidence britannique qui ont permis de dégager un compromis moins mauvais que la proposition initiale de la Commission en évitant une mention peut contenir qui voulait à la fois tout dire et rien dire.

Pour le moment, ce compromis est satisfaisant : la liste négative qu'il instaure de produits non soumis à obligation d'étiquetage est vide ! Il faudra rester vigilant pour que les produits qui pourraient s'inscrire dans cette liste soient les moins nombreux et les moins contestables possible...

Je voudrais à cet égard en dire un peu plus et vous m'arrêterez si ces éléments avaient déjà été apportés au cours de la journée.

Il faut peut-être revenir sur les modalités de décision au niveau de l'Union Européenne. En effet, la France a été amenée à se rallier à la proposition de compromis de la présidence britannique pour éviter l'effet pervers des modalités de décision au niveau communautaire.

Il faut savoir en effet que si une majorité qualifiée n'avait pas été réunie sur le compromis de la présidence, par défaut la proposition de la Commission se serait appliquée de fait, sans forcément que nous ne soyons obligés de réunir une majorité sur cette proposition.

La proposition de la Commission était effectivement plus mauvaise, celle de la présidence britannique l'est un peu moins. Je déplore pour ma part que les produits qui ne seraient pas soumis à obligation d'étiquetage dans la liste négative, soient présumés sans OGM.

Il me paraîtrait normal que nous présumions les produits non soumis à obligation d'étiquetage comme étant des produits pouvant en contenir puisque nous ne pouvons pas démontrer qu'il n'y en pas, cela me paraîtrait plus logique.

En même temps il n'y a aucun espace pour que des positions subtiles soient débattues à ce stade : si nous ne votons pas pour le compromis de la présidence britannique, c'est la proposition de la Commission qui est adoptée.

Au-delà même de cette question d'étiquetage, la transparence dans la prise des décisions publiques est une nécessité absolue pour un tel sujet aussi fondamentalement de société.

Comme je l'ai déjà dit, nous devons sortir du mécanisme technocratique où seuls les experts parlent, les pouvoirs publics déduisant de leur expertise des normes censées garantir à une population confiante l'absence de risque.

A l'évidence ce modèle ne fonctionne plus. Nous en avons déjà parlé avec Jean-Yves Le Déaut à propos d'autres sujets sur lesquels il devra effectivement nous éclairer peu de jours après avoir terminé ce rapport d'étape sur les OGM.

Les crises de l'amiante, du sang contaminé, de la vache folle, mais aussi, nous l'avons vu ces derniers jours, de la dioxine, de la fissure de Civeaux, etc. ont contribué à engendrer une méfiance profonde de l'opinion envers la parole des experts et les décisions des pouvoirs publics.

Le risque nul n'existe pas. La question de fond est donc de mettre en place des mécanismes de décision permettant la définition du niveau de risque socialement acceptable compte tenu des avantages apportés par les techniques et les produits en cause.

Cet objectif guide en particulier la réflexion que mon ministère a entreprise sur la notion d'utilité publique et la réforme des procédures en la matière.

En ce qui concerne les OGM, le débat que vous organisez s'inscrit parfaitement dans un tel cadre.

Je souhaite qu'il aide à mettre en place des structures consultatives d'aide à la décision aussi ouvertes que possible et permettant un dialogue vrai entre les spécialistes du domaine et les relais d'opinion que peuvent être, par exemple les associations. Nous pourrions également prolonger notre réflexion sur la place que doivent jouer les média.

Un sujet est-il plus grave, plus pressant plus urgent lorsque les média s'en emparent ?

Je reprends l'exemple des dioxines dont on a beaucoup parlé ces derniers jours et mon ministère a travaillé sur ce sujet de façon considérable ces dernières semaines.

Ce n'est pas le jour où les média en prennent conscience que la décision doit être prise. Nous devons simplement s'assurer qu'une démarche large, réfléchie, concertée globale de réflexion puis ensuite de décision est menée avec ensemble des partenaires concernés. Cela se fait rarement sous la pression d'un micro tendu.

Ce souci de transparence devra également être intégré dans la révision de la directive 90/220/CEE en cours d'étude.

Pour conclure, c'est à mon sens bien évidemment le principe de précaution qui doit nous guider en la matière. Notre responsabilité est de ne pas prendre de risques avec l'environnement et la santé, a fortiori s'il n'y a pas de bénéfice pour les citoyens ou peu de bénéfices ou encore des bénéfices limités pour une partie extrêmement limitée du corps social.

J'en ai terminé avec mes propos liminaires et me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le Président - Merci, Mme la Ministre de cet exposé clair qui rappelle un certain nombre de nécessités dans ce débat.

Il est vrai qu'il y a un progrès dans l'étiquetage par rapport à la situation qui était bloquée avec le susceptible de contenir qui en aucun ne permettait d'informer le citoyen.

Les associations de consommateurs ont dit de manière très claire au cours de ces deux jours qu'il était nécessaire de savoir et qu'il fallait avoir le droit de choisir.

Le droit de choisir est effectivement d'avoir une transparence totale, ce n'était pas encore toujours le cas dans d'anciennes étiquettes. Il y avait des appositions comme Nestlé Suisse où figurait "Produit par des biotechnologies modernes" . J'ai vu que cela a changé et je vous montre un produit de la même société en France.

Ce pain en revanche est commercialisé en Suisse, il n'a pas moisi depuis deux mois.

Le deuxième point, pour les cannelloni, figure : Protéines issues de soja génétiquement modifié , c'est plus clair, mais c'est tout petit. Il vaut mieux en arriver au système anglais où en noir sur fond jaune, nous voyons un étiquetage qui est très clair.

Ma première question porte sur cette clarification en termes d'étiquetage avec la liste vide dont vous venez de parler, c'est-à-dire qu'un certain nombre de produits, liste négative, n'auront pas besoin d'étiquetage. C'est le cas aujourd'hui d'un certain nombre d'additifs, d'enzymes produits par des méthodes de génie génétique.

Si jamais nous arrivons à cet étiquetage, que pensez-vous de l'obligation d'un seuil si nous mettons contient et ne contient pas ?

Nous avons abordé cette question très longuement hier avec les différents ministres et également ce matin pendant cette table ronde et c'est un vrai problème.

Au-delà du problème qu'il pourrait y avoir en matière de santé, je pense que s'il y a un risque en matière de santé, il ne faut pas autoriser, c'est très clair dans votre déclaration et tout le monde est d'accord à ce sujet.

Si jamais, comme aujourd'hui, après cette décision contient ou ne contient pas , des contaminations arrivent, - malheureusement, nous l'avons vu dans l'affaire de l'agriculture biologique du sud de la France que vous connaissez bien - il y aura des procès et des responsabilités juridiques seront effectivement mises en jeu ou en cause.

Aujourd'hui, lorsque des champs seront cultivés avec des produits génétiquement modifiés à côté de champs de plantations sans modifications génétiques, il y aura immanquablement des flux de pollen avec des grains dans le cas du maïs ou d'autres plantes, avec des mélanges même s'ils sont faibles.

Deuxièmement la séparation des filières est un vrai problème, nous en avons parlé ce matin et les personnes de cette table ronde n'ont pas répondu à mes questions sur la séparation des filières. Elles sont toutes prêtes à le faire, mais n'ont pas l'air très fanatiques pour l'organiser car cela pose un certain nombre de questions.

Elles pensent plutôt que si de l'eau passe sous les ponts de la Seine d'ici quelques années, elles n'auront pas forcément à l'organiser, c'est un peu l'avis que j'ai eu après avoir posé ces questions restées sans réponse de la part d'un certain nombre de responsables.

Si la séparation des filières ne se fait pas, avec la dizaine d'étapes qui va de la fourche, c'est-à-dire du champ, à la fourchette, il y aura des mélanges et un tout petit peu de contaminants y compris dans des filières sans OGM.

Mon avis est qu'il faut fixer un seuil qui soit sans doute assez bas, mais il en faut obligatoirement un. Il faut le dire clairement, le seuil n'est pas fait pour essayer de masquer une réalité, mais pour que d'un point de vue juridique nous ayons quelque chose qui se tienne.

Sans seuil en effet, il aura de gros problèmes juridiques et je souhaite avoir votre avis à ce sujet, Mme la Ministre.

Mme Voynet - Je vais forcément vous décevoir beaucoup car j'ai peu travaillé sur cet aspect.

Comme vous l'avez fait, j'ai écouté Marylise Lebranchu, ses doutes, ses difficultés à cet égard car cela relève directement de sa responsabilité. Pour avoir vécu dans une autre vie, une expérience en apparence assez différente de celle-ci, j'éprouve les plus grands doutes sur le fait que tout étiquetage quel qu'il soit puisse apporter des garanties suffisantes au consommateur.

Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion d'avoir sous les yeux un rapport fait par la Commission du Contrôle budgétaire du Parlement Européen qui montrait comment après de multiples aventures les céréales contaminées par la radioactivité de la région de Tchernobyl, s'étaient retrouvées étiquetées céréales d'origine communautaire - je ne citerai pas le pays responsable car cela présente peu d'intérêt, il était du sud de l'Europe.

Ceci tendait à montrer que nous éprouvions d'énormes difficultés à garder la trace d'un produit qui passait des frontières, était vendu, revendu sur des marchés plus ou moins opaques, etc.

Il me semble qu'à travers tous les circuits de l'alimentation du bétail, tous les circuits en provenance d'Europe de l'Est, etc., il est quasiment impossible d'apporter la moindre garantie et très vite des fabricants de bonne foi, pourraient être tentés d'inscrire sur des produits alimentaires "Ne contient pas d'OGM" alors qu'ils seraient de fait hors d'état de le garantir, une fois la tête sur le billot.

M. le Président - De nombreuses questions sont posées sur la prise de décision du 27 novembre, il y a eu une décision collective.

Vous venez d'en parler en disant - et c'était indiqué dans le compte rendu du Comité de Prévention et de Précaution - que vous n'étiez plus favorable à l'avenir à l'autorisation de telles constructions.

Quelle sera votre position à ce sujet ? Comment expliquez-vous que nous ayons pris une décision alors qu'un certain nombre de problèmes comme ceux des gènes de résistance aux antibiotiques ont été posées aujourd'hui sans passion ?

Nous avons dit que la probabilité restait faible, mais que tout pouvait exister au niveau de la nature. Un certain nombre de transferts de gènes peut se faire, plusieurs chercheurs l'ont dit, car la nature peut tout faire, notamment dans le domaine des conjugaisons bactériennes et du transfert de gènes.

Pouvez-vous commenter cela ? Qu'est-ce que cela veut dire pour les décisions futures ? Quelle sera la position du Ministère de l'Environnement à ce sujet ?

Mme Voynet - Il n'y a pas de mystère particulier.

Il est évident que dans une telle réunion, un ministre doit à la fois porter la position du gouvernement définie en interministériel et en même temps garder la liberté d'exprimer un avis plus particulier.

Je n'éprouve aucune difficulté à expliquer à nouveau ma position du 27 novembre. De notoriété publique, je n'étais pas favorable à l'autorisation donnée au maïs Novartis. Mais en même temps, je soutiens complètement la position dégagée en interministériel.

Il me semble en effet que le compromis auquel nous avons abouti après plusieurs heures de discussions, tient compte de l'ensemble des aspects du problème, notamment du contexte communautaire, des décisions prises de façon préalable par le gouvernement précédent, dont je suis forcée de rappeler qu'elles manquaient de cohérence.

C'est la France qui avait demandé la mise sur le marché et la mise en culture de ce maïs, qui avait émis un avis favorable et qui, ensuite, avait adopté une position un peu ambiguë avec d'une part l'autorisation de commercialisation et d'autre part le refus de mise en culture. Paradoxalement c'est peut-être pour le maïs que le problème de mise en culture était le plus modeste.

Il nous a semblé indispensable de tenir compte du contexte communautaire, des gestes posés par la France et par le gouvernement précédent et en même temps de nous doter des moyens de ne pas renouveler ce genre de problème en mettant en place d'une part un dispositif de biovigilance, d'autre part un moratoire.

Etait associé à ce moratoire l'organisation d'un vaste débat public.

Ensuite il y avait la modification de la position française au niveau communautaire puisque, à plusieurs reprises, nous avons été amenés à faire état de notre volonté de ne pas soutenir la Commission dans sa démarche à l'égard de l'Autriche et du Luxembourg.

Enfin vous aviez notre position concernant d'autres demandes pour des maïs et des colza, au cours de la durée de cette consultation publique.

Aujourd'hui je dirais que j'attends beaucoup du travail auquel vous êtes en train de vous livrer et de ces auditions publiques. J'attends beaucoup de la consultation des citoyens et je sais que de nombreuses réserves ont été émises sur les conditions de l'organisation de cette Conférence.

C'est un concept avec lequel nous ne sommes pas familiers en France, mais il me semble que les précautions prises par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, même si elles ne rassurent pas complètement les personnes les plus méfiantes, sont de nature à faire en sorte que cette Conférence de citoyens se déroule dans de bonnes conditions et permette vraiment de poser toutes les questions de la façon la plus ouverte possible.

Voilà la manière dont cela s'est passé. Faut-il en dire davantage ? Je suis tout à fait disponible si vous le souhaitez.

M. le Président - Non, j'ai relaté un certain nombre de questions. Il y a également une question sur le bénéfice pour le citoyen à laquelle vous avez déjà répondu.

Finalement faut-il lier l'autorisation d'un certain nombre de cultures à un bénéfice réel pour le citoyen et le consommateur ?

Vous y avez déjà répondu tout à l'heure, mais c'est une autre question qui est également posée.

Mme Voynet - Il est difficile de trancher car les intérêts des différentes catégories de citoyens ne sont pas forcément les mêmes en la matière.

Un des éléments qui contribue à nourrir ma réticence est la distorsion qui existe entre les modalités de mise sur le marché d'un produit que je considère comme relativement faciles, simples et les grandes difficultés que nous éprouvons ensuite à en décider le retrait.

Nous le voyons par exemple avec le débat sur l'éventuelle responsabilité du "gaucho" dans la modification du comportement des abeilles. C'est aux personnes qui se plaignent des effets secondaires d'un produit, de rassembler les éléments de la preuve. Je pense que c'est horriblement lourd, très long, etc.

Il me semble que c'est un point sur lequel nous devrions également nous pencher d'une façon plus générale. On met sur le marché des centaines, des milliers de produits chaque année, avec des moyens sans doutes insuffisants pour évaluer complètement les avantages, les inconvénients et approcher de façon fine le rapport coût/bénéfice de tous ces produits.

Comment faire pour réserver la mise sur le marché aux seuls produits constituant des avancées pour la société dans son ensemble ? Je crois que nous ne sommes pas en mesure de trancher cette discussion.

M. le Président - Dans le domaine des plantes transgéniques, le processus d'autorisation est quand même long. Nous avons parlé hier de la mise sur le marché, de la réglementation et toute la procédure, CGB et Europe, est très longue.

En revanche et cela sera la transition vers la question suivante que vous avez également abordée - vous avez abordé de nombreuses questions - et qui concerne l'articulation entre l'expertise scientifique et la décision politique.

Des associations, notamment des associations de protection de l'environnement doivent-elles être associées au contrôle avant la décision ?

Dans l'affirmative, cela doit-il se faire dans le cadre de l'ancienne Commission du Génie Biomoléculaire ou plutôt dans une autre ?

Je disais tout à l'heure que cela posait un certain nombre de problèmes. Si nous mélangeons des experts avec des représentants d'associations de protection de l'environnement, très souvent ils ont du mal à argumenter de manière technique, à avoir un débat équilibré.

Ne vaudrait-il pas mieux avoir quelque chose à côté permettant de donner un conseil avant la prise de décision politique ?

Pour vous qui doit faire partie de ce type de commission ?

Mme Voynet - Je tiens beaucoup et à l'indépendance de l'expertise et à la responsabilité politique assumée lors de la phase de contrôle et je pense qu'il ne faut pas mélanger les genres.

Simplement qu'est-ce qu'un expert ? Allons-nous considérer comme expert seulement des ingénieurs agronomes, des généticiens, des biologistes ? Allons-nous considérer aussi que l'ensemble des domaines des sciences peut être mis à contribution ?

D'autre part, nous restons un peu infirmes en ce qui concerne le lien entre science et société, entre santé et environnement. Sans doute de nouveaux types d'experts habitués à manier et des sciences exactes et des sciences sociales devront aussi être sollicités au cours des mois à venir sur des sujets dont la composante éthique, d'acceptabilité sociale est majeure.

Par exemple le sujet des déchets nucléaires est aussi un sujet comme celui-là.

Au Canada en ce moment, le gouvernement est en train de dresser un constat de relative impossibilité de stockage de déchets nucléaires dans les couches géologiques profondes au motif d'une inacceptabilité sociale et de problèmes éthiques. C'est tout à fait inattendu compte tenu des discussions qui étaient en cours dans ce pays, il y a encore quelques mois.

Nous devrons reparler de ceci qui n'est qu'en apparence hors sujet. Nous ne pouvons pas opposer les arguments techniques aux arguments de société car c'est intimement lié.

Je voudrais renvoyer dos à dos les associations qui ont du mal à argumenter sur le terrain technique comme vous dites et les experts qui ont tellement tendance à faire usage d'arguments d'autorité et à asséner des éléments déconnectés de la réalité sociale.

Quelque part c'est aussi la responsabilité des politiques d'être à la frontière des deux, de faire l'effort d'entendre les uns et les autres et de trancher, d'assumer les choix. En tout cas c'est ainsi que je vois ma responsabilité de ministre.

Dans le domaine des OGM comme dans d'autres domaines, je ne crois pas aux hautes autorités indépendantes assumant à la fois l'expertise et le contrôle, je crois vraiment qu'il relève de la responsabilité de l'Etat d'assumer le contrôle, de trancher politiquement, de rendre des comptes et que ce n'est pas celle des experts.

J'ai dû partir de la question et oublier la deuxième partie. Pouvez-vous m'aider ?

M. le Président - Comment les associations de protection de l'environnement se situeront dans le dispositif ?

Mme Voynet - Le moment est-il venu de parler de la réforme de la Commission du Génie Biomoléculaire ? En avez-vous déjà parlé ?

M. le Président - Non, je serais très heureux d'avoir votre avis car ce sera un des points sur lesquels je n'aurai pas à trancher. Je ne suis qu'un parlementaire et j'aurai à faire des propositions que le gouvernement suivra ou non.

Mme Voynet - Aujourd'hui nous avons longuement discuté de la façon dont nous allions rénover la Commission du Génie Biomoléculaire.

Comme cette Commission n'a plus de président depuis février 1997, elle n'a pu ni se réunir ni être réunie sur la base antérieure. Nous ressentons le besoin d'ouvrir une telle structure à d'autres personnes que des experts reconnus d'un point de vue scientifique.

Deux idées ont été débattues.

La première consistait à dire que nous élargissions de façon très importante cette Commission à l'ensemble des acteurs de la société concernés par ce genre de sujets. Nous donnions en outre à cette structure très large la possibilité de faire appel à des experts pour éclairer ses choix sur le plan technique.

La deuxième solution consistait à garder une Commission du Génie Biomoléculaire essentiellement composée d'experts et de techniciens et de mettre en place à côté, une structure plus représentative des différentes attentes de la société.

Aujourd'hui la discussion n'est pas complètement tranchée. Pour ma part, je préférerais de beaucoup que nous séparions les deux aspects et que nous clarifions les modalités de la discussion entre ces deux structures, la décision finale devant, à mon sens, revenir à la structure qui tiendrait compte des différentes préoccupations sociétales.

D'autre part je l'ai apporté ici et je le remets solennellement au président de l'Office qui l'a déjà, ce sera également l'occasion de faire part de mon souhait, qu'il soit peut-être largement rendu public et distribué aux personnes assistant à cette audition.

Je suis très impressionnée par la façon dont a travaillé le Comité de Prévention et de Précaution, je ne le suis pas par les moyens dont il a disposé car il a un bureau dans mon ministère et une personne à temps plein pour lui permettre de relayer son travail sur le plan du secrétariat.

Ce Comité associe des médecins, des chercheurs, des universitaires, mais aussi des sociologues, des associatifs, des personnalités du monde des sciences sociales, je crois même qu'il y a un psychiatre dedans.

En quelques mois, il s'est chargé d'émettre des avis extrêmement rigoureux d'un point de vue scientifique et complet du point de vue des préoccupations de la société sur l'impact du gas-oil sur la santé, les dioxines, les solvants, etc., sur les OGM.

Je pense que de telles structures très souples, très légères d'écoute des préoccupations de la société, capables de s'autosaisir, dotées de la plus large autonomie possible par rapport à des mises de tutelles, sont extrêmement précieuses et que nous devrions nous en servir pour d'autres structures.

Je voudrais aussi donner l'exemple de la Commission nationale du Débat public mise en place récemment.

Là encore, l'idée est d'avoir des personnalités extrêmement variées pour que l'approche multidisciplinaire soit garantie, capables d'animer un débat où le citoyen a une très grande place et où il est considéré comme porteur de préoccupations dépassant sa capacité à formuler des avis d'une façon technocratique ou experte.

M. le Président - J'ai reçu le président du Comité de Prévention et de Précaution, nous avons parlé d'un certain nombre de points et il souhaitait effectivement avoir davantage de moyens pour pouvoir avoir des études peut-être mieux argumentées.

Sur un certain nombre de points, il y a eu des contestations lors des auditions. Nous avons notamment parlé de l'allergie tout à l'heure, avec le Docteur Moneret-Vautrin, toujours présente dans la salle, pour laquelle ils ont eu une position très alarmiste.

Autant il faut mettre en place, peut-être un système d'allergo-vigilance autant ce qui était dit là était considéré comme un tableau un peu sombre par rapport à ce que des experts ont pu nous dire soit dans les auditions, soit aujourd'hui.

Il est important de continuer, il faut donner des moyens à ces groupes si nous voulons que les avis ne soit ni contestés ni contestables.

Cela ne correspond sans doute pas à ce que je dirai dans mon rapport car les experts que j'ai entendus n'ont pas dit, pratiquement à l'unanimité, la même chose. Il n'y avait peut-être pas eu ce jour-là de spécialiste de cette question.

C'est un des points, sur d'autres points ils ont posé de vraies questions et il faut faire fonctionner ces comités auprès des ministres qui ont une grande importance.

Mme Voynet - En fait ils n'affirment pas qu'il y a un risque allergique, ils disent que le risque ne doit être pris que si le bénéfice attendu est supérieur aux risques.

Je me souviens que lors de cette réunion du Comité de Prévention et de Précaution, il avait été discuté de ce problème à partir d'un article américain faisant état de la possibilité de problèmes allergiques lors de l'utilisation de soja dont une protéine avait été modifiée avec une protéine de noix du Brésil.

Nous savons que de nombreuses personnes allergiques utilisent le soja traditionnellement.

M. le Président - C'est un vrai faux problème. Lorsque vous transférez une protéine allergique de la noix du Brésil dans un autre organisme, elle restera allergique.

Mme Voynet - C'est exactement ce qu'a dit le Comité de Prévention et de Précaution.

Il a simplement souligné que les personnes souffrant d'allergies utilisaient en général le soja sans se poser de questions et avec beaucoup de confiance, notamment comme substitut à des allergènes notoires. Je pense par exemple au lait de soja utilisé en substitution au lait de vache par certains.

M. le Président - Votre ministère est impliqué dans la mise en place de la Commission de Biovigilance, quelle est votre appréciation sur son fonctionnement ?

Quelle politique vont mener les représentants du Ministère de l'Environnement dans cette Commission de Biovigilance ?

Là aussi, elle a été appelée de tous les voeux à condition que cela fonctionne, qu'il y ait des moyens, que nous sachions qui aura ses responsabilités et que les responsabilités et les missions de cette commission soient bien clarifiées par rapport à celles du Génie Biomoléculaire.

Si nous demandons en aval de faire la même chose que ce qui a déjà été fait en amont, nous arriverons à un système d'expertise mauvais. Il faudra bien le clarifier, mais je crois que c'est une bonne chose.

Comment le Ministère de l'Environnement s'y impliquera ?

En complément, pensez-vous que la prise en compte de l'environnement est le maillon faible - je pose volontairement la question - de l'expertise sur les OGM en France ?

Il y a eu un débat fort ce matin à ce sujet.

Mme Voynet - Je ne suis pas sûre d'avoir compris les enjeux.

M. le Président - D'abord il y a la Commission de Biovigilance.

Ensuite les problèmes d'environnement - le terme maillon - ne sont-ils pas ceux qui ont été sous-estimés ?

Cela ne veut pas dire que le Ministre de l'Environnement n'a pas travaillé, au contraire, vous avez posé les questions. Mais n'est-ce pas là qu'il y a le plus de problèmes dans le domaine des OGM ?

Vous en avez parlé en exposé introductif, mais je voudrais que vous le reprécisiez un peu.

Mme Voynet - Je ferai le parallèle entre l'édifice proposé pour les OGM et celui proposé pour les médicaments, où personne ne confond les procédures d'autorisation de mise sur le marché avec les dispositifs de vigilance permettant de faire remonter les accidents thérapeutiques, etc. et de mettre en place les stratégies pour les prévenir ou éventuellement retirer les produits qui en seraient responsables.

Il nous appartient de bien préciser la place relative de la Commission du Génie Biomoléculaire et de la Commission de Biovigilance.

L'une doit instruire des dossiers, donner un avis sur les nombreuses demandes d'autorisation qui ne concernent d'ailleurs pas toutes des OGM, je crois qu'il y a de nombreuses demandes pour des médicaments ou pour des filières de production dans le domaine de la santé.

L'autre aura pour tâche de mettre en place les modalités de suivi sur le terrain et de faire remonter éventuellement les événements indésirables qui pourraient être constatés.

Je ne suis pas très inquiète sur le fonctionnement de ce comité au niveau central. La diversité de ses partenaires, la qualité des discussions au sein de ce comité très ouvert peuvent garantir la rigueur de ce qui sera proposé, en revanche je suis plus inquiète par ce qui peut se passer sur le terrain.

Sommes-nous totalement certains que toutes les parcelles mises en culture sont connues des pouvoirs publics ?

Sommes-nous sûrs que nous disposons de tous les moyens pour assurer le respect des préconisations qui seront faites par ce Comité de Biovigilance dans chaque point du territoire ? Aujourd'hui je n'en suis pas sûre.

D'autre part, mon ministère a effectivement posé un certain nombre de questions concernant l'impact environnemental des OGM. Il ne dispose pas des moyens de mettre en place les programmes de recherche qui lui permettrait de répondre lui-même à ces questions.

M. le Président - J'ai posé cette question.

Mme Voynet - Qu'il s'agisse de la faiblesse du budget civil de recherche et de développement du Ministère de l'Environnement ou de sa capacité à influencer les grands programmes menés ailleurs, par l'INRA par exemple, notre responsabilité est de poser des questions et de nous assurer en concertation avec les autres ministères que nous allons nous doter des moyens d'y répondre.

Ce n'est cependant pas ce ministère qui pourra le faire, je crois que les choses sont claires.

M. le Président - J'ai posé la question à Claude Allègre tout à l'heure. Il a indiqué qu'il comptait développer des programmes de recherche, notamment dans ces domaines qui touchent au rapport entre les sciences du vivant et l'environnement.

Dans la salle - Il a dit cela ?

M. le Président - Oui, il a dit qu'il fallait développer l'écologie.

Dans la salle - L'écologie ?

M. le Président - Oui, l'écologie est une relation entre les sciences du vivant et l'environnement.

Mme Voynet - Un problème est posé et rejoint celui que j'évoquais tout à l'heure en parlant de la possibilité d'examiner les alternatives possibles à telle ou telle solution préconisée par de grands groupes.

Si je fais le parallèle avec ce qui se passe dans le domaine des transports, la loi d'orientation des transports intérieurs préconise que lorsqu'on propose une grande infrastructure de transports, on doit dans le même dossier évaluer la possibilité de réaliser des alternatives au moins aussi utiles et si possible moins coûteuses pour répondre à la question à laquelle souhaite répondre l'infrastructure.

Dans le domaine de la recherche en agriculture et de l'environnement, cette possibilité n'existe pas et les moyens de la recherche publique ne sont évidemment pas à la hauteur de ce que peuvent consacrer les grands groupes de l'agro-alimentaire.

J'aurais envie de dire que même avec un fort soutien de Claude Allègre, nous consacrerons quelques dizaines de millions à des programmes de recherche là où les grands groupes agro-alimentaires peuvent consacrer des milliards.

Pourrons-nous répondre à toutes les questions qui nous serons posées ? Je ne sais pas.

M. le Président - Dans un processus d'autorisation, il est évident que lorsqu'il y a un dossier industriel, il peut y avoir des études d'impacts en termes de conséquences sur l'environnement. C'est celui qui présente le dossier qui doit avoir précédemment fait les études.

Cela apparaît important. En tout cas c'est un des points importants pour nous, nous demanderons que les recherches soient développées.

Pour être plus précis, Claude Allègre a dit qu'il manquait de personnes formées dans un certain nombre de domaines. Il ne tient qu'à nous de développer ces formations ce qui a été le message d'un certain nombre de chercheurs ici. La CGB avait proposé cette Commission de Biovigilance depuis quelques temps.

J'ai quand même un souci après ce que vous venez de nous dire. La CGB a fait un travail important, on va la réformer, vous en avez parlé. Mais si on la réforme, dans l'état de mes réflexions, je suis plutôt aujourd'hui pour deux commissions séparées. Nous allons donc dans le même sens.

Avant que cela ne se mette en place, il se passera du temps. Ma position est personnelle, mais puisque nous avons abordé cela, il faudrait que pour une période transitoire, on nomme une CGB qui aura son travail à faire car, aujourd'hui et c'est vous qui l'avez dit, elle est paralysée.

Si jamais nous continuons à la paralyser, nous arriverons à un blocage du fait de son non fonctionnement.

Ma position personnelle - et si cela n'a pas été tranché au moment de la parution de mon rapport, je le dirai - est que peut-être pour six, huit mois ou moins, le temps qu'il faudra au gouvernement pour proposer une réforme, il faudrait nommer une CGB provisoire.

Mme Voynet - Mes conseillers vont être furieux car ce genre de "petite cuisine" ne devrait jamais être avoué publiquement.

Figurez-vous qu'il y a eu de nombreuses discussions sur cette question depuis des mois dans les ministères. La discussion ne bloque pas sur les concepts, les contenus, les missions, il faut le savoir.

Aujourd'hui ce qui bloque, c'est que nous n'arrivons pas à trouver un président à la CGB car il n'y a que des coups à prendre dans une telle structure.

Monsieur Le Déaut, je sais que ce genre de chose ne se dit pas, mais quand même... Il faut savoir aussi que c'est un sujet difficile et que bien des nobles personnalités pressenties sont aussi conscientes du fait qu'il y a des attentes sociales très lourdes à assumer et que ce sera difficile.

M. le Président - J'ai entendu parler de cela et je sais que la CGB ne s'occupe pas seulement de plantes transgéniques, mais également de thérapie génique.

Cette commission a un rôle très important et, aujourd'hui, on est en train de bloquer un certain nombre de dossiers.

Un président cela se trouve, on en trouve toujours et la France est le pays où il y en a le plus.

Merci de cette franchise ! Je crois que ce n'était pas un exercice facile, toutes les questions ont été posées. Merci de vos réponses. Ce sera certainement très utile car je crois que nous sommes en phase sur un certain nombre de points.

.Début table M.

.Fin table M.

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