L'utilisation des organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture et dans l'alimentation
LE DRÉAUT (Jean-Yves), Député, Président de l'Office ; REVOL (Henri), Vice-Président
RAPPORT 545 (97-98), Tome 2, Partie 1 - OFFICE PARLEMENTAIRE D'EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
Table des matières
-
AUDITIONS PUBLIQUES DU JEUDI 28 MAI 1998
- Table ronde IV : Information du consommateur
- Table ronde V : Avantages et risques des organismes génétiquement modifiés TABLE RONDE V : AVANTAGES ET RISQUES DES ORGANISMES GENETIQUEMENT MODIFIES EN MATIERE D'ENVIRONNEMENTen matière d'environnement
- TABLE RONDE VI : Avantages et risques en matière de santé
- Audition de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
- Audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
AUDITIONS PUBLIQUES DU JEUDI 28 MAI 1998
Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut.
Table ronde IV : Information du consommateur
Etiquetage, traçabilité,
sécurité
alimentaireTABLE RONDE IV : INFORMATION DU CONSOMMATEUR, ETIQUETAGE,
TRAÇABILITE, SECURITE ALIMENTAIRE
M. le Président
-
Je vous remercie
d'être présents à cette heure matinale et je remercie les
intervenants de cette quatrième table ronde puisque, hier, nous avons eu
une table ronde sur :
- les enjeux agricoles,
- les enjeux en matière de recherche,
- la réglementation, l'expertise et le contrôle.
Nous avons également auditionné trois ministres
(Madame Lebranchu, Monsieur Le Pensec et Monsieur Kouchner)
et nous en auditionnerons deux ce soir : Monsieur Allègre et
Madame Voynet.
Nous avons souhaité avoir une table ronde sur l'information du
consommateur : étiquetage, traçabilité,
sécurité alimentaire.
C'est un des problèmes majeurs puisque, depuis un certain nombre de
mois, ce thème donne lieu à de grandes controverses sans que des
solutions ne se dégagent de façon nette et certaine.
Comme vous le savez une réglementation a été
édictée au niveau européen, mais n'a pas été
appliquée jusqu'à ces jours-ci, faute de précisions
concernant un certain nombre de définitions et parmi celles-ci la
fameuse notion d'équivalence en substance.
Cela a évolué avant-hier. Nous allons parler de ce
problème d'étiquetage avec la nouvelle réglementation qui
vient d'être édictée ; nous en avons
déjà parlé avec Madame Lebranchu hier soir.
Savoir s'il est nécessaire ou non d'étiqueter les aliments issus
des plantes transgéniques, suscite des prises de position
passionnées. Je reviens des Etats-Unis où j'ai discuté
avec les Américains qui y sont totalement opposés.
Aux Etats-Unis, il n'existe aucun étiquetage particulier dans la mesure
où, disent-ils, ces aliments sont considérés par la
Food and Drug Administration
comme semblables aux aliments classiques.
Un certain nombre de pays européens ont pris des initiatives comme les
Pays-Bas et la Grande-Bretagne et, à l'extérieur de l'Union
Européenne, la Confédération Helvétique.
L'étiquetage entraîne un autre problème qui a
été posé hier par l'intermédiaire de plusieurs
questions dans la salle. Il s'agit du problème de la
traçabilité qui semble difficile à mettre en oeuvre en
raison de la grande technicité des méthodes et de leur coût.
Nous devrons également nous prononcer sur l'existence ou non de seuils.
Cela a également fait partie du débat d'hier soir et semble
indispensable non pas pour rassurer, mais pour régler et
s'exonérer d'un certain nombre de problèmes juridiques qui se
sont déjà posés.
Nous aurons l'occasion de parler tout à l'heure du fait s'il faut ou non
un seuil si on veut éviter des difficultés importantes.
Se posera également la question de la mise en place de filières
séparées de production d'aliments avec le problème
- les associations de consommateurs m'ont saisi de cette question -
des coûts inhérents à ce type d'organisation surtout dans
les marchés de masse comme ceux des grands produits agricoles.
Voilà un certain nombre de questions posées, il y en aura
d'autres.
Je vous rappelle que pour les tables rondes, nous avons réussi à
fonctionner avec des questions que vous posiez. A partir du moment où en
tant que rapporteur, j'aurai posé un certain nombre de questions, je
donnerai la parole à la salle.
Je vous présente les intervenants. Sur votre droite, c'est-à-dire
à ma gauche, vous avez :
- Monsieur Eric-Marie Boullet, directeur des relations
extérieures de Nestlé France, il nous dira comment se passe
l'étiquetage dans le groupe ; vous nous avez annoncé dans
les auditions un produit Findus dont vous nous parlerez ;
- Monsieur Didier Marteau, secrétaire
général adjoint de la FNSEA qui suit le dossier OGM ; nous
avons eu l'occasion de le rencontrer à l'Office également dans le
cadre des auditions ;
- Madame Nicole Zylbermann, chef du bureau
"Sécurité" à la DGCCRF, à la consommation et
à la répression des fraudes ; elle a également
été auditionnée et nous indiquera quel est le point en
matière de réglementation aujourd'hui ;
- Monsieur Michel Edouard-Leclerc, co-président des
centres distributeurs Edouard Leclerc ;
- Madame Marie-José Nicoli, présidente de l'UFC
Que Choisir
;
- Monsieur Jean-François Molle, directeur
général de la Sécurité alimentaire, de la
réglementation et de l'environnement du Groupe Danone.
La règle du jeu, Mesdames, Messieurs, est claire. Pour que le
débat puisse avoir lieu, il faut absolument vous limiter à cinq
minutes de présentation. Ce sont des contraintes parlementaires, mais on
peut dire beaucoup de choses en cinq minutes.
Vous aurez de nouveau la parole, il ne faut donc pas vouloir tout dire dans un
premier temps. Cinq minutes de présentation initiale, après il y
aura des questions et vous pourrez vous exprimer à nouveau.
Qui ouvre le feu ?
Madame Nicoli, je vous donne une minute de plus puisque vous avez
accepté de commencer.
Mme Nicoli
-
Simplement, je crois que la position
de l'UFC est une position de bon sens.
Il est normal aujourd'hui avec tout ce qui se passe dans l'actualité du
point de vue alimentaire ou même des dossiers concernant directement
notre santé, de vouloir être rassuré,
protégé, défendu et informé.
En préliminaire, je dirai que l'UFC n'est a priori pas
opposée aux OGM. Nous avons l'habitude depuis 40 ans de travailler
et de voir évoluer toutes les nouvelles technologies, nous pensons que
l'agriculture doit aussi en profiter sauf que cela concerne directement
l'alimentation.
L'alimentation est quand même un acte banal et quotidien qui, dans la
mesure où il est soumis au libre choix des consommateurs, demande
à être encadré très en amont pour que ce produit
arrive sur le marché comme un produit sûr.
Le problème aujourd'hui pour les consommateurs, en tout cas pour l'UFC
qui ne se place ni d'un point de vue éthique ni d'un point de vue
philosophique, est d'obtenir un maximum d'information et une bonne
traçabilité pour exercer nos droits fondamentaux que nous
revendiquons depuis 1962 : ce sont des droits à l'information et au
libre choix.
Je crois que ceci doit être défendu par tout le monde. Même
lorsqu'on a une fonction différente dans la société, si on
est industriel, ou autre, on doit défendre le droit, le libre choix de
pouvoir prendre dans un magasin l'aliment que l'on veut et ne pas laisser
à d'autres le choix de décider ce qui est bon pour nous ou pas.
Ce libre choix est important et l'étiquetage qui va avec est
également extrêmement important.
L'étiquetage peut paraître comme une demande primaire de la part
du consommateur, mais c'est la précaution que l'on doit avoir si, dans
dix ans par exemple, des maladies se déclarent et qu'il faut faire des
recherches sur les causes.
Nous savons aujourd'hui que l'alimentation, les mauvaises habitudes
alimentaires sont parfois la cause d'un certain nombre de maladies. Il faut que
l'on puisse retrouver et tracer le produit jusqu'à son origine pour
pouvoir rechercher si c'est une des causes des maladies qui viendront dans les
années à venir.
En ce qui concerne les outils à mettre en place, en premier je crois que
c'est le principe de précaution.
Le doute doit évidemment être favorable au consommateur et un
industriel n'a pas le droit de mettre sur le marché un produit s'il y a
un doute au niveau de la sécurité.
On a parlé de traçabilité. De celle-ci, on peut dire
aujourd'hui que le débat sur l'ADN, sur les protéines, ne nous
convient pas complètement. Nous pensons que la traçabilité
doit se faire de manière croisée, en priorité avec des
éléments comptables.
Lorsque le fisc a envie de remonter et d'épingler tout le monde, il
reprend tous les éléments comptables des différents
opérateurs. Dans une filière les opérateurs se
succèdent, ils ont entre eux des factures, des documents qui permettent
de remonter à la source.
Nous demandons que l'on puisse tracer le produit jusqu'à son origine.
Actuellement, dans la décision qui a été prise mardi par
le Conseil des Ministres, il y a un point positif, c'est-à-dire le
"peut contenir"
qui est écarté.
Mais contient ou ne contient pas, aujourd'hui on en est au même
point : on n'a toujours rien comme réglementation et on a un
marché qui nous a rattrapé. Nous savons tous que tous les jours
les animaux d'élevage mangent des tourteaux de soja transgénique.
C'est évident car nous sommes consommateurs en priorité et en
majorité de soja transgénique venant des Etats-Unis en
particulier, donc d'importation.
En France il y a une culture d'à peu près 60 000 ha de
soja traditionnel et il serait intéressant de demander où va ce
soja traditionnel. 60 000 ha représentent quand même une
certaine quantité, où vont-ils ?
Vont-ils au biologique ? Vont-ils aux produits pour
bébé ? Vu le coût de cette filière, est-ce
mélangé au reste du soja d'importation qui est du soja
transgénique ?
Aujourd'hui la réglementation ne nous sert pas à grand chose.
Même lorsqu'elle sera mise en application, nous nous rendrons compte que
peu de produits seront étiquetés car, pour l'instant, la
lécithine est un additif qui n'est pas concerné par la
réglementation.
On nous dit qu'il y aura une réglementation future. S'ils mettent autant
de temps pour la mettre en application que ce qu'ils ont fait jusqu'à
maintenant, nous en mangerons allègrement depuis longtemps.
Nous pouvons nous demander si l'objectif n'est pas tout de même de faire
en sorte qu'avec les produits transgéniques on mette le consommateur
devant le fait accompli ce qui est le cas aujourd'hui.
Cela paraît un peu dérisoire de demander une
traçabilité et un étiquetage, mais il est vrai aussi que,
dans les années à venir, nous allons avoir des produits
transgéniques de toute sorte.
Lorsqu'on aura vingt maïs avec des gènes marqueurs
différents ou par exemple un melon avec un gène marqueur à
base de poisson ou de crustacé, si vous êtes allergique aux
crustacés, aux poissons, vous ne penserez sûrement pas au melon si
jamais il faut faire des recherches ; il faut donc cette information.
Cette information peut passer par autre chose que de l'étiquetage, elle
peut passer par des banques de données alimentaires où on aurait
la composition complète des ingrédients d'un produit. Plus les
produits sont sophistiqués et industrialisés, plus ils
contiennent d'ingrédients différents qui ne pourront pas
être marqués sur un étiquetage.
Ce serait fait en respectant les formules pour la concurrence comme cela se
fait pour les centres antipoison. Ils ont toutes les formules des produits
dangereux, qui ne sont pas données au grand public. Mais lorsqu'un
enfant ou un adulte est agressé par un de ces produits, le centre
antipoison a la formule et peut immédiatement donner l'antidote pour
essayer de pallier au mieux les conséquences.
Aujourd'hui, en particulier en France, à l'heure actuelle un test a lieu
et l'UFC y sera très attentive, je l'ai dit plusieurs fois, il s'agit du
maïs.
En ce qui concerne le soja, je ne veux pas être pessimiste, mais il
relève de relations internationales et je pense que nous sommes
très faibles dans ces relations. Que ce soit l'Union Européenne
ou les états membres, nous subissons la pression et le "diktat" des
Américains.
Cela veut dire que le soja restera mélangé et que ce n'est pas
demain la veille que nous aurons des cargos avec des fèves de soja
triées. Ceci veut dire qu'il nous faudra faire avec.
Pour le maïs en revanche, il y a une récolte en train de pousser,
entre 1 000 et 5 000 ha, il faudra savoir exactement combien il
y en a. Si on multiplie par 6, cela veut dire entre 6 000 et
30 000 tonnes de maïs transgénique.
Où ira ce maïs ? Qui prendra la responsabilité
éventuelle de le mélanger au reste du maïs traditionnel ce
qui serait bien dommage ?
Si c'est le cas, l'UFC n'aura plus cette position relativement raisonnable que
nous avons jusqu'à maintenant où nous acceptons de discuter et de
rencontrer toutes les personnes de la filière.
Nous voulons que, pour ce maïs, on fasse un exemple et qu'on fasse une
filière à part. Parler d'étiquetage, de
traçabilité est tout à fait inutile et d'un ridicule
consommé si on n'a pas des filières différentes.
Si on n'a pas le choix entre des produits OGM et des produits non-OGM, à
quoi cela sert d'étiqueter et de tracer ? Cela ne sert strictement
à rien, on nous mène en bateau et, pour nous, cela n'a aucun
intérêt.
Avoir demain tous les produits à base de soja transgénique
marqués
soja transgénique
, cela nous fait une belle jambe,
on s'en moque éperdument si on n'a pas la possibilité d'avoir une
filière à part.
C'est en gros ce que je voulais vous dire.
M. le Président
-
Qui veut
réagir ?
M. Marteau
-
Pour l'agriculture il faut faire une
distinction entre l'amont et tout ce qui sera aval après l'utilisation
de nos produits.
En amont, nous n'avons pas de refus, d'a priori contre l'utilisation
d'OGM, même si nous émettons toutes les réserves d'usage
qui portent sur la sécurité pour la santé,
l'environnement. Il est important de le rappeler, même si cela
paraît évident.
D'autre part, en matière de recherche, il est important que la France et
même l'Europe, garde un certain potentiel pour que nous ne soyons pas
complètement dépendants de pays, voire de groupes, qui
aujourd'hui, on l'a vu encore depuis quinze jours, la monopolisent. Ceci nous
fait un peu peur et nous mettrait dans une position de dépendance
catastrophique.
C'est un deuxième point important sur lequel j'insiste et sur lequel
l'ensemble de la profession que je représente insiste également.
Le troisième point qui me permettra de faire le lien avec l'aval, est
l'exigence en matière de sécurité que nous plaçons
au niveau de la traçabilité. Il est facile de la réaliser
au niveau de l'agriculture, cela concerne des champs qui sont bien
identifiés.
Ce n'est pas seulement la volonté d'un seul secteur du maillon de la
chaîne, mais il faut essayer de trouver un consensus avec l'ensemble de
la filière. Depuis que j'ai la responsabilité de ce dossier, la
volonté est de trouver un consensus sur l'ensemble de la filière
avec l'ensemble des partenaires professionnels.
On parle souvent de "la fourche à la fourchette" et si je dis
fourchette, il s'agit des consommateurs. Il me semble important que nous
puissions avancer ensemble sur ce dossier et je salue le travail de
rapprochement fait au CNC. Même si tout n'a pas été
parfait, si on n'a pas obtenu l'accord total de l'ensemble des consommateurs,
il y a eu des avancées certaines et je voulais le saluer.
Pour me résumer et intervenir plutôt sur la partie filière
aval, il faut prendre acte des décisions de lundi et mardi et les
saluer. Même si elles ne sont pas parfaites, c'est une bonne
avancée qui marque une volonté des ministres de prendre leurs
responsabilités face aux propositions de la Commission qui ne
convenaient pas du tout.
C'est une bonne chose, cela va dans le bon sens, mais il ne faut pas
s'arrêter là, il faut continuer car il y a malheureusement encore
un certain nombre de points d'ombre.
Parmi les points positifs il y a le fait qu'une position a été
prise ce qui n'était pas évident. C'est aussi un peu un
succès démocratique car ce sont les politiques qui ont pris leurs
responsabilités.
Le contenu qui aurait été susceptible d'être retenu, ne l'a
pas été et il fallait le faire admettre par l'ensemble des
professionnels.
La dernière chose est qu'il y a la liste, mais je vais y revenir.
En revanche il y a des points d'ombre sur lesquels je vais peut-être
insister pour dire qu'il faut continuer à travailler.
Le premier point concerne les seuils. Dans la profession, étant les
premiers à l'avoir souhaité, tout le monde est d'accord sur le
fait qu'il faut essayer de se mettre d'accord sur un seuil. Aujourd'hui on
n'est pas encore capable de définir, d'établir ce seuil.
En tout cas il y a la volonté d'avoir un seuil qui permette d'"accepter
à la marge" les mélanges ou les pollutions, peut-être
même simplement des pollinisations. Ce seuil doit être
travaillé, il est souhaité par tous de façon à
arriver à une solution raisonnée, raisonnable.
La pire des choses serait de refuser ce seuil car cela obligerait tout le monde
à marquer et donc à banaliser les produits OGM, ce qui serait le
meilleur moyen d'enterrer le dossier.
Le deuxième point est l'intention d'éviter toute distorsion de
concurrence. Aujourd'hui il n'est pas question et nous insistons bien
là-dessus, qu'une position politique soit prise sur nos produits au
niveau national voire européen et que rien ne soit fait sur les produits
importés.
J'insiste beaucoup là-dessus, nous devons être traités
à équivalence, on nous le rappelle assez souvent dans notre
réglementation à venir dans les politiques agricoles communes par
rapport aux politiques américaines. Ce dossier doit être un
exemple : pas de distorsion de concurrence, même
réglementation pour tout le monde !
Le troisième point porte sur le contenu de la liste.
Nous n'avons pas les produits, mais qu'il y ait une liste positive de choses
que nous marquons ou non est important, nous le saluons également.
Pour nous la traçabilité est importante, c'est une chance pour
nous, agriculture, pour toute la filière, de jouer la transparence et
notre volonté de communication de transparence par rapport au
consommateur et au citoyen.
Nous sommes capables de le faire, nous devons relever ce défi, la
profession en a bien pris acte. Pour nous la meilleure solution, la moins
coûteuse par rapport à des analyses d'un coût énorme,
c'est d'insister beaucoup sur la traçabilité.
Là aussi il faudra faire des progrès, des efforts, ce sera
peut-être un coût, mais en matière d'étiquetage et
d'information, car cela dépasse largement les OGM, c'est une bonne
chose. Et si cela peut être le moyen de l'imposer, ce sera parfait.
Le quatrième point est la mise en place d'une instance qui permette de
suivre au quotidien tous ces dossiers, toutes ces questions qui se poseront.
Madame Lebranchu en a parlé hier, elle a dit qu'elle était
d'accord pour le faire et la créer au niveau du CNC.
Peu importe où elle sera créée, le principal est que cette
instance soit mise en place et qu'elle permette d'étudier tout ce qui
touche à la traçabilité, l'étiquetage, etc.
Le cinquième point est de traiter une filière non-OGM comme il y
a aujourd'hui des filières biologiques ou autres.
Il faut que cela puisse être une niche à valorisation avec des
normes, un cahier des charges très strict qui puisse permettre de
traiter demain de façon bien identifiée les produits que certains
consommateurs souhaitent utiliser puisque sans OGM. Il faut donc que ce soit
une filière bien identifiée.
Pour en finir et essayer de respecter mes cinq minutes, je regretterai quand
même que si une réglementation "Nouveaux aliments" évolue,
il n'y ait rien en matière de réglementation concernant
l'alimentation animale.
Il nous paraît en effet aussi important que l'information soit faite pour
le consommateur que pour l'éleveur qui doit savoir demain ce qu'il
utilise.
S'il y a peut-être quelque réticence des agriculteurs
- Madame Nicoli a terminé là-dessus et il est vrai que
nous sommes plus près de 2 000 ha que de
5 000 ha semés en maïs - c'est peut-être
parce qu'il y a une pression énorme.
L'agriculteur, souvent accusé à tort comme hier sur la dioxine ou
avant-hier sur la vache folle, est très prudent aujourd'hui dans ce
qu'il fait, ce qu'il utilise et dans la façon dont il peut être
accusé demain alors qu'il n'en est pas responsable.
Merci de votre attention.
M. le Président
-
Monsieur Molle
a demandé la parole.
M. Molle
-
Je voudrais intervenir sur deux
points :
- la qualité du débat public d'abord,
- le lien entre traçabilité, filière et
étiquetage ensuite.
En ce qui concerne la qualité du débat public, même si,
aujourd'hui et grâce à ce genre d'initiative, nous progressons,
elle est très moyenne ce qui est dommage.
Nous avons deux exemples en Europe aux deux extrémités : la
Suisse et la Hollande.
Le débat public en Suisse en ce moment à quinze, dix jours du
vote est d'une qualité franchement mauvaise.
Les pour et les contre sont : d'un côté des menaces de
délocalisation, c'est-à-dire que si les citoyens ne votent pas en
faveur du génie génétique toute la recherche s'en va,
toutes les grandes industries s'en vont, c'est une sorte de chantage ;
de l'autre côté c'est : le génie
génétique donne en principe le cancer
généralisé, à peu de choses près.
C'est cela qu'il faut éviter. En France, nous sommes à peu
près au milieu. Nous avons encore des arguments éculés,
cela fait cinq ans que nous tournons autour de toutes ces histoires de noix du
Brésil, d'allergies, etc.
A l'autre bout, vous avez la Hollande qui, il y a trois ans, sans faire de
bruit, a commencé à avoir des groupes d'échanges entre
pouvoirs publics, industriels, associations de consommateurs, associations
écologistes. Finalement ils ont fait le tour des difficultés et
se sont mis d'accord sur une approche.
En France, je pense que nous sommes capables d'avoir des lieux où l'on
mette de l'intelligence de façon préventive dans des
débats qui seront forcément de plus en plus compliqués.
Nous l'avons déjà fait à une certaine époque,
à la fin des années 80, je pense à l'initiative sur le PVC
avec les associations écologistes, entre les minéraliers et les
producteurs de PVC. Même s'il y avait des problèmes avec le PVC,
nous avions abordé la réalité de ces problèmes.
Je crois qu'à l'avenir il est important dans notre secteur alimentaire
où le consommateur est inquiet, de mettre en place des lieux où
l'on pourra agir de façon préventive.
Ce n'est pas facile car lorsque le problème est froid, il
n'intéresse pas grand monde et lorsqu'il est chaud, que la crise est
là, tout ce que peuvent dire les différents partenaires du
débat est décrédibilisé. Il faut donc trouver un
équilibre entre les deux.
En ce qui concerne la traçabilité, la filière,
l'étiquetage, le génie génétique intervient dans
nos produits alimentaires à quatre niveaux. Dans l'ordre sinon
d'importance, mais de logique vous l'avez dans :
- la nourriture animale (tourteaux de soja,
corn gluten feed
),
- les enzymes alimentaires, la plupart d'entre eux sont produits de
façon exclusive à partir de micro-organismes modifiés
génétiquement,
- les ingrédients eux-mêmes, maïs et soja aujourd'hui,
- des produits eux-mêmes à très court terme, oui, il y
aura des melons modifiés génétiquement, etc.
La difficulté est que l'utilisation du génie
génétique est relativement inodore et sans saveur dans de
nombreux produits. Or le rêve du consommateur que l'on comprend bien
aujourd'hui, est qu'on l'informe sur l'origine des produits puisqu'il se
méfie du génie génétique.
Même si le résultat final est strictement identique, cela
impliquerait que nous ayons effectivement deux filières totalement
séparées depuis les champs, les étables, les fabricants
d'enzymes, les fabricants industriels et même les distributeurs.
Autrement dit, dans un point de vente vous auriez un quasi-doublement des
références ce qui devrait poser un certain nombre de
difficultés.
Nous pouvons obtenir ces deux industries alimentaires complètement
étanches entre elles, celle qui a recours au génie
génétique pour la nourriture animale, les enzymes, les
ingrédients et les produits, à ce moment-là c'est clair ce
sera une nourriture modifiée génétiquement alors que
l'autre sera totalement exempte de tout recours au génie
génétique.
Mais qu'arrivera-t-il si nous n'obtenons pas ces deux filières et que
nous n'arrivons pas à imposer aux Américains, ce qui est plus que
probable, la récolte séparée du soja ? Si je prends
le Groupe Danone, nous utilisons l'équivalent de 4 000 tonnes
de soja par an sur une production mondiale qui dépasse les
100 millions de tonnes. Nous pouvons monter sur la table et faire une
crise nerveuse, l'
American Soybean Association
risque d'être assez
impavide.
Nous n'obtiendrons donc effectivement pas cela ; à ce
moment-là, si nous voulons savoir jusqu'au dernier millionième de
base de gènes s'il y en a dans le produit final, que va-t-il se
passer ?
Nous en trouverons absolument partout. L'augmentation de la transparence
demandée légitimement par le consommateur, en l'état
actuel des choses, va malheureusement de pair avec une diminution du choix.
Devant l'imprécision des textes réglementaires en matière
d'étiquetage, d'une part pour ne pas se faire accuser de volonté
de cacher des choses alors que nous avons tout à fait confiance dans la
sécurité des produits et d'autre part comme il y a un principe de
liste négative sans qu'il n'y ait rien dedans puisqu'il y a un seuil qui
n'est pas défini et que les méthodes d'analyse quantitatives ne
sont pas prêtes, la tentation est forte dans l'industrie finalement d'en
arriver à une situation où on considérera qu'il n'y a ni
liste négative, ni seuil.
Le bilan est que sur un linéaire de biscuits, sur
150 références, 150 seront étiquetées et que
les consommateurs seront furieux. Ils diront que les industriels se sont
entendus entre eux pour que, au jour J, tout le monde étiquette et
que cela ne devienne plus un élément compétitif sur le
marché.
Vous voyez que ce sont des débats compliqués et que finalement
l'attitude des industriels consistant à dire qu'ils étiquetteront
lorsque le produit sera différent, n'est peut-être pas si stupide
que cela.
M. le Président
-
Qui souhaite
maintenant s'exprimer ?
Madame Zylbermann, vous allez donner l'avis de l'administration.
Mme Zylbermann
-
L'administration n'a pas d'avis,
elle applique la réglementation, elle l'élabore avec d'autres et
elle la contrôle.
Je voudrais revenir un peu sur la définition de certains termes, on
parle beaucoup d'OGM et en fait on n'a pas souvent affaire à eux.
Il y a effectivement des organismes génétiquement
modifiés, mais ce dont nous parlons beaucoup depuis hier sont en fait
les produits dérivés de ces organismes
génétiquement modifiés.
Une chose est sûre : les organismes génétiquement
modifiés stricto sensu doivent être étiquetés
clairement et ce depuis le Règlement "Nouveaux Aliments" de
janvier 1997, là au moins une chose est claire.
Si nous discutons beaucoup depuis quelque temps, c'est sur les produits
dérivés qui ne sont plus des OGM et sur la non-équivalence
substantielle puisque c'est elle qui devait servir de base à
l'étiquetage.
Il faut dire aussi que le texte qui était en discussion depuis si
longtemps ne concerne que deux variétés végétales
qui sont un soja et un maïs. Ce texte était important car les
principes y figurant serviront à l'avenir à la définition
des étiquetages des produits futurs.
Le Règlement "Nouveaux Aliments" prévoit une autorisation au cas
par cas pour les organismes génétiquement modifiés qui
seront mis sur le marché. A cette occasion on définira
l'étiquetage qui va avec l'OGM ou ses produits dérivés
puisque pour l'OGM l'étiquetage est relativement clair.
Par ailleurs on parle beaucoup des Américains. Il se trouve que je
reviens également des Etats-Unis et je n'ai peut-être pas tout
à fait la même vision des Etats-Unis que Monsieur le
Président.
J'ai rencontré des Autorités américaines mais
également des organisations de consommateurs. Finalement si nous
regardons la position de la France il y a quelques années, nous ne
pouvons pas dire que les délégations françaises dans les
instances diverses poussaient tellement pour un étiquetage très
détaillé.
Nous avons évolué car les consommateurs français se sont
exprimés et ont exprimé un désir très net
d'information. Nous pouvons peut-être imaginer que les Américains
feront de même.
On m'a cité une enquête auprès des consommateurs
américains signalant que 80 % des consommateurs américains
voulaient un étiquetage des organismes génétiquement
modifiés et sans doute des produits dérivés.
Certes la délégation américaine dans les instances
internationales continue à défendre sa position : ils ne
veulent pas d'étiquetage sauf s'il y a une différence sur le
produit et un intérêt en matière de sécurité
publique, mais qui nous dit qu'elle n'évoluera pas ?
Il ne faut pas non plus s'arc-bouter sur le fait que les Américains sont
contre un étiquetage, les choses peuvent évoluer.
Je voulais également parler un peu de ce qui se passe au plan
international car hier nous avons parlé du
Codex
, de l'OMC. Dans
le cadre de l'OMC, il faut rappeler que ce qui sert de base dans la
résolution des conflits sont les normes internationales et, dans le
cadre alimentaire, ce sont celles du
Codex Alimentarius
.
Dans ce domaine est actuellement en négociation une norme
générale sur l'étiquetage. Il se trouve que cette semaine,
la négociation est en cours au Canada et qu'est abordé pour la
énième fois le sujet de l'étiquetage des produits issus
des biotechnologies.
Les Américains vont effectivement défendre leur position qu'il
n'y ait pas d'étiquetage, les consommateurs qui sont observateurs vont
essayer de faire plier les Américains et ils n'y arriveront
sûrement pas.
M. le Président
-
Donc vous êtes
bien d'accord avec ce que je disais.
Mme Zylbermann
-
Non, nous sommes dans un cas de
négociation, nous n'avons pas encore abouti.
M. le Président
-
La position des
officiels américains est bien qu'ils ne souhaitent pas
d'étiquetage.
Que les consommateurs veuillent l'évolution, nous sommes bien d'accord
puisque vous le voyez dans un sondage, mais la position officielle aujourd'hui
est qu'ils ne souhaitent pas d'étiquetage.
Mme Zylbermann
-
Oui aujourd'hui, mais si vous
m'aviez demandé la position officielle française il y a trois
ans, je vous aurais peut-être dit qu'on ne voulait pas étiqueter.
M. le Président
-
Oui, mais on l'a
fait changer.
Mme Zylbermann
-
Peut-être que les
Américains changeront aussi car ils sont en train de se rendre compte
qu'ils ne sont pas tout seuls sur le marché, qu'il y a des
Européens et j'ai bien ressenti ceci au cours de mes contacts.
Il faut arrêter de se dire que nous sommes dans un contexte de commerce
international et que nous devrons plier devant la position américaine,
je crois que nous sommes dans le cadre de négociations et que les choses
peuvent évoluer.
Je voudrais aussi rappeler que l'étiquetage des produits
dérivés (du soja et de cette variété de maïs)
est obligatoire depuis le 1er novembre 1997. Il ne faut donc pas que
les professionnels continuent à dire qu'ils attendent que
l'administration prenne position.
Les professionnels français ont pris une position en interne en
décembre 1997, les administrations françaises, que ce soit le
Ministère de l'agriculture ou celui chargé de la consommation ont
invité les professionnels français à étiqueter en
fonction des règles qu'ils s'étaient données en estimant
que c'était déjà un premier pas.
Je crois qu'il y en a au moins un à cette table qui a mis en pratique
ces règles internes que s'est donnée la profession
française. Ceux qui ne l'ont pas fait, je pense qu'ils font
peut-être preuve d'un peu de mauvaise foi, et je pèse mes mots.
Ceci dit, l'administration partant du principe que les règles
d'étiquetage étaient en vigueur depuis le 1er novembre, a
entrepris des contrôles et nous verrons ce que cela donnera.
Le contrôle est effectivement très difficile. Il y a bien
sûr la traçabilité, mais ce n'est pas tout et les documents
ne sont pas toujours suffisants pour prouver un certain nombre de choses.
En cas de contrôle, nous voyons - il y a actuellement quelques
problèmes commerciaux entre la France et l'Allemagne sur certains
produits - des documents, des certificats montrant que des analyses ont
été faites et que la matière première
utilisée n'était pas OGM alors qu'un autre laboratoire constate,
lui, que la matière première contient de l'ADN
transgénique.
Si vous voulez les choses ne sont pas simples, même avec des documents.
Concernant les méthodes d'analyse, nous sommes impliqués dans le
cadre d'un réseau de laboratoires pour mettre au point les
méthodes d'analyse. Les choses ne sont pas simples et il faut bien voir
qu'actuellement il n'existe pas de méthode qui soit validée par
des essais inter-laboratoires.
Lorsque des résultats paraissent dans la presse, ils valent ce qu'ils
valent et ils ne sont parfois pas confirmés par d'autres laboratoires.
Il faut donc être extrêmement prudent lorsqu'on annonce des
résultats.
Actuellement un certain nombre d'études sont en cours soit au niveau
national entre les laboratoires de la répression des fraudes, de l'INRA,
du GEVES et des experts de l'agronomie, soit au plan européen par des
essais inter-laboratoires.
L'AFNOR va également se lancer dans ce travail, notamment pour voir un
peu pourquoi des laboratoires différents trouvent des résultats
différents avec des mêmes échantillons. Si vous voulez les
choses ne sont pas simples et lorsqu'on parle de seuil, cela va encore les
rendre plus complexes.
Non seulement il faut une méthode qui détecte l'OGM et les
produits dérivés s'il y a quelque chose à trouver, mais il
faut en plus qu'elle soit quantitative. On rend donc la situation encore plus
complexe.
Même si dans deux ou trois mois on fixe des seuils, je ne suis pas
sûr qu'on soit déjà en mesure de les identifier, de les
mettre en évidence, en tout cas à des coûts acceptables pas
seulement pour l'industrie, mais aussi pour les pouvoirs publics dont les
budgets sont de plus en plus limités, Monsieur le Député.
Je pense avoir dit à peu près l'essentiel et je reviendrai
peut-être dessus s'il y a des questions.
M. le Président
-
Merci Madame, nous
aurons le temps de revenir sur ce que vous avez dit. Comme vous avez finalement
arrosé tous azimuts, il y aura sans doute des retours tout à
l'heure.
Je donne maintenant la parole à Monsieur Boullet qui
représente Nestlé France pour qu'il puisse nous indiquer en cinq
minutes sa position initiale.
M. Boullet
-
Je voudrais donner un peu une image
de Nestlé en France et également le poids des matières qui
nous intéressent aujourd'hui, c'est-à-dire le soja et les
dérivés du soja et du maïs.
En France Nestlé représente 26 milliards de francs,
l'entreprise est dans le pays depuis la fin du siècle dernier. Notre
première usine a été créée en 1916 et
aujourd'hui, hors eau minérale, nous en avons 28 avec
13 000 personnes.
Notre chiffre d'affaires à l'exportation est de 4,5 milliards,
c'est une des premières entreprises agro-alimentaires exportatrices en
France.
En ce qui concerne les matières premières, nous achetons pour
notre marché pour environ 9 milliards de francs. Je ne vais pas
vous donner la liste de toutes ces matières premières, mais de
celle qui nous intéressent pour faire une comparaison.
Nous achetons :
- 75 000 tonnes de tomates,
- 150 000 tonnes de pommes de terre,
- 600 tonnes de lécithine,
- 500 tonnes d'huile de soja,
- 90 tonnes de protéines végétales dont
46 tonnes de soja.
Dans cette masse, vous voyez que les protéines de soja ne
représentent qu'une faible partie d'ingrédients de nos produits.
Concernant les matières premières et les produits, il faut savoir
que notre priorité, comme celle de toutes les filiales du Groupe
Nestlé, c'est la sécurité et l'information du consommateur.
D'un point de vue concret, nous montrons ces priorités sur nos produits,
j'en ai apporté un exemplaire. Chaque produit du Groupe Nestlé a
derrière ce qu'on appelle le sceau de garantie. Nous signons nos
produits et le consommateur a également l'adresse d'un Service de
Consommateurs auquel il peut s'adresser pour toute information.
Concernant les OGM en particulier, je voudrais faire quatre remarques.
En premier, je pense qu'il faut faire la différence entre les OGM et les
produits issus d'OGM.
Pour l'instant effectivement, l'étiquetage est obligatoire, seuls les
produits dérivés d'OGM sont sur le marché. Cette
distinction sera importante lorsqu'il sera nécessaire d'informer le
consommateur.
On n'informe pas le consommateur de la même façon lorsqu'il s'agit
d'un OGM avec des particularités que ce soit une tomate ou un melon ou
qu'il s'agit d'un produit dérivé d'OGM, que ce soit du soja ou du
maïs.
En second, concernant l'utilisation d'OGM ou de produits issus d'OGM,
Nestlé - qui, je le rappelle, n'est ni producteur ni
commerçant d'OGM ou de produits issus d'OGM - est favorable
à une utilisation responsable de ces nouvelles technologies dans le
strict cadre des lois et règlements.
En troisième, comme toute nouvelle technologie, nous estimons
nécessaire que le consommateur ait l'information la plus claire et la
plus transparente possible afin de l'aider à faire son choix.
En quatrième, l'étiquetage est un des moyens d'informer, on ne
peut pas tout dire sur une étiquette d'autant plus que son
intitulé est souvent réglementé.
Parmi ces moyens d'information, il y a bien sûr ces auditions, le
rapport, Monsieur le Président, publié par l'Office en 1990 ou
1991 qui, à l'époque, indiquait déjà la
nécessité d'un débat sur ces nouvelles technologies et,
à mon avis, nous avons pris pas mal de retard dans ce domaine.
Nous avons nous, Nestlé, plusieurs publications disponibles à
toute demande. On nous cite également Internet que ce soit au niveau
monde ou Nestlé France et vous avez bien sûr les numéros de
téléphone Azur où les consommateurs peuvent nous contacter
directement.
Au niveau industriel, il y a le serveur 3615 OGM et le propre site de
l'Assemblée Nationale.
Je pense que le débat public est nécessaire, pour nous c'est la
seule façon par laquelle le consommateur pourra faire son choix.
La Commission de Bruxelles vient de prendre une décision sur les
modalités d'étiquetage. Il faut savoir que nous n'avons pas
attendu cette décision pour prendre l'engagement vis-à-vis de nos
consommateurs et de nos clients que dès lors que les fournisseurs ne
peuvent plus garantir - cette garantie est contrôlée par le
propre laboratoire de Nestlé - un approvisionnement en
ingrédients conventionnels, nous indiquons sur nos produits la
présence de plantes génétiquement modifiées.
J'ai avec moi un exemple, celui de cannelloni Findus étiquetés
depuis plusieurs semaines.
En restauration hors foyer, nous avons une soixantaine de
références et nous avons également tout le
département nutrition clinique qui nourrit les malades et sur lequel est
clairement indiquée la provenance de protéines issues de soja
génétiquement modifié, ce non seulement en France, mais
dans tous les pays européens.
Avant de répondre à vos questions, il est important de rappeler
que nous sommes aux balbutiements de cette technologie. Pour l'instant elle est
au service des plantes et les avantages en sont conséquents pour les
agriculteurs et l'environnement.
Nous sommes persuadés que lorsque des produits auront un avantage direct
pour le consommateur, comme des qualités nutritionnelles
améliorées, la suppression de certains allergènes comme
par exemple dans le riz et d'autres aliments, nous sommes persuadés que
cette technologie sera acceptée à sa juste valeur par le
consommateur.
Le débat pourra avoir lieu et le choix du consommateur pourra se faire
également sur des critères qualitatifs et non plus quantitatifs.
M. Edouard-Leclerc
-
D'un point de vue global,
nous avons la même position que les organisations de consommateurs du
point de vue des OGM en général, c'est-à-dire ni pour ni
contre, n'ayant d'ailleurs pas la compétence pour savoir
l'intérêt ou non des OGM.
En revanche, nous avons une position parce que nous avons une pratique et une
responsabilité dans la filière.
Je vais vous dire en quoi le débat actuel me laisse perplexe par rapport
à un certain nombre de positions adoptées ici et puis revenir
peut-être sur un autre débat qui sera construit, probablement
aussi à l'initiative de Monsieur Le Déaut dans trois ou
quatre ans car nous verrons que le débat d'aujourd'hui sera largement
dépassé par le tout OGM.
En premier, dans la filière le distributeur a plusieurs niveaux de
responsabilité, chacun reste a sa place, chacun sa
responsabilité, nous ne sommes ni producteurs, ni pouvoirs publics, ni
médecins, ni scientifiques, nous sommes distributeurs.
En tant que distributeur le premier problème qui s'est posé
à nous était de savoir si nous allions ou pas
référencer, c'est-à-dire sélectionner des produits
affichant le contenu OGM dans nos rayons ou pas. Certains distributeurs ont
prétendu ne pas vouloir référencer ces produits, les
dirigeants de Carrefour l'ont expressément dit à un certain
moment.
Nous ne prendrons pas parti, nous référencerons les produits OGM
comme les produits non-OGM. Notre position est la liberté du choix,
c'est même un postulat commercial. Nous voulons comme critère
commercial jouer sur la possibilité de choix pour les consommateurs.
Nous aurons donc en rayon le choix si tant est que dans dix ans il y aura
encore le choix. Nous ne sommes en tout cas pas les censeurs des propositions
commerciales des industriels et nous ne ferons pas une pré-censure du
choix des consommateurs.
En tant que distributeur, nous référencerons les produits
Nestlé comme nous avons référencé les produits
Nestlé et Danone ici présents, nous afficherons la couleur. C'est
un préalable juridique, ils doivent afficher la couleur et la
qualité de l'information, de sa diffusion est une partie importante.
Nous avons aujourd'hui des cercles de discussions entre nos acheteurs, nos
services de qualité et leurs vendeurs et leurs services de
qualité. Cela se passe plutôt bien et dans l'ensemble aujourd'hui,
c'est un chantier qui avance bien des deux côtés.
A la rentrée, nous aurons pratiquement tous les industriels de
l'agro-alimentaire européen et multinationaux qui auront ces
informations sur les emballages.
La deuxième responsabilité est que nous sommes aussi producteurs
par les marques de distributeurs et nous entrons là dans la même
problématique que celle énoncée par les producteurs tout
à l'heure et nous avons les mêmes difficultés.
Notre méthode n'est pas celle de la recherche protéinique
évoquée par certains industriels, mais celle
évoquée par Madame Nicoli qui aurait fait une excellente
productrice.
Nous partons de l'inventaire comptable des composants des produits et nous
adopterons un étiquetage à partir de la présence ou non
d'OGM ou de dérivés d'OGM dans nos produits.
Par exemple aujourd'hui nous travaillons sur 300 références
alimentaires ce qui correspond à 162 produits différents.
Pour 52 d'entre eux il n'y a aucun problème de présence d'OGM ou
de dérivés d'OGM. Les autres en revanche sont susceptibles de
contenir un certain nombre de dérivés.
Lorsqu'on peut substituer le dérivé d'un produit OGM, on le lui
substitue. Par exemple pour les charcuteries, on arrive à changer les
protéines végétales de manière à assurer
qu'il n'y ait pas de produits dérivés d'OGM, etc. Les autres
seront étiquetés : "produits ogéimisés".
Voilà pour notre position en tant que distributeur pur. Les emballages
sont en cours d'élaboration, etc.
Par rapport à notre débat, je voudrais insister sur deux choses.
D'abord il ne faut pas faire dire à l'étiquetage ce qui n'est pas
de son rôle. Dans notre société française,
confondant tous les points de vue et s'en servant de
phénoménologie, on est en train de demander aux industriels, aux
distributeurs d'assurer la sécurité du consommateur par le
système d'étiquetage.
Je voudrais rappeler que chacun doit prendre ses responsabilités. Le
problème de la sécurité est d'abord du domaine de la
science, des pouvoirs publics, des autorités sanitaires, ce n'est pas le
nôtre.
Je suis distributeur et en bout de chaîne, je veux bien, en droit,
être co-responsable de la gestion d'une filière car je crois qu'en
droit on a retenu cette responsabilité. En revanche d'un point de vue
scientifique, il ne faut pas nous le demander.
En plus on ne se rend pas compte que nous sommes des groupes dotés de
services de qualité au-delà de notre responsabilité
juridique et c'est vrai pour tous les grands distributeurs et autres.
Il faut avoir à l'égard du commerçant la même
interrogation qu'à l'égard de n'importe quel commerçant
qui n'aurait pas ce service qualité. Ce sont des "plus" que nous
apportons, ce ne sont pas des obligations juridiques.
La sécurité doit être assurée par les pouvoirs
publics.
En ce qui concerne l'éducation relative aux OGM, tous ces
problèmes n'existeraient pas si on disait au consommateur en quoi ces
produits sont meilleurs, plus beaux avec les OGM. L'éducation du
consommateur au-delà de l'information n'est pas non plus du domaine du
distributeur, mais de ceux qui prônent les OGM.
Si on voit bien en termes de productivité l'intérêt des
OGM, du point de vue de l'amélioration du produit, on attend des
campagnes d'informations, des campagnes qualitatives donnant envie de les
acheter. Je vous rappelle que cela ne relève pas non plus de la
responsabilité du distributeur.
Vous avez l'exploitation médiatique des peurs de la
société. Ce débat n'aurait pas lieu si nous
n'étions pas dans une société qui s'autoflagelle, qui aime
se faire peur avec une compétition d'acteurs du style :
"Plus je
te fais peur, plus je passe à la télévision !"
.
C'est un peu ceci qui se passe en ce moment.
C'est sous cet angle que je souhaiterais qu'on aborde à nouveau les
effets de seuil. Si vraiment il y a un problème de seuil, on le comprend
très bien du point de vue de la pratique, il y a toujours un doute sur
ce qu'il y avait dans le silo.
Mais s'il y a des seuils, c'est qu'il y a des problèmes en-dessous ou
au-dessus d'un seuil. Vous êtes d'accord, la société
fonctionne ainsi. Le fait même d'évoquer les problèmes de
seuil d'un point de vue médiatique, c'est mettre un doute et l'agiter
sur le problème de la sécurité.
La deuxième chose est que si d'un point de vue juridique l'effet de
seuil garanti l'innocuité pénale d'un conflit, on laisse les
professionnels se débattre avec les problèmes de gestion
fantasmatique et médiatique de la société.
Regardez ce qui s'est passé depuis deux jours avec la dioxine !
J'ai la capacité d'y répondre d'un point de vue
médiatique, mais il faut bien voir que cela peut tomber sur Tartempion
qui peut en être mort.
On m'annonce que dans un centre Leclerc de Paris - je n'ai pas de centre
Leclerc à Paris - on a trouvé une viande avec un taux de
dioxine élevé. Je ne sais toujours pas où c'est, personne
ne nous a contacté. On nous dit que c'est très dangereux, mais
personne ne me dit de retirer le produit ou de faire une enquête pour
regarder d'où vient le produit.
Je ne suis pas producteur de viande, j'en vends comme tout le monde et elle
vient de toute la France, label France et la belle France.
On me dit que je ne suis pas coupable, mais c'est quand même moi qu'on
cite à la télévision au journal de 20 heures, etc. Je
ne suis pas coupable, mais je pourrais quand même faire quelque chose vu
mon nom, etc. Ce n'est pas sérieux !
Vu du point de vue de cette non-responsabilité juridique, mais
responsabilité médiatique en tout cas par rapport à la
marche d'une entreprise ou au marché de la viande, je vous dis tout de
suite que je ne veux pas de seuils, je ne sais pas les gérer.
En tout cas sur mes produits, dès qu'il y aura une trace, je mettrai
l'étiquetage "OGM". De toute façon après je serai sur la
défensive pour justifier. Aujourd'hui, je préfère prendre
les devants et dire "OGM".
En fait aujourd'hui dans la liste des produits que je vends, j'ai sans doute
peu de produits qui mériteraient d'avoir un étiquetage, mais je
vais probablement presque tous les étiqueter pour pouvoir être
garanti d'une gestion saine, médiatique et sans retombées
commerciales négatives de cette affaire.
C'est une position, je crois qu'il faut en tenir compte. Puisqu'on est dans le
domaine de l'irrationnel, à un moment il faut anticiper l'irrationnel
dans le plan de marketing d'une entreprise.
En ce qui concerne la traçabilité des filières, oui il
faut étiqueter et il faudrait avoir des filières
séparées si on veut vraiment le choix.
En fait sur un marché libre et au niveau mondial, compte tenu de ce que
viennent de dire les grands approvisionneurs que sont Nestlé et Danone,
si les autres ne font pas de la séparation de filières, on aura
bien un micro-marché français, peut-être européen,
en tout cas français ou régional avec des niches sans OGM.
Je crois que tout ceci restera cependant marginal et que finalement nous nous
retrouverons ici dans trois, quatre ans pour discuter non pas de
l'étiquetage de produits OGM ou pas, mais des différents types
d'étiquetage à l'intérieur d'un marché qui sera
devenu quasiment tout OGM.
M. le Président
-
Le débat est
lancé et très largement sur un certain nombre de questions.
Sur le dernier point, puisque vous avez parlé de la question des seuils
abordés hier avec Madame Lebranchu dont la position était
presque identique à la vôtre même si ce n'est sans doute pas
pour les mêmes raisons, on va aller jusqu'à la caricature avec ce
système.
Effectivement nous serons tout OGM à partir du moment où nous
aurons des techniques.
Madame Zylbermann, en-dehors de la partie crédit dont vous venez de
parler, chaque année les parlementaires essayent d'augmenter les
crédits de l'administration et c'est toujours très difficile car
en contrepartie un certain nombre de libéraux disent qu'on donne
beaucoup trop de crédits à l'administration.
Nous sommes donc soumis à un partage très difficile entre la
demande non seulement des administrations et des consommateurs d'un
côté et celle de ceux qui disent que l'Etat leur coûte trop
cher.
Dans ce paradoxe, vous avez raison de dire que les techniques sont actuellement
non quantitatives - je l'ai vu dans mes auditions - et qu'elles sont
en revanche très sensibles.
Nous avons une amorce d'un gène, nous pouvons très bien avoir une
toute petite contamination et nous allons la détecter. C'est possible
car nous amplifions cette contamination à condition que nous ayons la
séquence de l'amorce technique ce qui est assez difficile.
Ceci fait, Madame, que ce ne sont pas du tout des erreurs de dosage lorsqu'on a
des tests différents. Dans l'affaire de Kochko dont je vous ai
parlé hier, il y avait des tests et des contre-expertises
différentes car c'est l'échantillon qui compte.
Si vous prenez un échantillon de 500 g, d'un point de vue
statistique, vous aurez peut-être des plantes modifiées
génétiquement, du soja par exemple, alors que vous n'en aurez
peut-être pas dans un autre échantillon. Ceci posera donc le
problème de l'échantillonnage ce qui est encore plus
compliqué.
Nous sommes devant un débat technique compliqué.
Je me félicite, comme Monsieur Marteau, que nous ayons
avancé à savoir que nous avons déjà le point de
départ. Il y aura de grands problèmes juridiques - et je
vois la Fédération Française des Assurances dans la
salle - dans ce domaine. Si vous mettez
contient
et que quelqu'un
vous démontre qu'il n'y en avait pas, vous pourrez être
attaqué.
M. Edouard-Leclerc
-
Je préfère
perdre un procès en publicité mensongère.
Je suis d'accord avec vous, nous sommes dans un débat où nous
devons travailler sur ce qui est rationnel et où l'opérateur doit
travailler dans un contexte difficile.
Ce matin dans
Libération
, on s'étonne que le marché
de la viande ne se soit pas effondré après la première
alerte d'avant-hier sur le dioxine et on nous cite à nouveau,
etc. ; je gère cela.
Je préfère - je le dis, c'est aussi à ceci que sert
ce débat auquel vous avez le mérite de nous inviter - perdre
un procès en publicité mensongère car j'aurai mis qu'il y
a de l'OGM alors qu'il n'y en a pas que d'avoir à mettre en place un
mécanisme de défense où la presse me dira que je n'ai pas
fait suffisamment attention aux effets de seuil car il y en a, etc. ;
c'est plus facilement gérable.
Je ne suis donc pas dans le domaine du juridique, mais dans celui de
l'exposition d'une entreprise à un risque dont il faut tenir compte
aujourd'hui.
J'ai vécu une chose que j'espère ne pas vous voir vivre : il
y a trois ans je suis passé au journal de 20 heures pour une
épidémie de
listeria
dont je cherche toujours les traces.
Si j'avais été une PME, je serais mort, maintenant j'ai compris.
M. le Président
-
Madame Nicoli,
j'essaye juste de reposer un certain nombre de questions pour qu'on puisse
rebondir, de les poser comme vous les avez tous posées et de voir sur
quelles questions nous pouvons avancer.
Au bout du compte et de manière très claire dans le rapport que
nous proposerons, il est important que nous allions dans le sens des
consommateurs et dans celui de la meilleure clarté possible de la
fourche à la fourchette juridique et ceci dans tous les domaines.
En ce qui concerne le seuil, je suis en désaccord avec vous,
Monsieur Leclerc, car mettre un seuil ne veut pas dire qu'il y a un
problème de sécurité.
Par exemple le sel est un aliment que vous vendez. Si vous mangez 10 kg de
sel dans la même journée vous aurez des problèmes
très graves.
D'autre part, il est évident que s'il y a le moindre problème de
sécurité, il faut interdire ces aliments.
A partir du moment où on les a autorisés, on peut les consommer.
Si jamais -- et je rejoins Madame Nicoli - le consommateur veut
savoir car, pour des raisons qui le concerne, il ne veut pas manger d'aliments
génétiquement modifiés, il a le droit de savoir.
En revanche en ce qui concerne des questions juridiques, je vais vous rappeler
l'exemple que j'ai donné hier.
Un agriculteur biologique du Tarn vend un produit biologique. Avec ce soja, on
fait du tofu en Allemagne. On trouve dans ce tofu du soja
génétiquement modifié et tout le monde lui dit, y compris
le semencier, que ce n'est pas vrai. Il se retrouve maintenant avec un
procès et une responsabilité et comme il n'est pas centre
Leclerc, qu'il n'est pas gros, il risque d'y perdre beaucoup d'argent ce qui
est grave.
Ceci veut dire que la notion de seuil ne doit pas être liée avec
la notion de sécurité et nous aurons tout à l'heure cette
question à régler.
Il est évident que dans les cas où on pense qu'il y a des
arguments scientifiques, technologiques suffisants pour dire que la
sécurité est en jeu, il ne faut pas vendre ces aliments. Si on
pense qu'il n'y a pas de problèmes, on peut les vendre et le
consommateur doit avoir le choix.
A partir de cela, je voudrais que vous rebondissiez sur un certain nombre de
questions que Madame Nicoli a abordées.
Dans ce cas qui doit payer ?
Il est en effet évident que cela aura un coût pour le consommateur
et que nous ignorons lequel.
Vous venez de dire que le consommateur devait avoir des avantages or, pour
l'instant, nous n'avons pas vu d'avantages en termes d'OGM. Lorsqu'on a un
gène de résistance à la pyrale ou à un herbicide,
cela ne se retrouve pas forcément au niveau du prix pour le
consommateur, certains d'entre eux me l'ont dit hier.
En revanche il est vrai que dans la nouvelle génération - et
je l'ai vu chez Du Pont de Nemours, chez Monsanto, chez un certain nombre
de fabricants - nous sommes dans la deuxième
génération de fabrication d'aliments avec des qualités
nutritionnelles différentes, des taux d'huile modifiés. Ils
auront des huiles polysaturées mauvaises à la cuisson, des huiles
bonnes pour les problèmes cardio-vasculaires, etc.
En quelque sorte on pourrait dire que pour éviter le terme
indiqué de
soja fou
, ils sont en train d'essayer de
préparer le
soja miracle
. Dans ces domaines, on peut être
ou non d'accord, ce sera la deuxième génération de
produits.
Comment mettre en place la traçabilité ?
Il est évident que si vous voulez une traçabilité totale,
tous les animaux vont manger des aliments, des tourteaux de soja
génétiquement modifiés.
Faut-il, Madame Nicoli, qu'il y ait traçabilité,
étiquetage et information du consommateur dans ce cas ?
Qui doit payer ?
Ce sont un certain nombre de questions sur lesquelles je voudrais qu'on
réagisse d'abord et je voudrais qu'on parle de la forme de
l'étiquetage, de la clarté pour le public en termes
d'étiquetage.
Mme Nicoli
-
Dans un tel débat, il ne faut
pas avoir l'impression d'être naïf et imbécile, mais
lorsqu'on est représentant des consommateurs, il faut quand même
ramener les choses à leur juste valeur.
On peut avoir des débats aussi intellectuels que vous voulez, mais par
exemple je ne peux pas suivre Michel Edouard-Leclerc dans ses
préoccupations de gérer médiatiquement l'alimentation.
C'est son problème, mais revenons quand même à la
réalité !
L'alimentation est quelque chose que l'on mange tous les jours pour faire
pousser des gosses, pour leur permettre d'être bien dans leur peau, pour
avoir une bonne santé et pour qu'une fois adulte on puisse vivre
correctement.
Nous sommes quand même loin de la gestion de l'alimentation à ce
niveau :
"C'est moi, chef d'entreprise, j'ai une image à défendre et, pour
mon image, je suis prêt à dire n'importe quoi - c'est ce que
vous venez de dire - pourvu que mon image n'en prenne pas un coup !"
Je veux bien, je suis souvent sur la même ligne que vous pour un certain
nombre de sujets et votre démarche d'étiqueter est très
bien.
Vous le dites très cyniquement et très clairement, parce que vous
avez une image, un certain nombre d'enseignes à défendre, vous
avez derrière vous tout un ensemble de distributeurs et vous vous devez
de donner cette image.
Au-delà de ça, je tiens quand même à dire que
même si nous ne sommes pas opposés à ces nouvelles
technologies - et je voudrais qu'on en prenne acte - les chimistes,
les industriels font leurs affaires entre eux, mais aujourd'hui comme hier et
aujourd'hui en particulier, les consommateurs n'ont jamais demandé
à avoir une alimentation aussi compliquée, aussi
industrialisée et ils n'ont jamais demandé d'OGM.
Les OGM ne viennent pas de l'esprit ou d'un fantasme d'un consommateur. Lorsque
vous faites vraiment des enquêtes de terrain, les personnes ont un
réflexe ancestral faisant que l'on veut des produits, non pas d'il y a
200 ans, mais des produits identifiés, du terroir, des produits
où on n'est pas à stresser totalement lorsqu'on fait un achat au
quotidien.
Demain avec les produits allégés, vitaminés, OGM et tout
ce que vous voudrez, il sera totalement impossible pour la
ménagère normalement constituée et intelligente, de faire
un bol alimentaire ou du moins de faire un équilibre alimentaire pour
ses enfants ; ce sera terrible.
On va partir faire ses courses en stressant et en se demandant ce qu'on pourra
bien rapporter dans son cabas. A vous entendre, on finit par ne plus parler que
de molécules, etc.
Je caricature comme Michel Edouard-Leclerc l'a fait, mais tout de
même, n'oublions pas que quelque part l'alimentation est un
élément convivial qui doit apporter bien-être et
santé et non pas stress, maladie et complications intellectuelles.
Il est vrai que nous sommes bien obligés d'avoir de tels débats.
Lorsque je travaille par ailleurs sur certains dossiers, je suis bien
obligée de discuter de seuils, de problèmes techniques, mais mon
rôle ici aujourd'hui, à partir de fantasmes et de délires
intellectuels, est de ramener un peu les choses à leur
réalité et au terrain.
Même si je parais un peu "bébête" dans ma
déclaration, c'est un peu mon rôle de le dire ici ou ailleurs et
n'importe où.
M. le Président
-
Avant de donner la
parole à Jean-François Molle, je viens d'avoir l'emballage
de ces cannelloni.
Pour illustrer ce que vous dites, même si c'est quand même le
consommateur qui demande des plats cuisinés, c'est Findus, je ne fais
pas de publicité. Il me dit que c'est bon, je n'en sais rien, je
goûterai.
Voici ce que vous trouvez dedans : concentré de tomate
reconstitué, eau, semoule de blé dur réhydratée,
viande de boeuf cuite 10 %, oignons, huile végétale,
carottes, emmental, protéines issues de soja génétiquement
modifié 2,5 %, amidon modifié de maïs, lait
écrémé en poudre, sel, chapelure, arôme, farine de
blé, blanc d'oeuf en poudre, basilic, extrait de céleri, sucre,
amidon de maïs, extrait de viande, vin rouge concentré, extrait de
paprika ; avec des stabilisants, farine de graine de guar (je ne sais pas
ce que c'est), de la gomme de xanthane, des extraits d'ail, d'épices.
Vous voyez que vous mangez un rayon de Leclerc lorsque vous prenez les
cannelloni. Et l'image est jolie.
Il est vrai que l'aliment s'est modifié et qu'il faut avoir sa loupe,
son ordinateur et être relié à Internet.
Juste avant Monsieur Molle, Madame Zylbermann, vous disiez qu'il y a
trois ans notre position n'était pas celle-là. J'ai toujours eu
la même position, j'étais contre le
susceptible de contenir
et je suis heureux que nous avancions.
J'étais sur les positions des consommateurs et je suis heureux que nous
avancions, y compris au gouvernement. Puisque vous avez dit tout à
l'heure que l'administration ne faisait qu'appliquer des règlements,
c'est donc au Parlement de discuter des règlements et de la
législation.
Je souhaiterais que l'on fasse cela à partir du moment où il y a
deux filières.
Vous avez là une purée de tomates anglaise, à partir du
moment où elle est génétiquement modifiée, c'est en
jaune sur fond rouge. Cela se voit et de manière claire le consommateur
peut savoir et choisir.
Tant qu'on n'arrivera pas à la clarté car lorsque vous lisez ce
qui est noté sur la boîte Findus...
Et les Américains c'est encore pire, chez eux vous trouvez tout ce qu'il
y a comme avantage nutritionnel éventuel. Ils ne veulent pas mettre
cela, mais ils en mettent déjà beaucoup. Il faudra qu'un Bottin
entoure les aliments que nous consommerons dans les prochains temps.
Monsieur Molle, vous avez la parole, par ailleurs la forme de
l'étiquetage m'apparaît également importante.
M. Molle
-
Je voudrais répondre à
Marie-Josée Nicoli qui, en gros, nous a dit :
"Vos formules industrielles sont extraordinairement compliquées,
bourrées de chimie, notre bol alimentaire devient terrorisant."
Pour le coup, plus que pour Michel Edouard-Leclerc, je pencherai avec
Marie-Josée Nicoli en tant que quelqu'un du marketing d'une
société de Danone. Il est vrai qu'ils sont inquiets, qu'il ne
sont pas techniciens, ils entendent tout ceci.
Si nous à l'avenir, à cause des inquiétudes des
consommateurs, on ne met pas d'OGM, que nos vaches ne mangent pas d'hormones de
croissance, qu'on n'utilise pas d'ingrédients irradiés mais des
ingrédients agricoles sur lesquels il n'y aura pas de boue de station
d'épuration épandues, qui ne seront pas cultivés
près d'une route ou d'une autoroute, où il n'y aura pas de
résidus de pesticides, enfin toutes ces choses qui représentent
un progrès mais inquiètent les consommateurs, à part l'eau
minérale et encore, je ne vois pas ce que nous vendrons.
Le consommateur n'a pas demandé, mais le consommateur demande tous les
jours. Tous les jours nous faisons des innovations et tous les jours des
innovations sont rejetées.
En ce qui concerne la conséquence du bol alimentaire, je vous garantis
que si par rapport à la sécurité des aliments, nous
faisions une photo avant guerre et maintenant, il suffit d'aller dans quelques
pays lointains du sud pour voir ce que cela pourrait être, c'est
terrorisant.
Nous avons fait d'énormes progrès en sécurité, en
nutrition et surtout d'énormes progrès économiques. Avant
guerre la moitié du pouvoir d'achat des Français, qui pourtant
autoproduisaient une grande partie de leur nourriture, était
consacré au panier de la ménagère alors qu'aujourd'hui il
ne représente plus que 17 ou 18 %.
Pourquoi ? Parce que les loisirs, la santé, etc. se sont
développés. Derrière cela il y a de l'hygiène
industrielle, de la rationalisation industrielle, de l'étude de
formules, des travaux de tous les jours pour optimiser les formules. Oui c'est
vrai que cela devient compliqué !
M. le Président
-
Merci, Monsieur
Molle. Monsieur Boullet a demandé la parole.
Essayez peut-être de répondre à la question : qui doit
payer ? Faut-il un seuil ? Et dans l'affirmative à quel
niveau ?
Ceci fera avancer un peu l'état de nos réflexions.
M. Boullet
- De toute façon que ce soit dans
l'alimentaire ou dans tout autre procédé, toute autre industrie,
le consommateur est toujours le payeur final.
Que ce soit dans l'industrie pharmaceutique, n'importe où, dans
l'industrie automobile, lorsque des normes de sécurité sont
imposées à l'automobile et à juste raison, c'est
effectivement le consommateur final qui paye. Il paye directement pour
l'automobile ou en tant que citoyen en normes de pollution, etc.
De toute façon le consommateur final payera, et c'est le principe
même de la TVA, une taxe sur la valeur ajoutée, c'est ce principe
inventé en France. Il paye et chaque niveau de la chaîne paye un
peu.
M. le Président
-
S'il y a deux
filières, laquelle paye ?
M. Boullet
-
Le consommateur paye la
filière qu'il choisit. Je ne vois pas qui pourrait payer, c'est le choix
du consommateur.
M. le Président
-
Actuellement il n'y
a pas d'OGM ou très peu, cela veut dire qu'il n'y a pas de
surcoût. S'il y a deux filières, il y aura des surcoûts, il
y en aura un pour la séparation des filières.
Etes-vous capables à tous les niveaux du producteur jusqu'au
distributeur, de séparer les filières ?
M. Marteau
-
Oui.
M. le Président
-
Vous avez dit oui,
êtes-vous capable de bien le faire et quel sera le surcoût ?
M. Boullet
-
Je voudrais rappeler qu'il y a deux
sortes d'OGM.
Il y a les OGM et vous avez montré une purée de tomates anglaise
où la tomate est génétiquement modifiée. Non
seulement elle est clairement identifiée sur la boîte, mais c'est
un acte commercial du
marketing
du producteur et du distributeur de dire
que cette tomate est génétiquement modifiée.
Lorsqu'il y aura des produits génétiquement modifiés avec
un avantage direct pour le consommateur, vous verrez une campagne de
communication de marketing où le consommateur sera clairement
informé et il choisira ce produit pour cet avantage, ceci quel qu'il
soit.
Là nous sommes dans le cadre de produits dérivés d'OGM et
d'un point de vue légal, l'information du consommateur doit figurer sur
l'étiquette ainsi que par tout autre mode d'information.
Quant au financement des filières, il est trop tôt actuellement
pour que les économies réalisées par les agriculteurs et
les transformateurs sur ce produit, soient transmises au consommateur. Soyons
rassurés, dès qu'il y aura un avantage concurrentiel sur le
coût, il sera retransmis automatiquement au consommateur.
Les filières OGM deviendront moins chères et le consommateur en
bénéficiera par le prix.
M. Edouard-Leclerc
-
Au risque d'apparaître
comme le provocateur de service, mais peut-être aussi en disant ce que
d'autres disent en privé et pas en public, y compris les industriels qui
sont ici, je crois qu'il faut arrêter d'être hypocrite.
Sur un marché ouvert à l'échange mondial, il ne peut y
avoir séparation des filières que si en amont comme en aval,
l'ensemble des opérateurs qui échange, respecte cette distinction.
Je crois que sur le marché français, il peut y avoir une double
filière, sachant que l'une sera un micro-marché, une niche au
même titre que le bio, d'accord.
Mais étant donné l'internationalisation de l'échange, la
présence de sociétés transnationales sur les
marchés européens, s'approvisionnant de par le monde entier sur
les marchés ouverts, étant donné qu'en amont en Chine
- on parle toujours de Américains, mais les centres de production
des matières premières aujourd'hui sont l'Afrique du Sud,
l'Australie, le Canada - les Chinois se moquent éperdument de
l'étiquetage des OGM.
Dans les plaines de Pologne, en Ukraine, ce sont les Américains, les
internationaux qui investissent, etc., donc à partir du moment où
on va vers la mise en exploitation de 26 millions d'hectares en produits
OGM, et ce sera exponentiel - ce n'est pas moi qui le dis, ils le disent
cyniquement aussi eux -, pour le consommateur il ne faut pas se leurrer,
le double étiquetage peut donner l'impression du libre choix.
Il n'y a cependant libre choix que s'il y a deux filières et la
réalité me fait penser qu'il y aura du tout OGM avec
peut-être du tout OGM différencié, avec des segmentations
dans le tout OGM et des marchés marginaux, des niches.
A ce moment-là - il faut aussi savoir le dire et ce n'est pas un
plaidoyer car j'en tire les conclusions - les consommateurs qui voudront
avoir accès à ce marché, payeront plus cher que les autres
car ils n'auront pas les effets de seuils économiques, d'échelle,
etc. Ce sera au même titre que le vrai bio est à un prix plus
élevé que le marché non bio.
Il faut tirer les conclusions de ceci et ne pas simplement recevoir la chose
factuellement. Il ne faut surtout pas faire semblant de dire qu'il y aura deux
marchés dans dix ans et que le consommateur pourra choisir au même
prix l'un ou l'autre, je n'y crois pas.
M. Marteau
-
Un certain nombre de choses viennent
d'être dites.
En premier, il faut avoir un bon de commande clair car il y a une confusion
totale. Monsieur Leclerc, je salue votre position, ceci dit c'est la
première fois que je l'entends et si j'écoute Carrefour on est
quasiment en opposition.
Pour nous, dans la filière, il faudra quand même savoir ce qu'on
veut, c'est clair. Ce débat est un bon moyen, je le trouve important
même si on n'est pas d'accord, il a au moins le mérite d'exister
et de faire attention à ce que souhaite le consommateur citoyen,
même si parfois on lui fait dire des choses, en tout cas il faut qu'on
réponde à ses attentes.
D'autre part j'ai écouté tout à l'heure Madame Nicoli
qui nous dit que de toute façon on ne nous laisse pas le choix. Si l'an
prochain nous ne séparons pas, elle appelle au boycott et encore une
fois, on montrera du doigt les producteurs.
Nous avons suffisamment l'expérience de choses qui viennent de nous
tomber sur le coin de la figure, pour lesquelles nous ne sommes pas
responsables (dioxine, boues, etc.), pour que nous ne fassions pas attention.
Nous avancerons en marchant, si on prend simplement les agriculteurs solution
facile, nous sommes capables d'isoler. Ce n'est pas difficile puisque, de toute
façon, nous isolons déjà. Lorsque je fais du blé,
j'en ai cinq qualités différentes, cela ne pose pas de
problèmes, je peux continuer demain avec du maïs excepté
qu'il y a un séchage et que c'est un peu plus délicat.
Cela dit, nous sommes capables de le faire et nous sommes prêts, en tout
cas et je m'engage au niveau de la profession agricole, nous ferons tout pour,
dans un premier temps et je dis bien dans un premier temps, isoler la
production en 1998.
Qui peut faire le plus peut faire le moins, à partir du moment où
nous aurons isolé, si nous voulons mélanger après, ce sera
toujours possible, le contraire étant quand même un peu
délicat.
Là aussi il faut avancer tranquillement sans faire de démagogie.
Je veux bien qu'on fasse des effets d'annonce, mais il faudra gérer le
quotidien.
Je vais rappeler que nous avons en permanence des débats avec l'ensemble
de la profession et que la semaine dernière nous nous demandions qui
consommerait le millier de tonnes que nous produisons en OGM. Aucun industriel
ne veut nous acheter le maïs que nous avons semé. Pourtant il n'y
en a pas beaucoup puisqu'il n'y en a que 2 000 ha.
Il faut aussi dire la réalité des choses. Je veux bien prendre
mes responsabilités au niveau de la profession agricole, travailler
comme nous avons essayé de le faire en y associant toute la chaîne
et pas seulement un maillon.
Mais il faut qu'on nous dise clairement, que nous sentions clairement ce que
l'on veut sans faire de démagogie et sans tomber un peu dans un
débat facile.
M. le Président
-
Juste une question
pour rebondir là-dessus.
Il est vrai qu'un certain nombre de fabricants de semoule nous ont dit qu'ils
avaient demandé du maïs non OGM, Monsieur Marteau vient de
poser cette question, Nestlé, allez-vous en acheter ?
M. Boullet
-
En ce qui concerne le maïs,
l'utilisation par Nestlé ainsi que tous les industriels, toutes les
industries de transformation confondues, nos achats de maïs, en
particulier d'amidon non raffiné, représentent 3 % de la
production. Quel est leur poids ?
M. Edouard-Leclerc
-
En gros pouvez-vous
répondre à l'inverse ?
Si je vous commande les mêmes tonnages aujourd'hui sans étiquetage
et que je vous demande une garantie sur deux, trois ans, de non-présence
d'OGM ou de produits dérivés d'OGM dans ce que vous allez me
vendre, allez-vous pouvoir le garantir ?
M. Boullet
-
Non, parce que je n'achète pas
à l'agriculteur.
M. Edouard-Leclerc
-
Ce n'est pas un reproche,
mais une réalité, un fait, donc où va la double
filière là-dedans ?
M. le Président
-
La double
filière est difficile car effectivement ceux qui achètent aux
agriculteurs cette année ont tous pris leurs précautions et n'ont
pas voulu se mouiller.
Cette année je ne sais pas qui les achètera car tout le monde dit
qu'il ne le fera pas.
M. Marteau
-
Nous sommes en train d'y
réfléchir. Ce qui est le plus important dans la finalité,
la question de fond est : quelle information apporte-t-on au
consommateur ?
Nous avons d'ailleurs vu avec les exemples que vous venez de citer, que deux
informations sont possibles. Il y a une information claire, visible et une
information confondue dans un ensemble de définitions.
Là aussi je crois qu'il faut être très prudent. Je rappelle
et je crois que certains consommateurs exigent une certaine qualité, une
certaine particularité. Pour cette raison nous nous orientons vers une
filière qui coûtera évidemment plus cher, une
filière garantissant le non OGM, la pureté du non OGM.
Cette filière n'existera peut-être plus dans dix ans, mais dans un
premier temps, elle doit pouvoir répondre à cette attente du
consommateur et après, à l'intérieur du reste, vous avez
ce qui est clairement OGM et ce qui l'est peut-être un peu moins :
c'est le problème du seuil.
Je vois que tout le monde n'est pas d'accord, je pensais pourtant que
c'était pourtant une solution à étudier.
Mme Nicoli
-
Nous partons sur des principes que
l'on veut imposer, rendre généraux alors qu'aujourd'hui nous ne
discutons que sur deux produits, c'est-à-dire le soja et le maïs.
C'est d'autant plus difficile pour des consommateurs, et plusieurs l'ont dit
que, aujourd'hui, cela n'a aucun intérêt pour eux.
On aurait commencé à parler d'OGM ou de filière OGM ou
non-OGM à partir de tomates par exemple, non pas la Calgene qui est
très mauvaise, mais on aurait commencé par prendre une bonne
variété de tomates Marmande ou encore mieux, on lui aurait
ajouté un gène pour la récolter mûre et qu'elle soit
formidable pour le consommateur, c'est-à-dire pas celles que nous
mangeons aujourd'hui aqueuses, farineuses, sans goût, etc, le
débat serait totalement différent.
Il n'est pas question et je n'adhère pas au discours consistant à
dire que nous allons faire des petites filières, des niches qui seront
très chères et sans OGM, ce n'est pas vrai. Demain nous pouvons
avoir une filière OGM, comme par exemple la tomate en question, qui sera
plébiscitée par tous les consommateurs qu'il payera peu cher et
il se détournera de la filière non-OGM car la tomate est
très mauvaise.
Aujourd'hui, avoir un discours général pour tous les OGM alors
que demain arriveront des OGM qui auront un intérêt par exemple
nutritionnel ou organoleptique pour le consommateur et vous verrez qu'à
ce moment-là votre raisonnement sera complètement inversé.
Le consommateur sera d'accord pour manger ces produits et se détournera
des produits non-OGM.
Aujourd'hui, c'est normal, il ne voit aucun intérêt, ce ne sont
que des dérivés. En fin de compte, on dit que les produits OGM
doivent être étiquetés.
Or à part Novartis et Monsanto qui, eux, peuvent clairement
étiqueter leurs semences lorsqu'ils les vendent aux agriculteurs,
après lorsqu'on arrive au niveau des coopératives,
Monsieur Marteau, qui quelque part sont quand même
gérées par les agriculteurs et pas simplement par des
technocrates, ce sont elles qui, demain, devront nous dire où est
passé ce maïs transgénique.
Si Monsieur Michel Edouard-Leclerc veut des produits non-OGM, donc
des produits avec de l'amidon non-OGM, il faudra que ces
12 000 tonnes ou je ne sais combien de tonnes soient mises à
part.
C'est en effet irrationnel et déraisonnable d'avoir 2 000 ha
de maïs qui pollueront dans la tête des personnes, tout le maïs
traditionnel alors que cette année nous pouvons encore en avoir puisque
nous en sommes producteurs et que nous pourrions même être
autosuffisants.
Nous sommes dans une année d'expérimentation, il faut prendre ces
2 000 ha comme une expérimentation et les mettre quelque part.
Cela veut-il dire que Danone, Nestlé ou Leclerc doivent se
dévouer pour avoir dans leur linéaire des produits garantis OGM
pour voir comment réagira le consommateur ?
Autrement que se passera-t-il ? Ce sera mélangé dans les
coopératives et je peux vous dire qu'on vous culpabilisera au maximum,
de toute façon on ne pourra pas faire autrement car c'est le seul
argument qui nous restera.
La deuxième solution qu'à mon avis vous utiliserez, c'est que
vous donnerez ceci à manger à vos cochons, à vos boeufs
parce que la traçabilité et le consommateur passant par la
viande, on est dupé. Demander d'avoir du boeuf élevé sans
produits OGM cela devient ridicule aujourd'hui.
Par rapport à la dioxine, Monsieur Michel Edouard-Leclerc a
fait allusion tout à l'heure à une enquête sur la viande,
ce n'est pas nous qui l'avons faite, mais demain nous avons une enquête
qui sortira sur le lait maternel qui est un bon marqueur pour l'être
humain.
Il y a une quantité de dioxine effarante dans le lait maternel. Nous ne
parlons pas du bébé qui, après, arrive à
l'éliminer, donc ça ne le met pas en danger. Cela veut dire
quelque part, que vous, moi, nous avons dans nos graisses que nous portons tous
les jours avec nous, un taux de dioxine, mais aussi de très nombreuses
autres choses.
Monsieur Molle disait tout à l'heure que ça allait bien,
nous vivons plus vieux, c'est formidable, la science, etc., ils sont les
bienfaiteurs de l'humanité. Si on prend nos graisses pour voir ce qu'il
y a dedans, je peux vous dire que c'est peut-être la cause d'un certain
nombre de maladies qui sont de nouvelles maladies de notre
société.
Essayons de faire un juste milieu et de ne pas devenir dithyrambique dans un
sens comme dans l'autre. Mais il est très difficile de tenir une
position raisonnable lorsqu'on est représentant des consommateurs.
M. le Président
-
Vous et nous, vivons
avec en plus une colonie de 100 000 milliards de bactéries. Si
vous saviez avec qui on vit...
M. Molle
-
Il faut poser la question plus
clairement sur la double filière et sur qui paye.
Finalement que disent les consommateurs assez largement en Europe ?
Nous n'avons pas demandé les OGM, nous n'en voulons pas parce que nous
pensons que ce n'est pas sûr. Nous voudrions bien acheter du non-OGM et
c'est quand même fort de café, c'est nous qui n'avons pas
demandé l'OGM et qui voulons consommer des produits non-OGM, qui allons
payer plus cher le produit.
La demande est celle-là, ils ne veulent donc pas payer pour l'OGM.
Quelle est l'idée derrière ? Vous avez l'idée qu'on
pourrait faire imposer par les pouvoirs publics qui, en principe, ne font ce
genre de choses que pour des raisons de sécurité alimentaire, la
double filière, voire taxer les OGM pour soutenir la filière
non-OGM à la limite si on pousse le raisonnement.
En fait le marché ne fonctionne pas comme cela. Si les pouvoirs publics
le décident, cela fonctionnera ainsi sur le marché
français et ce sera assez amusant au point de vue du marché
international.
En fait le marché, lui, en face de la demande des consommateurs, ne
fonctionne pas ainsi, il s'adapte, il a une certaine souplesse. La meilleure
preuve sont les 1 000 ha cette année de Novartis en maïs.
Si nous avions été l'Arkansas, avec le démarrage du
maïs à surface égale, nous aurions fait cette année
30 000 ha. Pourquoi ? Les agriculteurs ont des antennes partout
et savent bien que les industriels ne se bousculeront pas au portillon...
M. le Président
-
Nous avons des
lettres qui seront dans le rapport.
M. Molle
-
Bien sûr ! Je peux tout
à fait expliquer pourquoi les industriels ont écrit ces lettres
et pourquoi ils sont prudents.
Le meilleur exemple pour montrer que le marché s'adapte est qu'il n'y a
que 1 000 ha.
Il existe aussi une demande d'OGM, il faut qu'elle soit rigoureuse. Il ne faut
pas qu'un produit offert au consommateur soit non-OGM sur un ingrédient
et OGM par ailleurs.
Les personnes opposées aux OGM le sont pour des raisons philosophiques,
religieuses ou autres et il faut que ce soit la globalité du produit.
A quoi cela ressemblerait que pour le yaourt par exemple chez Danone, on
dise : "Mon fruit n'est pas OGM, mais la vache a mangé du tourteau
de soja ou du
corn gluten feed
OGM." ?
Je pense qu'il faut être rigoureux, c'est d'ailleurs la demande du
Conseil national de l'Alimentation. Si un produit clame qu'il est non OGM, il
est vraiment non-OGM. C'est comme le halal ou le kasher, vous n'êtes pas
en partie halal ou kasher, vous l'êtes tout à fait.
Il y a une demande non-OGM et avant qu'on ne mette des OGM dans des aliments
pour bébés en Allemagne, en Autriche, dans ces pays, il se
passera du temps.
Que se passera-t-il par rapport à la double filière de production
imposée par les pouvoirs publics ?
Le marché s'adaptera. Oui, il y aura des offres d'ingrédients
agricoles non-OGM. Oui, elle sera plus chère. Oui, certains industriels
estimeront que sur leur marché, leur image, etc., l'attente du
consommateur justifie que leurs produits soient plus chers et d'acheter dans
cette filière non-OGM.
Cela marchera ainsi et pas autrement, tout le reste c'est de la
littérature.
M. le Président
-
Il reste encore cinq
minutes, j'ai deux questions dans la salle, vous les posez, certains y
répondent et après je voudrais encore poser une question à
Madame Zylbermann.
M. Kerckhove
(Agir pour
l'Environnement) -
Nous avons mené une campagne contre les
OGM et pour un moratoire.
Nous entendons dire depuis hier que c'était par idéologie ou par
passion, nous pensons plutôt que c'est par pragmatisme, par
honnêteté vis-à-vis des consommateurs. Là on est en
train d'affirmer une loi, une mesure législative mensongère.
On mettra trois mots sur des produits
"ne contient pas"
alors qu'ils en
contiendront, moins de 3 %, il y a un effet de seuil dont nous sommes en
train de parler, mais c'est mensonger.
La question est : comment mentir le moins possible ? Comment
réduire l'effet de seuil ? La réponse est qu'il faut
développer les filières séparées.
Là où je m'inscris totalement en faux avec Monsieur Marteau
c'est qu'on ne développera pas la filière non-OGM car, pour
l'instant, elle existe. La filière OGM ne représente que
2 000 ha donc c'est à eux de payer les silos, les transports.
A une époque on pensait que les OGM n'apportaient rien aux
consommateurs, là ils apporteront quelque chose qui est un surcoût
s'ils doivent construire leurs silos et développer leur filière
de transport.
J'aimerais savoir qui payera depuis le début.
Mme Roger
(Agence AGRA) -
J'ai une question
pour les industriels qui est peut-être un peu naïve. Je me demande
comment des importateurs qui ont un tel pouvoir sur le marché
international n'ont pas réussi à imposer une séparation
des lots.
Mme Dron
(Cellule prospective, Ministère de
l'Environnement) -
Les OGM potentiels sont très divers,
ils ont des avantages, des inconvénients très divers aussi bien
pour le consommateur que pour l'environnement.
En pratique dans une formulation, la mention
modifié
s'appliquera
ou non à chaque composant. Je me demande pourquoi la gestion du sujet
devrait se borner à une dichotomie OGM, non-OGM.
Avec cette approche, on risque de supprimer des possibilités de choix
sur tous les composants sur lesquels il y aura possibilité de choix et
des balances avantages/inconvénients différentes sous
prétexte, par exemple, que le soja n'est pas triable.
M. Edouard-Leclerc
-
Ce n'est pas qu'ils ne le
peuvent pas. Je le répète, il faut sortir de l'hypocrisie, si
cette séparation n'existe pas, c'est que les trois-quarts des acteurs
sur le marché ne le veulent pas.
L'industriel a vu son intérêt en termes de productivité, le
pays, l'état-nation dans les PVD, etc., est soumis à des
contraintes météo, insectes, les OGM les intéressent. De
nombreuses personnes sont intéressées, les laboratoires, etc.
Rien n'est mis en place pour cette distinction car il y a une sorte de
consensus, un non-dit public pour diffuser les OGM. Le problème
aujourd'hui, à mon sens, n'est pas la séparation.
Les OGM apportent-ils quelque chose au consommateur, oui, non ? Je ne suis
pas compétent, mais qu'on en parle, qu'ils défendent leurs
arguments.
D'autre part est-ce dangereux ou non pour la santé publique ?
Après si c'est bon et que ce n'est pas dangereux, on rentrera dans la
banalisation de l'OGM. En revanche si nous avons toutes ces interrogations,
c'est bien que la réponse n'est pas claire.
Mme Verdier
(La Croix) -
Je me demande
comment on peut se poser la question de deux filières ce qui supposerait
au départ que les champs soient hermétiques et confinés
tous à des kilomètres de distance pour qu'il n'y ait aucune
fertilisation croisée.
La question me semble complètement absurde lorsqu'on parle de millions
d'hectares déjà cultivés, il y a forcément des
fertilisations entre les champs et c'est déjà le cas.
M. le Président
-
Je l'ai
déjà dit tout à l'heure, cela existe quand même pour
les semences avec des arrêtés préfectoraux, il y a des
distances qui sont nécessaires ; cela existe pour les produits bio.
Ce sera compliqué et c'est très compliqué, vous avez
raison de poser la question, mais cela existe déjà dans deux
secteurs. Cela peut exister.
Maintenant vous avez ces questions et vous allez essayer d'y répondre en
conclusion avec, Madame Zylbermann, la question qui a été
posée par Monsieur Kerckhove.
Existe-t-il déjà aujourd'hui en vente et quels produits sont
déjà des produits OGM ? Même s'ils ne sont pas
marqués qu'est-ce qui existe déjà ?
Mme Zylbermann
-
J'ai dit tout à l'heure
qu'une enquête était en cours.
Comme les remontées sont en cours, je n'ai pas de liste de produits. De
toute façon même si je l'avais, dans la mesure où il y
aurait éventuellement des poursuites, je ne peux pas vous donner des
noms.
Soit les produits sont étiquetés comme ceux de Nestlé,
soit ils ne le sont pas et à ce moment-là, nous devrons donner
des suites judiciaires et nous verrons ce que les tribunaux diront.
Dans ce cas, même si j'avais apporté ici des copies des
procès-verbaux, je ne pourrais pas vous les donner. Vous comprenez bien
que, par mon statut, je suis tenue à une certaine discrétion
professionnelle.
M. le Président
-
Aujourd'hui, oui. En
tout cas, je les demanderai au Ministre.
Mme Zylbermann
-
Vous les demanderez au Ministre,
vous en avez parfaitement le droit, mais devant un public, je ne peux pas
donner ce type d'information.
Une intervenante
-
Il faudra les donner aux
organisations de consommateurs.
Mme Zylbermann
-
Oui, nous avons l'habitude de le
faire, Madame.
M. le Président
-
Vous répondez
aux questions qui ont été posées.
M. Marteau
-
Concernant le seuil et la
tolérance, je rappelle que sur les produits bio, le seuil de
tolérance est de l'ordre de 5 % aujourd'hui alors qu'au
départ il était de l'ordre de 30 %. C'est un seuil de
mélange tolérable qui se réduit ce qui est de bon augure.
Concernant le maïs, ce n'est pas un problème, c'est un
épiphénomène, c'est le cas de le dire et sans jeu de mots.
Le problème se pose pour le soja. Aujourd'hui je vous rappelle que nous
importons 70 % de la consommation et de nos besoins et que le
mélange est systématiquement réalisé au niveau des
importations. Je ne vois pas pourquoi nous traiterions différemment ce
qui est produit sur notre sol et ce qui est importé.
D'autre part, il y a une demande du consommateur et ce n'est pas de
gaieté de coeur que nous nous imposerons une filière
différente. Il y a une demande et si elle est réelle,
justifiée, nous y répondrons.
Je rappelle que l'agriculture est là pour répondre aux demandes
du consommateur. A mon avis, le débat va dans le bon sens, il faut que
l'on s'explique et que le bon de commande soit clair.
M. le Président
-
Monsieur Molle,
la réponse aux industriels.
M. Molle
-
Notre puissance d'achat sur le
marché mondial, d'accord...
On parle de soja et de maïs et, pour les industriels de l'alimentaire, ces
produits sont utilisés en tant qu'additifs en très faible
quantité et font l'objet de transformations industrielles dans des
usines importantes.
Puisque, contrairement à ce que vous pensez, nous sommes de faibles
acheteurs de soja - je parle de l'industrie alimentaire - nous
n'avons aucun poids par rapport à l'association américaine de
production de soja.
En revanche, et c'est l'histoire des 1 000 ha de maïs en France,
si les chaînes de transformation sont plus courtes, nous avons des
possibilités d'obtenir des lots non-OGM, mais nous avons
également ces possibilités sur les chaînes longues.
C'est comme si on disait que le bio n'est pas possible. Le maïs Waxy aux
Etats-Unis est récolté de façon très
précautionneuse, de façon séparée car il a une
composition particulièrement intéressante pour un marché
très particulier, très rémunérateur. Il est
possible de le ramasser de façon séparée, d'avoir des
filières séparées.
Le problème est que cela a un coût. Est-ce que le marché,
est-ce que demain le produit X vendu Y % plus cher sera acheté
sous prétexte qu'il pourra dire qu'il est non-OGM ?
C'est à chaque industriel de prendre sa décision.
le Président
-
Nous sommes malheureusement
obligés de conclure.
Pour la presse qui est là, cette discussion était très
intéressante car nous voyons qu'à partir de la
réglementation adoptée, beaucoup de nouvelles questions sont en
train de se poser. Elles n'ont pas toutes été abordées au
fond ce matin, elles ont été effleurées.
Je signale qu'à l'Assemblée Nationale, nous avons un forum sur
Internet. Si vous pouviez l'annoncer, ce serait la meilleure manière
d'avoir un débat public. Je vous le redonne, vous tapez
www.assemblee-nat.fr
et vous avez ce forum.
Si on peut l'annoncer sur ces questions, je crois que pour les consommateurs
c'est très important, annoncer ce forum est un autre moyen de
débat.
Par ailleurs il y aura la Conférence de Citoyens dont j'ai parlé
hier et il y a les auditions ici qui sont publiques, ouvertes, contradictoires.
Il y aura également ce forum qui nous permettra d'avoir vos avis car ces
sujets sont très compliqués, notamment l'avantage pour le
consommateur qui est un vrai sujet. Le problème des seuils en est un
aussi de même que les responsabilités, la
traçabilité, la séparation des filières.
Sur toutes ces questions, je serai obligé de donner mon avis dans mon
rapport et je souhaiterais avoir l'avis d'un maximum de personnes.
Table ronde V : Avantages et risques des organismes génétiquement modifiés TABLE RONDE V : AVANTAGES ET RISQUES DES ORGANISMES GENETIQUEMENT MODIFIES EN MATIERE D'ENVIRONNEMENTen matière d'environnement
M. le Président
-
Comme
nous avons un peu débordé, nous terminerons avec un peu de retard.
Nous abordons donc la cinquième table ronde. Son thème est
naturellement de première importance, compte tenu de la montée
des légitimes préoccupations en matière d'environnement
dans notre société. Nous aurons d'ailleurs l'occasion ce soir
d'entendre Madame Dominique Voynet, Ministre de l'Environnement et de
l'Aménagement du Territoire.
Ce thème est d'autant plus important que l'agriculture n'est pas
restée à l'écart des questions que la
société se pose à cet égard.
Le débat sur les effets éventuels des organismes
génétiquement modifiés à l'égard de
l'environnement est certainement un des thèmes centraux des
interrogations que nous nous posons tous. Des études ont
déjà été faites, vos débats y feront sans
doute allusion.
Vous allez débattre du problème des flux de gènes,
thème qui n'est évidemment pas propre aux organismes
génétiquement modifiés. De tout temps en effet, les
plantes cultivées se sont croisées avec les mauvaises herbes
voisines. Antoine Danchin disait hier que la biologie était la
science et l'art de l'imprévu.
Bien entendu le problème se pose aussi avec les relations des plantes
génétiquement transformées avec la faune et
spécialement avec les prédateurs.
Là encore ce n'est pas une difficulté spécifique des
organismes génétiquement modifiés dans la mesure
où, et les agriculteurs le savent bien, les prédateurs finissent
tôt ou tard par s'adapter aux produits destinés à les
combattre. Nous aurons donc à traiter des problèmes de
résistance.
Avec les risques concernant la santé, cette menace est certainement une
de celles qui a le plus grand retentissement parmi le public et, dans le
débat, c'est sans doute le problème de l'environnement qui est le
plus posé.
Il convient donc de traiter ce problème avec le plus grand
sérieux car il faudra naturellement éviter autant que faire ce
peut, que les qualités de ces plantes, qualités au sens du
transfert d'un gène, ne se transfèrent à leur
environnement, ce qui poserait par la suite des problèmes redoutables
aux agriculteurs.
Nous aborderons le problème de toutes les plantes, les problèmes
ne sont pas identiques suivant les plantes et vous nous l'expliquerez. Vous
nous expliquerez que si des croisements sont possibles avec des adventices
sauvages, nous ne sommes pas dans la même situation que s'il n'y a pas de
croisements interspécifiques.
Certains cherchent même des gènes de stérilité ce
qui aurait un avantage en matière d'environnement, mais des
désavantages en matière de ce que nous disions hier,
c'est-à-dire des désavantages économiques de liaison entre
celui qui fabrique la semence et celui qui la cultive.
Les problèmes d'environnement se posent également dans la
dimension transfert vers les pays du sud où nous pourrions là
aussi avoir des problèmes plus importants que ceux que nous avons dans
nos propres pays, où les mêmes systèmes de vigilances
n'existent pas forcément et ne sont pas forcément non plus mis en
place.
Nous abordons donc là un problème très important et pour
en débattre, j'ai à partir de ma gauche, c'est-à-dire de
votre droite :
- Monsieur Mark Tepfer du laboratoire de biologie cellulaire de
l'INRA de Versailles,
- Monsieur Bernard Convent, directeur général de
PGS, du Groupe Agrevo,
- Monsieur Arnaud Apoteker, chargé de mission à
Greenpeace France,
- Monsieur Pierre-Henri Gouyon, professeur de biologie à
l'université de Paris XI,
- Monsieur Philippe Tillous-Borde, directeur
général de la Fédération des
oléoprotéagineux,
- Monsieur Michel Vincent de la Confédération
générale des planteurs de betteraves.
Vous avez à la fois des producteurs, des associations de protection de
l'environnement, des chercheurs et des industriels autour de cette table pour
débattre comme dans les autres cas de manière animée, mais
en respectant en même temps les règles du jeu qui sont
fixées.
Qui souhaite commencer ?
Monsieur Bernard Convent, directeur général de PGS.
M. Convent
-
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur
le Président, de vous remercier de m'avoir invité à
participer à cette table ronde et de me permettre ainsi d'appuyer votre
démarche pour améliorer la transparence et l'information au sujet
des OGM. Ce sont d'ailleurs également les objectifs de notre Groupe
Agrevo-PGS.
En préambule, je voudrais partager avec vous mon adhésion aux
propos tenus hier soir par le Ministre de l'Agriculture lorsqu'il disait que
l'application des biotechnologies à l'agriculture s'inscrivait dans le
prolongement de l'activité de l'amélioration des plantes qui a
débuté avec l'activité agricole elle-même il y a
plusieurs milliers d'années.
Aussi je propose que nous parlions dorénavant d'organismes
génétiquement améliorés car si la modification ne
s'accompagne pas d'un réel bénéfice pour la
société et l'environnement, il n'y a pas lieu de
développer de tels organismes.
Néanmoins je pense également et je suis particulièrement
à l'aise car le caractère contradictoire du débat auquel
vous nous invitez m'autorise à vous le dire, je suis consterné
également par les propos du même Monsieur Le Pensec
lorsqu'il nous disait hier soir, d'une façon relativement
arrêtée, de ne pas considérer les améliorations au
niveau de l'utilisation des herbicides, la problématique du
désherbage et éventuellement les améliorations de
rendement, comme étant un bienfait des apports des biotechnologies.
Or précisément, ces deux points ainsi que la résistance
aux maladies et l'amélioration de la qualité des produits ont
toujours fait l'objet de l'amélioration des plantes, de la
sélection des plantes. Pour exemple je peux citer ce qui s'est
passé avec le blé.
Il n'y a pas si longtemps, une soixantaine d'années, les
sélectionneurs essayaient de trouver du blé poussant d'une
façon très haute pour dominer les mauvaises herbes, seul moyen
pour avoir une récolte.
Parallèlement, avec la venue des herbicides, les sélectionneurs
se sont mis à cultiver du blé très court, non plus pour
dominer les mauvaises herbes, mais pour améliorer les rendements,
c'est-à-dire l'indice de récolte, la conversion de la biomasse,
pour en retirer davantage de grains que de paille.
D'autre part, le phénomène de l'étude de la
tolérance aux herbicides n'est pas d'hier puisqu'elle a également
été pratiquée pour le blé. Aujourd'hui la plupart
des blés sont tolérants aux herbicides issus de la famille des
urae substituae
, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans.
Les méthodes utilisées, c'est-à-dire des méthodes
traditionnelles, ont déjà abordé les problèmes dont
nous allons discuter maintenant dans le cadre des OGM.
Je puis dire que si nous n'avions pas ou que si nous avions
découragé les sélectionneurs à cette époque
d'améliorer le blé, il aurait fallu en France, aujourd'hui, trois
fois plus de cultures de terres arables pour produire la même
quantité de blé.
Ceci voudrait dire que nous devrions procéder à une
déforestation de la plupart des forêts restant en France ce qui
n'est pas sans conséquences pour l'environnement.
Dissocier la productivité de l'environnement ou des bienfaits pour
l'environnement me semble être un point sur lequel je voudrais prendre la
parole.
Venons-en au sujet de notre table ronde qui s'intéresse davantage aux
avantages et désavantages des OGM. Jusqu'à présent nous
avons plutôt parlé des risques que des avantages et je voudrais en
noter quelques-uns.
Je reprends l'exemple de la maîtrise et de la façon
raisonnée de pouvoir désherber nos cultures.
Mettre à la disposition des agriculteurs des herbicides respectueux de
l'environnement, de post-émergence, qui n'ont peu ou pas d'effets
résiduels, permet à l'agriculteur de gérer sa flore
adventice et de ne traiter qu'en cas de nécessité, lorsqu'un
seuil de nuisibilité est atteint.
Cela permet, pensons-nous, de diminuer jusqu'à 30 % les intrants en
matière d'herbicide pour ces cultures. C'est un autre bienfait qui peut
également être considérable pour l'environnement.
De même en ce qui concerne les cultures tolérantes ou
résistantes à certains insectes ravageurs, nous assistons
à un véritable progrès en matière de lutte
raisonnée puisque, cette fois-ci, l'agriculteur ne touche que les
insectes qui viennent se nourrir de sa culture et uniquement ceux-là.
Ceci permet également de diminuer l'application des insecticides qui,
fatalement, alors qu'ils sont tous autorisés et acceptés parce
que les risques pour l'environnement sont moindres par rapport aux
bénéfices qu'ils peuvent procurer pour la société
et l'environnement, sont néanmoins moins ciblés que ces approches
de transgénoses avec des toxines éventuellement comme celles de
Bt.
En ce qui concerne les facteurs d'amélioration de rendement, je voudrais
citer un exemple concernant l'hybridation. Nous pouvons penser et je crois que
Monsieur le Ministre de la Santé parlait du phénomène
du maïs lui-même par rapport au maïs sauvage.
Si nous n'avions pas aujourd'hui le maïs hybride, il faudrait
également trois ou quatre fois les surfaces disponibles de terre arable
pour produire la même quantité de maïs.
Pour le colza c'est la même chose. Aujourd'hui le colza hybride permet
des productions plus importantes et la possibilité existe de
réduire de 20 % les surfaces arables nécessaires pour
produire la même quantité ou de produire plus de colza avec les
mêmes emblavements.
Lorsqu'on sait que les huiles de colza sont particulièrement
intéressantes et bénéfiques pour la santé
même par rapport aux autres huiles, on a affaire à des
bénéfices qui doivent également être
considérés dans le débat.
Enfin je voudrais dire qu'Agrevo est également conscient des
différents risques qui accompagnent éventuellement ces nouvelles
technologies.
Agrevo est tout à fait déterminer à travailler de concert
avec l'INRA et les instituts scientifiques, en tenant informé le public
et en formant la profession et les agriculteurs à manier ces nouvelles
technologies. C'est pour cela que nous sommes heureux d'être ici parmi
vous.
M. le Président
-
Merci beaucoup. Qui
souhaite intervenir en second ?
M. Vincent
-
Je représente ici
40 000 agriculteurs concernés par la culture de la betterave,
aussi bien sous forme de racine que de semence.
Avant tout, je voudrais rappeler que la France est aujourd'hui le
huitième producteur mondial de sucre, de saccharose, le premier
producteur mondial et le premier exportateur mondial de sucre de betterave.
Il est bon de dire que cela contribue à un solde positif qui
dépasse régulièrement 5 milliards de francs pour
notre balance commerciale.
L'alcool ayant pour origine la betterave représente également les
deux tiers de l'alcool agricole produit en France.
Le niveau de cette performance est dû à une maîtrise de plus
en plus poussée de la technique. On peut dire que depuis vingt ans, et
c'est reconnu, l'augmentation des rendements est de 2 % par an.
On peut dire aussi que la culture betteravière maîtrise
parfaitement les applications de produits phytosanitaires, que cette
efficacité technique a apporté une diminution spectaculaire des
intrants puisque, aujourd'hui, on produit davantage de sucre avec 30 % de
moins d'azote qu'il y a vingt ans.
C'est donc de très longue date que les planteurs français de
betteraves ont pris conscience que la gestion des objectifs devait
également prendre en compte les exigences des citoyens pour le respect
de l'environnement et ses aspirations pour une agriculture durable.
Pour cette raison les planteurs de betteraves sont ouverts aux
variétés génétiquement modifiées du moment
qu'elles leur apportent des retombées positives d'abord en
matière d'amélioration végétale et ensuite en
matière de gestion du désherbage, domaine technique très
important.
Le désherbage se fait d'ailleurs par voie chimique dans tous les pays du
monde où l'on cultive de la betterave.
Les planteurs attendent du désherbage quelque chose :
- de plus efficace avec un spectre élargi,
- de plus simple, moins de matière active et moins de traitement,
- de moins phytotoxique, c'est évident, ce qui, entre autres,
permet d'espérer un meilleur rendement même si ce n'est pas la
finalité,
- indiscutablement de plus respectueux de l'environnement.
Il apparaît clairement aussi que cet aspect du désherbage n'est
que la première pierre d'un chemin qui nous amènera à des
variétés capables de résister à des maladies,
à des stress, à la montée en graine, à la
salinité des sols, etc. Ce sont également d'autres
manières de diminuer les apports de produits phytosanitaires.
Le gouvernement a exprimé sa préoccupation à
l'égard des risques courus du fait du passage d'un transgène vers
des plantes interfertiles. Cela fait non seulement l'objet de l'attention des
planteurs, mais également de l'Institut technique de la Betterave.
On doit dire ici dans le cadre de notre table ronde que l'expérience
accumulée, et notamment les expérimentations déjà
conduites depuis 1995 sur des plates-formes inter-instituts, démontrent
que les conséquences de ce passage sont facilement maîtrisables
par le biais de pratiques culturales bien identifiées.
A l'appui de cette certitude, des propositions techniques ont
déjà été faites pour un suivi de biovigilance
efficace. Ceci permettrait, au cas où des dérives
apparaîtraient, de modifier voire d'en arrêter la culture.
Par ailleurs l'organisation actuelle de la filière, son cadre
réglementaire et, je tiens à le dire, avec la contribution active
et appréciée des pouvoirs publics, son encadrement sur le
terrain, nous permettent d'assurer un développement raisonné et
sûr de la nouvelle technologie liée aux OGM.
Sommes-nous favorables aux variétés génétiquement
modifiées ? Pas à n'importe quel prix. Encore faut-il
préserver non pas l'environnement, mais les environnements.
L'environnement économique est en effet un aspect non directement
biologique, mais aussi vital. En matière d'économie aussi,
à ne pas défendre son territoire, un pays est vite envahi.
Si le consommateur français venait à se détourner du
saccharose issue de betteraves génétiquement modifiées en
faveur du sucre de canne ou de n'importe quel autre édulcorant, la perte
du potentiel français serait irréversible aussi bien en termes
agricoles qu'en termes industriels.
Les planteurs de betteraves ne s'engagent donc à cultiver des
variétés génétiquement modifiées que s'ils
ont l'accord des industriels et lorsque ce risque sera suffisamment
maîtrisé vis-à-vis du consommateur sachant qu'il n'y a
rigoureusement scientifiquement aucune différence entre le saccharose
issu d'une betterave transgénique et celui produit par une betterave
traditionnelle.
Ceci pose d'ailleurs le problème de l'étiquetage auquel nous nous
opposons puisqu'il n'y a pas de différence.
En conclusion, sous réserve que cette technologie soit positive pour la
filière, compte tenu des engagements déjà pris par les
producteurs de racines aussi bien que par les producteurs de semences, en
prenant en compte la mise en place d'un système de biovigilance
efficace, sous réserve de l'acceptation des OGM par le consommateur et
du non étiquetage, nous disons oui aux variétés
génétiquement modifiées.
M. le Président
-
Merci.
Monsieur Gouyon va donner l'avis des chercheurs sur ce point.
M. Gouyon
-
Je ne pense pas pouvoir donner l'avis
des chercheurs, mais celui d'un petit groupe de personnes auquel j'appartiens.
Je pense que l'avis des chercheurs diffère beaucoup comme dans toute
classe de la société.
Etant donné les deux exposés précédents, je
voudrais vous dire qu'en tant que chercheurs nous avons commencé
à travailler sur ces questions il y a une dizaine d'années. Nous
nous sommes rendu compte qu'il y avait clairement des avantages et des
inconvénients.
En tant que laboratoire d'écologie du CNRS, nous allions chercher
à voir quels étaient les risques pour l'environnement de la
culture de ces OGM et essayer de travailler éventuellement avec les
industriels. Nous avons d'ailleurs eu un programme commun européen avec
PGS. Il y a donc une certaine concertation.
Les risques qui ont pu être identifiés vis-à-vis de
l'environnement sont extrêmement multiples, divers et difficiles à
généraliser.
Evidemment il y a des problèmes concernant la santé publique
comme les résistances aux antibiotiques qui, actuellement, font quelque
chose comme 10 000 morts par an en France et certaines personnes
pensent qu'il serait bon de décider qu'on ne joue plus avec les
antibiotiques.
Ce n'est certainement pas le fait qu'un maïs porte un gène de
résistance à un antibiotique qui créera un problème
majeur. Il y a bien plus grave dans le fait qu'on met des antibiotiques dans la
nourriture du bétail en quantités effroyables et j'espère
que cela s'arrêtera progressivement.
On pourrait dire qu'on ne joue plus avec les antibiotiques et, alors qu'il
suffisait d'attendre un tout petit peu plus, il est regrettable que les
sociétés aient créé un maïs avec une
résistance aux antibiotiques car quelques années après,
elles auraient pu faire autrement.
C'est un type de question qui peut se poser, je n'en discuterai pas davantage.
Pour l'environnement agricole lui-même, nous pouvons dire que, pour le
moment, les firmes qui font des plantes transgéniques mettent les
mêmes gènes de résistance dans la plupart des plantes. De
ce fait nous ne voyons pas très bien comment elles sont en train de
réfléchir à la manière dont l'agriculteur
gérera ses assolements dans la suite des opérations. Là
aussi je ne veux pas discuter davantage.
En plus vous avez ces quelques résistances qui existent actuellement sur
le marché par le biais des croisements entre plantes cultivées.
On parle beaucoup des croisements entre plantes cultivées et plantes
sauvages, mais les croisements entre plantes cultivées vont fabriquer
des plantes avec des résistances multiples qui seront de plus en plus
difficiles à gérer dans les champs.
Lorsque vous vous promenez au bord des routes, vous voyez du colza partout car
le colza se ressème tout seul ce qui n'est pas le cas du maïs. Un
colza résistant en même temps à de nombreux herbicides,
peut devenir un problème réel dans les champs.
Ceci dit, au voisinage des champs il y a aussi des mauvaises herbes. Dans un
premier temps nous pensions que les transferts de gènes seraient
extrêmement rares et nous nous sommes rendu compte que cela arrivait pour
le colza et que des mauvaises herbes recevaient des gènes de colza. Si
jamais ce sont des gènes de résistance à un herbicide,
cela risque de rendre ce dernier inopérant.
Pour d'autres plantes comme la betterave, c'est pire que tout. Dans les zones
de production de semences, on a pu montrer que pratiquement les betteraves
mauvaises herbes qu'on trouvait dans les champs de betteraves plutôt dans
le nord de la France, qui venaient des semences produites dans le sud de la
France, ces mauvaises herbes étaient en fait les filles des betteraves
cultivées pour faire de la semence dans le sud.
C'est quelque chose que tout le monde savait plus ou moins, mais maintenant que
cela a vraiment été montré par des méthodes de
marquage moléculaire, on s'est rendu compte qu'il y avait là un
problème. On ne peut pas espérer mettre un gène de
résistance à un herbicide dans une plante cultivée sans le
retrouver très rapidement dans les plantes sauvages.
Il faut savoir qu'une graine de betterave sauvage peut quand même durer
plus d'une dizaine d'années dans le sol. Si jamais des betteraves
sauvages deviennent résistantes à des herbicides majeurs, cela
veut dire que dans les champs où elles seront, il sera difficile de s'en
débarrasser pour la culture de betteraves.
Je passe sur ces problèmes d'herbicides, mais j'y reviendrai un tout
petit peu tout à l'heure.
Le dernier point pour l'environnement porte sur le fait que lorsqu'on fait des
résistances à des insectes, on ne sait pas comment on perturbera
l'entomofaune, c'est-à-dire la faune des insectes existant autour de ces
champs et en particulier les insectes qui, naturellement, étaient des
agents de contrôle des insectes contre lesquels on veut lutter.
Cela posera-t-il des problèmes ? Je pense que cela nécessite
des recherches.
Ces recherches sont lancées maintenant pour le maïs actuellement
accepté à la commercialisation. Il sera très
intéressant de voir ce qui se passera pour estimer les risques que nous
courons. Il est clair que comme malheureusement beaucoup de ces risques sont
à long terme, nous serons obligés sans doute d'attendre assez
longtemps pour voir l'effet de ces cultures.
En ce qui concerne l'environnement agricole, pourquoi tout ceci peut poser des
problèmes graves ?
Cela a déjà été dit, il y a effectivement des
risques économiques divers.
Le risque économique de se faire distancer par les voisins est ennuyeux,
de ce point de vue il est normal de dire qu'il faut défendre les OGM. Si
les autres pays développent des OGM et pas nous, qu'y
perdrons-nous ?
D'un autre côté, il est vrai que le fait de développer les
OGM comme cela se passe actuellement contribue, dans le domaine agricole,
à la centralisation du pouvoir de décision de quelques grosses
firmes.
En conséquence on aimerait être sûr que ces quelques grosses
firmes obéissent à une logique qui soit une logique d'agriculture
durable. Et c'est ce qu'on ne voit pas tellement dans la manière dont
elles nous répondent lorsque nous leur parlons de gestion des
assolements par exemple.
Le dernier point, pour l'environnement en général, est qu'il faut
savoir qu'il n'existe que deux herbicides totaux à l'heure actuelle pour
lesquels on ne connaît pas de résistance naturelle des plantes.
Le jour où nous aurons transféré ces gènes de
résistance dans des plantes cultivées, ces herbicides ne seront
plus des herbicides totaux puisqu'il y aura des résistances et ce sera
vrai peut-être à moyen terme pour les plantes sauvages
apparentées, colza ou betteraves.
Je voudrais juste vous dire un mot sur le fait qu'il existe des
problèmes auxquels nous ne pensons pas trop actuellement. Il s'agit du
fait que les espèces sauvages apparentées vont recevoir des
gènes de ces plantes.
C'est vrai pour les gènes de résistances aux insectes et cela
risque de faire que la plante sauvage sera franchement avantagée
puisqu'elle résistera aussi aux insectes à l'extérieur,
donc qu'elle modifiera ce qui se passe à l'extérieur.
C'est vrai encore plus et ce sera peut-être encore pire pour les plantes
sauvages qui sont très précieuses. Je conclurai là-dessus
et je voudrais vous dire que je trouve ce problème très difficile
à résoudre.
Les maïs viennent d'un ancêtre, le téosinte, plante qui
pousse en Amérique Centrale.
Cette plante constitue une sorte de patrimoine pour l'humanité
puisqu'elle contient la réserve de diversité
génétique de l'espèce du maïs. On s'en sert
actuellement pour essayer de réintroduire de la diversité dans le
maïs. Si jamais on perdait cette espèce, ce serait très
grave.
Evidemment, ce n'est pas en cultivant du maïs en France qu'on risque de
faire du mal à l'espèce téosinte en Amérique
centrale.
Mais si nous produisons un maïs qui a certaines particularités,
comment éviterons-nous qu'il soit cultivé au Mexique ?
Pouvons-nous dire à un pays du sud que nous lui prenons sa plante,
c'est-à-dire le maïs qui vient de chez lui, des ressources
génétiques qui viennent du téosinte, nous
améliorons tout ceci, faisons un peu de transgénèse,
quelque chose qui marche très bien, mais il ne faut surtout pas qu'ils
le cultivent chez eux ?
Là nous tombons sur un problème de politique internationale tout
à fait hors de mes compétences. Si jamais nos activités
nous amenaient à perdre le téosinte, je pense que ce serait
très grave.
J'ai juste essayé de vous montrer la diversité des
problèmes que peut se poser un laboratoire de recherche
écologique sur ces questions et maintenant je préfère
participer à la discussion que de continuer.
M. le Président
-
La parole est à M. Apoteker.
M. Apoteker
-
Merci, Monsieur le Président.
De nombreuses choses que je voulais dire ont déjà
été évoquées.
Je voudrais dire mon opposition à ce qu'a dit mon voisin de PGS. Pour ma
part la transgénèse, le génie génétique sont
des techniques radicalement différentes de tous les
procédés d'amélioration des plantes depuis que
l'agriculture existe.
Il est vrai que le but, l'amélioration des plantes, est quelque chose
d'ancien, mais cette technique est radicalement nouvelle. Le fait de prendre
des gènes de n'importe quelle espèce pour les introduire dans une
plante est extrêmement différent de tous les croisements que nous
avons pu faire jusqu'à maintenant.
C'est différent tout simplement parce que nous nous affranchissons de la
barrière entre espèces qui est le résultat de quatre
milliards d'années d'évolution de la vie sur la planète.
Nous créons ainsi de nouveaux organismes vivant que la nature n'aurait
jamais pu créer qui n'ont pas de passé évolutif, de
prédateurs naturels et dont le comportement dans les
écosystèmes est largement inconnu.
C'est donc une technologie complexe et très nouvelle qui pose des
risques inédits. La seule analogie que nous pouvons voir avec des
phénomènes déjà documentés viendrait,
à mon sens, de l'introduction intentionnelle ou accidentelle
d'espèces exotiques dans des écosystèmes.
Dans bien des cas ces introductions se sont soldées par ces catastrophes
écologiques, par la disparition de nombreuses espèces
endémiques ou tout au moins par des dommages économiques
considérables.
Je donne juste un exemple. Des cténophores qui sont des micro-organismes
marins, ont été introduits dans la Mer Noire en 1982 par les eaux
de ballast d'un navire venant de l'Atlantique. Cette espèce est devenue
aujourd'hui l'espèce dominante en Mer Noire et représente
95 % de la biomasse.
A mon sens également, les expériences faites, les
disséminations d'OGM en plein champ à titre expérimental
ne nous donnent qu'une image inadéquate de ce qui se pourrait se passer
dans l'environnement.
D'une part ces disséminations sont extrêmement
contrôlées puisque nous voulons essayer d'évaluer les
effets qu'elles auront et c'est tout à fait à l'opposé de
ce qui va se passer ou se passera lors des disséminations commerciales.
D'autre part l'effet de taille est tout à fait primordial concernant les
conséquences écologiques des introductions que nous pouvons
réaliser.
Il est évident que si des populations d'insectes, de ravageurs ou de
butineurs peuvent éviter de consommer des plantes qui seraient toxiques
pour elles sur des petites surfaces, elles ne le peuvent pas sur des hectares
ou des centaines d'hectares.
Même ces disséminations expérimentales nous ont
montré quelques problèmes écologiques qui pourraient se
produire - certains ont déjà été
évoqués - et qui pourraient nous inciter à la
prudence avant de nous lancer tête baissée dans l'aventure de la
transgénèse commerciale.
Il n'est pas possible de faire en cinq minutes le tour des risques
écologiques liés aux OGM car ils dépendent de la plante
transformée, du transgène qui y est introduit et de
l'écosystème dans lequel cette plante sera introduite.
Ceci dit, les études réalisées au cas par cas car nous ne
pouvons pas généraliser ces problèmes, ne tiennent pas
compte du fait que les effets écologiques d'une plante
transgénique dépendront aussi des introductions
précédentes. C'est ce qu'on a un peu expliqué avec la
résistance aux herbicides.
Eviter les résistances croisées à des herbicides totaux
nécessite lorsque nous évaluons une plante résistante
à un herbicide total, de savoir ce qui a été fait
auparavant. Cela posera effectivement des problèmes de gestion du
territoire agricole assez complexes.
En général, et vous l'avez mentionné, Monsieur le
Président, nous pensons aux problèmes des flux de gènes. A
priori cela paraît être la caractéristique principale des
plantes transgéniques.
Ces flux de gènes représentent ce que nous pourrions appeler une
pollution génétique qui, à la différence de la
pollution chimique ou radioactive que nous avons déjà
malheureusement connue depuis un certain nombre d'années, est totalement
irréversible.
C'est ce point qui me paraît particulièrement important dans
l'application du principe de précaution : c'est
l'irréversibilité de la pollution génétique.
Les plantes transgéniques, les organismes génétiquement
manipulés sont des organismes vivants qui se reproduisent, se
multiplient et deviennent néfastes. Si le gène est effectivement
transféré à des espèces apparentées, il
n'est plus possible de le rapporter au laboratoire.
A l'heure actuelle les conséquences en chaîne de ce flux de
gènes sur les écosystèmes sont extrêmement mal
évaluées et je crois que c'est pour cette raison qu'il ne faut
pas disséminer aujourd'hui sur de grands espaces.
L'exemple américain avec des millions d'hectares déjà
semés n'est pas un bon exemple pour parler de l'absence de dangers ou de
conséquences écologiques graves car ces conséquences
écologiques se produisent sur des dizaines, voire des vingtaines ou
trentaines d'années alors que l'application commerciale des OGM aux
Etats-Unis ne date que de trois à quatre ans.
Nous pouvons parler également des problèmes en chaîne qui
ne sont pas liés aux flux de gènes, mais simplement à la
pratique agricole qui sera transformée par les plantes résistant
aux herbicides ou celles résistant aux insectes qui représentent
la grande majorité aujourd'hui des plantes transgéniques.
Nous y reviendrons peut-être dans le débat, mais il est vrai que
si une plante Bt résistant aux insectes transmet son gène
à des espèces apparentées, non seulement ces
espèces pourront devenir invasives comme cela a été
mentionné, mais cela accélérera très fortement la
résistance des insectes.
Je crois que je vais m'arrêter là, mais je pourrais continuer...
M. le Président
-
Il y a huit minutes
de moyenne pour les quatre premiers.
M. Apoteker
-
Je vais m'arrêter là,
merci.
M. Tepfer
-
Je vous parlerai de plantes
transgéniques résistantes aux maladies virales et des risques
éventuels qui peuvent leur être associés.
Nous travaillons sur ce sujet au laboratoire. Depuis environ douze ans nous
étudions différentes stratégies de création de
gènes de résistance aux virus et depuis un peu moins longtemps
nous étudions des risques potentiels.
L'intitulé de cette table ronde comportant aussi un volet avantages, je
vais également en parler.
Lorsque nous parlons de résistance aux virus, nous parlons de plusieurs
sortes d'avantages dont certains que nous négligeons un peu.
Il est clair qu'il existe des cas où un des avantages très
importants est ce que nous a dit hier le Ministre, c'est-à-dire une
augmentation du rendement de certaines cultures.
Même si en Europe nous sommes dans une situation de large suffisance de
production agronomique, ce n'est pas forcément le cas au niveau mondial.
Il ne faut pas oublier qu'il existe des maladies virales chez le manioc et
d'autres espèces très importantes dans les pays en voie de
développement avec des augmentations de population à
prévoir dans les décennies à venir.
Cela fait que nous ne pouvons pas négliger l'outil transgénique
pour apporter, si nécessaire, des augmentations de rendement au niveau
mondial.
Par ailleurs en ce qui concerne les intérêts commerciaux des
semenciers français, si la France veut continuer à jouer un
rôle dans les semences au niveau international, nous ne pouvons pas
négliger les outils et les questions de rendement.
Il y a aussi des phénomènes de qualité. Des maladies
virales peuvent affecter la qualité des produits, ce qui est un
problème tout à fait réel en Europe.
Un autre point souvent soulevé est que nous utilisons des pesticides
pour éliminer les vecteurs de virose chez les plantes. Si nous pouvions
créer des plantes résistantes, cela permettrait de diminuer
l'utilisation de certains pesticides particulièrement nocifs.
Je reviendrai à la fin de mon exposé sur cette question
précise.
Lorsque nous parlons de plantes transgéniques résistant aux
maladies virales, nous parlons essentiellement de plantes qui expriment un
segment de génome viral. Le plus souvent ce sont des gènes qui
codent pour la protéine de la coque virale, la protéine de
capside et c'est quelque chose de très important.
Il faut dire aussi que les gènes de résistance capside sont
très efficaces. Nous avons pu créer dans différents
laboratoires partout dans le monde de très nombreux gènes de
résistance aux maladies virales qui marchent très bien. L'avenir
potentiel de ces résistances est très important.
Quels sont les risques que nous évoquons lorsque nous parlons des
gènes viraux dans les plantes, les gènes de résistance aux
maladies virales ?
Celui qui semble poser le plus de problème est le potentiel de
recombinaison et je vais développer un peu ce point précis.
La question est toute simple. Puisque la plante transgénique
résistante exprime un segment de génome viral, lorsqu'elle est
infectée par un virus, peut-il y avoir, à partir du
transgène, échange d'informations génétiques des
gènes qui seraient introduits, dont le virus infectant ?
Nous intégrerions des informations génétiques dans un
génome viral ce qui permettrait éventuellement la création
de nouveaux virus.
Cette question est tout à fait intéressante et, en tant que tel,
le phénomène a pu être démontré en
laboratoire.
Sans entrer dans les détails, pour les chercheurs actuellement, la
question réellement importante aujourd'hui n'est pas tant de savoir si
la combinaison peut avoir lieu dans les plantes transgéniques, mais quel
pourrait être son impact.
En fait la recombinaison entre génomes viraux est un
phénomène naturel, les plantes sont très souvent
infectées par plusieurs virus en même temps. Toutes les
études des évolutions des génomes viraux qui se font
actuellement, montrent que la recombinaison est un phénomène
extrêmement fréquent.
Les virus dont nous connaissons la séquence génomique sont
quasiment toujours plus ou moins recombinés, dérivés
d'autres génomes viraux plus ou moins apparentés.
La question est donc de savoir si les recombinaisons qui peuvent avoir lieu
dans une plante transgénique se font à une fréquence
différente de ce qui existe déjà dans la nature ou si
elles peuvent être de nature différente. C'est là que la
question doit réellement se situer.
Pour terminer je voudrais juste donner un exemple qui peut nous concerner tous.
Lorsque nous parlons de risques, dès que nous admettons qu'il peut y
avoir un risque, la tendance chez certains est de pousser des hauts cris et de
dire que s'il y a des risques ils n'en veulent pas.
Il faut citer quelques exemples concernant la France et pour lesquels les
Français ne réagiraient pas forcément de cette
manière. Un des exemples les plus parlants est celui d'une maladie
très grave de la vigne causée par un virus.
Ce virus est actuellement contrôlé essentiellement par
l'utilisation d'un hématicide qui tue le vecteur, c'est-à-dire un
petit ver dans le sol des vignes. Cet hématicide est très toxique
et il est prévu de ne plus s'en servir dans quelques années, je
crois que c'est déjà décidé au niveau
européen.
D'une certaine façon pour les vignes françaises, nous avons le
choix entre trois possibilités :
- nous continuons à utiliser l'hématicide qui est toxique et
risque de contaminer les nappes phréatiques,
- nous utilisons des vignes transgéniques qui résistent au
virus en question, c'est en cours de développement dans quelques
laboratoires,
- nous acceptons d'arrêter l'utilisation du pesticide et nous ne
voulons pas de vignes transgéniques.
En fait il faut assumer les conséquences de notre choix, quelles
sont-elles ?
D'une part une perte de quantité de production de raisins très
importante, mais également une perte de qualité qui est plus ou
moins catastrophique. Les vins produits à partir de vigne atteinte par
ce virus ne sont pas bons.
Je crois que même pour le Français moyen, le choix entre ces
différentes possibilités est très compliqué et je
vous laisse voter à l'heure du déjeuner pour l'une de ces trois
possibilités.
M. le Président
-
Très bien,
nous verrons cette question avec le vin tout à l'heure.
Monsieur Tillous-Borde, de la Fédération des
oléoprotéagineux, est le dernier intervenant.
M. Tillous-Borde
-
Merci, Monsieur le
Président, de m'avoir invité à cette table ronde.
Bien entendu, en tant que représentant des producteurs
d'oléagineux et de protéagineux, c'est la conscience du
producteur qui est interrogée, mais bien entendu aussi par rapport au
citoyen qui l'entoure.
Par rapport à ce qui a été dit, le producteur de
protéagineux est quand même dans une situation un peu
particulière en Europe puisque c'est le seul grand secteur
déficitaire : nous importons pratiquement 80 % de nos besoins
en protéines végétales.
Sur les 50 millions de tonnes d'importation de produits agricoles, une
bonne trentaine de millions proviennent des sojas ou autres produits venant des
Amériques du Nord ou du Sud.
Compte tenu de ce contexte économique c'est un problème
particulièrement important qui nous est posé aujourd'hui.
Par rapport au débat posé, le producteur n'a jamais
été fermé à l'innovation, mais a toujours eu une
attitude mesurée par rapport à elle.
Aujourd'hui il réfléchit à ce qu'on lui propose à
la fois par rapport au problème économique, au problème de
la qualité des produits qu'il serait capable de produire et bien entendu
par rapport au problème de la pollution. Il est souvent la cible et il
doit voir ce que cela peut apporter par rapport au problème de pollution.
J'ai trois remarques à faire.
Nous avons évoqué le problème de la dissémination
et, effectivement pour certaines espèces, je crois qu'il ne faut pas
nier les flux de gènes. Cela existe, c'est un phénomène
naturel, heureusement, c'est ce qui fait un peu la richesse de notre patrimoine
génétique. Mais ce n'est pas quelque chose de spécifique
aux OGM. Qu'il y ait gènes ou transgènes, le problème est
le même.
Sur ce plan, je pense qu'il ne faut pas avoir une attitude
généralisée, mais une attitude au cas par cas. Ce n'est
pas la même chose de parler d'OGM, comme vous l'avez mentionné
tout à l'heure, Monsieur le Président, de deuxième
génération qui sont amenés à améliorer la
qualité des produits, par exemple modifier le spectre d'acides gras de
certains oléagineux qui répondront ainsi mieux aux besoins
alimentaires.
S'il y a effectivement dissémination, ce n'est pas une contrainte en
soi. D'ailleurs nous avons déjà été amenés
dans le passé à traiter ce genre de problèmes, lorsque,
dans les années 80, il a fallu réduire les colzas riches en acide
gras érucique pour diverses raisons et que nous sommes passés
à des colzas dits "double zéro".
Nous avons su faire, nous avons fait et cela n'a posé ni de
problèmes d'éthiques ni de problèmes majeurs par rapport
à l'environnement.
Nous avons parlé du problème de résistance aux herbicides.
Je dirais qu'effectivement, dans les conditions extrêmement
particulières de forçage, l'INRA a montré qu'il pouvait y
avoir un transfert de pollen vers des plantes, des composites mâles
stériles. Ce sont des conditions très particulières, il ne
faut pas le nier.
Nous nous apercevons aussi que, dans les champs, dans des
expérimentations qui existent aujourd'hui, il n'y a pas la pression
génétique, il n'y a pas, pour l'instant, de transfert apparent de
ces points.
De toute façon que cela se produise ou non, le problème - et
cela a été souligné par plusieurs intervenants - est
un problème de gestion agronomique de la sole. Le problème est de
savoir si nous n'agissons pas inutilement lorsque nous utilisions des semences
de ce type.
Normalement cela part d'un bon sentiment, il s'agit d'utiliser moins de
pesticides. Nous reviendrions un peu à la case de départ si ceci
était démontré et nous serions obligés de
réutiliser ce qu'on appelle des pesticides spécifiques au cas
où des repousses ou des adventices auraient reçu cette
résistance.
Il y a un problème de gestion plutôt de patrimoine agricole, donc
de soles. C'est un cas à traiter sans doute à part, pour lequel
il faut sans doute approfondir les connaissances et qui n'est pas non plus
grave en soi.
Le problème des insectes qui est un autre cas a déjà
été envisagé, je ne reviendrai pas dessus.
Une réflexion que nous pouvons aussi avoir, est de savoir ce que nous
pouvons apporter à l'environnement. Cela peut aussi lui apporter de
bonnes choses.
Lorsque nous prenons en compte les nouvelles plantes qui, par exemple,
maîtriseraient mieux l'assimilation de l'azote nitrique du sol et
permettraient ainsi de mettre moins d'engrais ou encore permettraient à
la plante de l'absorber au bon moment, nous voyons bien que c'est un
élément favorable dans la maîtrise de l'environnement. Nous
ne pouvons donc pas nier ce que cela peut apporter.
Il en est de même lorsque je parlais de qualité de produits tout
à l'heure. Nous envisageons, et c'est pour demain, des produits
oléagineux à spectre d'acides aminés également
modifiés. Ces produits permettraient d'avoir une nutrition plus
adaptée aux besoins des animaux, c'est-à-dire produisant moins
d'excréments.
C'est peut-être aussi une manière intelligente de traiter les
problèmes de l'environnement. Il ne faut pas nier ceux-ci mais les
considérer.
Vous voyez plusieurs aspects entre la dissémination et l'apport à
l'environnement. Je pense que c'est un problème assez important.
Une troisième réflexion que je ferai pour conclure est que c'est
un problème mondial.
Ces problèmes ne se posent pas uniquement au niveau de l'Hexagone. S'il
y a des disséminations en France, elles existent en Pologne, au Canada,
dans des zones équivalentes de production.
Nous avons dit aussi : commerce international, le produit bouge, c'est une
responsabilité de l'ensemble des scientifiques. Je pense qu'à ce
sujet nous devons vaincre nos peurs, faire confiance aux scientifiques.
Il y a encore énormément de travail à faire, mais
attention, nous étions le pays vraisemblablement le plus riche en
patrimoine génétique dans le monde. Il ne faudrait pas qu'en
laissant faire les autres, nous perdions notre valeur et que notre agriculture
en pâtisse.
M. le Président
-
Nous voyons qu'en
matière d'environnement vous avez des opinions tranchées. Ce
n'est pas du tout comme dans le débat sur les consommateurs tout
à l'heure qui était pourtant animé.
Certains d'entre vous disent que finalement les OGM apporteront des risques
très forts en matière d'environnement. Il faut que le principe de
précaution s'applique, il faut le moratoire, il faut étudier
parce que nous n'avons pas suffisamment de recul même avec des
expérimentations en champs ouverts.
D'autres disent que tout ceci est réglé, il s'agit de techniques
culturales, ce ne sont pas des problèmes d'environnement. Nous avions
les problèmes d'environnement, nous les avons dans les conditions
classiques de culture, nous avons donc déjà ces problèmes
et nous les avons déjà gérés ce qui n'est pas
toujours vrai ou ce qui n'a pas toujours été fait de la
même manière.
Je caricature pour bien montrer et pour que vous puissiez répondre
à certaines questions.
Première question : effectivement Monsieur Tepfer donne un bon
exemple qui est celui des herbicides et des pesticides qui existent
actuellement.
Nous pouvons le regretter, nous avons modifié les législations
européennes avec les taux d'atrazine et de cimazine, cela contamine les
nappes phréatiques, l'eau, plusieurs problèmes se posent.
D'ailleurs au niveau des peurs psychologiques, je vous donne le sondage
réalisé sur le consommateur européen car je n'ai pas celui
sur le consommateur français. Ce qui vient en deuxième position
dans les peurs, ce sont les résidus de pesticides, 79 % des
consommateurs en ont peur pour en moyenne contre 44 % pour le génie
génétique aujourd'hui.
Cela peut évoluer car de nombreuses personnes ne savent pas ce que
c'est. Je vous l'ai déjà dit hier et je vous ai donné des
exemples.
Est-ce aujourd'hui une alternative plutôt meilleure ? Vous avez
parlé de la vigne, avec des gestions qui seront difficiles. Cela peut-il
venir en remplacement des pesticides ou des herbicides ?
Il y a des problèmes, Monsieur Gouyon et Monsieur Tepfer
l'indiquaient, les industriels un peu moins, mais il y a des problèmes
bien ciblés, bien identifiés.
Finalement devons-nous nous poser cette question ainsi ?
Au contraire, devons-nous nous dire que nous avons les pesticides et les
herbicides, et que nous les avons acceptés parce que nous avons admis en
fin de compte que l'agriculture devait être compétitive. Nous
admettons cela, mais n'admettrons-nous rien de plus, rien de nouveau ?
Je voudrais que vous répondiez d'abord à cette question.
M. Gouyon
-
Je voudrais vous dire qu'en ce qui
concerne tous ces produits qui sont plus ou moins indésirables dans
l'environnement, tous ces pesticides, je pense qu'il s'agit de molécules
dont nous avons besoin, dont nous nous servons. Certaines sont toxiques et nous
aimerions les remplacer par des moins toxiques.
Il faut savoir que lorsqu'une mauvaise herbe commence à se montrer
résistante à un herbicide, les agriculteurs ne l'abandonnent pas,
ils commencent par augmenter les doses et si cela ne marche pas, ils le
mélangent avec d'autres.
En fin de compte le fait que des plantes, des mauvaises herbes ou des cultures
indésirables dans le champ en question deviennent résistantes
à un herbicide, amène effectivement une augmentation
générale de la pollution par ces pesticides.
Cela dit, je ne suis pas du tout pour l'interdiction des OGM, mais je trouve
que nous devrions réellement raisonner sur la façon dont nous
devons les utiliser.
A l'heure actuelle, je comprends très bien que pour des raisons
économiques les industriels soient pressés de sortir des produits
et de prendre pied sur le marché. Je pense que c'est une
difficulté et que si nous les empêchions totalement de le faire,
cela pourrait nous coûter cher.
D'un autre côté cependant, nous avons un peu l'impression
qu'à l'heure actuelle, les produits proposés au niveau OGM, sont
presque des prototypes. On essaye de nous faire prendre les vieux
Bréguet pour des avions de ligne modernes et là, il y a quand
même une précaution supplémentaire à prendre.
Ce n'est donc pas un principe de précaution absolue, mais il s'agit
juste de demander d'attendre que nous sortions des produits un peu plus
élaborés. Nous sommes tous capables de dire ce que nous aimerions
qu'un maïs ou un colza fasse par rapport à ce qu'ils font
actuellement et nous savons que c'est faisable.
A quel moment est-ce que cela sera acceptable ? C'est là que la
question se pose.
M. le Président
-
Une question
complémentaire, Monsieur Gouyon. Il y a plusieurs produits
actuellement dans les "tuyaux" à Bruxelles.
Vous seriez dans les commissions d'accréditation, accepteriez-vous tous
ces produits ? Ce sont surtout des maïs, mais il y a un colza.
Diriez-vous au contraire qu'il est nécessaire de faire des études
complémentaires ?
M. Gouyon
-
Je vous avoue très
sincèrement que dans l'état actuel des choses, je ne suis pas
très favorable au fait que nous mettions des résistances aux deux
herbicides précieux (Basta et Roundup) dans le colza. Là, je peux
vous répondre assez facilement.
Concernant les nouveaux maïs qui sortent, ceux-ci n'ont plus la
résistance aux antibiotiques, c'est déjà un
progrès. En revanche nous pouvons regretter qu'ils produisent de
façon constitutive la toxine du
bacillus thuringiensis
qui tue
les insectes et ceci constamment.
Les producteurs, les grandes entreprises industrielles sont en train de
chercher à faire des productions inductibles. Pour moi l'OGM propre sera
celui qui n'exprimera la toxine que lorsque nous le lui demanderons.
Faut-il attendre que cela existe pour accepter ce genre de maïs ou
pas ? Je ne pense pas avoir les compétences pour vous dire s'il
faut accepter ou non ce maïs, je ne connais pas les éléments
économiques réels en jeu.
Je peux dire que si cela ne coûte pas trop cher au plan
économique, je préférerais que nous attendions des
produits un peu plus élaborés.
M. le Président
-
Un industriel
veut-il donner un avis sur les mêmes questions ?
M. Convent
-
Il est indéniable que des
progrès se feront. Nous l'avons également dit hier lorsque nous
avons présenté la discussion sur l'étude du génome
et de toutes les connaissances qui pourront être
développées à ce moment-là.
En revanche, ne pas considérer aujourd'hui les produits qui sont
disponibles sur la liste autorisée à Bruxelles et dans d'autres
pays pour faire davantage progresser les connaissances de cette nouvelle
approche qui pourra donner beaucoup d'avantages ultérieurement, serait
retarder considérablement cette nouvelle progression.
En effet l'utilisation de ces plantes tolérantes aux herbicides permet
d'étudier très pratiquement les conséquences de la gestion
et les conséquences sur les croisements qui pourraient
éventuellement exister entre cultures.
Ce serait vraiment retarder, je crois, le progrès.
Maintenant en ce qui concerne l'introduction de ces plantes tolérantes,
nous sommes tout à fait d'accord de la faire d'une façon
encadrée, de les mettre en place avec les systèmes de
biovigilance nécessaires et ensuite d'apprendre et de continuer à
chercher les meilleures solutions.
M. le Président
-
En complément
de ceci, finalement il y a quand même dix ans que c'est en champ et
trente commissions ont donné des avis positifs.
Il y a dix ans que vous faites de la recherche sur ce sujet. Il est vrai que le
chercheur a toujours tendance - et je l'étais - à
demander l'étude de ces sujets de recherche car ce sont des
crédits qui arrivent. Je connais ceci et c'est fort légitime.
Cela dit, cela fait dix ans qu'il y a de la recherche. J'ai entendu
Monsieur Apoteker dire qu'il y a d'énormes dangers pour les
écosystèmes. Finalement, n'avons-nous aucune expérience au
bout de ces dix ans ce qui voudrait dire que nous n'en avons pas eu du
tout ?
Avons-nous déjà une expérience sur ces dix ans ?
Pouvons-nous dire que des problèmes d'écosystèmes se sont
déjà posés ?
Pouvez-vous dire aujourd'hui que des vrais problèmes se sont
posés ? Dans l'affirmative lesquels ?
Monsieur Gouyon d'abord, puis Monsieur Apoteker et
éventuellement une autre personne.
M. Gouyon
-
Je voudrais vous rassurer tout de
suite pour ce qui concerne la recherche.
Malheureusement ces questions n'étant pas du tout reconnues comme
majeures par les organismes de recherche, nous ne recevons à peu
près rien lorsque nous travaillons sur ces sujets.
M. le Président
-
Nous le dirons au
ministre, M. Allègre, ce soir.
M. Gouyon
-
Il est assez difficile de caser des
étudiants qui ont été formés sur ce genre de sujet.
Je voudrais que vous le sachiez, à l'heure actuelle nous sommes
obligés de les faire se reconvertir dans d'autres domaines pour qu'ils
trouvent du travail.
C'est plutôt de l'altruisme de travailler sur de tels sujets dans les
laboratoires de recherche.
M. le Président
-
Hier les ministres
ont tous dit qu'ils allaient le faire.
M. Gouyon
-
Cela fait des années qu'ils le
disent. A part cela, depuis dix ans que nous travaillons sur ces questions,
qu'avons-nous pu faire ?
Nous avons pu essayer de regarder des choses qui ressemblaient à des OGM
sans en être, par exemple des résistances à des herbicides
qui n'étaient pas OGM et voir comment elles se répandaient.
C'est très curieux, mais actuellement il est vrai que nous ne sommes pas
capables de prédire la manière dont se répandra une
résistance.
Sur une petite plante, le son, est apparue la résistance à
l'atrazine en Champagne. Cette résistance est descendue toute la
vallée du Rhône et a envahi les vignobles du sud de la France.
C'est le même gène qui s'est transmis ainsi. Or il n'est jamais
monté de chaque côté de la vallée du Rhône et
surtout il n'est jamais parti ni vers le nord, ni vers l'est, ni vers l'ouest
à partir de son point de départ en Champagne.
A l'heure actuelle, nous sommes incapables de comprendre pourquoi cela s'est
fait ainsi. Nous sommes en train de travailler là-dessus.
M. le Président
-
Ceci veut dire que
pour l'atrazine, pesticide que nous n'avons pas hésité à
utiliser, nous avons vu une résistance non-OGM et là nous le
traitons en technique culturale.
M. Gouyon
-
Tout à fait. Cela veut dire que
nous avons augmenté les doses, fait des cocktails. L'atrazine
n'était pas un herbicide total dès le départ car certaines
plantes y résistent naturellement, c'est la différence avec les
deux herbicides Basta et Roundup.
M. le Président
-
Pour que ce soit
clair pour tous, y compris pour le Parlement lorsque nous aurons cette question
à poser, cela veut dire que les OGM ne posent pas de problème
nouveau par rapport à l'utilisation des pesticides ou des herbicides.
M. Gouyon
-
Si parce qu'ils s'attaquent à
deux herbicides pour lesquels il n'y avait pas de résistance avant.
M. le Président
-
Excepté les
totaux.
M. Gouyon
-
Oui, mais pour le moment il n'y a que
ceux-là.
M. le Président
-
Je pose la question
sur tous les herbicides.
M. Gouyon
-
Excepté les totaux. Si nous
reprenions un gène qui existe déjà et que nous le mettions
dans une plante, cela ne poserait pas le même problème.
Evidemment nous n'avons pas pu voir de problèmes avec les OGM dans la
mesure où, jusqu'à maintenant, ils n'étaient pas
disséminés, mais nous avons vu des problèmes qui y
ressemblaient et qui se sont effectivement posés.
Nous pouvons dire que comme les choses se produisent naturellement, ce n'est
pas très grave si nous les induisons par notre activité. D'un
autre côté cependant comme de nombreuses catastrophes s'induisent
naturellement, nous n'avons pas envie d'en augmenter la proportion par notre
activité.
Même si des phénomènes de diffusion de résistance
à des herbicides se produisent naturellement, ce n'est pas une raison
pour faire exprès qu'il y en ait encore plus. Au contraire, par notre
activité, nous devrions essayer de faire en sorte que cela arrive le
moins souvent possible.
M. Apoteker
-
Je voudrais rebondir sur ce que vous
avez dit.
Vous avez mentionné ces dix ans de recherche. Encore une fois, dix ans
pour ce qui est des effets sur les écosystèmes, c'est
extrêmement peu. Si nous voyions en dix ans des effets extrêmement
grave sur un écosystème, il faudrait immédiatement tout
arrêter.
En ce qui concerne les introductions d'espèces exotiques, nous avons
commencé à voir les effets au bout de quinze, vingt ans.
Cela ne paraît donc pas significatif et je dirai qu'à l'inverse,
nous n'avons pas vu de gros problèmes écologiques, mais qu'au fur
et à mesure de la recherche, nous voyons une somme de petits
problèmes inquiétants qui n'étaient pas forcément
soupçonnés au départ.
Nous avons parlé par exemple des disséminations de gènes
chez le colza, nous avons vu les différents articles qui parlaient de la
distance de dissémination.
Initialement nous pensions que cette distance était extrêmement
faible, voire inexistante, puis nous avons parlé de 80 m autour des
parcelles, après de 500 m. Maintenant nous voyons des croisements
qui ont lieu à 2,5 km autour de parcelles expérimentales.
Je crois que nous avons suffisamment d'éléments et si aucun n'est
absolument catastrophique aujourd'hui, ils devraient quand même nous
inciter à la prudence.
Je voudrais aussi répondre très rapidement au problème des
alternatives.
Aujourd'hui nous nous rendons compte que la pollution par les insecticides et
les herbicides est un problème extrêmement important, que ce soit
au niveau des nappes phréatiques, des sols ou même à celui
des résidus de pesticides dans les plantes.
Je crois que l'alternative ne se résume pas uniquement à :
"biotechnologie ou utilisation de pesticides".
D'une part les augmentations de résistance aussi bien des insectes que
des mauvaises herbes à des herbicides montrent que cette alternative
n'est au mieux que provisoire et non à long terme.
D'autre part, et cela a déjà été souligné,
nous voulons essayer de nous orienter - ce sera un des thèmes de la
loi d'orientation agricole - vers une agriculture plus durable. Les
ressources considérables mises dans la recherche sur les OGM pourraient
être utilement orientées vers des alternatives qui iraient
davantage dans le sens d'une agriculture durable.
Je pense entre autres à la lutte biologique. A cet égard,
concernant l'exemple du maïs Bt qui vient juste d'être
autorisé en France, vous avez sans doute tous vu que nous avons
parlé récemment de la lutte biologique avec le trichogramme qui
donne peut-être des résultats un peu moins bons que les OGM, mais
encore une fois la pyrale du maïs n'est responsable que de la perte de
7 % des récoltes, soit un différentiel assez faible.
A mon avis, nous pourrions essayer de développer utilement des
alternatives de lutte biologique aux alternatives biotechnologiques.
M. le Président
-
J'ai une question
pour les industriels qui va dans le sens de ce qui vient d'être dit.
Aujourd'hui nous sommes dans un débat sur des gènes de
résistance à des herbicides totaux et je crois qu'un vrai
problème vient d'être posé par plusieurs intervenants.
Vous indiquez qu'il est finalement très important de développer
les OGM parce que nous sommes dépendants économiquement
d'importations de soja dont les acides aminés sont indispensables. Dans
l'alimentation du bétail il faut de la lysine et de la
méthionine, c'est-à-dire qu'il faut trouver des plantes qui ont
des taux importants en lysine et en méthionine.
Pourquoi dans les programmes de recherche n'avez-vous pas commencé
à fabriquer des plantes riches en lysine ou en méthionine voire
même, puisque vous parliez de gestion des assolements tout à
l'heure, à fabriquer du pois dans les gestions d'assolement de
manière traditionnelle et du pois où ces composants auraient
été augmentés ?
C'est un peu comme les problèmes nutritionnels abordés dans la
table ronde précédemment. Pourquoi n'avons-nous pas pris les bons
produits ?
Sans doute ce sont les produits les plus rentables qui ont été
commercialisés en premier, cela dépendant d'ailleurs pour
qui... ?
M. Tillous-Borde
-
Ce sont les plus faciles.
M. le Président
-
Les plus faciles et
pas forcément les meilleurs produits ?
M. Tillous-Borde
-
C'est plutôt à
Monsieur Convent de répondre car il est un spécialiste en la
matière.
C'est sans doute effectivement parce qu'il était plus facile, au
départ, de faire de la transgénèse sur la
résistance à des herbicides - le marché était
probablement également plus important - que simplement
répondre à des problèmes de modifications technologiques
ou qualitatives de la plante.
Encore une fois, je voudrais revenir sur le fait que, pour l'instant à
ce stade et en vraie grandeur, cette dissémination - vous avez
parlé tout à l'heure du colza et du colza ravenelle - n'a
pas été démontrée alors qu'elle est
étudiée.
Je ne nie cependant pas qu'il y a forcément des flux de gènes
dans la nature, il serait ridicule de dire l'inverse.
Bien évidement pour l'agriculteur, tout ce débat existe dans la
mesure où cela peut lui apporter quelque chose. Si nous ne lui
démontrons pas que cela lui apporte quelque chose et que cela apporte
également une qualité du produit aux consommateurs, je ne vois
pas pourquoi il utiliserait ces produits. Ce n'est pas un stakhanoviste de
l'utilisation des produits OGM.
Par ailleurs vous parlez de rotation, en l'occurrence, si nous parlons
d'oléagineux, ce sont des têtes d'assolement.
J'ai bien souligné tout à l'heure que la résistance aux
herbicides n'est pas un problème de dissémination à
travers la totalité de notre écosystème, mais vraiment
beaucoup plus un problème agronomique de culture de la plante.
Dans la rotation, nous passons après à une céréale.
Ce n'est plus le même produit de traitement, nous réutilisons un
produit spécifique. Il n'y a donc pas de grand danger en soi. Au niveau
agricole, nous sommes vraisemblablement capables de maîtriser les choses.
Encore une fois, y a-t-il bien intérêt, est-ce bien
démontré ? Là c'est aussi aux conseillers
scientifiques de bien nous apporter les preuves.
En revanche, permettez-moi d'insister sur le fait que lorsque nous parlons
d'amélioration de la qualité des graines comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, il serait vraiment effectivement
monstrueux de fermer cette possibilité dans la mesure où cela
répondrait à un besoin pour l'ensemble de notre population et
à une meilleure efficacité de l'utilisation des produits
transformés.
De toute façon, il faut faire attention au fait que ces produits
viennent librement de l'extérieur. Que ce soit en termes d'utilisation
alimentaire ou en termes du problème de cette table ronde qui est plus
environnement, le produit rentre librement par le commerce.
C'est donc bien un problème de conscience mondiale et pas uniquement un
problème de conscience hexagonale.
M. le Président
-
Les problèmes
d'environnement ne sont pas forcément les mêmes dans un pays que
dans un autre, il faut donc les traiter différemment.
M. Tillous-Borde
-
Ils sont très voisins.
Au Canada ce n'est pas forcément la même adventice, mais le
phénomène existe de la même manière. En Pologne c'en
est encore une autre.
M. le Président
-
Monsieur Convent, il faut essayer d'avancer car les points de vue
sont diamétralement opposés.
M. Convent
-
Je voudrais revenir un peu sur ce que
mon voisin a dit il y a quelques instants.
Il dit que nous n'avons pas d'expérience et que lorsque les
expériences sont courtes, par exemple une dizaine d'années, ce
n'est peut-être pas suffisant en milieu d'environnement.
En revanche, il faut quand même convenir que les augmentations
spectaculaires des surfaces de colza qui ont eu lieu en France ne datent pas
d'il y a cent ans, mais d'il y a vingt, trente ans.
S'il y avait eu un flux de gènes très important par rapport aux
herbes sauvages (ravenelle,
cinapis ardensis
, etc.), nous aurions pu
constater des effets autrement importants vu la pression de pollen qui existe.
Le pollen voyage à 3 km car il est transféré par les
abeilles qui butinent dans un rayon de 3 km.
Cela dit, je pense qu'il faut intégrer les expériences
ultérieures que nous avons eues dans le domaine. Peu importe si ce
gène est présent par une technique d'amélioration ou une
technique de génie biomoléculaire.
Lorsque l'INRA introduit une résistance à une maladie dans le
colza, s'il y avait des risques de flux importants de gènes, nous
conférerions théoriquement un avantage de sélection aux
ravenelles et autres mauvaises herbes.
Tous ces éléments peuvent être intégrés dans
l'expérience que nous avons acquise. Je vous rappelle que PGS est une
société issue de l'université de Gand qui est un exemple
de ce que, demain, nous devrions davantage créer en France, cela a
été dit à la table ronde sur le génome, pour
pouvoir progresser, maîtriser les connaissances et les appliquer.
Il y a dix ans, les connaissances permettant de connaître le
métabolisme complexe de la production de certaines huiles ou autres
éléments organoleptiques dont nous avons parlé ce matin,
n'étaient pas disponibles de la façon dont elles le deviennent
maintenant. Il a donc fallu commencer avec des choses traçables
également pour les expériences, les sélections, etc.
Le marqueur est un outil remarquablement utilisé dans ce domaine et qui
a fait énormément progresser la science dans le domaine de la
biogénétique.
M. le Président
-
Quand avez-vous
planté de manière expérimentale votre premier colza en
Europe ?
M. Convent
-
A l'époque j'étais
responsable de recherche pour la division agrochimique de Roussel Uclaf et nous
avons fait, Roussel Uclaf et l'INRA, les premiers essais en 1987 ou 1986.
M. le Président
-
Il y a onze ans.
M. Tepfer
-
J'ai un point de vue un peu
intermédiaire. Je pense que les dix années
d'expérimentation avec les plantes transgéniques nous ont permis
d'avancer énormément dans notre compréhension du flux de
gènes chez certaines espèces, le colza et notamment la betterave.
Je pense que c'est loin d'être négligeable et il ne faut pas non
plus perdre de vue que si nous admettons qu'il peut y avoir des flux de
gènes, même si des preuves formelles sur la rapidité de ces
flux ne sont pas encore disponibles, la question importante porte sur les
conséquences.
C'est ce qu'il faut tenter d'examiner au plus près car dans le cas des
résistances aux herbicides, les conséquences potentielles sont
l'existence de mauvaises herbes résistant aux seuls herbicides totaux
qui existent. Nous savons à peu près comment le gérer,
nous pouvons imaginer certaines choses.
Lorsqu'il s'agit de transgènes qui peuvent conférer des avantages
sélectifs d'ordre biologique, que ce soit une résistance à
un pathogène, au froid ou encore à la sécheresse, il faut
à nouveau se poser la question des conséquences.
Cela ne veut pas dire que les conséquences sont toujours
néfastes. Par exemple pour le foma, les parents sauvages du colza
sont-ils déjà résistants ou y sont-ils sensibles ?
Je ne sais pas car ce n'est pas mon domaine d'expertise personnel. Si les
parents sauvages sont déjà résistants, le transfert n'aura
aucun impact écologique.
Il faut donc vraiment examiner chaque exemple au cas par cas car les
conséquences ne sont pas du tout semblables.
M. le Président
-
Monsieur Vincent, vous avez été fortement mis en cause
tout à l'heure sur la betterave par Monsieur Gouyon et vous n'avez
pas répondu.
Qu'avez-vous à répondre à Monsieur Gouyon qui dit que
c'est au niveau de la betterave qu'il peut y avoir le plus de
problème ?
Ce n'est pas exactement ce qu'on m'a dit lors des auditions. Un certain nombre
de chercheurs ont énormément relativisé le risque chez les
betteraves sauvages. Je souhaiterais que nous puissions avoir ce débat
et que vous répondiez à Monsieur Gouyon.
M. Vincent
-
Il y a plusieurs risques pour
différents types de population de betteraves, il y a la betterave racine
cultivée dans le tiers nord de la France.
Les populations en danger sont de deux natures.
La première est la
betta vulgaris subspecies maritima
. C'est la
betterave botanique qui pousse sur une bande de quelques mètres le long
du littoral. Cela concerne le littoral allant de la frontière belge
à la plaine de Caen puisqu'on ne cultive pas de betteraves
au-delà du Calvados.
Les autres populations concernées sont les populations de betteraves
adventices que nous trouvons dans les champs de betteraves racines. Ce sont des
dérivés amenés par les betteraves cultivées,
introduites par l'homme depuis qu'il cultive de la betterave dans ces
régions. Elles n'appartiennent donc pas à la flore naturelle des
régions où nous cultivons des betteraves racines.
Premier point : détruire ces betteraves adventices par le
système de betteraves résistantes est une manière
d'atteindre notre but consistant à dépolluer la flore naturelle
de ces betteraves adventices. C'est le premier cas de figure.
Supposons que ces betteraves adventices qui sont des parasites,
acquièrent le caractère de résistance. A ce
moment-là nous retombons dans le cas de figure actuel. Les betteraves
qui, aujourd'hui sont adventices, sont par définition résistantes
au désherbage puisque nous n'arrivons pas à les éliminer
par les méthodes classiques.
En l'occurrence en matière de betterave racine, en culture industrielle,
ce type de pollution ou la mesure du risque lié à ce type
d'environnement artificiellement créé par l'homme est
insignifiant.
Revenons à la
betta maritima
qui pousse sur les quelques
mètres de littoral. Je dis bien quelques mètres car je pense que
d'un point de vue botanique, cela ne va pas plus loin même si cette
betterave peut vivre dix ans. Ce n'est pas une plante annuelle ou bisannuelle,
mais une plante pérenne.
Les observations et les études faites n'ont jamais aujourd'hui mis en
évidence une rétroversion de la part de la betterave
cultivée vers la population de betterave sauvage ; cela n'a jamais
été mis en évidence.
Deuxième point : si cela devait être le cas avec le
caractère de résistance, ce caractère serait
conféré à une
betta maritima
qui n'en a pas besoin
et que de toute façon nous ne combattons ni d'une manière ni
d'une autre puisque c'est une plante sauvage qui n'a pas besoin d'être
désherbée.
Cette plante est naturelle, elle fait partie du paysage et en l'occurrence,
elle n'est menacée ni par le gène que nous lui apportons ni par
les façons culturales l'entourant.
Supposons néanmoins - et je conçois votre trouble en
qualité de spécialiste et de botaniste - que nous ayons
apporté un gène nouveau, que nous ayons modifié la
betta maritima
, que nous lui ayons apporté un gène de
résistance au glyphosate ou à quelque chose d'autre, sans vouloir
vous provoquer, je vous demande : et alors ?
Ce gène en question ne pénalise pas la plante, il
représente même un coût biologique pour la plante, il ne lui
apporte ni une quelconque supériorité sur le reste de sa
population ni une faiblesse par rapport à celle-ci. Il apporte un
coût biologique qui, en l'occurrence, étant inutile, ne se
perpétuera pas d'une manière apte à modifier les
équilibres biodynamiques.
M. le Président
-
Monsieur Gouyon
en réponse, j'ai quelques autres questions après.
M. Gouyon
-
Il y a plusieurs points.
En premier vous nous dites : depuis dix ans que savez-vous ? On nous
dit que depuis dix ans nous n'avons rien vu, il ne se passe rien. Depuis le
temps que nous cultivons du colza "double zéro", cela n'a rien
changé dans les populations adventices.
Mais nous n'en savons rien, l'étude des populations adventices n'a pas
été faite !
Lorsque je vous disais qu'il n'y avait pas de moyens pour la recherche,
comprenez bien que trois petites équipes travaillent là-dessus en
France depuis dix ans. Il y en avait une quatrième à Lille qui a
abandonné faute de moyens.
Ce sont des groupes de deux, trois personnes isolées dans un
laboratoire. Mon laboratoire compte cent personnes, il y en a deux qui
travaillent sur cette question : un chercheur et un étudiant.
Aussi ne croyez pas qu'en dix ans nous avons pu accumuler des sommes
fantastiques de résultats avec des effectifs pareils ! Cela n'a
rien à voir avec le nombre de personnes qui travaillent à la
production de plantes transgéniques.
Le résultat est que très récemment, avec le CETIOM entre
autres, un nouveau laboratoire de mathématiques de l'INRA commence
à étudier ces questions et nous avons commencé à
essayer de regarder ce qui se passait pour le colza et les adventices.
Nous ne savons tellement rien que cela prendra du temps avant de savoir quelque
chose : il faut repérer les populations adventices, aller les
chercher, voir si nous pouvons trouver des traces de gènes des
populations cultivées dedans.
Il faut regarder les colzas sur les bords des routes et se demander d'où
ils viennent. Personne ne sait d'où viennent les colzas qui ne sont pas
dans les champs. Personne ne sait s'ils sont directement issus des graines de
culture de l'année d'avant ou s'ils arrivent à se maintenir tout
seuls dans la nature, nous n'en savons rien.
Nous ne savons presque rien sur toutes ces questions et vu nos effectifs, nous
commencerons peut-être à avoir des réponses dans dix ans,
mais n'espérez pas que nous en ayons dans six mois, ce n'est pas
possible !
Qu'on ne dise pas que les cultures de colza n'ont rien fait sur les mauvaises
herbes ! Comme personne n'a jamais regardé ce problème, nous
ne connaissons pas la réponse.
M. le Président
-
Cela a-t-il
posé des problèmes ?
M. Gouyon
-
Je n'en sais rien. Nous ne voyons pas
comment le fait que la ravenelle devienne "double zéro" pourrait poser
des problèmes.
M. le Président
-
C'est davantage
sélectif.
M. Gouyon
-
Effectivement comme le fait de ne plus
produire d'acide érucique pour une ravenelle ne changerait rien, nous ne
le verrions pas et cela ne poserait pas de problèmes.
En revanche le fait de devenir résistante à un herbicide
conférerait un avantage dans les champs à cette mauvaise herbe
où là nous verrions le gène se répandre très
vite.
Il suffit de l'arrivée d'un gène de résistance qui marche
bien dans une mauvaise herbe pour que ce gène se répande à
une vitesse extraordinaire. La première année vous n'avez qu'une
seule plante qui résiste, elle fait des graines et l'année
d'après ce sont toutes les autres.
M. le Président
-
Cela se voit vite
quand même.
M. Gouyon
-
Les résistances aux herbicides
se voient vite.
M. le Président
-
Cela peut se
combattre.
M. Gouyon
-
Non. Ce sont des problèmes que
nous avons eus avec l'atrazine, il y a des taches de résistance aux
atrazines dans toute une série de mauvaises herbes.
Une fois que les graines existent, les mauvaises herbes sont des plantes
vraiment bien fabriquées par la sélection naturelle agissant dans
le milieu agricole, pour savoir résister à tout ce que nous
savons leur faire. Elles ont des graines qui tiennent longtemps dans le sol,
qui se disséminent bien. Nous ne les éliminerons pas, et une fois
que nous le voyons, c'est trop tard !
Si l'agriculteur avait l'intelligence de dire que comme cette plante est
résistante, il faut qu'il la désherbe à la main, ce serait
parfait. Mais nous ne pouvons pas lui demander de passer son temps à
arracher toutes les plantes qui sont là malgré le
désherbage et qui ne sont pas nécessairement résistantes.
M. le Président
-
Il faut mettre en
place la biovigilance, les ministres l'ont indiqué et vous avez
parlé de la gestion des OGM demain.
Comment voyez-vous cela Monsieur Gouyon ?
M. Gouyon
-
Je répondrai d'abord sur la
betterave.
Je suis tout à fait d'accord avec
betta maritima
des bords de la
Manche, ce n'est pas elle qui nous pose problème pour le moment. En
revanche, que se passe-t-il ?
On nous dit qu'on va mettre une résistance aux herbicides dans les
betteraves cultivées et que de cette manière on se
débarrassera des betteraves sauvages puisque c'est essentiellement
d'elles qu'il s'agit.
Evidemment, comme les betteraves cultivées et les betteraves sauvages
dans le sud de la France s'hybrident - il n'y a des
betta maritima
qu'au bord de la Manche, mais il y a de très nombreuses betteraves
sauvages près des champs de production de semences dans le
sud-ouest - cela veut dire que des graines qui sont des hybrides entre
betteraves cultivées et sauvages et qui se comportent comme des
betteraves sauvages, vont aller dans les champs et être semées
dans les champs du nord de la France.
Que se passera-t-il ? Ces mauvaises herbes, donc betteraves, seront
instantanément résistantes à l'herbicide, cela prendra au
maximum deux ou trois ans.
On nous répond que ce n'est pas grave, qu'on sera revenu à la
situation d'avant où on ne savait déjà pas les
désherber. Il ne faut pas exagérer. D'accord nous ne saurons
toujours pas les désherber, mais en plus elles seront résistantes
à nos herbicides précieux.
Si dans quelque temps nous trouvions un moyen de rendre les plantes
cultivées résistantes à l'herbicide avec en plus quelque
chose qui empêche que cela passe à la mauvaise herbe, ce sera
perdu. Nous aurons beau avoir trouvé ce moyen, comme les mauvaises
herbes seront déjà résistantes, nous ne pourrons plus le
faire.
Je trouve que c'est quand même une drôle de mentalité de
dire que ce n'est pas très grave, le gène de résistance
traînera, nous aurons gagné pendant deux ans et cela nous suffira
à être rentable. Je trouve que là c'est un manque de
responsabilité sur le long terme.
M. le Président
-
Je pense que c'est
un point important.
Si jamais dans tous les cas c'est ce qui se passe au Canada ou dans d'autres
pays même pas européen, par les semences n'arriverons-nous pas
à la même situation ?
M. Gouyon
-
Si jamais nous importons des semences
où il y a eu des hybridations... Je vous avoue que je n'ai pas
étudié la question.
Y a-t-il des betteraves sauvages qui s'hybrident avec des betteraves
cultivées au Canada ? J'avoue que je n'en sais rien et je ne peux
pas vous répondre.
M. le Président
-
D'une manière
générale même si nous mettons en place un système de
protection au niveau de l'environnement, si jamais il n'y a pas le même
système de protection au niveau mondial, nous aurons des risques de
contamination par les semences.
M. Gouyon
-
Il y a des risques indéniables.
Cela étant, comme le disait Arnaud Apoteker, c'est
déjà arrivé et cela a donné des catastrophes.
Il faut quand même que vous sachiez qu'il n'y a plus un seul oiseau
originel des îles Hawaii, ils ont tous été
éliminés par les introductions que nous avons pu faire, etc. Je
ne vous parle même pas des lapins et de la myxomatose en Australie.
Bien sûr de telles catastrophes ont déjà eu lieu et la
question est de savoir comment minimiser les risques que cela se produise avec
nos nouvelles technologies.
Vous m'aviez demandé : quel type de gestion ?
J'ai l'impression qu'à l'heure actuelle nous avons demandé
à des personnes extrêmement compétentes dans un domaine de
prendre progressivement des décisions de plus en plus larges.
La Commission de Génie Biomoléculaire a réalisé des
études extrêmement utiles et progressivement elle s'est
trouvée débordée par la masse de toutes les questions
auxquelles elle devait répondre.
Je pense qu'aucune commission à elle toute seule, ne pourra peser
complètement le pour et le contre dans ces débats. Il serait sain
que des personnes travaillent sur les risques, que d'autres travaillent sur les
avantages économiques, etc. et qu'un débat politique ait lieu
après à partir de ces évaluations.
Ceci me rendrait un peu confiance. Si jamais des techniciens, dont je fais
partie, devaient donner des avis à eux tout seuls, je n'aurais pas
confiance dans leurs avis.
M. le Président
-
C'est une bonne
suggestion qui a déjà été indiquée hier dans
le cadre de la Commission réglementaire et je crois que c'est
effectivement une très bonne suggestion.
Monsieur Vincent, voulez-vous la parole ?
M. Vincent
-
Je souhaite répliquer à
Monsieur Gouyon.
M. le Président
-
Vous dites qu'il ne
faut pas étiqueter...
M. Vincent
-
Ne vous méprenez pas, ne
portez pas de jugement sur ce que je vous dis !
En réponse à Monsieur Gouyon, je voudrais insister sur le
fait que cette notion d'hybridation dans les champs de production de semences
dans le sud-ouest est un problème que nous prétendons
maîtriser. Je m'explique.
Plusieurs personnes ici dans cette salle savent de quoi je parle puisqu'elles
ont visité, participé, étudié, écrit,
réfléchi sur les techniques de production de semences hybrides
dans le sud-ouest.
Sachant que la betterave est une plante anémophile, c'est-à-dire
à pollen baladeur et à fécondation croisée, il y a
une certaine vulnérabilité pour que des flux de gènes
s'échappent. Cette vulnérabilité est plus qu'un danger,
c'est une réalité, il y a un risque, le risque existe.
Quelle est la taille du risque ? L'enjeu de notre réunion est de
connaître la taille du risque par rapport à l'environnement.
Risque il y a, oui, je le reconnais. Maintenant en matière de production
de semences hybrides, en utilisant la stérilité mâle, des
diploïdes, des triploïdes, des tétraploïdes, nous
arrivons à maîtriser la pureté variétale des
hybrides produits à moins de un pour mille d'impuretés.
A l'échelle de Darwin, il est sûr que c'est gigantesque.
Maintenant reste à savoir quel est l'ordre, mais c'est un autre
débat que nous pourrons aborder.
Quel est le coefficient que nous donnons à ces priorités dans
notre débat de société ?
Nous maîtrisons parfaitement les isolements puisqu'il y a :
- 300 m d'isolement entre deux parcelles différentes,
- 600 m d'isolement entre deux parcelles qui utilisent un
pollinisateur différent,
- 1 000 m d'isolement entre des parcelles qui utilisent des
betteraves d'origine différentes.
Il y a une réglementation officielle, une interprofession qui
gère, observe, surveille et sanctionne la production.
3 000 planteurs vivent cela en interprofession.
Je peux vous dire pour l'avoir vécu que nous organisons des battues non
pas avec un fusil, mais avec une binette où nous ratissons les
fossés, les cimetières, les cours de gendarmerie - je tiens
à le dire, ce n'est pas une plaisanterie - de manière
à éliminer tout type de betterave qui pourrait potentiellement
émettre du pollen.
Par ailleurs si un incident ou une observation venait à être
formulée, l'agriculteur en danger, menacé par sa faute ou pas,
est mis en demeure de retourner sa culture. Et cela se fait et je l'ai
vécu.
C'est sérieux, même s'il y a un risque que je reconnais, ce n'est
pas du bricolage !
Je voudrais dire également que dans cet accord, ce travail que nous
faisons avec le service officiel de contrôle, nous en sommes même
arrivé à faire adopter une loi qui contraigne, dans la gestion
des jachères, les agriculteurs responsables d'un champ en jachère
de la propreté de leur champ pendant la jachère. Si nous trouvons
la présence de betterave de quelque nature que ce soit dans leur
jachère, la prime de jachère leur est supprimée.
Ceci veut dire qu'il y a une prise en charge. Nous ne pouvons pas aller
jusqu'au bout, mais j'ai un cahier des charges extrêmement
sévère - je l'ai ici à votre disposition - pour
vous démontrer que toutes les précautions sont prises pour
éviter qu'il n'y ait des transferts de gènes vers les populations
indésirées.
La population de
betta maritima
concernée qui pousse dans la
région est déjà sur le littoral à plusieurs
dizaines de kilomètres.
M. le Président
-
Nous en avons
déjà assez parlé sauf si vous avez quelque chose de
nouveau à dire, mais il y a d'autres questions.
M. Vincent
-
Je conclus. Le risque est là,
je ne le nie pas, je suis d'accord avec vous. Je ne veux pas faire preuve
d'irresponsabilité en disant que j'accepte ce risque.
Ceci dit, en termes de débat de société il faut savoir
quel est le coefficient de priorité que nous donnons aux
différents paramètres qui attirent notre attention.
M. Roqueplo
-
Je voudrais relever ce point car
cela me paraît très important dans le débat.
Cela prouve que l'introduction de végétaux
génétiquement modifiés oblige à une surveillance
jusque et y compris des jachères, d'où ma question.
Avec la généralisation des végétaux
génétiquement modifiés, ne faudra-t-il pas avoir un double
cadastre dont un tiendra en permanence les modes de culture chaque
année ?
Cela veut dire que nous aurons un système de contrôle, une sorte
de doublure de la culture dans tous les chefs-lieux de cantons pour savoir que
la parcelle A et autre qui est à 1 km ont un risque ou non...
C'est vertigineux !
M. Vincent
-
Cela se fait déjà pour
les semences, ce n'est pas l'OGM en soi.
M. le Président
-
Ces distances sont
édictées par des arrêtés préfectoraux. Cela
se fait donc déjà sans aucune référence aux OGM.
M. Tepfer
-
Nous avons énormément
parlé de betterave et de colza, mais ce sont deux espèces parmi X
qui ont été transmises à différents laboratoires,
qui sont en cours de mise sur le marché dans différents pays.
La question de flux de gènes en Europe, par exemple pour le maïs,
les tomates, les melons, n'est pas un problème.
S'il existe en Europe deux ou trois ou quatre espèces cultivées
pour lesquelles les questions de flux de gènes se posent, comment
allons-nous le gérer ?
Mais pour les autres espèces, n'oubliez pas que les OGM existent
là aussi et qu'ils seront proposés très rapidement
à la mise sur le marché.
M. le Président
-
J'ai une autre
question. Nous avons beaucoup parlé d'un sujet ce qui est bien puisque
nous avons été jusqu'au fond sans que les points de vue ne se
rapprochent.
Ma question porte sur les virus. Vous avez indiqué les avantages en
termes d'insertion de gènes de capsides virales, vous avez parlé
de certains risques.
Pendant mes auditions un certain nombre de personnes ont dit que nous jouions
avec le feu en insérant des gènes de capside virale dans
certaines plantes car il pouvait y avoir un certain nombre de risques de
transcapsidation. A un moment donné, en insérant des gènes
viraux, par des mutations, nous pourrions avoir certains types de modifications.
Je ne suis pas virologue, j'aimerais que vous nous indiquiez si, oui ou non, il
y a un risque effectif en matière virale.
M. Tepfer
-
La question est assez vaste, je
n'entrerai pas dans les détails.
Concernant l'hétéro-capsidation, les risques potentiels
associés à ce phénomène que nous connaissons,
veulent dire que la protéine de capside synthétisée
à partir du transgène peut être impliquée dans des
particules virales de l'autre virus qui a infecté la plante en
question ; cela peut avoir quelques conséquences.
Ce qui a été déjà été fait dans
certains laboratoires, a été de modifier les gènes
capsides pour éliminer les potentiels néfastes dus à
l'hétéro-capsidation.
Cela permet de vous signaler qu'un des éléments du travail qui
est réalisé actuellement, est de diminuer les risques potentiels.
C'est un exemple où la question de transmission de virus
éventuellement possible via l'hétéro-capsidation est
quelque chose, à mon avis, en cours de résolution.
Pour ce qui est des problèmes dont nous discutons depuis dix ans
concernant les gènes viraux, il est clair que le plus important et le
plus difficile est le problème du potentiel de la recombinaison.
Aujourd'hui je crois que nous avons très peu de moyens. Je ne veux pas
aussi aller trop loin dans le sens de Pierre-Henri Gouyon, mais les
possibilités de recherche en ce qui concerne l'étude de la
recombinaison chez les plantes transgéniques sont infimes par rapport
à la nature du problème.
Nous avons néanmoins pu voir que nous avons pu créer des
recombinants en laboratoire. Une des questions importantes est de savoir si
nous pouvons ou non créer des virus recombinants pires que les souches
parentales.
M. Fauquet
-
Je peux vous donner quelques
informations complémentaires. Je suis également virologue pour
les plantes et je travaille avec des virus qui sont dans les pays tropicaux,
les géminivirus.
Nous venons de découvrir dans la dernière année que, dans
la nature et ce n'est pas une question d'organismes génétiquement
modifiés, ces géminivirus recombinent constamment dans les
plantes entre des espèces de virus carrément différentes.
Nous l'avons découvert car, dans le monde, il y a un certain nombre
d'endroits où il y a émergence de nouvelles maladies causant des
dégâts dramatiques au coton, au manioc, aux tomates, etc.
Comme Mark Tepfer l'a dit, c'est un phénomène tout à
fait naturel qui existe déjà. Il y a déjà des
conséquences essentiellement dues à l'homme qui transfère
des virus, des insectes, des plantes du fait de tous les échanges
commerciaux qui existent et sont déjà en place.
Cela rejoint aussi ce que disait Monsieur Gouyon tout à l'heure,
dans de nombreux cas, nous ne connaissons pas ou méconnaissons ce qui
existe déjà dans la nature.
L'existence des OGM nous permettra en partie de développer un certain
nombre d'études qui nous montreront que ces phénomènes
tout à fait naturels, qui ont déjà eu de nombreuses
conséquences de par l'impact de l'homme, de la civilisation de l'homme,
de son développement et de son commerce, sont déjà en
place.
A mon avis, en ce qui concerne ces virus-là, le fait d'avoir un
gène supplémentaire ne changera pas la situation par rapport
à ce qui existe déjà.
M. Tepfer
-
Je voudrais juste abonder dans le sens
de Claude Fauquet. Il est nécessaire que nous approfondissions nos
connaissances fondamentales sur les virus des plantes.
Concernant la recombinaison par exemple, il y a deux ou trois ans nous croyions
qu'un des groupes les plus importants, les petits virus, ne présentaient
pratiquement jamais de recombinants naturels.
Lorsque nous avons disposé de suffisamment de données de
séquences, il est apparu qu'au contraire, nous n'avions pas vu les
recombinants car ils recombinaient tellement fréquemment que les
génomes étaient composés de tout petits morceaux de
différents éléments d'origine.
Ce sont des fréquences que nous ne pouvons pas quantifier donc si la
recombinaison a lieu dans la nature entre virus, elle aura certainement lieu
dans les plantes transgéniques, c'est clair.
La question qui se pose est celle des conséquences. Là aussi je
pense qu'il faut avoir davantage de données avant de pouvoir se
prononcer entièrement.
Pour répondre un peu à une question sous-jacente, que faut-il
faire aujourd'hui ?
Il faut faire de la recherche, pour moi c'est clair et nous nous y employons un
peu dans la mesure de nos moyens. Je pense aussi qu'il faut évaluer au
cas par cas les avantages et inconvénients potentiels de tel ou tel type
de gènes et résistances, son origine, la manière dont cela
fonctionne et ce qui se passe si nous ne nous en servons pas.
Je pense qu'il faut faire ce genre d'analyse très générale
pour savoir si nous devons assumer les risques. Ceux-ci ne seront jamais nuls,
il n'existe aucun cas de risque zéro ni dans la nature ni dans la
technologie.
Quel est le bon équilibre entre le fait d'assumer certains risques et le
fait d'envisager certaines pertes au niveau agronomique ?
M. le Président
-
Je vais maintenant
poser une question un peu ennuyeuse. Je l'ai posée en privé
à Monsieur Apoteker et je vais la poser en public car nous avons
posé toutes les questions. Nous l'avons eue en privé, mais il est
important de la poser en public.
Les Etats-Unis sont le pays qui développe le plus les plantes
transgéniques avec 16 millions d'hectares en 1998. Finalement
Greenpeace est une organisation internationale, or Greenpeace fait des actions
spectaculaires en Europe, notamment en France et je crois que nous avons
discuté de manière très positive avec
Monsieur Apoteker, mais je suis obligé de poser la question.
Pourquoi n'y a-t-il pas d'action de votre organisation aux Etats-Unis et
pourquoi y en a-t-il en Europe ?
Nous avons quand même un peu l'impression vu d'ici, et cela m'a
été dit dix fois dans les auditions, que finalement il y a une
focalisation sur l'Europe où il n'y a pas de culture alors qu'aux
endroits où il y a des cultures, pratiquement aucune action n'est
menée par les mêmes organisations.
M. Apoteker
-
Je vous remercie de me poser la
question et je suis très content qu'elle me soit posée en public.
Je crois qu'il y a une question d'échos médiatiques de ce que
nous faisons en Europe ou ailleurs.
En réalité nous avons également fait des actions
spectaculaires aux Etats-Unis sur le problème des plantes
transgéniques, nous les avons même faites avant de les faire en
Europe, en particulier sur des champs de soja transgénique
résistant au Roundup.
Nous avons également mené des actions sur les barges qui
descendaient le Mississippi depuis la compagnie Monsanto.
L'autre chose qu'il faut bien préciser est que c'est beaucoup plus
difficile et nous l'avons vu dans les autres tables rondes.
Je crois qu'il y a une question culturelle aux Etats-Unis, dans la vision du
progrès technologique et dans l'alimentation faisant que le public
américain est beaucoup moins réceptif pour l'instant aux dangers
que nous essayons de lui faire voir.
M. le Président
-
C'est un retour sur
investissement.
M. Apoteker
-
C'est cela. Je veux quand même
signaler qu'un de nos espoirs est que cette opposition des consommateurs et
d'un grand nombre de citoyens en Europe, aura un effet aux Etats-Unis.
Si les exportateurs américains se rendent compte qu'ici nous n'en
voulons pas, s'ils réalisent que les consommateurs européens et
français en particulier ne veulent pas de ces produits, peut-être
qu'ils se poseront aussi des questions sur le type d'alimentation qu'ils
consomment.
M. le Président
-
Merci,
Monsieur Apoteker, vous m'aviez fait la même réponse et il
était bien que tout le monde l'entende.
Monsieur Gouyon, une dernière question. Tout à l'heure vous
avez parlé du maïs du Mexique en donnant l'exemple de ce que
Bernard Kouchner disait hier soir. Il disait qu'il était aussi
petit que la phalange de son petit doigt et qu'il était maintenant
devenu gros comme son appendicum, son avant-bras, et il a joint le geste
à la parole.
Vous avez dit que c'était grave car s'il y avait un maïs
transgénique nous ne pourrions pas l'interdire au Mexique et s'il venait
à être cultivé là-bas, il pourrait transférer
un certain nombre de gènes. C'est déjà la même chose
au niveau des maïs hybrides tels que cultivés aujourd'hui.
C'est une question à laquelle, à mon avis, vous n'avez pas
répondu de façon suffisamment claire car j'ai toujours des
interrogations après ce débat. Pour certaines c'est plus clair
alors que pour d'autres j'en ai toujours car nous n'avons sans doute pas assez
étudié le problème de l'environnement.
Vous avez sans doute raison, nous le dirons à
Monsieur Allègre ce soir et je défendrai les chercheurs et
notamment ceux dans le domaine de l'environnement.
Finalement ne dramatisons-nous pas les questions de flux de gènes avec
les plantes transgéniques alors que c'est un phénomène qui
a toujours existé et que nous n'avons pas suffisamment
étudié ?
M. Gouyon
-
Je vais commencer par dire que cela
dépend du couple gène/plante.
Je pense que si effectivement un gène améliorait la teneur en
huile d'une plante, etc., il y a assez peu de risques qu'il aille faire des
dégâts dans les populations naturelles.
Si jamais j'ai parlé de risques et que nous nous sommes
concentrés sur la betterave, le colza, les gènes de
résistance aux herbicides, c'est que là il y a un problème
facile à identifier. Je pense qu'il existe de nombreux couples
transgènes/plantes qui ne poseront pas de problèmes.
Pour ce qui concerne le maïs, j'ai voulu donner des exemples très
larges au début sans les développer pour ne pas dépasser
les huit minutes tacitement accordées, la plupart des gènes que
nous mettons dans le maïs à l'heure actuelle, ne mettront pas le
téosinte en danger.
En revanche, et c'est encore pire que tout car c'est pour des raisons que je
trouve très bonnes, certaines personnes essayent de développer
des gènes de résistance asexués chez le maïs
appelés l'apomixie.
Si nous réussissions à faire marcher ce gène dans un
maïs diploïde ce qui n'est pas le cas actuellement, personnellement
j'ai des inquiétudes sur le fait que ce gène puisse se transmette
au téosinte, le conduise à perdre totalement sa reproduction
sexuée et à terme à s'éteindre.
Ceci est valable pour un gène particulier. La plupart des gènes
que nous pouvons mettre dans le maïs ne poseront pas de problèmes
au téosinte, mais pour celui-là je serais extrêmement
inquiet si jamais il était cultivé dans les zones mexicaines ou
d'Amérique Centrale.
M. le Président
-
Merci beaucoup, je
crois que nous allons nous arrêter là. Merci à vous tous
d'être venus ce matin.
TABLE RONDE VI : Avantages et risques en matière de santé
Allergies, résistance aux antibiotiques,
métabolites, aliments fonctionnels... TABLE RONDE VI :
AVANTAGES ET RISQUES EN TERME DE SANTE (allergies, résistance aux
antibiotiques, métabolites, aliments fonctionnels...)
M. le Président
-
Nous allons reprendre
la dernière des quatre demi-journées d'audition en vous
remerciant, Madame et Messieurs, d'être venus participer à cette
sixième table ronde.
Hier M. Bernard Kouchner a été auditionné avant
la table ronde et ce sera l'inverse pour la recherche ; ce sont un peu les
hasards des calendriers.
Je voudrais vous dire que les risques éventuels en matière de
santé sont bien entendu ceux qui, potentiellement, inquiètent le
plus nos concitoyens.
Trois grandes catégories de questions sont posées ici :
- le problème des constructions génétiques faisant
appel à un gène marqueur de résistance à un
antibiotique, c'est le cas du maïs Bt de Novartis dont la culture a
été autorisée en France ; la question de l'avenir
concernera l'utilisation de virus ou de rétrovirus dans ces
constructions ;
- le problème de l'éventuelle allergénicité
des aliments produits à partir des plantes génétiquement
modifiées ;
- l'éventualité de possibilités de mutations
génétiques.
De même qu'en matière d'environnement les opinions sont
très divergentes, cette table ronde nous permettra peut-être de
nous faire une idée un peu plus précise de la réponse
à apporter à cette interrogation.
Il ne faut certainement pas oublier qu'un aliment peut être
allergénique pour certaines personnes sans être le moins du monde
transgénique.
Nous l'avons vu notamment en visitant Pioneer aux Etats-Unis qui avait
inséré le gène d'une protéine de noix du
Brésil dans le soja. A la suite de cette opération, le soja
était devenu allergisant. Il peut en être de même des
arachides, du kiwi, d'un certain nombre d'autres plantes.
Il n'y a pas que des risques dans ce domaine, nous pouvons tout à fait
penser que la transgénèse pourrait permettre de créer des
aliments meilleurs pour la santé humaine. Cela a déjà
été discuté ce matin.
En ce qui concerne les avantages éventuels nutritionnels des plantes
transgéniques, nous pouvons évoquer des huiles à haute
teneur en acide oléique fabriquées à partir de colza
transgénique et déjà étudiées par Du Pont de
Nemours aux Etats-Unis ou par Monsanto.
Lorsque nous assistons aux conférences d'un certain nombre de firmes,
c'est la deuxième génération des produits qu'ils veulent
sortir.
Enfin un problème qui inquiète également et dont
Monsieur Séralini a déjà parlé, est celui de
la toxicité d'un certain nombre de métabolites avec des
modifications de métabolisme à partir du moment où des
gènes ont été insérés dans certaines plantes.
Pour ce débat nous avons réuni autour de cette table un certain
nombre d'experts qui connaissent tous ces problèmes, ces avantages et
ces risques en matière de santé, que ce soit les problèmes
de résistance aux antibiotiques, de métabolites, d'allergies ou
encore d'aliments fonctionnels.
Sur votre droite, c'est-à-dire à ma gauche vous avez :
- Monsieur Patrice Courvalin, directeur de l'unité des
agents antibactériens à l'Institut Pasteur, qui vient
d'écrire un article dans "La Recherche" à ce sujet et que
vous avez dû lire. Cet article est paru entre l'audition dans mon bureau
à l'Assemblée Nationale et cette audition publique ouverte
à la presse ;
- Monsieur Philippe Gay, directeur des biotechnologies de
Novartis ;
- Monsieur Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie
moléculaire à l'université de Caen, qui a signé un
appel des scientifiques pour un moratoire ;
- Madame Anne Moneret-Vautrin, professeur à la
faculté de médecine de Nancy qui est une spécialiste
reconnue des allergies en France ;
- Monsieur André Rico, président de la Commission
d'Etude de la Toxicité des Produits antiparasitaires à usage
agricole et substances assimilées.
Ce sont nos intervenants, je vais leur demander comme dans toutes les tables
rondes que nous puissions avoir un temps après pour le débat.
Un certain nombre de questions m'ont déjà été
indiquées dans ces domaines lors des 200 heures d'auditions
privées sur le sujet.
Je vais vous demander d'être assez concis dans vos exposés
liminaires, étant entendu que vous pourrez reprendre la parole lors du
débat qui s'instaurera.
La parole est à Monsieur Gay.
M. Gay
-
Parmi les avancées permises par
les plantes transgéniques, la résistance aux insectes est
essentielle dans la mesure où il n'existe pas de gènes de
résistance efficaces dans le génome de nombreuses plantes
cultivées.
Les insectes posent deux types de problèmes au niveau de la santé
publique.
Le premier est qu'ils prélèvent une part non négligeable
des ressources alimentaires et qu'à un terme relativement proche ces
ressources pourraient manquer.
Le deuxième est que les insectes sont vecteurs de maladies et plus
particulièrement de maladies fongiques. Or les plus fréquents de
ces pathogènes (
Aspergillus, Fusarium
) sécrètent
des mycotoxines (nous connaissons l'aflatoxine, les zéaralénones,
les patulines), toutes responsables de pathologies variées allant de
l'induction de cancers à des troubles de croissance et de
fertilité chez les animaux.
Les premières études conduites aux Etats-Unis sur le maïs
transgénique montrent clairement que la présence des ces
mycotoxines est diminuée de façon très significative chez
les plantes rendues résistantes aux insectes par
transgénèse.
Il est important de dire qu'avant l'avènement des plantes
transgéniques, il n'est de denrée alimentaire qui n'ait
été soumise à des enquêtes aussi approfondies quant
à leurs conséquences sur le plan de la santé des hommes et
des animaux domestiques.
Pour ce qui est du maïs de Novartis, plus de trente comités
d'experts dans le monde se sont penchés sur le dossier et ont conclu
à l'innocuité du produit. Cette constatation a été
logiquement suivie d'une autorisation de mise sur le marché.
Ces comités se sont prononcés clairement sur des questions
reprises aujourd'hui par les média. Les principaux points traités
concernent deux domaines principaux :
- toxicologie et allergologie d'une part,
- transferts horizontaux de gènes d'autre part.
Dans le premier domaine, celui de la toxicologie et de l'allergologie, il
s'agit des effets directs des nouvelles protéines
synthétisées et des effets indirects sur le métabolisme.
L'analyse des plantes a été facilitée par le fait que les
protéines en question sont empruntées à des organismes
déjà présents dans notre environnement.
Nous pouvons citer deux exemples à ce sujet.
Les
delta
endotoxines de
Bacillus thuringiensis
qui sont la base
de certaines préparations insecticides utilisées depuis plus de
trente ans.
Tant les agriculteurs qui les épandent que les employés des
usines qui les fabriquent ont été exposés à de
très fortes doses de ces protéines. A notre connaissance, aucune
pathologie n'a été détectée dans ces groupes, qui
puisse être attribuée aux protéines Bt.
A l'inverse, les investigations associées à une tentative
d'amélioration de la composition protéique du soja - il y a
été fait référence il y a une minute par
Monsieur Le Déaut - ont permis d'identifier
l'allergène jusqu'alors inconnu de ce fruit.
Le produit n'a pas été développé, n'a pas
dépassé le stade expérimental. Ceci montre que les
garde-fous dans ce domaine sont efficaces.
Le deuxième domaine soumis aux investigations est celui des gènes
marqueurs et leur éventuelle dissémination horizontale,
c'est-à-dire leur transfert à d'autres espèces par des
voies non sexuées.
Les gènes marqueurs sont des gènes dont la présence dans
le produit final est une trace de la technologie employée tant pour les
étapes de clonage que pour celle de la transformation des plantes. Ils
ne sont pas forcément nécessaires au produit fini.
Parmi eux, vous avez des gènes de résistance à certains
antibiotiques dont le gène
bla
(bêta lactamase)
TEM1
présent dans le maïs de Novartis.
Il serait hors de propos de juger à ce sujet du bien fondé de la
technique mise en oeuvre pour créer ce maïs, je m'explique.
Toute semence transgénique commercialisée aujourd'hui est le
fruit de techniques qui l'ont précédée de dix ans. En ce
sens la technologie présente dans un produit sera toujours en retard sur
l'état présent des connaissances.
A l'inverse, il faut souligner que l'évaluation de la
sécurité biologique bénéficie, elle, des
développements les plus récents des connaissances. C'est ce que
nous allons faire aujourd'hui.
Pour en revenir au gène
bla TEM1
, la question a été
posée de la contribution éventuelle du maïs à la
dissémination de la résistance à l'ampicilline dans des
micro-organismes tant du sol que du tube digestif.
Je suppose que nous reviendrons sur ce thème dans la discussion et je
voudrais simplement le résumer.
D'abord aucun transfert de ce gène de la plante vers les
micro-organismes n'a été démontré
expérimentalement.
Ensuite, pour autant qu'elle soit possible, la fréquence de ce transfert
potentiel serait au moins des dizaines de milliards de fois inférieur
à celle des transferts naturels qui, eux, sont bien connus.
Ce sont là des arguments retenus par les comités scientifiques de
la Communauté Européenne pour conclure que le transfert en retour
du gène
bla
du maïs vers des micro-organismes est
virtuellement impossible et ne serait, s'il se produisait, pas significatif sur
le plan clinique.
La résistance aux antibiotiques est aujourd'hui un grave problème
de santé publique. Il serait regrettable qu'à ce sujet, le public
soit troublé par des amalgames ou des assertions trop spectaculaires.
Néanmoins les progrès de la technologie font que ce type de
marqueur ne sera probablement plus présent dans les nouvelles
générations de plantes transgéniques. Ceci contribuera
certainement à éliminer le trouble que ces marqueurs ont
causé dans l'opinion.
Je vous remercie de votre attention.
M. le Président
-
Merci beaucoup. La
parole est à Monsieur Séralini.
M. Séralini
-
Ma conviction est que les OGM
peuvent contribuer à l'amélioration de la santé de
l'humanité, mais qu'aujourd'hui, par bien des aspects, nous
fonçons dans le brouillard.
Bien que nous soyons dans un aspect analytique rapide de chaque groupe de
questions, j'insiste dès le départ sur le fait que la
synthèse des zones de non accord sur chaque question pose un réel
problème pour la mise en place des OGM sans avoir un moratoire de
recherche pour favoriser encore un certain nombre de contrôles et de
mises en place des filières.
L'innocuité à long terme ne repose sur aucune base scientifique
suffisamment sérieuse à notre avis comme à celui d'un
certain nombre de scientifiques qui ont signé cette demande de moratoire.
Sur les points non résolus, je voudrais dire que dans la majorité
des plantes génétiquement modifiées cultivées
aujourd'hui ou en instance de culture et à visées alimentaires,
trois groupes de gènes étrangers à leurs espèces
hôtes ont été insérés.
Tout d'abord, comme vient de vous le rappeler Monsieur Gay, les
gènes de résistance aux antibiotiques, puis ceux de
résistance aux insectes et enfin ceux de tolérance aux
herbicides. Chacun de ces points comporte des certitudes et des incertitudes.
Pour les gènes de résistance aux antibiotiques, les certitudes
sont qu'il n'y a pas d'utilité agronomique dans le champ de
l'agriculteur et que nous pourrions nous en passer, nous venons de l'entendre.
Ils pourront aussi sans doute se transférer dans le milieu. En tout cas
ils seront déposés dans le sol à la dégradation de
chaque plante qui comporte des dizaines de milliards de cellules. Il peut donc
y avoir une rémanence de ces gènes dans le sol.
Le débat porte sur l'impact de ce transfert soit aux bactéries
soit dans le tube digestif des mammifères qui consomment ces plantes.
Une autre certitude est que la résistance aux antibiotiques est devenue
un problème important de santé publique.
Les incertitudes sont l'impact du transfert, c'est en cours d'étude par
les comités qui ont été formés. A notre avis, ce
point est suffisant pour avoir un moratoire de manière à ce que
nous ayons le temps de développer des variétés sans ce
gène.
En ce qui concerne les gènes de résistance aux insectes, il y a
des certitudes.
Une certitude est qu'un insecticide est produit dans une plante alimentaire.
Une autre certitude est que les dérivés de ces plantes ne sont
pas étiquetés aujourd'hui en France.
Les incertitudes portent aussi sur l'impact sur la santé humaine et
l'écosystème non évaluable à long terme. Si ces
dérivés ne sont pas étiquetés, n'y aura-t-il pas
d'effets secondaires imprévus ?
Dans ce cas, nous ne pourrons ni tracer ni retirer les lots du marché si
bien que des filières entières de maïs et de soja auraient
des problèmes.
Pour les gènes de tolérance aux herbicides, en disant cela je ne
nie pas le bénéfice de l'utilisation des insecticides, mais je
dis qu'il y a encore des problèmes et que ceux-ci justifient un
moratoire.
Pour les gènes de tolérance aux herbicides, il y a des
certitudes : nous allons augmenter la consommation des herbicides auxquels
les plantes ont été rendues tolérantes. Il faut donc
être très prudent dans les affirmations disant que nous aurons un
bénéfice environnemental. Apparemment en effet ces herbicides ont
une rémanence moins grande.
Une autre certitude cependant est que des effets secondaires sur la
santé ont été publiés tant pour les deux principaux
herbicides dit totaux, qui ne le sont plus maintenant puisque ces plantes y
sont tolérantes. Il s'agit du glyphosate, principe actif du
Roundup
et du glufosinate, principe actif du
Basta
ou du
Liberty
.
Ces effets ont été publiés pour le Roundup avec des effets
négatifs sur la fertilité, la mutagenèse. Récemment
des dérivés du Roundup ont été trouvés
liés sur l'ADN de foie d'animaux en ayant consommé.
Vous avez également la neurotoxicité pour les embryons et les
bébés de mammifères.
Les incertitudes portent sur les métabolites de ces herbicides, pas
seulement de leur principe actif, mais des adjuvants utilisés avec dans
l'herbicide, qui pourraient s'accumuler dans la chaîne alimentaire comme
nous l'avons déjà vu pour d'autres insecticides comme le DDT ou
l'atrazine.
Même si ces herbicides sont moins rémanents, il peut y avoir des
adjuvants ou des dérivés de ces herbicides qui peuvent être
toxiques alors que nous ne l'avions pas prévu.
Il faut être prudent en donnant l'information que c'est un
bénéfice environnemental. Il y a un bénéfice
partiel, mais il faut, à notre avis, que le public soit informé
qu'il y a aussi des inconvénients partiels et que nous ne pouvons pas
dire que c'est tout beau.
A priori, il faut à notre avis, davantage de recherche pour
étudier cela sur les mammifères.
Pour lever ces incertitudes et favoriser à long terme toutes les parties
concernées, y compris les contrôles de qualité des
entreprises qui pourront ensuite exporter des produits de qualité
contrôlée et dûment vérifiée, il faut leur
donner du temps.
Nous faisons évidemment des contrôles aujourd'hui et nous faisons
toute confiance aux commissions qui les ont réalisés. Nous disons
que c'est pour cette raison que nous voulons leur donner du temps, pour
qu'elles puissent faire des contrôles sur le long terme.
Je suis donc favorable à un moratoire de cinq ans sur la
commercialisation dans l'alimentation des OGM et des dérivés.
Cela permettrait d'apporter des réponses plus précises à
ces questions.
Merci.
M. le Président
-
La parole est
à Monsieur Courvalin.
M. Courvalin
-
Je vais me concentrer sur les
gènes de résistance aux antibiotiques puisque je suis là
en tant que chef d'une unité à l'Institut Pasteur de Paris. Nous
travaillons maintenant depuis plus de vingt ans sur les transferts de
gènes dans les conditions naturelles ce qui est exactement le
problème du jour.
Je suis également responsable du Centre national de
Référence des Antibiotiques qui dépend du Ministère
de la Santé, de la DGS et qui étudie les mécanismes de
résistance aux antibiotiques.
Le problème tel que posé par les deux orateurs
précédents est la possibilité d'un retour vers les
bactéries des gènes de résistance utilisés au cours
de la transgénèse puisque ce sont les gènes
bactériens qui ont été introduits dans les plantes.
Comme il a déjà été dit, ce sont des gènes
parfaitement inutiles dans les plantes, ils ne s'expriment pas. Comme l'a dit
Philippe Gay, ce sont des vestiges des constructions intermédiaires
qui sont vraiment tout à fait inutiles.
Les critères de choix, car il y a de très nombreux gènes
de résistance aux antibiotiques, utilisés par les scientifiques
pour les sélectionner c'est d'une part leur incidence
élevée dans la nature et d'autre part le fait qu'ils
conféraient de la résistance à de vieux antibiotiques qui
ne sont plus utilisés en clinique humaine.
En fait il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de gènes de
résistance anodins ou ubiquistes et, à mon avis, ces choix ont
été assez malheureux.
En ce qui concerne le gène
bla
qui confère la
résistance à l'ampicilline, mentionné par
Philippe Gay, il faut se souvenir que ce gène confère la
résistance aux pénicillines et que celles-ci sont une des
familles majeures d'antibiotiques utilisés tant en thérapeutique
humaine qu'animale.
Ce qui est extrêmement important c'est que des mutations ponctuelles dans
ce gène, c'est-à-dire le plus petit événement
génétique que vous puissiez imaginer, le changement d'une seule
paire de base, convertit ces pénicillinases en des
céphalosporinases.
Une enzyme va non seulement inactiver toutes les pénicillines mais
toutes les céphalosporines, c'est-à-dire les molécules les
plus récentes. Une seule mutation va abolir quinze ans de recherche de
toute l'industrie pharmaceutique.
Un autre type de mutation confère la résistance à un autre
type de produit qui sont des inhibiteurs de pénicillinases. Dans
l'arsenal thérapeutique, nous avons des molécules qui inhibent
ces pénicillinases, qui rendent les bactéries à nouveau
sensibles aux pénicillines et si nous les associons avec des
pénicillines, nous pouvons traiter les bactéries.
Là encore une mutation ponctuelle peut conférer la
résistance aux inhibiteurs de pénicillinases. Ce gène qui,
apparemment, est banal, peut évoluer très facilement vers la
résistance aux molécules humaines.
La deuxième chose est sa prévalence chez les bactéries
pathogènes responsables de diarrhées. Nous avons dit que
c'était un gène abondant, en fait c'est tout à fait
erroné car s'il est présent dans les bactéries
saprophytes, dans les bactéries commensales du tube digestif, il est
beaucoup moins fréquent dans les pathogènes qui sont responsables
de diarrhées comme les salmonelles, les shigelles,
Escherichia
coli
ou les
Vibriae
cholerae
.
La fréquence varie selon les espèces, mais elle est seulement de
quelques pour-cent. C'est notamment un gène absent chez
l'entérocoque, bactérie opportuniste qui donne des infections
nosocomiales, c'est-à-dire acquises à l'hôpital. Ce
gène est totalement absent chez cette bactérie qui est de plus en
plus fréquente en clinique.
Un autre gène, le gène aph3'-2 confère la
résistance à la kanamycine, à la néomycine. Il est
vrai que ce sont des antibiotiques très peu utilisés, mais
là encore une mutation ponctuelle peut conférer la
résistance à l'amikacine.
L'amikacine est l'antibiotique le plus utilisé dans les unités de
soins intensifs pour le traitement des infections acquises à
l'hôpital. C'est également un antibiotique qui connaît un
regain d'intérêt dans le traitement de la tuberculose du fait de
la multirésistance aux antibiotiques de cette maladie.
Un troisième gène confère la résistance à la
streptomycine, là encore un vieil antibiotique qui, lui aussi,
connaît un regain d'intérêt car les bactéries sont
devenues résistantes à la gentamicine et aux antibiotiques
apparentés.
La streptomycine est le seul antibiotique de cette famille qui n'a pas de
résistance croisée avec la gentamicine. Cela veut dire que les
souches résistantes à la gentamicine restent sensibles à
la streptomycine.
Là encore la streptomycine, en dépit de ses actions secondaires
(sa douleur au point d'injection, sa toxicité), est de plus en plus
utilisée dans le traitement des infections sévères chez
l'homme, notamment l'endocardite, ceci à cause de la
multirésistance.
Je crois que ces choix de gènes ne sont pas bons et de toute
façon il n'y a pas de gènes anodins de résistance aux
antibiotiques.
Maintenant il y a le problème du rétrotransfert, ce que
Philippe Gay appelait le transfert horizontal d'informations
génétiques, c'est-à-dire le retransfert du gène
chez la bactérie.
C'est un domaine où nos notions sont extrêmement fluctuantes et
cela rejoint les préoccupations de l'orateur précédent.
C'est un domaine dans lequel nous nous apercevons qu'il y a des transferts de
gènes qui se produisent dans la nature entre des règnes
- non plus des espèces ou des genres - qui ont divergé
il y a très longtemps.
Nous nous sommes notamment aperçus qu'il y avait des transferts des
bactéries aux cellules de mammifères, des mammifères aux
bactéries. Dans le dernier numéro de
Current Biology
, il y
a un très bel article sur un gène de résistance aux
antibiotiques chez une bactérie qui proviendrait des cellules de
mammifères.
C'est un domaine extrêmement fluctuant dans lequel il faut être
très prudent.
Nous arrivons vers cette notion de transfert horizontal d'informations
génétiques entre des organismes qui ont divergé il y a des
milliards d'années. Il faut donc être extrêmement humble et
prudent en ce qui concerne ces transferts de gènes.
Comme je l'ai dit, il y a deux exemples très bien
documentés : celui qui vient d'arriver de transfert des cellules de
mammifères aux bactéries.
Comme l'a dit Philippe Gay, des plantes aux bactéries, le transfert
n'a pas encore été démontré, mais il faut bien
savoir que ce domaine a été très peu étudié.
Ce n'est pas en faisant ce genre de manipulation que vous aurez le prix Nobel,
il y a très peu de chercheurs.
Comme cela n'a pas été démontré et pas non plus
été tellement étudié, ce n'est pas très
probant et de toute façon, en ce qui concerne un résultat
négatif en recherche, ce n'est pas parce que cela n'a pas
été observé que cela n'existe pas.
Encore une fois il y a une évolution de la notion sur les transferts
horizontaux de gènes parce que très récemment nous avons
eu des démonstrations que ces transferts se produisaient dans la nature.
Les constructions réalisées jusqu'ici - ce que dit
Philippe Gay est vrai, la technologie à cette époque n'est
pas du tout celle de maintenant -, de mon point de vue comme de celui de
nombreux collègues, sont des constructions génétiques
extrêmement grossières qui accumulent toutes les structures pour
que le gène puisse revenir chez les bactéries.
Les gènes ne s'expriment pas chez la plante, mais sont sous le
contrôle de signaux d'expression qui seront d'emblée
opérationnels chez les bactéries. Et ils sont flanqués de
grandes portions d'ADN bactérien qui facilite sa
réintégration dans la bactérie. S'il est
retransféré dans la bactérie, il pourra se restabiliser
beaucoup plus facilement parce qu'il est entouré de régions
flanquantes.
Comme il a également été dit, les techniques actuelles
permettent de se passer de résistance. Des constructions de ce type sont
d'ailleurs déjà soumises pour approbation.
Enfin il faut bien penser que la propagation à de très nombreuses
copies de ces gènes favorisera leur dissémination et leur
évolution par mutation ponctuelle vers des résistances encore
plus grandes.
Nous pourrions penser qu'il aurait été de bon sens d'appliquer le
principe de précaution à des constructions qui, comme l'a dit
Philippe Gay, sont de première génération. Elles ont
certainement fait progresser la technologie et nos notions dans ce domaine,
mais nous pouvons penser qu'elles sont inadéquates pour être
utilisées sur le terrain.
En plus, il faut bien réaliser que le système de biovigilance
sera incapable d'évaluer la contribution de ces gènes de
résistance à l'évolution vers la multirésistance
des bactéries. Ces gènes n'ont pas été
marqués, aucun signe spécifique ne leur est associé.
Si ces gènes repassent vers les bactéries, nous ne pourrons
jamais les détecter, les différencier des gènes dont
Philippe Gay a dit à juste titre, qu'ils se transféraient
à très haute fréquence entre bactéries.
Nous avons donc créé délibérément un risque
parfaitement inutile que nous sommes incapables d'évaluer ce qui, d'un
point de vue intellectuel, est quand même extrêmement
impressionnant.
Enfin je voudrais dire qu'en autorisant un gène nous créons un
précédent qui risque fort de faire jurisprudence et après
nous nous empêtrerons dans les demandes concernant d'autres gènes
de résistance.
Pour terminer je voudrais dire qu'il faut garder présent à
l'esprit que depuis plus de vingt ans maintenant, aucune nouvelle famille
d'antibiotiques n'a été introduite en thérapeutique
nouvelle.
D'un côté les bactéries évoluent vers la
résistance, de l'autre nous n'avons aucun antibiotique nouveau et sans
vouloir être alarmiste, le problème de la multirésistance
aux antibiotiques chez les bactéries est un authentique problème
de santé publique.
M. le Président
-
La parole est à
Monsieur Rico.
M. Rico
-
Je suis vétérinaire et
toxicologue. Je me suis plus particulièrement intéressé
aux problèmes de pesticides puisque je préside une commission qui
donne un avis au Ministre de l'Agriculture pour éventuellement les
enregistrer.
Je vais surtout m'attacher à ces problèmes toxicologiques.
Comme cela a été signalé, il existe des OGM qui ont la
propriété de tolérer certains herbicides, en l'occurrence
deux ont été cités et sont effectivement sur la sellette.
S'ils les tolèrent ce n'est pas parce qu'ils sont capables de les
accumuler, mais parce que la construction génétique mise en place
leur permet de les détoxiquer, c'est-à-dire de les
dégrader de façon à les rendre inoffensifs tout au moins
pour la plante.
En particulier pour les deux précédents, ce sont des
phénomènes d'acétylation faisant qu'ils deviennent
pratiquement tolérants, donc plus toxiques pour la plante.
Or ces processus d'acétylation qui sont des processus de
détoxication ne sont pas spécifiques à la plante, ils sont
connus chez les mammifères, chez l'homme. L'acétylation est un
processus de biotransformation tout à fait classique.
Nous parlons de pesticides et, en lisant un certain nombre de papiers, j'ai
l'impression qu'on ne sait pas très bien comment sont enregistrés
les pesticides en France.
L'enregistrement des pesticides en France est une affaire sérieuse qui
repose sur des textes et des structures.
Le texte actuellement en vigueur est un texte européen, la directive
n° 91-414 de 1991, qui est amendée au fur et mesure du
développement. Ce texte est très précis. Il demande toute
une série d'informations très complètes sur le produit
lui-même et sur ses formulations.
Nous avons toute une série d'informations à notre disposition,
des toxicités à court terme, à long terme, des
mutagenèses, des cancérogenèses, des
tératogenèses. Nous avons des informations sur le
métabolisme de la plante, sur le métabolisme du produit dans la
plante, dans le sol, chez les animaux.
Nous avons des informations éventuellement sur
l'allergénicité.
Je pense qu'il ne faut pas laisser dire que nous ne connaissons rien sur les
pesticides, que nous enregistrons et laissons passer des pesticides sans avoir
d'informations sur leur toxicité à long terme ou disons sur
d'autres aspects.
D'autre part les tests réalisés actuellement le sont dans des
conditions extrêmement précises, dans des laboratoires avec des
techniques parfaitement codifiées aux niveaux européen et
mondial. En fait nous avons une foule d'informations à notre disposition
pour pouvoir juger.
Quel est l'objectif de cette commission ?
Il est de préciser la sécurité d'emploi des pesticides
comme de préciser éventuellement la sécurité
d'emploi d'utilisation de plantes transgéniques, c'est-à-dire de
définir les risques et nous essayons de les définir dans trois
domaines :
- pour le consommateur au travers des résidus,
- pour le manipulateur, il ne faut pas oublier que des personnes
manipulent ces produits, les paysans,
- pour l'environnement.
Le deuxième point que je voudrais développer est la notion de
risque. Il ne faut pas confondre risque et danger. Ce sont deux concepts qui
sont forcément associés, mais pas totalement.
Le danger sont les caractéristiques toxicologiques d'un composé.
Vous analysez un produit, vous caractérisez sa toxicité, s'il est
toxique à long terme, s'il a une toxicité aiguë, etc. C'est
le danger et vous avez des substances plus ou moins dangereuses.
Le risque intègre un autre élément très important
qui est l'exposition, c'est-à-dire la quantité de substance
à laquelle vous risquez d'être soumis. Il ne faut pas oublier
qu'en toxicologie, il existe une règle qui a été
confirmée depuis fort longtemps : la dose fait le poison.
Par conséquent il existe pratiquement dans tous les domaines des doses
sous lesquelles les effets toxiques ne se manifestent pas.
La notion de risque est donc une notion qui doit tenir compte de la notion
d'exposition. Une substance peut être à haut danger, mais si
l'exposition est quasiment nulle, le risque est quasiment nul. En revanche une
substance peut être à faible danger, mais si son exposition est
importante vous avez des accidents.
Comme je suis vétérinaire je connais bien les intoxications par
le chlorure de sodium, c'est-à-dire le sel chez les porcs et les
poussins.
Lorsque l'on donne une alimentation un peu riche en chlorure de sodium à
ces animaux, surtout s'ils n'ont pas à leur disposition un abreuvement
suffisant, les porcs meurent très facilement de méningite
toxique, le chlorure de sodium passera dans le cerveau, y entraînera des
oedèmes et les fera mourir. Les poussins, eux, mourront de
diarrhées extrêmement profuses et très rapidement.
Le chlorure de sodium est toxique pour ces animaux, il le serait de même
pour l'homme s'il en ingérait des quantités importantes.
Lorsque nous parlons de dose, nous parlons aussi de concentration. Je voudrais
rappeler qu'en ce qui concerne les pesticides, ceux-ci ne sont présents
dans l'alimentation ou dans l'eau qu'à des doses quand même
extrêmement faibles. Il ne faut quand même pas penser que nous
avons dans l'alimentation des quantités absolument astronomiques de ces
composés.
Nous utilisons des unités tout à fait classiques, tout au moins
pour les toxicologues, qui sont des unités de concentration :
- la PPM est une très grosse unité, c'est le milligramme par
kilo,
- la PPB est mille fois plus petite, c'est le microgramme par kilo,
- la PPT est mille fois encore plus petite, c'est le nanogramme par kilo,
- la PPQ dont nous parlons maintenant, c'est-à-dire le picogramme
par kilo ; un picogramme c'est mille milliardième de gramme,
c'est-à-dire quelque chose d'extrêmement faible.
Pour illustrer un peu mon propos, je dirais que, par exemple, la PPT est une
pièce de 50 centimes perdue dans la ville de Paris. Il se trouve
qu'effectivement les chimistes sont maintenant capables de la trouver. Je
disais à mes étudiants que ce n'est pas parce que je trouve une
pièce de 50 centimes que je serai riche.
Nous identifions une substance dans un milieu, elle présente
forcément un caractère toxique. Comme il y a toujours des petits
astucieux, un jour un étudiant m'a dit : "Mais si c'était un
diamant ?" Je lui ai dit que c'était une très bonne remarque
et que dans ces conditions je serais extrêmement riche.
La probabilité que je trouve un diamant comme une pièce de
50 centimes dans la ville de Paris est très différente.
D'autre part, cela montre bien que le risque nul n'existe pas car le risque nul
est une utopie.
Je pense que vivre est risquer sa vie et je suis persuadé d'ailleurs
que, pour mes enfants et petits-enfants, je ne voudrais pas une vie sans
risque. D'abord cela n'existe pas et le risque c'est un peu le sel, c'est le
piment, le miel, les bulles de l'existence. Imaginez une existence sans risque,
elle serait absolument invivable.
Je viens de vous dire que le risque, c'est effectivement risquer sa vie, la
preuve est que de toute manière nous finirons tous par mourir. Ceci pour
une raison fort simple, c'est que nous pouvons définir la vie d'une
manière un peu anecdotique, mais quand même avec un certain fond
de vérité.
Qu'est-ce que la vie ?
C'est une maladie universelle, une maladie inguérissable, une maladie
toujours mortelle. Le seul avantage qu'elle a pour les hommes et les femmes
c'est qu'elle est sexuellement transmissible. Merci.
M. le Président
-
Madame Moneret-Vautrin va nous ramener à des problèmes
d'allergénicité. C'est un des sujets évoqués en
matière de santé. Vous avez quelques minutes pour le
présenter.
Mme Moneret-Vautrin
-
La préoccupation des
risques allergiques des OGM vient de deux types de données :
- la prévalence des allergies alimentaires a
considérablement augmenté depuis quinze ans, c'est donc une
préoccupation du grand public ;
- cette augmentation de prévalence est partiellement liée
aux modifications de l'alimentation et les OGM étant le dernier avatar
de ces modifications, il est légitime de s'intéresser à ce
risque.
En 1992 la FDA a avalisé toute une série de recommandations pour
l'étude du risque allergique qui venait de l'Organisme des
Biotechnologies alimentaires américain et de l'Institut d'Allergologie
et d'Immunologie.
Ces directives sont parfaitement claires et intéressantes à
connaître. Elles font la part des choses entre un transfert de
protéines d'une plante déjà connue comme ayant
donné des allergies alimentaires. Le deuxième cas de figure est
celui de protéines venant d'un organisme qui, jusqu'ici, n'a pas
provoqué d'allergies alimentaires.
Dans le premier cas, il faudra disposer de patients ayant l'allergie
alimentaire à la plante donneuse de façon qu'avec leur
sérum et leur peau, par le biais de tests cutanés, nous puissions
rechercher si la protéine une fois transférée dans la
plante accueil présente effectivement des risques allergiques
particuliers.
Tout à l'heure nous avons fait allusion à cette albumine 2S de la
noix du Brésil qui s'est révélée parfaitement
capable de donner des allergies dans le soja modifié si le sujet
allergique à la noix du Brésil consommait ce soja.
Par ailleurs il ne faut pas oublier que lorsque nous avons
transféré une protéine, nous connaissons par
définition parfaitement sa séquence linéaire d'acides
aminés. Il est donc possible de regarder dans les banques de
données des séquences de tous les allergènes connus s'il y
a une homologie, une ressemblance et de savoir s'il y a un risque quelconque
d'allergénicité.
Cela dit, soyons humbles, il y a certainement des dizaines de milliers
d'allergènes et nous n'en connaissons parfaitement actuellement dans les
banques de données qu'environ 2 à 300.
Si la plante d'origine de la protéine n'est pas connue comme donnant une
allergénicité ou si cette protéine vient d'une
bactérie - nous avons évoqué le problème de la
protéine de résistance aux herbicides, elle vient d'une
bactérie - dans ce cas, nous limiterons surtout les études
d'abord à la recherche éventuelle d'une homologie, mais nous nous
intéresserons également à sa fragilité dans des
milieux de digestion artificielle.
Il est certain que les allergènes majeurs que nous connaissons
résistent 30 mn à 1 h 30 dans des modèles
de digestion artificielle. Jusqu'ici les protéines
transférées dans des OGM ne résistent pas plus de
15 secondes. Il est certain que cet argument paraît très
intéressant même si pour des raisons que je ne peux pas
développer, il est tout de même un peu insuffisant.
Lorsque nous avons fait ainsi le tour de toutes ces évaluations avant en
quelque sorte commercialisation, nous ne pouvons qu'être frappés
d'une chose. Si chaque élément choisi n'offre pas une
sécurité à 100 % ce qui est impossible, l'ensemble,
la conjonction de tous ces tests permet déjà de serrer une
sécurité sanitaire importante.
Toutefois la seconde chose que nous devons absolument dire est que nous ne
pouvons nous référer qu'aux allergènes connus. Nous ne
pouvons pas assurer que cette protéine introduite dans l'alimentation
humaine n'aura pas un jour ou l'autre ce qu'on appelle une
caractéristique d'immunogénicité, c'est-à-dire
qu'elle ne sera pas capable de faire se développer une sensibilisation
qui n'avait jamais existé.
Dans la mesure où ces aliments nouveaux, ces OGM, sont soumis à
des études de l'ordre de celles que l'on impose aux médicaments,
il paraît tout à fait logique de transposer ce que nous faisons
dans le domaine du médicament.
Lorsque nous commercialisons un médicament, nous savons parfaitement
qu'il y a tout de même un risque qui ne peut pas être
détecté avant commercialisation et nous faisons ce qu'on appelle
une surveillance
post-marketing
. C'est un système que tout le
monde connaît qui s'appelle un système de pharmacovigilance.
Pour cette raison, je pense que si réellement les OGM envahissent
l'alimentation, il faut qu'il y ait une surveillance
post-marketing
.
Ceci veut dire qu'il faut un réseau national d'allergo-vigilance et que
ce réseau doit être structuré et coordonné par un
bureau de veille sanitaire du risque allergique qui serait, en somme, une
sous-direction de la prochaine agence de sécurité sanitaire de
l'alimentation.
Moyennant ceci, nous pouvons espérer, non pas atteindre un risque
zéro, mais en tout cas le contrôler efficacement.
Je voudrais faire remarquer qu'autrefois, nous ne nous préoccupions pas
de ces problèmes. Lorsque nous avons introduit le riz en Camargue, nous
ne nous sommes pas préoccupés de savoir si la
variété de riz était hypo- ou hyperallergénique.
L'expérience montre que, par chance, nous avons choisi une
variété hypoallergénique par rapport au riz japonais qui
est très allergisant, mais cela aurait pu être le contraire.
Il ne faut pas en quelque sorte imputer aux nouvelles technologies des risques
nouveaux dont nous nous serions occupés auparavant. En fait ce sont les
connaissances qui font naître la préoccupation de risques.
A mon avis, il est possible, grâce à une surveillance
d'allergo-vigilance
post-marketing
, de pouvoir veiller au risque.
Restent à fixer les transmissions, les nécessités
d'informations des allergologues et de dispositions pour les centres
d'allergologies spécialisés de ces fameuses protéines
transgéniques de façon à pouvoir éventuellement un
jour ou l'autre dépister un risque de sensibilisation.
Je suis persuadée qu'avec ce système il doit être possible
d'envisager tout de même à mon point de vue d'allergologue
alimentaire, les OGM avec une relative confiance.
M. le Président
-
Merci beaucoup,
Madame.
Comme dans le débat sur l'environnement ce matin, en-dehors de ce que
vous venez de dire sur l'allergénicité et son risque et sur les
autres dangers éventuels en matière de santé, nous avons
des positions très opposées.
Là encore, le travail politique sera de prendre des décisions
politiquement dures sur des certitudes scientifiques molles.
Lorsque je vous entends, c'est comme pour l'environnement, j'ai l'impression de
voir - pas sur l'allergie, mais sur les autres sujets - ou tout blanc
ou tout noir, il faut essayer de clarifier cela.
Si Monsieur Séralini dit qu'il y a des risques de
génotoxicité, un certain nombre de risques en matière de
cancérisation - nous parlerons des antibiotiques tout à
l'heure - et de toxicité, cela veut dire que les commissions
chargées d'examiner cela, ne font pas leur travail.
Nous avions une commission et comme nous en avons discuté hier dans la
partie réglementaire, je crois que tout le monde est convenu de dire
qu'il fallait faire évoluer les choses. Avoir pour la Commission du
Génie Biomoléculaire, un système d'experts techniques qui
font le contrôle ce n'est pas bon.
Nous arrivons pratiquement tous à une unanimité de la
décision, à côté de ce système de ceux qui
feront l'expertise technique, il faudra un système de vigilance ou de
veille et de contrôle du risque de personnes venant de la
société civile, des associations, du milieu de la recherche. Il
faut que ces personnes viennent de différents milieux et qu'elles
puissent effectivement donner un autre avis que l'avis scientifique pur.
Ce matin, lors de la table ronde sur la consommation, nous avons parlé
de la notion de seuil comme si les OGM avaient déjà envahi nos
étalages. Michel Edouard-Leclerc ne nous disait que cela et il
demandait qu'il n'y ait pas de seuil car s'il y en avait un il
étiquetterait tout OGM, ainsi ce serait classique et classé.
Ce matin nous n'étions pas du tout dans le débat qui est celui de
cet après-midi, nous avions l'impression que tout ceci était
déjà classé. Or il y a des décisions à
prendre en matière de santé, qu'il y ait seuil ou pas. Si un
produit OGM présente un risque sérieux en matière de
santé, il faut l'interdire.
Si j'entends Monsieur Séralini sur un certain nombre de points sur
lesquels nous reviendrons, il faut interdire un certain nombre d'OGM. Si
j'entends Monsieur Gay ou Monsieur Rico, au contraire, il faut aller
plus vite ou développer la totalité des OGM car il n'y a pas de
risques.
Il faut donc cerner cette question et puisque les OGM se sont
développés dans un certain nombre de pays du monde, je vais vous
poser une première question. Je rappelais hier les chiffres qui sont
impressionnants :
- 26 millions d'hectares dans le monde,
- 16 millions d'hectares aux Etats-Unis en 1998,
- 10 millions d'hectares dans trois pays principaux (Canada,
Argentine, Chine),
- cela se développe un peu en Australie et c'est en train de se
développer dans d'autres pays.
Ces études n'ont-elles pas été faites de manière
sérieuse ?
Les risques potentiels indiqués par Monsieur Courvalin - je
suis très sensible à la partie " antibiotiques " dont
nous avions déjà eu l'occasion de parler lorsque j'ai
auditionné Monsieur Courvalin - présentent-ils un
réel danger ? Cette possibilité est-elle réelle ?
Monsieur Séralini je vous pose aussi cette question.
Pour vous, en l'état actuel des choses, faut-il tout interdire, y
compris les OGM qui existent déjà, puisque vous dites qu'il y a
risque en matière de santé ?
Au contraire, les probabilités de risque sont-elles si faibles qu'il
n'est pas plus fort que pour des aliments classiques ?
Madame Moneret-Vautrin vient de dire qu'en matière d'allergies
finalement les connaissances de la science faisaient qu'il y avait sans doute
des risques nouveaux à étudier, ceux-ci n'étant cependant
pas supérieurs à ceux que nous aurions eus sans l'existence des
plantes OGM.
Faisons-nous supporter aux OGM tous les risques de l'alimentation ou faut-il
aussi faire porter la suspicion sur la totalité des aliments ?
C'est en quelque sorte ce que disait Monsieur Courvalin tout à
l'heure.
Finalement est-ce la gestion des antibiotiques aujourd'hui qui est en cause ou
les OGM en tant que tels ?
Je dis ceci en sachant qu'il faudra supprimer les constructions dont vous
parliez tout à l'heure, Bernard Kouchner en étant d'accord
comme il l'a dit hier soir ici.
Il faudra supprimer les constructions qui ont eu des résistances
à des antibiotiques. Comme nous sommes capables de faire autrement, nous
ne sommes pas obligés de les avoir et d'ajouter un risque
supplémentaire à cette mauvaise gestion des antibiotiques que
nous avons depuis 50 ans.
Je souhaiterais que vous puissiez vous exprimer sur ces sujets, avec des pour,
des contre comme ce matin, que vous essayiez d'avancer dans le débat,
non pas en parlant du risque potentiel, mais en parlant du risque pour les OGM.
Y a-t-il un risque nouveau du fait de l'apparition des OGM ?
M. Courvalin
-
Je n'ai pu venir ni hier ni ce
matin, mais d'après ce que vous dites, le problème des
gènes de résistance aux antibiotiques a l'air à peu
près réglé dans les esprits.
Lorsque nous entendons Philippe Gay, finalement il n'y a pas tellement de
différence. Evidemment les approches sont distinctes, mais nous sommes
d'accord tous les deux pour dire que ces gènes sont parfaitement
inutiles dans les constructions, ne serait-ce que parce qu'ils ne s'expriment
pas dans la plante.
Nous sommes également d'accord sur le fait qu'il y a un risque potentiel
de retour vers les bactéries. Il est sans doute faible, mais j'attire
votre attention sur le fait que nous sommes incapables de l'évaluer.
Encore une fois nous l'avons délibérément
créé, il est inutile et nous sommes totalement incapable de
l'évaluer ce qui est extrêmement gênant.
Nous sommes d'accord tous les deux sur le fait que ce sont des gènes
inutiles, que c'est un danger potentiel.
Le fait qu'il n'ait pas été démontré est un
argument très faible pour moi. Comme je l'ai dit cela n'a pas
été beaucoup étudié et en plus, d'avoir
travaillé pendant vingt ans sur les transferts de gènes dans les
conditions naturelles, nous a appris beaucoup d'humilité.
Il est en effet extrêmement difficile de faire des expériences de
reconstruction. Nous avons observé des transferts sur certains
critères, nous étions sûrs qu'ils s'étaient produits
dans la nature et nous avons eu beaucoup de mal à les reproduire en
laboratoire alors que nous nous mettions dans les conditions que nous estimions
les plus favorables.
En fait c'est sous-estimer les très nombreuses occasions
d'échange d'ADN dans la nature. Dans le tube digestif, il y a des
milliards de bactéries qui peuvent être en état de
compétence, c'est-à-dire d'incorporer de l'ADN, d'autres lyses le
relarguant.
Il y a en fait beaucoup plus d'occasions dans la nature de transferts de
gènes que ce que nous arrivons à reproduire en laboratoire. Il y
a même des manipulations que nous sommes encore incapables de refaire.
Comme je l'ai dit, ces notions évoluent très rapidement et les
échéances au laboratoire, surtout lorsqu'elles sont
négatives, ne sont absolument pas informatives. Le fait de ne pas avoir
réussi à le refaire ne prouve pas que cela n'existe pas, il faut
se méfier de ce genre d'argument que j'ai lu dans un papier en
France : "Comme on ne l'a pas démontré, cela n'existe
pas !". C'est en effet tout à fait anti-scientifique.
Je crois qu'il y a moins de divergences à ce niveau et qu'apparemment le
problème a l'air réglé, les personnes ont compris quand
même que...
M. le Président
-
... Sauf que les
personnes que j'ai vues après vous à qui je donnais vos
arguments, me disaient que vous aviez raison au niveau scientifique, mais que
la probabilité la plus forte de transfert de gènes est la
conjugaison entre des bactéries.
Il est évident - et vous l'avez dit dans votre exposé
liminaire - que même s'il y a peu de gènes de
résistance dans des bactéries pathogènes du tube digestif
qui sont en faible nombre, c'est là qu'existe déjà la
probabilité de transfert.
Ceci est malheureusement dû au fait que de nombreuses bactéries, y
compris des bactéries non pathogènes existent déjà
avec des gènes de résistances multiples dans le tube digestif. Ne
parlons pas des staphylocoques dorés pour lesquels certains citaient ce
matin le chiffre de 10 000 morts dues aux infections
hospitalières nosocomiales en France du fait de bactéries qui ont
la totalité des gènes de résistance.
Le contre-argument donné sur un problème sur lequel
personnellement je me suis fait une religion en tout cas pour l'avenir, la
vraie question est : quand ?
Bernard Kouchner l'a dit hier soir, là-dessus je ferai cette
proposition, mais quand faut-il la faire ?
Un certain nombre de constructions existent aujourd'hui dans notre pays.
D'après toutes les auditions effectuées, si la probabilité
d'acquisition de la résistance aux antibiotiques est faible, elle existe
déjà malheureusement aujourd'hui du fait non pas des plantes
transgéniques, mais de la mauvaise gestion de ces produits.
Il n'est pas du tout impossible qu'il y ait effectivement un jour un certain
nombre de problèmes supplémentaires en termes de
résistance à des antibiotiques.
Nous sommes d'accord là-dessus, mais que répondez-vous à
l'argument scientifique qui m'a été rapporté ?
M. Courvalin
-
Encore une fois je l'ai
écrit et rappelé au début de mon exposé et j'ai
confirmé ce qu'avait dit Philippe Gay.
Il est vrai que les mécanismes développés par les
bactéries pour transférer les gènes de résistance
sont extrêmement efficaces dans la nature, très
opérationnels, notamment dans le tube digestif. Il faut bien comprendre
que le tube digestif est un écosystème extrêmement
favorable aux échanges génétiques.
M. le Président
-
Combien de
bactéries y a-t-il dans un tube digestif ?
M. Courvalin
-
Comme plus de 90 % ne sont pas
cultivables, c'est difficile à quantifier, mais il y a des milliards de
bactéries dans le tube digestif. Cependant l'immense majorité des
espèces ne sont pas connues parce que nous n'arrivons pas à les
cultiver.
Nous sommes tous d'accord sur le fait que la résistance aux
antibiotiques est un problème majeur à l'heure actuelle.
Comme je l'ai dit, il n'y a absolument aucun nouvel antibiotique en perspective
actuellement. Comme il faut dix à quinze ans pour en développer
un, nous pouvons anticiper le fait que dans les dix prochaines années,
la situation ne fera que se détériorer puisque les
bactéries évoluent constamment vers la résistance, c'est
un cas particulier de leur évolution.
Encore une fois, les systèmes développés par les
bactéries pour transférer les gènes de résistance
sont extrêmement efficaces.
Compte tenu de l'ampleur du problème, du fait que nous n'avons pas
d'antibiotiques nouveaux, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter
un risque potentiel que nous sommes incapables d'évaluer, ceci
même si sa fréquence est faible.
Pour moi ce n'est pas une excuse de dire que parce que les gènes sont
là, qu'ils transfèrent etc., que nous ne pouvons en ajouter. Pour
moi c'est un argument extrêmement faible. Cet argument est tenu par des
personnes partisanes de mettre des antibiotiques comme suppléments dans
l'alimentation animale. Elles le font en disant :
"Vous avez vu dans les unités de soins intensifs, c'est tragique, les
hôpitaux, les infections nosocomiales et tout, qu'est-ce que cela peut
faire de rajouter des antibiotiques dans l'alimentation animale ?"
C'est également un facteur d'évolution vers la
dissémination de la résistance qui doit être pris en
compte, qui est certainement plus important que ce que nous discutons
aujourd'hui dans la dissémination de la résistance.
Là encore, en considérant le problème de santé
publique posé, je crois qu'il ne faut pas surajouter à la
mauvaise utilisation des antibiotiques en médecine humaine
mentionnée par le président au début de cette session, des
gènes de résistance dans les plantes transgéniques et ne
pas utiliser d'antibiotiques comme suppléments dans l'alimentation
animale.
M. Gay
-
Je voudrais éviter l'association
"antibiotiques dans la nourriture animale et plantes transgéniques" et
je vais me limiter à ces dernières.
Je suis un peu gêné d'entendre parler de risques que nous sommes
incapables d'évaluer. Est-ce qu'un risque que nous sommes incapables
d'évaluer en est un ?
Il faut faire très attention car il y a une sorte de dérive de la
notion de risque. Tout d'un coup nous ne savons plus de quoi nous parlons, je
prie Monsieur Courvalin de m'excuser, mais je n'aime pas cette faute
logique qui, à la limite, va conduire les personnes un peu nulle part.
C'est introduire dans le public, une angoisse épouvantable : " il y
a des risques que nous sommes incapables d'évaluer ", franchement
qu'est-ce que cela veut dire ?
Le deuxième point sera plus technique. Comme j'ai déjà
posé la question à Monsieur Courvalin, il pourra
éventuellement revenir dessus.
Le généticien que je suis s'est posé la question de la
résistance des bactéries d'une autre façon. A la limite,
étant donné le taux de mutation très élevé
des bactéries vers la résistance, un taux de mutation de l'ordre
de 10 puissance moins 7 à 10 puissance moins 9 est un taux
très élevé puisque la moindre population
bactérienne atteint 10 puissance 9 par millilitres de culture
où une colonie bactérienne représente déjà
un nombre important de bactéries.
Pourquoi étant donné ce taux de mutation élevé,
étant donné ces taux de transferts extrêmement
élevés par conjugaison, c'est-à-dire par contact direct
dans le milieu intestinal, toutes les bactéries ne sont pas
résistantes ?
Que voyons-nous ? Nous nous apercevons en fait que les populations
- je tiens l'information de Monsieur Courvalin, si jamais je me
trompe, il me démentira immédiatement - tendent vers une
sorte d'équilibre.
Qui dit équilibre dit que la proportion de ce qui cesse d'être
résistant et de ce qui le devient, s'équilibre. Ces
équilibres sont fonction non pas de la fréquence de mutation ou
de transfert, mais essentiellement de la pression de sélection à
laquelle sont soumises ces populations bactériennes, c'est-à-dire
l'utilisation ou non d'antibiotiques dans le milieu.
Je crois que c'est très important car il est impossible de comprendre le
phénomène de résistance aux antibiotiques si nous n'allons
pas plus loin dans l'analyse que simplement une analyse ponctuelle des
phénomènes de transfert. A mon avis arguer de possibles
phénomènes de transferts n'est pas pertinent.
Le troisième point est qu'il y a des ordres de grandeur, on a
cité des milliards de cellules de maïs. Je me suis livré
à un petit calcul, si tout le maïs du monde était le
maïs 176 de Novartis, il y aurait 10 puissance 24 copies du
gène " ampicilline " de plus sur la planète.
Nous avons essayé de transférer ces copies qui sont
présentes dans l'ADN de maïs, par transformation du colibacille et
nous n'avons pas réussi. A l'inverse lorsque nous avons pris les
plasmides entiers, nous sommes arrivés à des taux de
transformation de 20 %.
Cela veut dire que des plasmides entiers tels ceux présents dans les
corps bactériens dans les fèces, dans les bactéries
cultivées dans les laboratoires, ces plasmides ont des taux de
transfert, des taux potentiels de dissémination dans le système
de transformation de colibacille, 10 puissance 10 fois au moins
supérieurs à celui du maïs.
Cela veut dire que 10 ml de culture faits par un étudiant classique
à l'université voisine a probablement un pouvoir de
dissémination de résistance aux antibiotiques dans les
colibacilles ou coliformes supérieur à l'ensemble de la culture
du maïs si nous arrivions à prendre la totalité du
marché mondial.
Je crois qu'il importe que nous fassions attention à ces ordres de
grandeur pour ne pas, encore une fois, tromper l'opinion et transformer une
souris voire un microbe en une montagne. C'est très important car le
jour où la montagne arrivera, il s'agira de la voir, mais on la manquera
peut-être car nous nous serons occupés par autre chose.
M. le Président
-
Nous allons
peut-être juste terminer sur une question encore là-dessus car
nous évoluons quand même vers un système où, y
compris des fabricants jusqu'aux chercheurs, tout le monde dit que ce n'est pas
souhaitable d'avoir ce type de construction.
La discussion est pour les plantes qui ont déjà été
faites et l'argument qui consiste à dire qu'il ne faut pas en rajouter,
même s'il y a des échelles de risques entre le risque par OGM avec
le risque dans l'alimentation animale et l'utilisation des antibiotiques dans
les hôpitaux.
Aux Etats-Unis j'ai vu Madame Saliers qui est une des grandes
spécialistes de microbiologie et je lui ai posé la même
question. Elle a organisé un colloque à Talloires - dont
j'ai le compte rendu - et finalement la plupart des chercheurs ont conclu
un peu sur l'opinion qui vient d'être indiquée.
Ils disent que le risque est pratiquement nul et elle m'a
développé cela. Madame Saliers est professeur à
l'université de l'Illinois et fait référence au niveau
international.
Elle m'a dit qu'à son avis il faut les retirer - c'est la
même position - mais que le risque potentiel est très faible
dans la mesure où finalement les passages du végétal vers
des bactéries du sol sont certes possibles, mais que la fréquence
en est peut-être de 10 puissance moins 15.
Elle m'a également indiqué que les passages éventuels de
cette bactérie du sol vers des bactéries intestinales bovines,
puis humaines se font également à la même fréquence.
Celle-ci est très faible par rapport à toutes les autres
possibilités de conjugaison qui existent dans la nature.
Nous allons peut-être clore cette partie qui est plus scientifique que
décisionnelle. Un certain nombre d'arguments ont été
donnés et il y a également eu des arguments politiques. Il faut
bien entendu essayer d'éviter au maximum les risques potentiels.
Nous allons aborder les toxiques.
Même si cela a été dit de façon plaisante,
même si cela a été le plus tranché possible des deux
côtés, il y a eu des arguments opposés les uns aux autres.
Je souhaiterais que nous allions un peu plus avant.
Après votre audition, Monsieur Séralini, j'ai
interrogé un certain nombre de chercheurs qui m'ont exprimé leur
point de vue sur ce que vous indiquiez.
Non seulement la CGB, mais aussi le Comité supérieur
d'hygiène française et la Commission des toxiques, ont
étudié ces questions. Les accumulations - vous compariez au
DDT - ne peuvent pas se faire, de nombreux pesticides ne s'accumulant pas.
Un certain nombre de risques que vous indiquez avec des plantes
transgéniques n'existent pas réellement.
Je souhaiterais que d'un côté et de l'autre vous puissiez
éventuellement apporter des précisions en vous appuyant sur des
travaux de recherche pour nous indiquer à tous ce qui est réel et
que vous puissiez dire, Monsieur Rico, puisque vous êtes
président de la Commission des Toxiques, si vous travaillez bien ou non.
Comme vous avez des avis opposés, cela signifie-t-il que toutes ces
commissions travaillent mal ?
M. Séralini
-
Je voudrais dire un mot sur
les faibles risques de transferts de gènes.
Il est vrai que le risque peut être faible, mais cela ne veut pas dire
grand chose s'il y a une pression de sélection derrière. Nous
pouvons travailler avec de faibles risques de transferts et réussir
à cloner des choses très rares au laboratoire de cette
manière.
Aujourd'hui, pour moi, le problème de la résistance aux
antibiotiques n'est pas résolu dans la mesure où la
variété cultivée en ce moment ou en train d'être
plantée a ce gène de résistance.
M. le Président
-
J'ai posé la
question importante : quand ? Le problème est là.
M. Courvalin
-
Comme vous l'avez dit, nous ne
pouvons être experts et décideurs, ce n'est pas le genre de
question à nous poser. Nous pouvons dire ce que nous pensons, mais c'est
à vous de décider.
M. Séralini
-
Aujourd'hui le
problème se pose, même si dans les intentions, il ne se posera
plus dans l'avenir.
J'ai bien apprécié ce qu'a dit Madame Moneret-Vautrin sur la
mise en place d'un réseau. Cela me semble tout à fait judicieux
pour surveiller les allergénicités possibles de certains
produits. Pour aider ce réseau, il serait absolument nécessaire
qu'il y ait une traçabilité et un étiquetage des produits.
Aujourd'hui encore, les produits importés, ne sont pas clairement
identifiés. En ce moment le problème se pose, cela me permettant
de rebondir sur votre dernière question : les commissions
travaillent-elles mal ?
Je crois que la question est très mal posée. Il me semble que les
commissions travaillent bien, je leur fais confiance a priori. Mais,
à ma connaissance, elles n'ont pas été sollicitées
pour homologuer des herbicides aujourd'hui sur des plantes transgéniques
puisque celles-ci nous arrivent par l'importation.
Monsieur Rico ne peut donc être mis en cause à ce niveau et
je ne vois pas pourquoi vous posez la question en ces termes.
Monsieur Rico nous a parlé de dégradation d'un herbicide par
la plante, c'est vrai. Il faut savoir aussi que les produits de
dégradation des cancérogènes sont des
cancérogènes activés.
Les enzymes qui, justement, dégradent les acétylations, les
hydroxylations qui font partie des activités des enzymes cytochromes
P450 que nous étudions au laboratoire et qui sont impliqués dans
les dégradations de certains procancérogènes, les
transforment aussi quelquefois en cancérogènes activés.
Ensuite nous avons parlé de seuil au-dessous duquel une exposition ou un
effet ne se manifeste pas. Evidemment c'est lié là au
problème du long terme. Monsieur Rico et moi-même avons
parlé de long terme.
Le long terme pour les commissions est de 30 et 90 jours, de quelques mois
pour les rats et de 20 à 40 ans pour un homme. A ce
moment-là il est exposé non pas à un dérivé
d'herbicide ou de pesticide de manière bien contrôlée, mais
à une foule de substances qui viennent sur les mêmes enzymes de
détoxication dans son foie.
Je crois qu'il faut être très prudent dans la mesure où un
cancérogène peut ne pas avoir de seuil, être actif et
conférer une mutagénécité. A ce moment-là il
n'y a pas de seuil admissible qui puisse être pris en compte sinon au
niveau statistique. Le fait est cependant que la statistique ne
représente rien pour un individu vivant.
Je crois que le problème est le même pour les herbicides et les
résistances aux antibiotiques. Vous me demandez de m'appuyer sur des
références, je l'ai fait dans un texte que je vous ai
envoyé.
Effectivement il y a des risques qui ne sont pas évaluables en
l'état actuel de nos connaissances, Monsieur Gay, parce que tout
simplement dire qu'il n'y a pas de publication sur un sujet ne veut pas dire
que le risque est éliminé. Comme l'a dit Monsieur Courvalin,
je crois qu'il est anti-scientifique d'estimer que c'est alors vrai, un risque
pouvant ne pas être évaluable en l'état actuel des
connaissances.
D'autre part je crois que ce serait un leurre de ne pas se servir de
l'amélioration des connaissances sur les contrôles, y compris,
puisque nous voulons être techniques, de la mesure du poste des adduits,
du Roundup par exemple sur l'ADN des foies des animaux consommant ce produit
à travers les plantes ou leur alimentation.
Ce genre de test évolue assez vite, mais les commissions ne changent pas
leurs tests tous les jours. Lorsqu'un produit nouveau arrive, il est bon de
réaliser de nouveaux tests.
Ces produits nouveaux sont susceptibles d'accumuler des herbicides dans leurs
cellules puisque cela avait même empêché un soja de bien
pousser, si je me réfère au rapport des dix ans
d'expérience de la Commission du Génie Biomoléculaire. Ce
soja accumulait du Roundup dans ses méristèmes, dans les parties
de la plante en développement.
A mon avis le problème des faibles doses est tout à fait
important surtout lorsqu'elles sont combinées entre plusieurs herbicides
ou pesticides. Il ne peut être balayé d'un revers de main et il
faut faire ces expériences.
Pour cette raison, nous demandons un moratoire et je fais tout à fait
confiance aux commissions pour faire ces expériences ou les faire faire
à condition qu'elles soient saisies du problème et qu'elles aient
le temps de travailler dessus.
Il ne s'agit pas pour moi de mettre en cause les commissions, mais de dire
qu'il faut faire de nouveaux contrôles. Nous ne pouvons pas dire qu'il y
a des publications sur ces nouveaux contrôles puisqu'ils ne sont pas
faits. Toute une série de contrôles est faite, mais il y en a
aussi qui ne sont pas faits.
Cela dit, je ne considère pas que la vie est une maladie, mais que la
vie c'est la santé et quelque chose de merveilleux. Il faut la maintenir
et, pour cela, apporter au public le degré de sécurité que
nous avons dans nos connaissances.
M. le Président
-
Je voudrais poser
une question à Monsieur Rico. Il y a une Commission des Toxiques et
Monsieur Séralini vient de dire qu'un certain nombre de
contrôles nouveaux ne sont pas faits.
Quels sont les contrôles réalisés aujourd'hui dans notre
pays ?
Est-ce qu'on étudie les problèmes de toxicité posés
par de nouveaux produits dans la mesure il y a effectivement des
métabolismes qui sont changés du fait de l'apparition d'un
gène de résistance ?
Madame Moneret-Vautrin a dit que les produits des plantes
transgéniques sont étudiés de la même manière
que des médicaments. Ces études sont-elles effectivement faites
ou non ?
M. Rico
-
Le glufosinate et le glyphosate ne sont
pas des herbicides récents. Ils sont sur le marché, en
particulier le glyphosate, depuis fort longtemps.
Effectivement dans le papier de Monsieur Séralini il est fait
état pour le glyphosate de la formation d'adduits dans le foie du rat.
D'abord la technique utilisée, le postmarquage au phosphore 32, est
très difficile d'application et surtout d'interprétation.
C'est une technique que j'ai utilisée moi-même dans mon
laboratoire à une certaine période. La difficulté est que
lorsque vous prenez des animaux qui n'ont pas été traités,
c'est-à-dire qui n'ont rien reçu, et que vous faites une
recherche d'adduits sur un foie d'animal, il y en a toute une série qui
apparaissent.
Vous avez un bruit de fond d'adduits dus aux produits que nous pouvons
consommer et il est particulièrement difficile de faire la
différence. Cette technique n'a d'ailleurs pas encore été
validée.
Vous avez dit que les longs termes c'était disons trois mois. Je ne suis
pas d'accord car nous avons des longs termes maintenant systématiquement
de deux ans pour le rat, de dix-huit mois chez la souris, soit la
période complète de vie pour les pesticides.
Contrairement à ce qui se dit, cela veut dire que nous avons des
informations sur la toxicité à long terme.
La génotoxicité est étudiée au travers de toute une
série de tests. C'est un ensemble de manifestations : mutation,
aberrations chromosomiques, modifications de transfert de l'ADN, etc. Les tests
sont maintenant codifiés au niveau de la Commission européenne.
Ils ont été validés avec des protocoles parfaitement
décrits.
Il ne faut pas dire que nous n'avons pas d'informations, ce n'est pas vrai.
M. Séralini
-
Je n'ai pas dit cela.
M. Rico
-
Nous avons ce type d'informations et
nous l'analysons en toute bonne foi.
Contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur le Président, je
ne suis pas pour une libéralisation de tous les OGM, ce n'est pas ce que
j'ai voulu dire. Si vous avez compris mon intervention comme cela, c'est une
erreur.
Je dis simplement que nous avons des estimations de risques à faire et
que celles-ci dépendent d'un certain nombre de facteurs. Dans la
commission que je préside depuis huit ans et qui l'était avant
par Monsieur Truaud, également bon toxicologue, nous travaillons
depuis de nombreuses années.
Cette commission sera renouvelée. Elle comprendra 50 personnes dont
36 toxicologues de spécialités différentes. Il y aura
des toxicologues de l'environnement, des spécialistes de la
génotoxicité, de la cancérogenèse, etc. Aussi
lorsque nous donnons des avis, je pense que ce sont des avis.
M. le Président
-
Le glyphosate et le
glufosinate ont-ils été étudiés avec leurs produits
de dégradation par votre commission ?
M. Rico
-
Le glyphosate ne l'a pas
été pour l'instant, puisqu'il n'a pas été
enregistré pour être utilisé sur les plantes
transgéniques.
Le glufosinate vient d'être autorisé, contrairement à ce
que dit M. Séralini, il n'y a pas longtemps et nous l'avons
examiné. Le métabolisme du glufosinate a été
étudié au niveau des plantes.
Il y a un métabolite qui n'est pas particulier mais en plus grande
quantité d'acétylation qui est connu. Ce métabolite a
été testé au plan toxicologique, c'est-à-dire en
toxicité et nous avons tous ces types d'informations.
Le glufosinate est utilisé dans des conditions bien précises avec
des quantités bien données pour traiter le maïs
transgénique. C'est une décision que nous avons prise très
récemment.
M. le Président
-
Vous avez
indiqué que les aliments qui viennent de l'étranger n'ont pas pu
avoir été étudiés.
Les aliments qui proviennent de plantes transgéniques sont soumis
à autorisation et nous savons éventuellement quel a
été le transgène. Les avez-vous
étudiés ?
M. Rico
-
Non, nous ne nous occupons pas de
transgènes.
M. le Président
-
Avez-vous
étudié l'effet du toxique qui correspond à ce
transgène ? Lorsque vous avez un gène de résistance
à un herbicide, étudiez-vous celui-ci ?
M. Rico
-
Oui, lorsque le gène de
résistance a pour objectif de transformer le métabolisme de la
plante, pour en fait transformer le produit.
Nous avons déjà fait les évaluations de toxicologie pour
le glyphosate. Il y a longtemps qu'il est enregistré aux Etats-Unis. En
France il a été étudié au niveau de l'OMS, etc.
Nous avons étudié les produits de transformation du produit sur
la plante non modifiée, fait des évaluations, donné des
limites maximales de résidus dans les denrées en fonction de
toutes les informations que nous avions.
Si nous avons une plante nouvelle qui entraîne des modifications,
c'est-à-dire une plante transgénique, le métabolisme de la
plante nouvelle est étudié avec le produit.
M. le Président
-
Y compris si elle a
été fabriquée à l'étranger ?
M. Rico
-
Un maïs transgénique a
été fabriqué de la même façon en France ou
aux Etats-Unis, c'est la même construction. Nous avons les études
qui sont réalisées en France.
M. le Président
-
Le glyphosate n'est
pas forcément construit de la même façon, est-ce cela que
vous vouliez dire, Monsieur Séralini ?
M. Séralini
-
Nous parlons du Roundup, le
glyphosate est un des composants du Roundup. Il y a peut-être des
composants non identifiés.
En plus il est vrai qu'il peut y avoir des métabolites majoritaires,
mais aussi des métabolites qui se lient à l'ADN et qui sont
difficiles à extraire. Cela complique le travail des commissions et le
long terme pour l'homme, c'est de 20 à 40 ans avec des expositions
multiples.
Une chose qui peut être préoccupante est le fait que nous
développons une politique d'utilisation de ces herbicides au besoin sur
des plantes alimentaires. Le Roundup a-t-il été homologué
pour le soja ?
M. Rico
-
Pour l'instant le Roundup n'a pas encore
été autorisé en France.
M. Séralini
-
Mais nous importons du soja
qui est traité au Roundup. Ce type de question peut se poser.
Nous sommes dans le même cas pour les allergies, pour les herbicides ou
les antibiotiques. Il est difficile d'estimer le risque et il faut prendre des
avis.
Pour les antibiotiques étant donné que c'est un problème
de santé publique, nous disons non. Pour les herbicides le
problème est différent puisque nous avons un
bénéfice sur d'autres herbicides que nous utilisons moins. Il
vaut mieux surveiller les herbicides qui seront davantage vendus. Il faut donc
faire également un réseau de biovigilance, cela veut dire une
traçabilité.
Par exemple pouvons-nous mesurer les résidus du Roundup dans le soja
transgénique importé ? Non parce qu'il est
mélangé au reste. Cela complique donc les études que nous
pourrions faire a priori.
M. le Président
-
Cela veut-il dire
que les études de toxicologie ayant été faites par les
Américains et lorsqu'il y a importation, en aucun cas ces études
ne sont faites au niveau européen ?
M. Rico
-
Lorsque nous avons des dossiers
d'enregistrement de produits, ce sont des produits internationaux.
Nous avons effectivement les firmes Novartis, Bayer ou autres qui nous
fournissent un dossier toxicologique comprenant toute une série
d'éléments ; la liste est longue. Tous les tests
réalisés l'ont été dans des laboratoires qui
peuvent être américains, suisses, éventuellement
français si c'est par exemple Rhône-Poulenc.
Tous ces tests réalisés l'ont été dans
différents pays. Si l'EPA a donné une autorisation pour du soja
qui est en fait du soja transgénique, il est évident qu'en termes
de résidus, l'EPA a étudié les problèmes de
résidus de soja.
Je suis tout à fait sûr que l'EPA - je la connais bien, elle
fonctionne comme nous - a demandé ce type d'information. Par
conséquent si cela a été autorisé, c'est que les
conclusions des toxicologues qui se sont penchés sur ce dossier ont
donné une définition de risques faisant que nous connaissons les
métabolites et que nous pouvons les apprécier.
On me dit que nous ne connaissons pas tous les métabolites.
Effectivement, nous ne les connaissons pas tous, mais certains sont quand
même mineurs.
D'autre part nous avons dit aussi qu'il fallait faire attention, les enzymes
étaient sollicités. Il faut faire très attention lorsque
nous parlons de sollicitation d'enzymes là aussi en fonction des doses.
Les systèmes mis en place au niveau hépatique sont des
systèmes qui ne s'appliquent pas aux substances hydrosolubles. Les
systèmes P450 sont des substances fixant tout ce qui est liposoluble, il
n'y a pas de spécificité.
Les capacités de biotransformation peuvent être
dépassées si vous donnez des doses considérablement
importantes. Si vous donnez des doses trop importantes, les processus de
détoxication sont saturés et vous n'obtenez pas les mêmes
résultats expérimentaux que ceux que vous avez.
La notion de dose est une notion très importante. Il faut savoir que
nous ingérons journellement une quantité astronomique de
xénobiotiques. Il ne faut pas croire que dans notre alimentation il n'y
en a pas. On nous dit que ce sont des xénobiotiques naturels.
Je suis désolé mais ces xénobiotiques naturels ont les
mêmes caractéristiques toxicologiques que ceux de synthèse.
Une publication d'un certain Monsieur Hems vient de sortir, il est une
référence en matière toxicologique, c'est lui qui a mis au
point le test d'Hems pour faire la recherche.
Il vous dit que si vous mesurez dans une tasse de café la
quantité de xénobiotiques qui s'y trouve, dont 19 produits
naturels ont montré des propriétés
cancérogènes sur la souris ou le rat et se sont donc
révélés cancérogènes dans des tests à
long terme, cette quantité correspond à un an d'ingestion de
résidus de pesticides aux Etats-Unis.
J'ai la publication ici, je peux vous la montrer.
Il ne faut pas faire le distinguo entre naturel et non naturel. Les cytochromes
P450 sont là pour trier voir ce qui vient, ce qui est naturel et ce qui
ne l'est pas.
L'alimentation des individus comme celle des animaux varie avec le temps. C'est
pour cette raison que ce système s'est progressivement adapté.
L'alimentation de nos ancêtres n'était pas la même que celle
que nous avons aujourd'hui.
Les bovins consomment des quantités de plantes dans lesquelles se
trouvent de nombreux produits toxiques. Ils ont mis au point un certain nombre
de systèmes de défense. Il ne faut pas oublier que les processus
de détoxication sont quand même faits pour défendre les
individus contre les toxiques qu'ils peuvent trouver dans leur alimentation.
M. le Président
-
C'est un cours de
toxicologie très intéressant, néanmoins il est
intéressant d'avoir de temps en temps des discussions techniques.
Monsieur Gay voulait dire un mot à ce sujet, je voudrais ensuite
donner la parole à Madame Moneret-Vautrin qui a eu beaucoup de
patience et puis peut-être poser une question complémentaire.
M. Gay
-
Je pensais pendant un moment que
Monsieur Rico était un peu humble dans sa façon de
présenter sa compétence et ce qu'il sait sur la toxicologie et
concernant entre autres tous les processus sur lesquels j'ai pris un cours
interne chez Novartis.
Pour tout ce qui est des propriétés cancérogènes,
des métabolites secondaires, tout un travail est réalisé
par les commissions des toxiques. Des études de carcinogenèse
sont faites sur ces substances et sur ces substances activées, ce que
Monsieur Séralini ignore ou ne citait pas.
A part cela, nous avons eu un petit cours de toxicologie et je vais
arrêter, merci.
M. le Président
-
Madame Moneret-Vautrin vous avez tout à l'heure fait une
proposition d'un système de biovigilance en matière d'allergie
qui pourrait être relié au système de veille.
Le ministre est-il favorable à cela ? Nous l'avons
auditionné hier soir et il n'en a pas parlé. Qu'en
savez-vous ? Etes-vous soutenue dans ce projet ?
Pensez-vous de manière plus générale, cela a
été le débat - et Monsieur Séralini,
Monsieur Courvalin et Monsieur Rico en ont parlé - que
tout le système de biovigilance en matière de plantes
transgéniques par rapport à la santé humaine est bien
organisé en France ? Comment faudrait-il l'organiser ?
Mme Moneret-Vautrin
-
Je pense que cette
idée d'allergo-vigilance est effectivement une idée que je lance
après réflexion.
Je vois en effet l'intérêt d'un système bien
organisé comme le réseau "grippe" qui fait remonter des
informations sur un laboratoire spécialisé, comme celui de
pharmacovigilance qui, à mon avis, est moins bien organisé sur le
territoire national avec cette fois une structure centrale de pharmacovigilance
qui l'est parfaitement.
Dans une structure centrale d'agence de sécurité sanitaire, il
faudra prévoir un bureau de risques allergiques qui sera fondé
sur un réseau d'allergo-vigilance qui, lui-même, comportera aussi
bien des laboratoires que des allergologues des centres
spécialisés éventuellement en allergologie
élémentaire, mais également des allergologues tous azimuts
qui pourront dépister les nouveaux risques.
Non, le système n'est absolument pas organisé actuellement et je
crois qu'en matière d'allergo-vigilance, nous n'avons pas de
leçon à prendre de la FDA et nous n'avons pas à avaler
leurs modèles tout crus.
Il faut vous dire que Monsanto a envoyé des experts, - ceux qui
écrivent tous les articles sur le risque allergique et le
dépistage de ce risque et de l'allergénicité -
à de nombreux allergologues un peu spécialisés comme moi
il y a un an. Il y a eu un véritable tour de démarchage
psychologique de ce que nous sommes en droit d'appeler des "leaders d'opinion".
C'est très intéressant de voir, il faut le savoir, que toutes les
personnes qui ont publié là-dessus sont des scientifiques
affiliés à Monsanto. Mes collègues renommés
pédiatres, allergologues comme Sampson, etc., ont tous fait partie
justement à la fois des discussions du schéma de base de la
surveillance et également ensuite des résultats.
Ce qui m'a frappée en étudiant de très près ce qui
a été fait, est d'une part le caractère extrêmement
satisfaisant théorique du modèle, mais en même temps les
questions qui se posent à chaque moyen d'étude proposé.
Ce qui attire mon attention, et je trouve honnête de le dire, c'est que
dans les articles toutes les questions qu'ils se sont forcément
posées comme j'ai pu me les poser, sont éludées. C'est un
magnifique schéma où nous avons l'impression que chaque moyen est
suffisant pour parfaitement voir le problème.
Je n'ai pas grand chose à dire sur l'état actuel des OGM de
première génération où nous sommes en train de nous
battre beaucoup sur le problème des gènes de résistance
aux antibiotiques et évidemment des gènes de résistance
qui codent pour la protéine résistante à l'herbicide.
La raison en est très simple, ce sont des protéines
exprimées de façon très faible, 0,4 % de l'ensemble
des protéines du soja pour le soja résistant au Roundup. Il est
vrai que 0,4 % de l'ensemble des protéines du soja, c'est
infinitésimal pour un allergologue. C'est déjà un argument
puissant de dire que le risque de sensibilisation pourrait être faible.
Ils ont également démontré que c'était
détruit par un modèle de digestion gastrique en 15 secondes.
Il faut savoir que certains allergènes majeurs des aliments sont
parfaitement détruits par la digestion gastrique, mais que lorsque nous
avons la curiosité d'analyser des fragments de ces allergènes
majeurs, curieusement ils ne le sont pas.
Il faudrait peut-être avoir des modèles un peu plus
étudiés de digestion intestinale. Dans les articles ils
développent beaucoup les modèles de digestion gastrique et
pratiquement pas les modèles de digestion intestinale.
Nous voyons bien qu'à chaque point du modèle américain, il
y a une réflexion supplémentaire à apporter. Je pense
qu'avaler tout cru le modèle américain risque tout de même
d'être un peu dangereux pour les OGM de deuxième
génération.
Ne nous faisons pas d'illusions, ces OGM de deuxième
génération sont surtout les OGM à visée
nutritionnelle. Lorsque nous parlons d'enrichir un aliment à
visée nutritionnelle, ce ne sera pas du 0,4 % de protéines,
mais du 4 à 6 %.
Lorsque nous savons qu'actuellement en Australie, nous avons un lupin
transgénique qui, paraît-il marche admirablement bien pour la
croissance des veaux avec une albumine d'une autre espèce et que
bientôt dans l'alimentation humaine, la farine de lupin arrivera
couramment, nous nous disons que dans dix ans cette fameuse farine de lupin
transgénique des veaux risque bien d'être proposée à
l'homme.
Indéniablement il faut prendre des précautions et je trouve qu'il
doit y avoir une discussion sur un modèle européen ou
français, je n'en sais rien, je ne suis pas du tout dans les
sphères dirigeantes. En tant qu'allergologue clinicienne, je
représente un point de vue qui manifestement peut être utile dans
la réflexion sur les moyens d'étude à appliquer.
En ce qui concerne le modèle américain, à chaque niveau,
des questions sont posées.
M. le Président
-
Merci, Madame, je
crois que votre suggestion est importante.
M. Rico
-
Je partage tout à fait l'avis de
Madame Moneret-Vautrin en ce qui concerne les deuxièmes
générations car un problème majeur se posera vraiment.
Je partage tout à fait son avis, nous ne suivons pas nous,
systématiquement les visions de l'EPA. Il m'est arrivé de "jeter"
violemment des toxicologues américains il y a quelques années.
Ces toxicologues venaient me dire que comme l'EPA leur avait donné cette
autorisation, ils ne comprenaient pas qu'en France nous ne la leur donnions
pas. Je leur ai dit que nous n'étions pas Américains et que nous
avions des techniques différentes.
Je voudrais dire qu'il existe une toxico-vigilance agricole qui s'est mise en
place dans différentes régions, qui vise à surveiller en
particulier les agriculteurs.
Dans le fond si nous réfléchissions bien, quelles sont les
personnes véritablement exposées aux pesticides ?
Est-ce que ce sont les consommateurs ? Personnellement je ne le pense pas,
car les concentrations sont faibles et que toutes les études faites
aussi bien aux Etats-Unis qu'en France sur les mesures de résidus dans
les denrées montrent que les limites maximales de résidus ne sont
pratiquement jamais dépassées.
D'autre part c'est fait sur des produits frais, c'est-à-dire qui n'ont
été ni lavés, ni épluchés. Lorsque nous
dosons les pesticides sur une banane, nous les dosons sur la banane
entière, donc lorsque vous enlevez la peau, certains partent, etc.
En revanche je pense et suis persuadé que les agriculteurs sont soumis
à des agressions importantes par les pesticides. Par conséquent
ce sont des témoins, des cibles qu'il faut particulièrement
surveiller pour pouvoir mettre en évidence des effets toxiques qui ne
sont pratiquement pas apparus sur les consommateurs.
M. le Président
-
Monsieur Séralini, vous souhaitiez répondre à
ce qu'avait dit Monsieur Rico tout à l'heure.
M. Séralini
-
Aux Etats-Unis on admet que
le Roundup est toxique pour les agriculteurs, c'est la troisième cause
de maladie liée aux pesticides pour une université
américaine.
Encore une fois je dis que tous les problèmes ne sont pas
résolus. Parler du problème des faibles doses en disant que c'est
la millionième ou milliardième partie d'un kilo, c'est aussi
à ces doses qu'une hormone agit dans l'organisme. Parler d'une
pièce de 50 centimes dans la ville de Paris, il est vrai que c'est
également à cette dose qu'une hormone peut agir dans l'organisme.
Je comprends le souci du réseau de toxico-vigilance agricole auquel fait
allusion Monsieur Rico et je crois que c'est très bien. Des
consommateurs peuvent être cependant aussi exposés aux pesticides.
Nier le fait que les pesticides aient un effet sur la santé est une
chose à laquelle je n'adhère pas. Les pesticides, surtout les
liposolubles, peuvent également s'accumuler dans la chaîne
alimentaire et il y a des pesticides homologués qui ont
été ensuite interdits, y compris dans certains pays comme
l'Allemagne.
Je crois qu'il faut être prudent et mettre en place un réseau de
surveillance pour, une fois que nous avons fait les cultures, une fois que les
produits sont là, doser de toute manière les résidus de
tous ces produits que nous avons aujourd'hui à notre disposition dans
les plantes et aussi dans les animaux qui les ont consommées.
Il me semble que c'est quelque chose qui pourrait très bien être
mis en place, ne serait-ce qu'à travers le Comité de
Biovigilance, le matériel est là pour le faire.
Il y a des précautions à prendre et je suis favorable à ce
qu'on les prenne.
M. Courvalin
-
A propos de la biovigilance, je
voulais indiquer l'expérience que nous avons eue de l'émergence
de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries.
Chaque fois qu'un nouveau mécanisme de résistance émerge,
c'est ce qu'on appelle la théorie du périscope. Lorsque vous
voyez un périscope c'est qu'en général il y a un
sous-marin dessous. Lorsque nous détectons un gène de
résistance c'est qu'il est déjà extrêmement
répandu dans la nature.
Depuis vingt ans cela a toujours été le cas. Lorsque nous l'avons
décrit, il l'était souvent aux Etats-Unis quelques mois plus
tard. Le système de surveillance biologique est donc toujours
extrêmement en retard sur ce qui se passe, c'est souvent beaucoup trop
tard.
Par ailleurs à propos de la réunion de Talloires, vous avez
cité Abigaël Saliers, cette réunion était
organisée par l'université à Boston et était
financée par Novartis ou Roche, entreprise suisse qui fait des
transgènes. Ceci ne veut pas dire que les conclusions sont fausses, mais
je crois qu'il faut le dire.
M. le Président
-
C'était
Antoine Danchin qui la présidait.
M. Courvalin
-
Oui, il était là.
Enfin Philippe Gay disait qu'un étudiant qui fait une culture de
20 ml au laboratoire générait plus de gènes que...
M. Gay
-
...de potentiel de dissémination.
M. Courvalin
-
...plus de potentiel de
dissémination que le maïs.
Il faut bien savoir que dans les laboratoires nous sommes tenus de
stériliser nos cultures avant de les jeter. Tout passe à
l'autoclave alors que là ce sont des gènes qui sont
disséminés dans la nature. Il y a donc gènes et
gènes et il faut absolument comparer l'environnement et l'utilisation
que nous faisons des gènes.
Je voudrais poser une question au président.
Je ne suis pas député de l'actuelle majorité, personne
n'est parfait, je ne suis pas non plus député de l'opposition,
personne n'est totalement imparfait...
M. le Président
-
Cela peut venir.
M. Courvalin
-
Je ne sais pas comment je dois le
prendre.
Il est strictement interdit aux chercheurs académiques de mettre un
gène de résistance dans une espèce qui ne le
possède pas. Je voudrais savoir pourquoi les chercheurs de l'industrie
étrangère ont le droit de faire ce genre de manipulation et
pourquoi les lois de la République ne s'appliquent pas également
aux chercheurs académiques et à ceux de l'industrie.
M. Gay
-
J'ai lu une référence dans
l'article de Monsieur Courvalin dans "La Recherche" que je vous
conseille de lire car il contient toute l'argumentation pour et contre. Il
suffit de le lire vraiment sérieusement car cet article contient
beaucoup d'informations.
Dans cet article, il est fait référence à une publication
sur un
acinetobacter
. J'ai mis mon nez dans cette publication et j'ai vu
que nous avions construit une souche d'
acinetobacter
contenant le
gène de résistance à la kanamycine par conjugaison avec un
plasmide d'une autre bactérie.
Attention, certaines personnes enfreignent la loi,
Monsieur Courvalin !
M. Courvalin
-
La résistance à la
kanamycine a été décrite chez un
acinetobacter
, ce
n'est donc pas un nouveau gène que nous mettons dans une bactérie
qui était toujours sensible.
Par exemple, nous n'avons absolument pas le droit de mettre une
pénicillinase chez le pneumocoque ou d'autres choses du même genre
car l'espèce est toujours sensible. Dans le cas de
l'
acinetobacter
, la résistance à la kanamycine est banale,
il n'y a donc pas eu introduction d'un gène nouveau dans une
espèce qui était constamment sensible.
La question que je pose est la suivante : comment se fait-il que les
chercheurs industriels aient le droit d'introduire un gène dans une
espèce qui ne l'a jamais possédé ?
M. le Président
-
L'introduction se
fait suivant la loi des différents pays où cela a
été introduit. L'introduction de ces gènes ensuite se fait
après avis de commissions nationales.
M. Courvalin
-
La loi n'est pas la
même !
M. le Président
-
Là
l'introduction était déjà faite et ensuite la Commission
du Génie Biomoléculaire a autorisé effectivement
l'introduction de ces gènes.
M. Courvalin
-
C'est une loi à deux
vitesses.
M. le Président
-
Pour toute
introduction, vous êtes soumis à autorisation.
M. Courvalin
-
J'ai été dans la
Commission de Génie Génétique pendant plus de dix ans,
pour nous c'est strictement codifié. Par exemple je ne peux pas mettre
la résistance à la vancomycine chez le pneumocoque. C'est
très codifié.
D'un point de vue conceptuel, mettre un gène de résistance
à l'ampicilline dans le maïs ou à la kanamycine dans la
tomate ou le coton, c'est pareil, c'est introduire un gène de
résistance dans une espèce qui en a toujours été
dépourvue.
C'est en ceci que je dis encore une fois ce n'est pas de la
bactériologie et c'est pour cela que je plaisantais sur le fait que je
ne suis pas député de la majorité, je sors de mon domaine,
mais cela a attiré mon attention en tant que chercheur.
M. le Président
-
C'est une bonne
question mais nous n'allons peut-être pas la poser maintenant car M.
Claude Allègre est déjà là.
Merci beaucoup en tout cas, Madame et Messieurs, pour cette table ronde,
après les auditions des ministres tout à l'heure nous essayerons
de faire le bilan de ces six tables rondes, je crois que cela a
été très intéressant.
Audition de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
M. le Président
-
Je voudrais remercier
Claude Allègre d'être venu en audition devant l'Office
Parlementaire d'Evaluation des Choix scientifiques et technologiques pour un
rapport de l'Office qui est attendu par le gouvernement sur les organismes
génétiquement modifiés, les plantes transgéniques.
Plusieurs ministres sont venus hier, c'est un sujet qui suscite la passion,
nous l'avons vu dans les tables rondes.
Après avoir fait plus de 200 heures d'audition depuis maintenant
six mois, nous sommes passés dans une phase d'audition des responsables
politiques et nous avons eu six tables rondes dont la dernière vient de
se tenir, avec un certain nombre de spécialistes de ces questions
sur :
- les enjeux en agriculture et dans l'agro-alimentaire,
- la recherche,
- la réglementation, l'organisation du contrôle et de
l'expertise,
- les enjeux en matière de santé,
- les enjeux en matière d'environnement,
- les problèmes qui se posent en matière de consommation
pour le consommateur.
C'est un peu l'organisation des tables rondes à cinq ou six personnes au
cours desquelles un certain nombre de questions ont été
posées.
Dans cette table ronde sur la recherche plusieurs chercheurs français
ont participé dont :
- le directeur de l'INRA,
- Antoine Danchin de l'Institut Pasteur,
- Daniel Cohen de Genset,
- Claude Fauquet de l'ORSTOM qui dirige en Californie le laboratoire
de l'ILTAB,
et nous vous auditionnons ce soir pour essayer de mieux cerner les enjeux du
développement, des biotechnologies et du développement de la
génomique avec un certain nombre de techniques nouvelles.
Certains chercheurs ont eu des mots hier pour dire que si dans un certain
nombre de domaines cela allait mieux pour essayer de favoriser le transfert de
technologie, ils ont regretté l'insuffisance de brevets. Ils ont
indiqué que finalement - et les chiffres ont été
donnés - en France nous publions beaucoup, mais nous brevetons peu.
Ils ont également indiqué qu'il y avait des blocages au niveau de
l'administration et Daniel Cohen a demandé :
"Notre administration est-elle prête à favoriser le transfert
public-privé, bloqué par les énarques ?"
, je
répète ses mots.
Les chercheurs ont dit que les moyens étaient bons dans ces domaines et
qu'ils avaient augmenté. Néanmoins certains ont dit qu'en
génomique, nous n'avions peut-être pas pris la dimension totale et
qu'il fallait faire plus et plus vite.
Certains en revanche ont regretté qu'il n'y ait que la création
du Centre d'Evry. Cela aurait été mieux si cela avait
été au moins plusieurs centres au niveau du territoire.
D'autres ont demandé que les crédits de l'INSERM se
développent et ce matin, chacun prenant conscience de la
nécessité de travailler sur l'environnement, a parlé de la
recherche nécessaire entre OGM et environnement.
Ce sont plusieurs sujets posés, je vais, Monsieur le Ministre, vous
laisser exposer globalement votre position sur ces sujets majeurs. Vous avez
d'ailleurs été interrogé à l'Office sur cette
question.
Là nous sommes dans le cadre d'un rapport et il y aura une dimension
recherche dans ce rapport.
M. Allègre
-
Je ne sais pas exactement ce qu'il
faut que je vous dise compte tenu du calendrier gouvernemental.
Ce matin j'ai fait un exposé devant mes collègues ministres sur
la politique française de la recherche et nous aurons à la fin
juin un Conseil Interministériel sur la recherche dans lequel nous
fixerons la manière dont les priorités ou l'organisation de la
recherche se fera.
Nous aurons ensuite un deuxième Conseil interministériel en
septembre pour fixer les priorités de la recherche scientifique
française pour les quatre prochaines années.
Comme vous vous en doutez, je ne vais pas ici par avance vous déflorer
ce sujet pour deux raisons.
La première raison est que je tiens absolument que l'ensemble de ces
décisions ne soient pas des décisions venant du Ministre
chargé de l'enseignement, de l'éducation, de la recherche et des
technologies, mais que ce soit une décision collective du gouvernement.
La deuxième raison est que si nous avons tel ou tel projet, tant qu'il
n'a pas été validé au niveau gouvernemental, il ne vaut
rien.
A l'intérieur de ce cadre qui est relativement contraignant, je voudrais
faire quelques petites remarques préliminaires et ensuite être
plus spécifique sur les questions, Monsieur le Président, que
vous avez soulevées.
La première question est que d'une manière
générale, grâce aux efforts faits depuis de nombreuses
années dans ce pays, aujourd'hui la France dépense environ 2,3,
2,4 % de son PIB pour la recherche scientifique. Il faut noter que
certains pays dépensent moins et ont de meilleures performances, je veux
parler de la Grande-Bretagne, et d'autres dépensent plus et ont de moins
bonnes performances, je citerai la Suède.
Il faut cesser de discuter de problèmes de recherche scientifique en
France à la seule aune de la dépense qui est faite. Si la
recherche scientifique française que nous pouvons qualifier de bonne est
suivant les disciplines entre la troisième et la cinquième du
monde, parfois même la deuxième, il faut essayer de penser en
termes de structure, d'état d'esprit et de dynamisation.
Le premier problème, à mon avis, le plus grave, est celui du
vieillissement des chercheurs et par là-même se pose la question
fondamentale : doit-on être chercheur à vie dans un
même organisme comme c'est le cas en France encore aujourd'hui ?
L'âge moyen des chercheurs au CNRS est de 47 ans, l'INSERM n'est pas
loin, le CEA est un peu meilleur avec 43 ans, mais ce n'est pas la prime
jeunesse. Le vieillissement des chercheurs est un véritable
problème.
Le deuxième point est qu'au cours des dix dernières
années, l'autonomie scientifique donnée aux jeunes chercheurs
s'est graduellement restreinte.
Lorsque nous interrogeons les chercheurs français sur la raison pour
laquelle ils restent par exemple aux Etats-Unis, la réponse est
uniformément la même : aux Etats-Unis, lorsqu'ils ont fini
leur post-doctorat et qu'ils sont assistants-professeurs, ils sont
maîtres de faire une
"proposal"
et d'avoir leur budget, leurs
techniciens, leur programme.
En France, la structure pyramidale des laboratoires ne donne pas assez
tôt des responsabilités à de jeunes chercheurs.
Ceci réagit également sur la création d'entreprise.
Lorsque nous regardons les créations d'entreprises dans des grands
centres comme la Silicon Valley ou la Route 128, nous voyons que de
nombreuses personnes créent des entreprises dans les deux, trois
années suivant leur thèse.
En France, les capitaux à risque pour les jeunes chercheurs ne sont pas
suffisamment développés et les facilités ne sont pas non
plus suffisamment mises en pratique.
Vous savez qu'à la suite des Assises de l'Innovation, nous avons
Dominique Strauss-Kahn et moi-même, annoncé un certain nombre
de mesures dans ce sens. Il s'agit de mesures fiscales, mais également
d'une loi qui sera présentée par moi-même à la fin
de l'année au Parlement.
Ceci a pour but de faciliter pour les chercheurs la création
d'entreprises, la participation au conseil d'administration des entreprises et
d'une manière plus générale la modification du statut des
chercheurs car actuellement nous sommes dans une situation absurde.
Sous prétexte que les chercheurs sont fonctionnaires, lorsque dans
certains organismes on utilise des lettres de recommandation de
l'étranger pour une promotion de chercheurs, on se trouve à la
limite de la légalité ce qui fait évidemment sourire le
monde entier.
Voilà une deuxième série de remarques.
Quant au problème qui vous préoccupe plus spécifiquement,
je crois que c'est un problème très sérieux et je regrette
que ce problème n'ait pas été traité avec toute la
réflexion nécessaire dans les ministères jusqu'à
maintenant.
Pour ma part je me réjouis que l'Office Parlementaire ait pris
l'initiative de faire un rapport, d'avoir un débat, de consulter de
nombreuses personnes dans ce domaine.
Il y a deux attitudes qui sont également non adaptées.
La première attitude que nous voyons sous la plume de certains
chercheurs de temps en temps, consiste à dire : "Laissez faire les
chercheurs, il n'y a pas de risques, tout se passe bien, laissez-nous faire,
laissez-nous bricoler le génome, de toute manière nous sommes
conscients de tout, etc. !"
Cette attitude a, je le crains, un double désavantage.
Le premier point est qu'elle fait preuve d'un optimisme exagéré
sur ce que nous connaissons sur les mécanismes et les
conséquences que peuvent avoir telle ou telle manipulation
génétique.
Le deuxième point est que sur le plan psychologique vis-à-vis des
populations, elle a un effet absolument désastreux et conduit à
renforcer l'idée que les scientifiques sont des apprentis sorciers qui
veulent monopoliser le pouvoir.
Cette attitude n'est donc pas la bonne.
La deuxième attitude est l'attitude inverse et consiste à dire
que tout ce qui manipule le génome est mauvais et diabolique, qu'il faut
tout laisser à la nature et par conséquent interdire toute
manipulation génétique.
Je pense que cette deuxième attitude condamnerait la France à
devenir rapidement un pays sous-développé.
Le premier point est qu'il faut essayer de définir une attitude moyenne
qui soit consciente des potentialités scientifiques considérables
que les manipulations génétiques peuvent apporter et,
là-dessus il ne faut pas être naïf, j'y reviendrai dans
quelques minutes.
Le deuxième point est de penser qu'un certain nombre de manipulations
peuvent avoir des conséquences que nous ne mesurons pas au moment
où nous les pratiquons. Il peut s'agir de conséquences sur le
plan directement médical concernant tous les produits
ingérés ou de conséquences écologiques absolument
effroyables.
Imaginons un produit génétiquement modifié qui tuerait une
certaine catégorie d'insectes et qui déséquilibrerait
ainsi la pollinisation de tout un territoire.
Il faut être prudent et traiter les problèmes au cas par cas car
c'est ainsi qu'ils se traitent. Si à l'évidence certaines
manipulations ne sont pas dangereuses, certaines autres le sont.
Au moment du débat sur le maïs transgénique, nous avons vu
que les positions étaient passionnelles et que, naturellement, les
questions de tel ou tel étaient souvent davantage soit guidées
par l'idéologie soit par des intérêts économiques.
Je souhaite donc que, dans ce domaine, la France ait une opinion
équilibrée. En ce qui concerne le Ministère, de toute
manière, nous organiserons nous aussi, un débat non pas de
même type, mais avec des scientifiques européens pour discuter
très à fond de ce problème.
Lorsque je parlais de naïveté tout à l'heure, je vais donner
un exemple. Nous avons, la France a décidé de faire un centre de
séquençage à Evry.
Cette décision n'a pas du tout été prise à
l'unanimité. A l'époque certains chercheurs considéraient
que ce centre de séquençage n'était pas nécessaire.
Il n'y avait qu'à laisser faire les Anglais, très allants dans ce
domaine, et les Américains ainsi que d'autres et il valait mieux
consacrer nos moyens à manger les marrons plutôt qu'à les
tirer du feu.
La décision a cependant été prise, je fais un simple
rappel. Là-dessus, dans ce domaine du génome humain, à la
suite de la conférence des Bermudes, la décision a
été prise de mettre tous les séquençages une fois
obtenus sur Internet afin que tout le monde en profite.
Nous nous sommes ensuite rendu compte que les Américains, toujours
très friands de grandes décisions éthiques mais ayant la
tête près du bonnet d'autant plus qu'aujourd'hui la plupart des
grands scientifiques américains sont plus ou moins liés
financièrement à une grande société pharmaceutique
ou de produits alimentaires, ont fait adopter l'amendement suivant.
Comme les Américains sont des personnes sérieuses, avant de
mettre leurs informations sur le web, il devaient se donner six mois pour
vérifier si les informations de séquençage étaient
correctes.
Moyennant quoi tout le monde sait que pendant ces six mois, on essaye
d'identifier ce qui, dans ces séquences, pourrait donner lieu à
brevet, on les brevette et ensuite on les dépose sur le web. Et on
brevette même des séquençages faits par les
Européens.
Il y a eu un incident extrêmement violent en Allemagne
Fédérale il y a quelques mois et le Ministre de la Recherche
d'Allemagne Fédérale m'a contacté il y a quelques semaines
pour me demander de déposer avec l'Allemagne Fédérale une
demande de directive à Bruxelles pour donner l'autorisation aux
Européens d'avoir six mois avant de mettre leurs séquences sur le
web de manière à faire exactement la même chose que les
Américains. Nous allons obtempérer car cette méthode me
semble très bien.
Je cite simplement cet exemple pour montrer que nous sommes toujours d'accord
pour de la transparence, des marchés ouverts, un certain nombre de
choses, mais qu'en fait dans la pratique, les choses ne sont pas tout à
fait aussi simples.
Les incidents en Allemagne ont même été verbalement assez
graves. Un ancien prix Nobel américain très célèbre
a même été jusqu'à prononcer des paroles qui,
naturellement, blessent énormément les biologistes allemands
contemporains car ils n'ont rien à voir avec leurs devanciers de triste
mémoire. Je vous dis ceci pour vous montrer que cette compétition
est difficile.
Nous voyons aussi l'évolution des opinions. A tel moment, telle
communauté paysanne est fanatique pour faire tel ou tel produit
transgénique, puis elle s'aperçoit que si nous étiquetons
la vente sera plus ou moins bonne et elle devient de ce fait plus
réticente, etc.
Je voudrais, et c'est le travail du Ministère de la Recherche, que nous
puissions donner un certain nombre d'analyses qui sont difficiles car nous
sommes dans l'incertitude.
Je ne fais pas partie des défenseurs et je ne suis pas un scientifique
béat qui considère que la science est bonne par définition
et que de toute manière tout va bien dans le meilleur des mondes
possible.
Je ne suis bien sûr pas non plus quelqu'un qui considère qu'il
faut arrêter le progrès scientifique au nom d'un certain
naturalisme dépassé. Ceux qui défendent cette idée
n'ont qu'à retourner dans les cavernes faire du feu au lieu de se
préoccuper de condamner toute forme d'énergie, toute forme de
progrès.
Je crois cependant qu'il faut faire très attention. Nous sommes
maintenant dans une époque historique où, pour la première
fois, nous pouvons manipuler le génome des êtres vivants et donc
également le génome humain, en tout cas s'en approcher si ce
n'est le manipuler lui-même. Par conséquent nous risquons
d'être véritablement des apprentis-sorciers si nous n'y faisons
pas attention.
C'est ce que je voulais vous dire en propos préliminaires.
L'attitude du Ministère de la Recherche et de la Technologie est une
attitude pragmatique, mais vigilante.
Ceci étant dit, je répondrais, si je le peux, aux questions que
vous serez amenés à me poser, Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs.
M. le Président
-
Merci beaucoup,
Monsieur le Ministre, de cet exposé liminaire qui fait le point et
traduit les interrogations qui se sont révélées au cours
de ces deux journées au terme desquelles nous arrivons.
Tous les problèmes que pose le développement d'une technologie
nouvelle et de ses applications dans le domaine de la santé et dans le
domaine de l'agro-alimentaire ont été étudiés,
évalués, soupesés. Dans un certain nombre de cas, nous
avons eu des discussion véhémentes, des avis divergents. Je crois
cependant que cela s'est bien passé de l'avis de tous ceux qui sont ici
et notamment de nombreux représentants de la presse.
Nous avons parlé de la recherche et je voudrais très rapidement
faire un résumé.
Bien que nous soyons dans un calendrier où les décisions ne sont
pas prises, néanmoins nous travaillons dans le domaine du
développement de la recherche dans les biotechnologies et de l'incidence
du développement des techniques d'analyse du génome.
Il y a cependant une difficulté car nous sommes dans un débat
public qui n'a pas eu lieu dans notre pays sur l'utilisation des plantes
transgéniques et sur l'utilisation des aliments issus de ces plantes.
Nous avons le débat public que nous sommes en train d'essayer de lancer
après un certain nombre de décisions ce qui nous a d'ailleurs
été reproché, néanmoins, nous avons un débat
ce qui est très important.
Nous avons le débat ici avec des experts et le gouvernement et nous
aurons la première Conférence de citoyens française les 21
et 22 juin qui se déroulera dans cette salle avec un panel de
citoyens de quinze personnes, de quinze "candides" qui donneront leur avis sur
le sujet.
Au bout du compte, le Parlement et son rapporteur, confrontera l'avis des
experts, celui des citoyens et celui de tous ceux qui se seront exprimés
sur ce sujet pour donner un avis.
Nous sommes dans un paradoxe car il y a le débat et d'un autre
côté les enjeux dont l'un est la recherche avec une
décision prise du Centre de séquençage d'Evry qui, je
crois, est une bonne décision. En tout cas, tout le monde l'a dit et
indiqué ici hier et ceci, quels que soient les domaines de recherche
auxquels appartenaient les personnes qui se sont exprimées.
Néanmoins, tous demandaient si le développement de la
génomique, c'est-à-dire qui est le futur de la
génétique, fait toujours partie des priorités de votre
action.
Concernant le Centre de séquençage, j'ai une petite question avec
notamment une intervention de Daniel Cohen à ce sujet, puisque le
Génoscope vient d'être créé avec l'ancien directeur
des sciences de la vie du CNRS pour s'en occuper.
Ne serait-il pas bon d'avoir quelques pôles satellites à
côté du Centre d'Evry pour développer dans deux ou trois
autres villes des recherches dans ce domaine car ce sont des points
importants ?
Il s'agirait notamment des recherches concernant les puces à A.D.N.,
question que nous avons également abordée. Et il faudrait
peut-être un centre de technologie vers les pays du Sud.
Monsieur Fauquet, ici présent, qui dirige le laboratoire de l'ILTAB
en Californie, laboratoire mixte de l'ORSTOM, a beaucoup parlé de ces
problèmes de coopération. A New-York j'ai vu
Monsieur Serageldin, vice-président de la Banque mondiale sur ces
questions.
Quelles sont vos positions sur la génomique, un peu le futur de la
génétique ? Y aura-t-il un soutien accru dans ce
domaine ?
Ceci bien sûr sans vouloir déflorer le projet sur les
priorités de la recherche qui sera dévoilé en septembre.
M. Allègre
-
Je vais vous répondre de
manière un peu vague et je vous prie de m'en excuser.
Je crois que le Centre d'Evry existe et que cela a été une bonne
décision. En tout cas je n'ai pas l'intention de le remettre en question.
La question qui se pose me paraît être de deux ordres.
Le première chose est qu'il doit être utilisé pleinement
par l'ensemble des organismes qui s'occupent de biologie. L'un des
problèmes français est que quatre ou cinq organismes font de la
biologie sans beaucoup de coordination. Je peux vous dire que nous allons
créer un comité de coordination des sciences du vivant pour que
l'ensemble des personnes se parlent et donc que ce centre soit pleinement
utilisé.
La deuxième chose est qu'il y a effectivement un certain nombre de
satellites dans ce centre. Il y en aura un sur les puces à A.D.N. qui se
fera en liaison avec le CEA et qui devrait voir le jour assez rapidement.
La troisième chose est qu'assez rapidement nous devons déborder
tout ceci pour aller vers la création de PME/PMI innovantes.
C'est un travail qui est une priorité. Je vous ai dit que nous allions
faire une loi sur l'essaimage, plus largement d'ailleurs sur ce
problème, mais nous allons essayer de provoquer des créations de
PME/PMI innovantes en faisant très attention au fait que, dans ce
domaine, la situation industrielle française est très
particulière.
Nous avons une industrie des médicaments en chute libre. Il y a quelques
années, nous étions le deuxième pays du monde pour les
prises de brevets sur les médicaments, nous sommes devenus le
septième, avec à l'inverse une industrie agro-alimentaire
extrêmement active et une industrie de l'environnement, notamment dans le
traitement de l'eau, qui est la meilleure du monde.
Le problème de savoir dans quel domaine, vers quel
débouché, les biotechnologies peuvent se développer est
extrêmement important et fera l'objet d'une étude très
approfondie avant de décider, de regarder quelles orientations elles
prendront.
C'est ce que je peux vous répondre dans l'état actuel des choses.
Ne faut-il pas fabriquer un réseau plutôt qu'un centre ?
La réponse est a priori oui, mais il faut voir. De toute
manière l'existence de centre faisant du séquençage ou
travaillant sur le génome dans différents pays, dans
différentes régions de France est effectif. Sur la partie des
plantes, le Centre de Montpellier fera des recherches, les personnes de
Strasbourg en font également de même que Grenoble.
Je ne crois pas qu'un monopole se situera à Evry. Il faut
considérer Evry comme un grand instrument, une sorte de télescope
pour un astronome qui doit être utilisé par telle ou telle
personne qui veut séquencer la betterave, le radis noir ou la mouche
tsé-tsé.
M. le Président
-
L'autre point est
beaucoup plus précis et ponctuel.
Un certain nombre de problèmes ont été abordés,
notamment en matière d'environnement. Un certain nombre de personnes
présentes - et je me fais leur interprète - disaient
que les crédits consacrés par le privé - pourtant il
devrait le faire puisque la crédibilité éventuellement de
la culture de plantes transgéniques passe par des études de la
culture de ces plantes sur l'environnement ou la santé -
étaient trop faibles.
En matière d'environnement d'une part ou de santé d'autre part
dans les domaines concernant les impacts des biotechnologies, y aura-t-il des
demandes à l'INSERM, l'INRA ou au CNRS aux sciences du vivant ?
En quelque sorte la recherche doit-elle se mettre au service de la
société lorsque celle-ci a une demande qui est une demande
forte ?
M. Allègre
-
Cela dépend, mais
sûrement pas en fixant les priorités si nous n'avons pas les
hommes qualifiés pour mener ces recherches.
Tant que je serai ministre de la recherche, il y aura une rupture avec les
méthodes que nous avons connues consistant à fixer des
priorités, à inonder certains laboratoires de médiocres et
de crédits alors que d'autres de grande valeur dans d'autres domaines se
serrent la ceinture.
Je ne suis donc pas un fanatique de la priorité budgétaire
forcée.
En premier, je crois que nous avons une déficience de chercheurs dans un
certain nombres de domaines, en écologie par exemple et je dirai
même surtout dans un élément qui est maintenant un
élément essentiel, celui que nous appelons l'écologie
biochimique qui consiste à voir comment dans un biotope donné,
les diverses transformations biochimiques se font et se propagent.
Nous avons sûrement à réévaluer les choses, mais
là nous entrons dans un débat que j'aurais probablement
l'occasion de venir exposer devant l'Office des choix technologiques du
Parlement. C'est un débat très difficile car il s'agit de la
fixation des priorités et ce débat a été mal
résolu dans ce pays.
Les priorités ne peuvent être fixées par les chercheurs.
Nous le faisons depuis un certain nombre d'années et cela conduit par
définition à une reproduction homothétique.
En fait, nous nous apercevons que les grandes priorités scientifiques de
la France ont été fixées par le Général de
Gaulle avec un souci essentiel d'indépendances nationale et
énergétique et que les équilibres budgétaires ont
été établis à ce moment-là et quasiment
poursuivis au cours du temps. Je ne vous ferai pas de graphiques, mais cela a
été le fait.
Une fois l'indépendance énergétique et stratégique
de la France assurée, alors qu'il aurait fallu basculer une bonne partie
des crédits sur les sciences du vivant et sur celles de la communication
et de l'information, nous n'avons pas su le faire.
Je suis décidé à le faire, mais à le faire avec un
certain nombre de précautions, non pas tout seul, mais avec l'aval
complet et le support de l'ensemble du gouvernement. C'est de ceci dont nous
avons abondamment parlé ce matin. A ce sujet, le témoignage de
l'ancien Ministre de la Recherche et fort dynamique
Jean-Pierre Chevènement a été très
intéressant.
Là il y a beaucoup de choses à dire, mais il n'est pas normal
que, vu de la qualité de la recherche française, elle crée
aussi peu d'entreprises, de PME/PMI innovantes. Lorsque nous pensons
qu'à lui tout seul, le MIT a créé
4 000 entreprises dans sa périphérie au cours des trois
dernières années, alors qu'il n'y a que
10 000 étudiants, nous voyons quand même que nous avons
quelques problèmes.
Je sais bien que nous sommes pour la plupart les descendants de ceux qui n'ont
pas traversé l'Atlantique et que le goût du risque et des
aventures à travers les grands espaces n'est pas forcément dans
notre culture, mais je crois que nous pouvons le changer.
Je vois ce qui vient de se passer en Allemagne où un changement à
90° a été opéré il y a deux ans pour le
financement de la recherche. Abandonnant cette habitude européenne de
financer les grands groupes comme nous l'avons fait, ils se sont
décidés à faire une priorité pour les
start
up
et ils sont en train d'en réaliser d'une manière tout
à fait remarquable.
Je souhaite aussi en ce qui concerne les collectivités territoriales qui
ont pris l'habitude d'aimer la recherche dans ce pays et de payer des appareils
à Untel ou Untel suivant des critères qui ne sont pas toujours
des critères scientifiques, qu'au lieu de s'occuper de ce
problème qui n'est pas le leur, elles se préoccupent davantage
précisément du capital-risque dans les créations
d'entreprises, de l'essaimage, de l'aide aux jeunes chercheurs qui veulent
démarrer.
Je crois que nous devrons avoir un effort coordonné dans ce domaine et
naturellement au premier plan sont les biotechnologies.
Vous avez raison de dire que les biotechnologies appliquées à
l'environnement, que ce soit dans le traitement des déchets ou de la
purification d'eau, sont quelque chose de tout à fait remarquable et
qu'il ne faut pas penser biotechnologie uniquement en termes de
médicaments même si c'est un problème tout à fait
éminent et important.
M. le Président
-
Ce sujet est
important et nous sommes en phase totale.
Je reviens des Etats-Unis où j'ai visité plusieurs
universités. Dans l'Iowa State University ils ont maintenant 5 ou
6 000 emplois qui sont directement liés à leur
université et, alors que l'Iowa est dans le Middle West, ils
doivent maintenant importer des chercheurs ou des personnes formées
à la recherche ou l'industrie pour venir travailler dans leur petite
université initiale.
C'est une politique qui est importante aux deux conditions que vous avez
indiquées.
La première est que nous rééquilibrions par rapport aux
grandes masses budgétaires qui étaient les grands programmes des
années 60 car certaines disciplines sont en train d'émerger dans
le secteur général des sciences du vivant.
Deuxièmement il faudra supprimer les blocages administratifs qui
existent quand même. Il en existe et j'espère que dans la loi nous
arriverons à le mettre en place avec les collectivités locales et
territoriales, qui sont prêtes à le faire en tout cas dans un
certain nombre de secteurs de notre pays, en débloquant un certain
nombre de verrous et de freins administratifs qui existent et qui ont
particulièrement été montrés du doigt lors de la
table ronde consacrée à la recherche hier.
M. Allègre
-
Les verrous administratifs sont
importants, nous allons essayer si ce n'est de les faire sauter, du moins d'en
diminuer les effets de blocage en ce qui concerne les chercheurs, mais les
problèmes psychologiques sont eux aussi fort importants.
Je me souviens que lorsque nous avons discuté la loi de
Jean-Pierre Chevènement et que nous avons pris la décision
de transformer les chercheurs en fonctionnaires, l'argument n° 1
soulevé par des personnes tout à fait éminentes a
consisté à dire que cela aiderait la mobilité. Une fois
fonctionnaire, le chercheur étant rassuré sur son avenir, il
pourrait bouger.
Je voudrais vous donner un chiffre, l'an dernier sur
22 000 chercheurs du CNRS, 8 sont passés dans l'industrie. Les
chiffres sont quand même assez accablants.
Cette année nous venons de mettre 100 postes de transfert pour les
chercheurs qui veulent devenir professeur d'université et pour ces
100 postes nous avons péniblement 125 candidats.
Concernant l'idée de la mobilité, je ne vous cache pas que la
question posée est de savoir si, dans ce pays qui est le seul pays du
monde à admettre ceci, nous devons considérer qu'on est chercheur
à vie sans avoir à un moment donné l'obligation de faire
une mobilité quelconque hors de son laboratoire ou de son organisme.
Je crois que, pendant ce gouvernement ou un autre, ce pays devra se poser un
jour réellement cette question. Lorsque nous voyons que l'âge
moyen des chercheurs est de 47 ans et qu'il augmente de quatre mois tous
les ans, il y a là une vraie question.
Vous pouvez d'ailleurs vous amuser à faire un petit calcul et dire que
vous allez tripler le nombre d'entrants dans l'organisme pendant dix ans en
prenant des jeunes et vous verrez que vous ne modifierez pas beaucoup
l'âge moyen.
L'âge moyen est un paramètre statistique extraordinairement
robuste et le seul moyen pour le modifier est d'évacuer les personnes
à partir d'un certain âge vers le haut.
Il y a quelques années, le Commissariat à l'Energie Atomique a
adopté une méthode drastique qui lui a permis de faire mieux que
le CNRS puisqu'il est à 42 ans. Il a mis à la retraite tous
ceux qui avaient plus de 60 ans.
Nous pourrions aussi nous amuser à mettre à la retraite tous ceux
qui ont plus de 55 ans. Malheureusement même si sur le plan
statistique ce serait une technique facile, outre le fait que naturellement
nous aurions des hurlements qui seraient des Montagnier multipliés par
cinquante, un deuxième problème se poserait.
Je ne veux pas faire de polémique politique, mais la période
Pompidou-Giscard a été une période particulièrement
désastreuse en ce qui concerne le recrutement des chercheurs et si nous
prenions cette mesure, nous enlèverions quasiment les seuls leaders dans
un certain nombre de domaines sans avoir de remplacement. Sur le plan
scientifique, nous ne pouvons donc même pas envisager une telle mesure.
La seule mesure qui reste est de favoriser ces transferts vers l'enseignement
supérieur ou vers l'industrie. Mais comment le faire ? Faudra-t-il
une loi ?
Il faut dire que comme les chercheurs qui font grève et défilent
dans la rue, cela ne dérange pas beaucoup de monde, c'est moins que
l'EDF ou que les chauffeurs routiers, il faut se lancer dans une telle bataille
frontale, mais nous allons affaiblir la recherche scientifique ce qui ne sera
pas très bon d'un autre côté.
Tout le monde dit qu'il faut faire preuve de conviction, mais je pense que mes
prédécesseurs n'ont pas été inactifs dans ce
domaine. Ils ont multiplié les mesures, mais il faut bien
reconnaître que le succès de la mobilité est très
limité. Et je vous avoue que je suis extrêmement perplexe, que je
n'ai pas beaucoup de solutions.
M. le Président
-
J'ai une autre
question qui touche les biotechnologies, qui est une question
générale.
Depuis une quinzaine d'années, nous avons essayé de favoriser les
rapports entre le public et le privé au niveau de la recherche, je crois
que c'est une bonne chose. Vous avez même indiqué qu'il est
souhaitable qu'il y ait une certaine mobilité.
Aux Etats-Unis nous observons un phénomène qui devient
inquiétant, c'est-à-dire la privatisation totale du savoir. Non
seulement les produits, mais aussi les techniques d'expérience sont
soumises à redevance.
Finalement, c'est ce que m'a dit le vice-président de la Banque
Mondiale, les pays du sud ont de plus en plus de difficultés à
obtenir des transferts de technologie. Même si cela se fait dans un
certain nombre d'instituts, cette privatisation totale du savoir dans les
universités américaines devient inquiétante.
Y a-t-il ce risque éventuel en France ? Dans l'affirmative, comment
pouvons-nous essayer d'y remédier et essayer de favoriser le
transfert ?
M. Allègre
-
D'abord, nous ne sommes pas du tout dans
ce risque car nous n'avons pas le mouvement de création d'entreprises,
etc. que nous voyons aux Etats-Unis.
M. le Président
-
Pas seulement
création.
M. Allègre
-
Oui, mais nous ne sommes pas du tout
dans ce risque, de prise de brevet forcenée, etc..
Aux Etats-Unis il faut voir que la biologie est un exemple typique, la chimie
l'a été et l'est encore. A l'intérieur même d'un
laboratoire les différents élèves ne se parlent pas car
chacun ou les groupes sont sur un sujet qui donnera lieu à un brevet,
par conséquent il ne faut pas qu'il y ait de fuites.
Cela devient épouvantable dans certains endroits. Il a par exemple fallu
au MIT qu'il y ait une décision de son président pour forcer
certains professeurs à faire des séminaires. Ils se refusaient
à en faire, car ils considéraient qu'il ne fallait pas
ébruiter leurs recherches chez les collègues. Dans certaines
universités, certains universitaires sont partis pour ces raisons.
Aux Etats-Unis, il est vrai que dans le domaine de la biologie, cela a atteint
des limites très inquiétantes.
Il en est de même dans le domaine de l'informatique. Lorsque vous dirigez
une thèse, le problème est de savoir à qui appartient ce
que la personne écrit dans la thèse. Il y a des procès
célèbres à propos de langages informatiques. Ces langages
informatiques ont été écrits par des élèves
qui ont pris un brevet. Le professeur qui dirigeait la thèse a dit qu'il
s'agissait de ses idées, qu'il lui a dit ce qu'il fallait faire.
Maintenant lorsque vous passez par exemple une thèse au California
Institute of Technology, vous signez un papier comme quoi la
propriété de ce que vous faites appartient à
l'université.
Il est vrai que cela prend des allures qui ne sont pas très plaisantes
sur le plan universitaire. Nous n'en sommes pas du tout là en France,
mais je ne dis pas que cela ne viendra pas. Même en Europe, nous ne
sommes pas dans ce domaine.
L'aide vis-à-vis des pays sous-développés se fait. Mais le
problème est que les technologies évoluent à une telle
vitesse, que concernant cette idée un peu élitiste que nous
avons, nous autres Européens, de dire que nous sommes
développés intellectuellement et qu'il y a les pays
sous-développés, etc., les pays dits
sous-développés envoient une escouade d'étudiants aux
Etats-Unis dans des laboratoires bien choisis et cinq ans après ils ont
un laboratoire compétitif sur le plan international.
Actuellement les laboratoires indiens sont compétitifs sur le plan
international. L'Inde n'est pas un pays sous-développé, elle est
maintenant de plain-pied dans la compétition internationale. Cela
commence à être aussi vrai pour la Corée, pour le
Brésil et pour un certain nombre de pays.
Je dirai même plus, dans certains cas, ces pays n'étant pas
bloqués par des traditions universitaires sclérosantes, les
nouvelles disciplines sont enseignées tout à fait naturellement
dans le cursus et plus vite que dans un certain nombre de pays
développés.
Par conséquent il faut faire très attention avec cette
distinction. L'idée consistant à dire que nous fabriquons des
choses de grande qualité et que les pays sous-développés
font de la manufacture, etc. est totalement en train de s'estomper.
La compétition intellectuelle est une compétition mondiale. Si
vous lisez le palmarès des prix internationaux des dix dernières
années, lorsque vous identifiez les personnes, si indépendamment
de leur nationalité, vous regardez d'où elles viennent, y compris
dans les prix Nobel américains, vous voyez des Pakistanais, des
Coréens, des Chinois, des Argentins. Et si vous regardez leur cursus,
ils n'ont pas forcément fait leurs études aux Etats-Unis.
Un prix Nobel indien a fait toute sa carrière en Inde et a juste
été aux Etats-Unis deux ans avant d'avoir le prix Nobel.
Je vais vous dire parfois l'affection et l'intérêt
idéologique que j'ai pour les pays sous-développés.
Actuellement je me fais beaucoup de souci pour la France, c'est ma
préoccupation n° 1 ainsi que pour l'Europe.
Ce qui me soucie est d'essayer d'organiser notre recherche scientifique pour
faire face à cette offensive. Notre technique de financement de la
recherche qui a consisté pendant des années à donner de
l'argent aux grands groupes - rappelez-vous ce que dit le rapport
Guillaume, 86 % du financement de la recherche se répartit entre
six groupes en France - ce financement qui est le reste du Colbertisme
n'est pas adapté aux nouvelles technologies, aux biotechnologies, aux
technologies de l'information.
Ce n'est pas là que se font les choses, par conséquent il nous
faut rompre avec cette habitude. Ce n'est pas facile car les grands groupes
sont bien organisés, leur pouvoir de pression est très fort.
Souvent ce sont les mêmes personnes qui sont des deux côtés
de la barrière, elles appartiennent aux mêmes familles
intellectuelles et administratives.
Par conséquent, briser ce fonctionnement du financement de la recherche
pour les grands groupes est difficile. Les Allemands avaient exactement le
même problème et ils l'ont cassé il y a deux ans sur le
programme de biotechnologie en faisant un programme extrêmement simple
qui a été un appel d'offres à idées. Sans s'occuper
des laboratoires, il y avait un jugement sur les idées.
Les jeunes chercheurs touchaient de l'argent avec, vous y faisiez allusions
tout à l'heure, le principe du cofinancement. Les Länder se sont
engagés dans ce programme. Lorsqu'une équipe dépendant de
leur Land avait de l'argent fédéral, ils doublaient l'argent au
niveau des Länder. C'est ce qui a permis de développer cela.
Actuellement l'Allemagne dépense dans ce fonds de développement
de biotechnologie pour les créations d'entreprises nouvelles,
2,5 milliards de francs. Ils sont partis avec 500 millions de francs
et dépensent maintenant 2,5 milliards de francs avec des fonds des
Länder, des fonds privés, des fonds divers. L'amorçage s'est
fait avec 500 MF et maintenant ils en sont là.
Inutile de vous dire que nous sommes en train de regarder de près la
manière dont cela se passe, j'ai beaucoup parlé avec mon
collègue allemand pour essayer de voir ce mécanisme. Nous ne
sommes donc pas en train de nous endormir sur nos affaires dans ce domaine.
Je voudrais revenir à ce que j'ai dit au début.
Ces jours derniers, j'ai été extrêmement frappé car,
avant de venir à cette audition, j'ai consulté un certain nombre
de scientifiques que je connais depuis longtemps. J'ai été
très frappé de voir qu'un bon nombre d'entre eux qui sont des
sommités scientifiques françaises n'avaient pas participé
à un débat sur l'éthique biologique depuis des
années.
Ils me disaient que c'était des sujets de conversation de
congrès, mais ils n'avaient pas participé à un vrai
débat.
Je pense que, sur ces problèmes d'éthiques, nous avons besoin
d'avoir dans chaque organisme de recherche et pas seulement à telle ou
telle occasion, des débats entre les chercheurs de manière
à ce qu'ils prennent conscience de ces problèmes, qu'ils
débattent, discutent de manière contradictoire sur cette question
car c'est une question très importante.
M. le Président
-
Merci beaucoup, M.
le Ministre, je crois que cette suggestion est excellente de savoir que la
biologie puisse se faire en même temps qu'une réflexion sur les
conséquences, son avenir et son développement.
Audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
AUDITION DE MADAME DOMINIQUE VOYNET, MINISTRE DE
L'AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT
M. le Président
-
Je suis très
heureux d'accueillir Dominique Voynet au terme de ces deux journées
marathon, où nous avons tenu les délais, d'audition sur les
organismes génétiquement modifiés.
Ces journées nous ont permis d'avoir six tables rondes :
- une sur les enjeux agricoles et ceux de l'agro-alimentaire,
- une sur les enjeux en matière de recherche,
- une sur la réglementation de l'expertise et du contrôle,
- une sur les OGM et l'environnement, nous allons en parler
- une sur les OGM et la santé,
- une sur les problèmes de la consommation et du consommateur.
Nous avons eu également l'audition de cinq ministres. Madame la
Ministre, vous êtes la cinquième et vous allez clôturer ces
travaux.
En parallèle avec cette confrontation collective contradictoire
d'experts, de ces auditions de ministres., nous préparons la
conférence de citoyens avec les deux week-ends de formation. Nous avons
intégré de nombreux conseils qui nous ont été
donnés par ceux qui souhaitaient donner leur avis sur cette organisation.
A côté de l'avis des experts, nous allons également
demander à un groupe de citoyens son avis sur ce sujet complexe,
passionné, passionnel dans notre pays, nous l'avons vu au cours de ces
deux jours.
Je rendrai au Parlement, mais je le transmettrai immédiatement au
gouvernement, un rapport le 30 juin.
Ce qui nous intéresse, c'est-à-dire l'environnement, a
été au centre de nos travaux au cours de cette journée. Un
certain nombre de problèmes ont été posés et nous
avons vu le paradoxe qui existait.
Les organismes génétiquement modifiés sont un enjeu pour
notre pays en termes d'agriculture, d'agro-alimentaire, de recherche. Leur
développement pose un certain nombre de problèmes en termes
d'environnement, peut en poser en termes de santé et en termes de
développement durable de notre agriculture.
Cela a été bien exprimé par plusieurs intervenants, il y a
la volonté de développer la recherche, ces technologies dans un
certain nombre de cas, mais de bien l'encadrer.
Le terme de
l'organisation de la biovigilance
a été
très nettement indiqué, mais plus que la biovigilance, un certain
nombre d'intervenants ont pensé que, et c'est un peu comme dans le
nucléaire, notre système de contrôle et d'expertise
n'était peut-être pas satisfaisant.
A côté des experts qui doivent donner des avis techniques, par
l'intermédiaire d'un certain nombre de ses représentants, la
société doit également donner son avis sur un certain
nombre de risques qui peuvent exister dans le développement de ces
techniques.
Enfin en fonction de la partie technique et expertise en matière de
risques, le gouvernement doit prendre un certain nombre de décisions.
Votre prédécesseur est venu dans une des tables rondes commenter
les décisions de 1997, celles de février comme celles de
novembre. Nous avons parlé très largement des incidences en
termes d'environnement. Les problèmes, aussi bien d'apparition de
résistance chez des insectes, de flux de gènes, tout a
été abordé et aucune question n'a été
éludée.
En fonction des responsabilités qui sont les vôtres, des
décisions prises, nous souhaiterions que vous nous indiquiez, Madame la
Ministre, vos positions sur ce sujet et que vous nous fassiez part de vos
remarques.
Ensuite je vous poserai un certain nombre de questions complémentaires
ainsi qu'un certain nombre de personnes. Celles qui veulent poser des questions
doivent, c'est la règle lorsque les ministres viennent, les poser par
écrit pour que nous puissions les regrouper.
Mme Voynet
-
Merci, Monsieur le Président.
J'imagine que l'exercice sera pour vous un peu fastidieux, plus en tout cas que
pour moi, puisque vous avez assisté à deux journées
d'échange d'arguments et que je serai forcément amenée
à redire certaines choses.
En tout cas c'est pour moi la première occasion depuis bien longtemps de
préciser de quelle façon j'aborde la question des plantes
génétiquement modifiées et je commencerai par les points
qui concernent plus directement mon domaine de compétence
ministérielle.
Ma responsabilité est en effet de veiller que les variétés
cultivées en France ne présentent pas de risques pour
l'environnement.
A cet égard la situation diffère selon l'espèce
concernée, le transgène introduit, comme l'a analysé le
Comité de Prévention et de Précaution lors du débat
qu'il a tenu sur les OGM le 5 septembre 1997.
Je rappelle que ce Comité de Prévention et de Précaution a
été saisi au cours de l'été par moi-même. Il
a considéré nécessaire de répondre vite comme je
l'en avais prié et il a relativisé la qualité et l'ampleur
du travail qu'il pouvait fournir dans un laps de temps aussi réduit.
Pour compléter son travail, nous avions souhaité solliciter par
écrit un certain nombre d'organisations (associations, syndicats) qui,
en quelques lignes ou sous forme de volumineux apport, ont contribué
aussi à éclairer l'avis de ce Comité et ont
été très utiles.
En ce qui concerne les espèces tout d'abord, certaines présentent
des risques avérés de fertilisation croisée avec des
espèces non cultivées et donc de dissémination
indésirable des transgènes. C'est le cas de la betterave,
identique à l'espèce sauvage
betta maritima
présente dans certaines régions de France, mais aussi du colza
qui peut fertiliser des crucifères sauvages comme la ravenelle. En
revanche le maïs ne présente pas ce problème en France.
En ce qui concerne les transgènes introduits, ceux qui permettent la
sécrétion de toxines destinés à détruire des
ravageurs sont a priori susceptibles de sélectionner des souches de
résistance à cette toxine. De même ils risquent de
détruire d'autres espèces que les espèces cibles.
Ces questions ne sont d'ailleurs pas à proprement parler
spécifiques aux plantes génétiquement modifiées,
elles se posent pour tout produit phytosanitaire. Toutefois, elles sont accrues
pour les OGM par le caractère systématique de la production de la
toxine par la plante alors que les traitements phytosanitaires peuvent
être adaptés à la présence effective des ravageurs.
Il est donc indispensable qu'un dispositif de biovigilance permette de
déceler le plus tôt possible l'apparition éventuelle de ce
type d'impacts indésirables. Pour être crédible, un tel
dispositif doit pouvoir conduire au retrait immédiat des semences en cas
de nécessité.
Ce n'est cependant pas toujours possible, c'est concevable pour les
variétés cultivées de maïs qui, non seulement ne
repoussent pas, mais qui également en tant qu'hybrides, ne peuvent
être ressemées par l'agriculteur lui-même. Ça l'est
beaucoup moins pour les autres espèces qui disséminent.
Au-delà de ces préoccupations strictement environnementales, en
tant que médecin, en tant que consommatrice, je ne saurais rester
indifférente aux risques éventuels pour la santé publique,
sur lesquels vous avez entendu mon collègue Bernard Kouchner.
Le problème le plus discuté actuellement concerne la
dissémination de gènes de résistance à des
antibiotiques.
Ces gènes ont été largement utilisés comme
marqueurs des lignées transgéniques, ils ne sont en rien
indispensables à ces lignées. Or il y a suffisamment de doutes
parmi les experts sur les conséquences d'une telle dissémination
pour la santé publique pour que l'utilisation de ces marqueurs soit
proscrite.
Le Comité de Prévention et de Précaution s'est d'ailleurs
prononcé sans ambiguïté sur ce point et le gouvernement a
décidé de ne plus autoriser de tels OGM à l'avenir.
D'autres inquiétudes sanitaires sont également soulevées
par divers experts, sur lesquelles je ne dispose pas d'assez
d'éléments pour me prononcer, mais qui me paraissent devoir
être analysées. Je pense en particulier aux effets
allergènes des aliments issus d'OGM.
Si vous me le permettez, je souhaite maintenant aller au-delà de ces
considérations très techniques pour aborder des questions plus
fondamentales que ce dossier des OGM me paraît soulever.
Une proportion importante de la population de notre pays fait part actuellement
de grandes réticences - c'est un euphémisme - pour
consommer des aliments génétiquement modifiés.
Les raisons peuvent en être nombreuses et je vais essayer d'en lister
quelques-unes. Après les avoir listées, je pense que nous serons
d'accord pour dire que nous ne faisons pas pour autant le tour du
problème.
L'essentiel en la matière ne me paraît pas être de nature
technique. Le problème est avant tout un problème
d'éthique, de société, c'est un problème politique
au sens noble du terme.
En la matière il ne s'agit pas simplement de considérer que les
citoyens sont mal informés, qu'il faut développer des efforts
pédagogiques, leur expliquer, etc. Les arguments d'autorité ne
tiennent pas, il faut bien en être conscient.
C'est d'ailleurs un problème important pour des ministres qui ne sont
pas des experts. La tentation est grande d'objectiver le problème et de
trancher sur la base d'avis autorisés d'experts reconnus.
Une partie de notre travail est de résister à la tentation de
trancher sur la base de ces seuls avis et en quelque sorte d'avoir une approche
d'honnête homme, au sens des Lumières, ou d'honnête femme si
nous pouvons élargir ce concept à l'autre moitié de
l'humanité, pour prendre en compte l'ensemble des arguments qui
s'expriment au sein de la société.
Quels sont ces arguments ?
Vous avez des arguments :
- d'ordre éthique, d'abord, partant d'un refus a priori de
toute manipulation du vivant qui relèverait d'une science sans
contrôle jouant à l'apprenti sorcier.
- découlant d'une inquiétude générale sur la
perte de lien direct entre les produits théoriquement sains que notre
agriculture traditionnelle était censée fournir et ce que nous
retrouvons dans nos assiettes.
Nos concitoyens ne savent plus ce qu'ils mangent et la crise de la vache folle
ayant dès lors agi comme révélateur, les citoyens sont
inquiets et ont besoin d'avoir des éléments de plus en plus
clairs et objectifs sur ce qu'il y a vraiment dans leur assiette.
- D'ordre économique et social, ces arguments paraissent tout
à fait valides et en tant que citoyenne et personne politiquement
engagée depuis longtemps, j'ai envie de les placer au premier plan de
mes préoccupations.
La généralisation des plantes génétiquement
modifiées relève d'un modèle agricole intensif qui vise
à maximiser les rendements, qui conduit en outre à une perte
accrue d'indépendance des agriculteurs par rapport aux grands groupes de
l'agro-industrie qui leur vendent les semences, les produits phytosanitaires,
etc. De nombreux agriculteurs refusent cette évolution.
La question est également posée de savoir si la solution
préconisée par les grands groupes de l'agro-alimentaire est une
solution qui ne risque pas de s'imposer de façon tout à fait
naturelle au détriment de l'examen d'alternatives moins coûteuses,
plus raisonnables pour l'environnement et plus rassurantes pour la santé
publique.
Ces alternatives plus modestes ont-elles la moindre chance d'être
seulement portées à la connaissance du public et des pouvoirs
publics lorsqu'une solution, celle des OGM, aussi largement
médiatisée est portée et occupe la totalité du
débat ?
- D'absence d'utilité des OGM dans nos pays : si aucune
démonstration convaincante de leur intérêt pour le
consommateur n'est apportée, pourquoi celui-ci devrait-il accepter de
courir le moindre risque, aussi faible soit-il ?
Vu l'ampleur de ces réticences, il me semble que le moins que puisse
faire un Etat démocratique comme la France est de faire en sorte que les
éléments d'un choix aussi rationnel que possible soit
débattu. Il est aussi de laisser le choix à ses habitants de
déterminer dans la plus parfaite transparence s'ils souhaitent ou non
consommer des produits issus d'OGM.
Cela passe en particulier par un étiquetage clair et exhaustif. A cet
égard, la présence dans nos supermarchés depuis plusieurs
mois de produits issus d'OGM non étiquetés est très
dommageable.
Cette situation résulte pour une large part du temps considérable
qu'il a fallu aux pays membres de l'Union Européenne pour se mettre
d'accord sur les modalités d'étiquetage et je vois que vous en
avez déjà largement discuté aujourd'hui.
Cette lacune est maintenant comblée grâce aux efforts de la
présidence britannique qui ont permis de dégager un compromis
moins mauvais que la proposition initiale de la Commission en évitant
une mention
peut contenir
qui voulait à la fois tout dire et rien
dire.
Pour le moment, ce compromis est satisfaisant : la liste négative
qu'il instaure de produits non soumis à obligation d'étiquetage
est vide ! Il faudra rester vigilant pour que les produits qui pourraient
s'inscrire dans cette liste soient les moins nombreux et les moins contestables
possible...
Je voudrais à cet égard en dire un peu plus et vous
m'arrêterez si ces éléments avaient déjà
été apportés au cours de la journée.
Il faut peut-être revenir sur les modalités de décision au
niveau de l'Union Européenne. En effet, la France a été
amenée à se rallier à la proposition de compromis de la
présidence britannique pour éviter l'effet pervers des
modalités de décision au niveau communautaire.
Il faut savoir en effet que si une majorité qualifiée n'avait pas
été réunie sur le compromis de la présidence, par
défaut la proposition de la Commission se serait appliquée de
fait, sans forcément que nous ne soyons obligés de réunir
une majorité sur cette proposition.
La proposition de la Commission était effectivement plus mauvaise, celle
de la présidence britannique l'est un peu moins. Je déplore pour
ma part que les produits qui ne seraient pas soumis à obligation
d'étiquetage dans la liste négative, soient
présumés sans OGM.
Il me paraîtrait normal que nous présumions les produits non
soumis à obligation d'étiquetage comme étant des produits
pouvant en contenir puisque nous ne pouvons pas démontrer qu'il n'y en
pas, cela me paraîtrait plus logique.
En même temps il n'y a aucun espace pour que des positions subtiles
soient débattues à ce stade : si nous ne votons pas pour le
compromis de la présidence britannique, c'est la proposition de la
Commission qui est adoptée.
Au-delà même de cette question d'étiquetage, la
transparence dans la prise des décisions publiques est une
nécessité absolue pour un tel sujet aussi fondamentalement de
société.
Comme je l'ai déjà dit, nous devons sortir du mécanisme
technocratique où seuls les experts parlent, les pouvoirs publics
déduisant de leur expertise des normes censées garantir à
une population confiante l'absence de risque.
A l'évidence ce modèle ne fonctionne plus. Nous en avons
déjà parlé avec Jean-Yves Le Déaut
à propos d'autres sujets sur lesquels il devra effectivement nous
éclairer peu de jours après avoir terminé ce rapport
d'étape sur les OGM.
Les crises de l'amiante, du sang contaminé, de la vache folle, mais
aussi, nous l'avons vu ces derniers jours, de la dioxine, de la fissure de
Civeaux, etc. ont contribué à engendrer une méfiance
profonde de l'opinion envers la parole des experts et les décisions des
pouvoirs publics.
Le risque nul n'existe pas. La question de fond est donc de mettre en place des
mécanismes de décision permettant la définition du niveau
de risque socialement acceptable compte tenu des avantages apportés par
les techniques et les produits en cause.
Cet objectif guide en particulier la réflexion que mon ministère
a entreprise sur la notion d'utilité publique et la réforme des
procédures en la matière.
En ce qui concerne les OGM, le débat que vous organisez s'inscrit
parfaitement dans un tel cadre.
Je souhaite qu'il aide à mettre en place des structures consultatives
d'aide à la décision aussi ouvertes que possible et permettant un
dialogue vrai entre les spécialistes du domaine et les relais d'opinion
que peuvent être, par exemple les associations. Nous pourrions
également prolonger notre réflexion sur la place que doivent
jouer les média.
Un sujet est-il plus grave, plus pressant plus urgent lorsque les média
s'en emparent ?
Je reprends l'exemple des dioxines dont on a beaucoup parlé ces derniers
jours et mon ministère a travaillé sur ce sujet de façon
considérable ces dernières semaines.
Ce n'est pas le jour où les média en prennent conscience que la
décision doit être prise. Nous devons simplement s'assurer qu'une
démarche large, réfléchie, concertée globale de
réflexion puis ensuite de décision est menée avec ensemble
des partenaires concernés. Cela se fait rarement sous la pression d'un
micro tendu.
Ce souci de transparence devra également être
intégré dans la révision de la directive 90/220/CEE
en cours d'étude.
Pour conclure, c'est à mon sens bien évidemment le principe de
précaution qui doit nous guider en la matière. Notre
responsabilité est de ne pas prendre de risques avec l'environnement et
la santé, a fortiori s'il n'y a pas de bénéfice pour
les citoyens ou peu de bénéfices ou encore des
bénéfices limités pour une partie extrêmement
limitée du corps social.
J'en ai terminé avec mes propos liminaires et me tiens maintenant
à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. le Président
-
Merci, Mme la
Ministre de cet exposé clair qui rappelle un certain nombre de
nécessités dans ce débat.
Il est vrai qu'il y a un progrès dans l'étiquetage par rapport
à la situation qui était bloquée avec le
susceptible de
contenir
qui en aucun ne permettait d'informer le citoyen.
Les associations de consommateurs ont dit de manière très claire
au cours de ces deux jours qu'il était nécessaire de savoir et
qu'il fallait avoir le droit de choisir.
Le droit de choisir est effectivement d'avoir une transparence totale, ce
n'était pas encore toujours le cas dans d'anciennes étiquettes.
Il y avait des appositions comme Nestlé Suisse où figurait
"Produit par des biotechnologies modernes"
. J'ai vu que cela a
changé et je vous montre un produit de la même
société en France.
Ce pain en revanche est commercialisé en Suisse, il n'a pas moisi depuis
deux mois.
Le deuxième point, pour les cannelloni, figure :
Protéines issues de soja génétiquement
modifié
, c'est plus clair, mais c'est tout petit. Il vaut mieux en
arriver au système anglais où en noir sur fond jaune, nous voyons
un étiquetage qui est très clair.
Ma première question porte sur cette clarification en termes
d'étiquetage avec la liste vide dont vous venez de parler,
c'est-à-dire qu'un certain nombre de produits, liste négative,
n'auront pas besoin d'étiquetage. C'est le cas aujourd'hui d'un certain
nombre d'additifs, d'enzymes produits par des méthodes de génie
génétique.
Si jamais nous arrivons à cet étiquetage, que pensez-vous de
l'obligation d'un seuil si nous mettons
contient
et
ne contient
pas
?
Nous avons abordé cette question très longuement hier avec les
différents ministres et également ce matin pendant cette table
ronde et c'est un vrai problème.
Au-delà du problème qu'il pourrait y avoir en matière de
santé, je pense que s'il y a un risque en matière de
santé, il ne faut pas autoriser, c'est très clair dans votre
déclaration et tout le monde est d'accord à ce sujet.
Si jamais, comme aujourd'hui, après cette décision
contient
ou
ne contient pas
, des contaminations arrivent,
- malheureusement, nous l'avons vu dans l'affaire de l'agriculture
biologique du sud de la France que vous connaissez bien - il y aura des
procès et des responsabilités juridiques seront effectivement
mises en jeu ou en cause.
Aujourd'hui, lorsque des champs seront cultivés avec des produits
génétiquement modifiés à côté de
champs de plantations sans modifications génétiques, il y aura
immanquablement des flux de pollen avec des grains dans le cas du maïs ou
d'autres plantes, avec des mélanges même s'ils sont faibles.
Deuxièmement la séparation des filières est un vrai
problème, nous en avons parlé ce matin et les personnes de cette
table ronde n'ont pas répondu à mes questions sur la
séparation des filières. Elles sont toutes prêtes à
le faire, mais n'ont pas l'air très fanatiques pour l'organiser car cela
pose un certain nombre de questions.
Elles pensent plutôt que si de l'eau passe sous les ponts de la Seine
d'ici quelques années, elles n'auront pas forcément à
l'organiser, c'est un peu l'avis que j'ai eu après avoir posé ces
questions restées sans réponse de la part d'un certain nombre de
responsables.
Si la séparation des filières ne se fait pas, avec la dizaine
d'étapes qui va de la fourche, c'est-à-dire du champ, à la
fourchette, il y aura des mélanges et un tout petit peu de contaminants
y compris dans des filières sans OGM.
Mon avis est qu'il faut fixer un seuil qui soit sans doute assez bas, mais il
en faut obligatoirement un. Il faut le dire clairement, le seuil n'est pas fait
pour essayer de masquer une réalité, mais pour que d'un point de
vue juridique nous ayons quelque chose qui se tienne.
Sans seuil en effet, il aura de gros problèmes juridiques et je souhaite
avoir votre avis à ce sujet, Mme la Ministre.
Mme Voynet
-
Je vais forcément vous décevoir
beaucoup car j'ai peu travaillé sur cet aspect.
Comme vous l'avez fait, j'ai écouté Marylise Lebranchu, ses
doutes, ses difficultés à cet égard car cela relève
directement de sa responsabilité. Pour avoir vécu dans une autre
vie, une expérience en apparence assez différente de celle-ci,
j'éprouve les plus grands doutes sur le fait que tout étiquetage
quel qu'il soit puisse apporter des garanties suffisantes au consommateur.
Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion d'avoir sous les yeux un
rapport fait par la Commission du Contrôle budgétaire du Parlement
Européen qui montrait comment après de multiples aventures les
céréales contaminées par la radioactivité de la
région de Tchernobyl, s'étaient retrouvées
étiquetées céréales d'origine communautaire
- je ne citerai pas le pays responsable car cela présente peu
d'intérêt, il était du sud de l'Europe.
Ceci tendait à montrer que nous éprouvions d'énormes
difficultés à garder la trace d'un produit qui passait des
frontières, était vendu, revendu sur des marchés plus ou
moins opaques, etc.
Il me semble qu'à travers tous les circuits de l'alimentation du
bétail, tous les circuits en provenance d'Europe de l'Est, etc., il est
quasiment impossible d'apporter la moindre garantie et très vite des
fabricants de bonne foi, pourraient être tentés d'inscrire sur des
produits alimentaires
"Ne contient pas d'OGM"
alors qu'ils seraient de
fait hors d'état de le garantir, une fois la tête sur le billot.
M. le Président
-
De nombreuses
questions sont posées sur la prise de décision du
27 novembre, il y a eu une décision collective.
Vous venez d'en parler en disant - et c'était indiqué dans
le compte rendu du Comité de Prévention et de
Précaution - que vous n'étiez plus favorable à
l'avenir à l'autorisation de telles constructions.
Quelle sera votre position à ce sujet ? Comment expliquez-vous que
nous ayons pris une décision alors qu'un certain nombre de
problèmes comme ceux des gènes de résistance aux
antibiotiques ont été posées aujourd'hui sans
passion ?
Nous avons dit que la probabilité restait faible, mais que tout pouvait
exister au niveau de la nature. Un certain nombre de transferts de gènes
peut se faire, plusieurs chercheurs l'ont dit, car la nature peut tout faire,
notamment dans le domaine des conjugaisons bactériennes et du transfert
de gènes.
Pouvez-vous commenter cela ? Qu'est-ce que cela veut dire pour les
décisions futures ? Quelle sera la position du Ministère de
l'Environnement à ce sujet ?
Mme Voynet
-
Il n'y a pas de mystère particulier.
Il est évident que dans une telle réunion, un ministre doit
à la fois porter la position du gouvernement définie en
interministériel et en même temps garder la liberté
d'exprimer un avis plus particulier.
Je n'éprouve aucune difficulté à expliquer à
nouveau ma position du 27 novembre. De notoriété publique,
je n'étais pas favorable à l'autorisation donnée au
maïs Novartis. Mais en même temps, je soutiens complètement
la position dégagée en interministériel.
Il me semble en effet que le compromis auquel nous avons abouti après
plusieurs heures de discussions, tient compte de l'ensemble des aspects du
problème, notamment du contexte communautaire, des décisions
prises de façon préalable par le gouvernement
précédent, dont je suis forcée de rappeler qu'elles
manquaient de cohérence.
C'est la France qui avait demandé la mise sur le marché et la
mise en culture de ce maïs, qui avait émis un avis favorable et
qui, ensuite, avait adopté une position un peu ambiguë avec d'une
part l'autorisation de commercialisation et d'autre part le refus de mise en
culture. Paradoxalement c'est peut-être pour le maïs que le
problème de mise en culture était le plus modeste.
Il nous a semblé indispensable de tenir compte du contexte
communautaire, des gestes posés par la France et par le gouvernement
précédent et en même temps de nous doter des moyens de ne
pas renouveler ce genre de problème en mettant en place d'une part un
dispositif de biovigilance, d'autre part un moratoire.
Etait associé à ce moratoire l'organisation d'un vaste
débat public.
Ensuite il y avait la modification de la position française au niveau
communautaire puisque, à plusieurs reprises, nous avons
été amenés à faire état de notre
volonté de ne pas soutenir la Commission dans sa démarche
à l'égard de l'Autriche et du Luxembourg.
Enfin vous aviez notre position concernant d'autres demandes pour des maïs
et des colza, au cours de la durée de cette consultation publique.
Aujourd'hui je dirais que j'attends beaucoup du travail auquel vous êtes
en train de vous livrer et de ces auditions publiques. J'attends beaucoup de la
consultation des citoyens et je sais que de nombreuses réserves ont
été émises sur les conditions de l'organisation de cette
Conférence.
C'est un concept avec lequel nous ne sommes pas familiers en France, mais il me
semble que les précautions prises par l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, même si
elles ne rassurent pas complètement les personnes les plus
méfiantes, sont de nature à faire en sorte que cette
Conférence de citoyens se déroule dans de bonnes conditions et
permette vraiment de poser toutes les questions de la façon la plus
ouverte possible.
Voilà la manière dont cela s'est passé. Faut-il en dire
davantage ? Je suis tout à fait disponible si vous le souhaitez.
M. le Président
-
Non, j'ai
relaté un certain nombre de questions. Il y a également une
question sur le bénéfice pour le citoyen à laquelle vous
avez déjà répondu.
Finalement faut-il lier l'autorisation d'un certain nombre de cultures à
un bénéfice réel pour le citoyen et le consommateur ?
Vous y avez déjà répondu tout à l'heure, mais c'est
une autre question qui est également posée.
Mme Voynet
-
Il est difficile de trancher car les
intérêts des différentes catégories de citoyens ne
sont pas forcément les mêmes en la matière.
Un des éléments qui contribue à nourrir ma
réticence est la distorsion qui existe entre les modalités de
mise sur le marché d'un produit que je considère comme
relativement faciles, simples et les grandes difficultés que nous
éprouvons ensuite à en décider le retrait.
Nous le voyons par exemple avec le débat sur l'éventuelle
responsabilité du "gaucho" dans la modification du comportement des
abeilles. C'est aux personnes qui se plaignent des effets secondaires d'un
produit, de rassembler les éléments de la preuve. Je pense que
c'est horriblement lourd, très long, etc.
Il me semble que c'est un point sur lequel nous devrions également nous
pencher d'une façon plus générale. On met sur le
marché des centaines, des milliers de produits chaque année, avec
des moyens sans doutes insuffisants pour évaluer complètement les
avantages, les inconvénients et approcher de façon fine le
rapport coût/bénéfice de tous ces produits.
Comment faire pour réserver la mise sur le marché aux seuls
produits constituant des avancées pour la société dans son
ensemble ? Je crois que nous ne sommes pas en mesure de trancher cette
discussion.
M. le Président
-
Dans le domaine des
plantes transgéniques, le processus d'autorisation est quand même
long. Nous avons parlé hier de la mise sur le marché, de la
réglementation et toute la procédure, CGB et Europe, est
très longue.
En revanche et cela sera la transition vers la question suivante que vous avez
également abordée - vous avez abordé de nombreuses
questions - et qui concerne l'articulation entre l'expertise scientifique
et la décision politique.
Des associations, notamment des associations de protection de l'environnement
doivent-elles être associées au contrôle avant la
décision ?
Dans l'affirmative, cela doit-il se faire dans le cadre de l'ancienne
Commission du Génie Biomoléculaire ou plutôt dans une
autre ?
Je disais tout à l'heure que cela posait un certain nombre de
problèmes. Si nous mélangeons des experts avec des
représentants d'associations de protection de l'environnement,
très souvent ils ont du mal à argumenter de manière
technique, à avoir un débat équilibré.
Ne vaudrait-il pas mieux avoir quelque chose à côté
permettant de donner un conseil avant la prise de décision
politique ?
Pour vous qui doit faire partie de ce type de commission ?
Mme Voynet
-
Je tiens beaucoup et à
l'indépendance de l'expertise et à la responsabilité
politique assumée lors de la phase de contrôle et je pense qu'il
ne faut pas mélanger les genres.
Simplement qu'est-ce qu'un expert ? Allons-nous considérer comme
expert seulement des ingénieurs agronomes, des
généticiens, des biologistes ? Allons-nous considérer
aussi que l'ensemble des domaines des sciences peut être mis à
contribution ?
D'autre part, nous restons un peu infirmes en ce qui concerne le lien entre
science et société, entre santé et environnement. Sans
doute de nouveaux types d'experts habitués à manier et des
sciences exactes et des sciences sociales devront aussi être
sollicités au cours des mois à venir sur des sujets dont la
composante éthique, d'acceptabilité sociale est majeure.
Par exemple le sujet des déchets nucléaires est aussi un sujet
comme celui-là.
Au Canada en ce moment, le gouvernement est en train de dresser un constat de
relative impossibilité de stockage de déchets nucléaires
dans les couches géologiques profondes au motif d'une
inacceptabilité sociale et de problèmes éthiques. C'est
tout à fait inattendu compte tenu des discussions qui étaient en
cours dans ce pays, il y a encore quelques mois.
Nous devrons reparler de ceci qui n'est qu'en apparence hors sujet. Nous ne
pouvons pas opposer les arguments techniques aux arguments de
société car c'est intimement lié.
Je voudrais renvoyer dos à dos les associations qui ont du mal à
argumenter sur le terrain technique comme vous dites et les experts qui ont
tellement tendance à faire usage d'arguments d'autorité et
à asséner des éléments déconnectés de
la réalité sociale.
Quelque part c'est aussi la responsabilité des politiques d'être
à la frontière des deux, de faire l'effort d'entendre les uns et
les autres et de trancher, d'assumer les choix. En tout cas c'est ainsi que je
vois ma responsabilité de ministre.
Dans le domaine des OGM comme dans d'autres domaines, je ne crois pas aux
hautes autorités indépendantes assumant à la fois
l'expertise et le contrôle, je crois vraiment qu'il relève de la
responsabilité de l'Etat d'assumer le contrôle, de trancher
politiquement, de rendre des comptes et que ce n'est pas celle des experts.
J'ai dû partir de la question et oublier la deuxième partie.
Pouvez-vous m'aider ?
M. le Président
-
Comment les
associations de protection de l'environnement se situeront dans le
dispositif ?
Mme Voynet
-
Le moment est-il venu de parler de la
réforme de la Commission du Génie Biomoléculaire ? En
avez-vous déjà parlé ?
M. le Président
-
Non, je serais
très heureux d'avoir votre avis car ce sera un des points sur lesquels
je n'aurai pas à trancher. Je ne suis qu'un parlementaire et j'aurai
à faire des propositions que le gouvernement suivra ou non.
Mme Voynet
-
Aujourd'hui nous avons longuement
discuté de la façon dont nous allions rénover la
Commission du Génie Biomoléculaire.
Comme cette Commission n'a plus de président depuis
février 1997, elle n'a pu ni se réunir ni être
réunie sur la base antérieure. Nous ressentons le besoin d'ouvrir
une telle structure à d'autres personnes que des experts reconnus d'un
point de vue scientifique.
Deux idées ont été débattues.
La première consistait à dire que nous élargissions de
façon très importante cette Commission à l'ensemble des
acteurs de la société concernés par ce genre de sujets.
Nous donnions en outre à cette structure très large la
possibilité de faire appel à des experts pour éclairer ses
choix sur le plan technique.
La deuxième solution consistait à garder une Commission du
Génie Biomoléculaire essentiellement composée d'experts et
de techniciens et de mettre en place à côté, une structure
plus représentative des différentes attentes de la
société.
Aujourd'hui la discussion n'est pas complètement tranchée. Pour
ma part, je préférerais de beaucoup que nous séparions les
deux aspects et que nous clarifions les modalités de la discussion entre
ces deux structures, la décision finale devant, à mon sens,
revenir à la structure qui tiendrait compte des différentes
préoccupations sociétales.
D'autre part je l'ai apporté ici et je le remets solennellement au
président de l'Office qui l'a déjà, ce sera
également l'occasion de faire part de mon souhait, qu'il soit
peut-être largement rendu public et distribué aux personnes
assistant à cette audition.
Je suis très impressionnée par la façon dont a
travaillé le Comité de Prévention et de Précaution,
je ne le suis pas par les moyens dont il a disposé car il a un bureau
dans mon ministère et une personne à temps plein pour lui
permettre de relayer son travail sur le plan du secrétariat.
Ce Comité associe des médecins, des chercheurs, des
universitaires, mais aussi des sociologues, des associatifs, des
personnalités du monde des sciences sociales, je crois même qu'il
y a un psychiatre dedans.
En quelques mois, il s'est chargé d'émettre des avis
extrêmement rigoureux d'un point de vue scientifique et complet du point
de vue des préoccupations de la société sur l'impact du
gas-oil sur la santé, les dioxines, les solvants, etc., sur les OGM.
Je pense que de telles structures très souples, très
légères d'écoute des préoccupations de la
société, capables de s'autosaisir, dotées de la plus large
autonomie possible par rapport à des mises de tutelles, sont
extrêmement précieuses et que nous devrions nous en servir pour
d'autres structures.
Je voudrais aussi donner l'exemple de la Commission nationale du Débat
public mise en place récemment.
Là encore, l'idée est d'avoir des personnalités
extrêmement variées pour que l'approche multidisciplinaire soit
garantie, capables d'animer un débat où le citoyen a une
très grande place et où il est considéré comme
porteur de préoccupations dépassant sa capacité à
formuler des avis d'une façon technocratique ou experte.
M. le Président
-
J'ai reçu le
président du Comité de Prévention et de Précaution,
nous avons parlé d'un certain nombre de points et il souhaitait
effectivement avoir davantage de moyens pour pouvoir avoir des études
peut-être mieux argumentées.
Sur un certain nombre de points, il y a eu des contestations lors des
auditions. Nous avons notamment parlé de l'allergie tout à
l'heure, avec le Docteur Moneret-Vautrin, toujours présente dans la
salle, pour laquelle ils ont eu une position très alarmiste.
Autant il faut mettre en place, peut-être un système
d'allergo-vigilance autant ce qui était dit là était
considéré comme un tableau un peu sombre par rapport à ce
que des experts ont pu nous dire soit dans les auditions, soit aujourd'hui.
Il est important de continuer, il faut donner des moyens à ces groupes
si nous voulons que les avis ne soit ni contestés ni contestables.
Cela ne correspond sans doute pas à ce que je dirai dans mon rapport car
les experts que j'ai entendus n'ont pas dit, pratiquement à
l'unanimité, la même chose. Il n'y avait peut-être pas eu ce
jour-là de spécialiste de cette question.
C'est un des points, sur d'autres points ils ont posé de vraies
questions et il faut faire fonctionner ces comités auprès des
ministres qui ont une grande importance.
Mme Voynet
-
En fait ils n'affirment pas qu'il y a un
risque allergique, ils disent que le risque ne doit être pris que si le
bénéfice attendu est supérieur aux risques.
Je me souviens que lors de cette réunion du Comité de
Prévention et de Précaution, il avait été
discuté de ce problème à partir d'un article
américain faisant état de la possibilité de
problèmes allergiques lors de l'utilisation de soja dont une
protéine avait été modifiée avec une
protéine de noix du Brésil.
Nous savons que de nombreuses personnes allergiques utilisent le soja
traditionnellement.
M. le Président
-
C'est un vrai faux
problème. Lorsque vous transférez une protéine allergique
de la noix du Brésil dans un autre organisme, elle restera allergique.
Mme Voynet
-
C'est exactement ce qu'a dit le
Comité de Prévention et de Précaution.
Il a simplement souligné que les personnes souffrant d'allergies
utilisaient en général le soja sans se poser de questions et avec
beaucoup de confiance, notamment comme substitut à des allergènes
notoires. Je pense par exemple au lait de soja utilisé en substitution
au lait de vache par certains.
M. le Président
-
Votre
ministère est impliqué dans la mise en place de la Commission de
Biovigilance, quelle est votre appréciation sur son fonctionnement ?
Quelle politique vont mener les représentants du Ministère de
l'Environnement dans cette Commission de Biovigilance ?
Là aussi, elle a été appelée de tous les voeux
à condition que cela fonctionne, qu'il y ait des moyens, que nous
sachions qui aura ses responsabilités et que les responsabilités
et les missions de cette commission soient bien clarifiées par rapport
à celles du Génie Biomoléculaire.
Si nous demandons en aval de faire la même chose que ce qui a
déjà été fait en amont, nous arriverons à un
système d'expertise mauvais. Il faudra bien le clarifier, mais je crois
que c'est une bonne chose.
Comment le Ministère de l'Environnement s'y impliquera ?
En complément, pensez-vous que la prise en compte de l'environnement est
le maillon faible - je pose volontairement la question - de
l'expertise sur les OGM en France ?
Il y a eu un débat fort ce matin à ce sujet.
Mme Voynet
-
Je ne suis pas sûre d'avoir compris
les enjeux.
M. le Président
-
D'abord il y a la
Commission de Biovigilance.
Ensuite les problèmes d'environnement - le terme maillon - ne
sont-ils pas ceux qui ont été sous-estimés ?
Cela ne veut pas dire que le Ministre de l'Environnement n'a pas
travaillé, au contraire, vous avez posé les questions. Mais
n'est-ce pas là qu'il y a le plus de problèmes dans le domaine
des OGM ?
Vous en avez parlé en exposé introductif, mais je voudrais que
vous le reprécisiez un peu.
Mme Voynet
-
Je ferai le parallèle entre
l'édifice proposé pour les OGM et celui proposé pour les
médicaments, où personne ne confond les procédures
d'autorisation de mise sur le marché avec les dispositifs de vigilance
permettant de faire remonter les accidents thérapeutiques, etc. et de
mettre en place les stratégies pour les prévenir ou
éventuellement retirer les produits qui en seraient responsables.
Il nous appartient de bien préciser la place relative de la Commission
du Génie Biomoléculaire et de la Commission de Biovigilance.
L'une doit instruire des dossiers, donner un avis sur les nombreuses demandes
d'autorisation qui ne concernent d'ailleurs pas toutes des OGM, je crois qu'il
y a de nombreuses demandes pour des médicaments ou pour des
filières de production dans le domaine de la santé.
L'autre aura pour tâche de mettre en place les modalités de suivi
sur le terrain et de faire remonter éventuellement les
événements indésirables qui pourraient être
constatés.
Je ne suis pas très inquiète sur le fonctionnement de ce
comité au niveau central. La diversité de ses partenaires, la
qualité des discussions au sein de ce comité très ouvert
peuvent garantir la rigueur de ce qui sera proposé, en revanche je suis
plus inquiète par ce qui peut se passer sur le terrain.
Sommes-nous totalement certains que toutes les parcelles mises en culture sont
connues des pouvoirs publics ?
Sommes-nous sûrs que nous disposons de tous les moyens pour assurer le
respect des préconisations qui seront faites par ce Comité de
Biovigilance dans chaque point du territoire ? Aujourd'hui je n'en suis
pas sûre.
D'autre part, mon ministère a effectivement posé un certain
nombre de questions concernant l'impact environnemental des OGM. Il ne dispose
pas des moyens de mettre en place les programmes de recherche qui lui
permettrait de répondre lui-même à ces questions.
M. le Président
-
J'ai posé
cette question.
Mme Voynet
-
Qu'il s'agisse de la faiblesse du budget
civil de recherche et de développement du Ministère de
l'Environnement ou de sa capacité à influencer les grands
programmes menés ailleurs, par l'INRA par exemple, notre
responsabilité est de poser des questions et de nous assurer en
concertation avec les autres ministères que nous allons nous doter des
moyens d'y répondre.
Ce n'est cependant pas ce ministère qui pourra le faire, je crois que
les choses sont claires.
M. le Président
-
J'ai posé la
question à Claude Allègre tout à l'heure. Il a
indiqué qu'il comptait développer des programmes de recherche,
notamment dans ces domaines qui touchent au rapport entre les sciences du
vivant et l'environnement.
Dans la salle
-
Il a dit cela ?
M. le Président
-
Oui, il a dit qu'il
fallait développer l'écologie.
Dans la salle
-
L'écologie ?
M. le Président
-
Oui,
l'écologie est une relation entre les sciences du vivant et
l'environnement.
Mme Voynet
-
Un problème est posé et
rejoint celui que j'évoquais tout à l'heure en parlant de la
possibilité d'examiner les alternatives possibles à telle ou
telle solution préconisée par de grands groupes.
Si je fais le parallèle avec ce qui se passe dans le domaine des
transports, la loi d'orientation des transports intérieurs
préconise que lorsqu'on propose une grande infrastructure de transports,
on doit dans le même dossier évaluer la possibilité de
réaliser des alternatives au moins aussi utiles et si possible moins
coûteuses pour répondre à la question à laquelle
souhaite répondre l'infrastructure.
Dans le domaine de la recherche en agriculture et de l'environnement, cette
possibilité n'existe pas et les moyens de la recherche publique ne sont
évidemment pas à la hauteur de ce que peuvent consacrer les
grands groupes de l'agro-alimentaire.
J'aurais envie de dire que même avec un fort soutien de
Claude Allègre, nous consacrerons quelques dizaines de millions
à des programmes de recherche là où les grands groupes
agro-alimentaires peuvent consacrer des milliards.
Pourrons-nous répondre à toutes les questions qui nous serons
posées ? Je ne sais pas.
M. le Président
-
Dans un processus
d'autorisation, il est évident que lorsqu'il y a un dossier industriel,
il peut y avoir des études d'impacts en termes de conséquences
sur l'environnement. C'est celui qui présente le dossier qui doit avoir
précédemment fait les études.
Cela apparaît important. En tout cas c'est un des points importants pour
nous, nous demanderons que les recherches soient développées.
Pour être plus précis, Claude Allègre a dit qu'il
manquait de personnes formées dans un certain nombre de domaines. Il ne
tient qu'à nous de développer ces formations ce qui a
été le message d'un certain nombre de chercheurs ici. La CGB
avait proposé cette Commission de Biovigilance depuis quelques temps.
J'ai quand même un souci après ce que vous venez de nous dire. La
CGB a fait un travail important, on va la réformer, vous en avez
parlé. Mais si on la réforme, dans l'état de mes
réflexions, je suis plutôt aujourd'hui pour deux commissions
séparées. Nous allons donc dans le même sens.
Avant que cela ne se mette en place, il se passera du temps. Ma position est
personnelle, mais puisque nous avons abordé cela, il faudrait que pour
une période transitoire, on nomme une CGB qui aura son travail à
faire car, aujourd'hui et c'est vous qui l'avez dit, elle est paralysée.
Si jamais nous continuons à la paralyser, nous arriverons à un
blocage du fait de son non fonctionnement.
Ma position personnelle - et si cela n'a pas été
tranché au moment de la parution de mon rapport, je le dirai - est
que peut-être pour six, huit mois ou moins, le temps qu'il faudra au
gouvernement pour proposer une réforme, il faudrait nommer une CGB
provisoire.
Mme Voynet
-
Mes conseillers vont être furieux
car ce genre de "petite cuisine" ne devrait jamais être avoué
publiquement.
Figurez-vous qu'il y a eu de nombreuses discussions sur cette question depuis
des mois dans les ministères. La discussion ne bloque pas sur les
concepts, les contenus, les missions, il faut le savoir.
Aujourd'hui ce qui bloque, c'est que nous n'arrivons pas à trouver un
président à la CGB car il n'y a que des coups à prendre
dans une telle structure.
Monsieur Le Déaut, je sais que ce genre de chose ne se dit
pas, mais quand même... Il faut savoir aussi que c'est un sujet difficile
et que bien des nobles personnalités pressenties sont aussi conscientes
du fait qu'il y a des attentes sociales très lourdes à assumer et
que ce sera difficile.
M. le Président
-
J'ai entendu parler
de cela et je sais que la CGB ne s'occupe pas seulement de plantes
transgéniques, mais également de thérapie génique.
Cette commission a un rôle très important et, aujourd'hui, on est
en train de bloquer un certain nombre de dossiers.
Un président cela se trouve, on en trouve toujours et la France est le
pays où il y en a le plus.
Merci de cette franchise ! Je crois que ce n'était pas un exercice
facile, toutes les questions ont été posées. Merci de vos
réponses. Ce sera certainement très utile car je crois que nous
sommes en phase sur un certain nombre de points.
.Début table M.
.Fin table M.