CHAPITRE III
CONSÉQUENCES
L'avènement de l'ère
Cyber
se
caractérise par trois révolutions : la révolution du
langage, car le numérique est "
le nouvel alphabet du monde
", la
révolution des modes de communication, car "
Internet est une sorte
d'imprimerie universelle
", la révolution de l'espace, car le
web
-la toile, le réseau des réseaux- "
est devenu une
sorte de ville-monde
" dans laquelle on travaille et se rencontre.
Le numérique et le virtuel ne sont donc ni les seules, ni même les
principales composantes de l'ère
Cyber
, mais ils ont
montré leur puissance et leur universalité. Cette puissance vient
non seulement de la possibilité de représenter tout ce qui est
imaginable, ou de créer à volonté des hybrides de
réel et de virtuel, mais aussi de confronter l'homme à des images
qui, si elles n'ont pas de réalité physique, lui donnent les
mêmes impressions, les mêmes sensations. Le numérique est
une manière d'écrire, de voir, de travailler, de vivre dans un
écran.
Mais, comme l'annonce parfaitement Philippe Quéau,
" maintenant
que le temps des pionniers s'achève, vient aujourd'hui le temps de la
maîtrise politique, culturelle, sociale
(...)
. Il faut se
préparer à une nouvelle sociabilité, il nous appartient de
jeter les bases de la
cyber-
civilisation en gésine
(...).
L'ère
Cyber
inaugure une transformation culturelle majeure dont
les secousses se feront profondément sentir, dont le retentissement va
affecter radicalement nos sociétés. Elle annonce aussi un
bouleversement économique et social auquel nous ne sommes sans doute pas
prêts. "
54(
*
)
.
Le sujet paraît donc infini, mais l'analyse progresse, s'affine. Au cours
du colloque organisé par l'Office le 9 octobre dernier, plusieurs
intervenants ont souhaité distinguer les recherches "sur les tuyaux"
et
sur "ce qui passe dedans", en d'autres termes, le contenant et le
contenu. La
plupart des réflexions portent aujourd'hui sur le développement
des réseaux, l'accès aux réseaux, la préparation de
la société à
"l'ère du Web"
55(
*
)
, c'est-à-dire
essentiellement sur le contenant. Le présent rapport complète
cette première approche en s'intéressant avant tout au contenu
et, même, au mode d'élaboration des images.
Le sujet, même limité à ce volet, par nature infini, ne
peut être épuisé. Nous nous limiterons à l'analyse
de quatre thèmes :
les conséquences économiques,
les conséquences sociales,
les conséquences juridiques,
les conséquences culturelles.
A. LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
A l'exception de quelques créneaux déjà utilisateurs, le marché de la réalité virtuelle et, plus généralement de l'image de synthèse, est un marché émergent. Malgré quelques freins, les potentialités sont telles que le marché devrait connaître un développement rapide et même, dans certains cas, exponentiel.
1. Les facteurs de développement
Plusieurs hypothèses de développement ont
été envisagées par le cabinet d'audit OVUM :
un croissance faible, où la réalité virtuelle
conserve des applications dans des niches spécifiques ;
une croissance moyenne, où les applications dans les niches
spécifiques se multiplient ;
une croissance soutenue, où les applications dans les niches
spécifiques se multiplient et s'étendent progressivement aux
marchés principaux (
mainstream market
) ;
une croissance rapide, grâce à la multiplication des
applications et à la pénétration de la
réalité virtuelle dans tous les marchés.
Pour le cabinet britannique, le troisième scénario paraît
le plus probable, en raison notamment des développements techniques
annoncés. En réalité, plusieurs autres facteurs devraient
concourir à développer ce marché.
a) Les facteurs techniques
Trois évolutions devraient être
déterminantes pour le développement de la réalité
virtuelle à partir des années 2000/2001 :
l'utilisation de la réalité virtuelle sur les P.C.
standards
. Aujourd'hui, l'image de synthèse est très
utilisée, mais il n'est pas possible d'intervenir sur l'image. La
capacité de navigation va être développée, suivie
par celle d'interventions. Le taux de pénétration des
systèmes de réalité virtuelle sur le P.C., qui n'est
encore que de 0,2 %, devrait atteindre 1 % en 2000, 5 % en 2004,
10 % en 2006.
Pénétration des systèmes de réalité virtuelle sur les P.C. |
|||||||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Total P.C.* |
127 |
145 |
163 |
179 |
193 |
208 |
223 |
240 |
253 |
268 |
284 |
P.C. avec réalité virtuelle* |
0,3 |
0,4 |
0,8 |
1,3 |
1,9 |
3,1 |
4,5 |
7,2 |
12,6 |
18,8 |
28,4 |
% de pénétration de la réalité virtuelle |
0,2 % |
0,3 % |
0,5 % |
0,7 % |
1 % |
1,5 % |
2 % |
3 % |
5 % |
7 % |
10 % |
* en millions d'unités Source : OVUM, 1995 |
l'utilisation de la réalité
virtuelle en réseau
qui permettra des travaux simultanés ;
et, surtout,
l'utilisation de la réalité virtuelle
sur Internet
à l'horizon 2002/2006, qui entraînera un
développement des relations commerciales. L'acheteur pourra en effet
manipuler les objets proposés sur l'écran et même les
mettre en situation : avant d'acheter un canapé par exemple,
l'utilisateur pourra tester ce que cela donne chez lui en mêlant l'image
du canapé à celle de son intérieur.