b) L'utilisation de l'image de synthèse dans la pratique sportive
L'évolution décrite ci-dessus est une simple
étape dans la forme de présentation des images sportives, mais
n'est rien comparée à celle qui concerne les pratiques sportives.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l'utilisation des images de
synthèse dans le sport sera probablement un complément
indispensable de l'apprentissage, voire même un substitut de la pratique
sportive, au point que certains affirment que les
"leaders du marché
du sport ne seront plus Nike, Reebock et Addidas, mais Sony, Microsoft et
Nintendo"
.
Cette idée part du constat que la pratique sportive a
considérablement évolué en une génération et
s'articule aujourd'hui autour de trois demandes principales :
le "papillonnement" ou
zapping
, plus que la
spécialisation
dans un sport,
les sensations, plus que les performances,
la proximité.
Le
cybersport
, qui repose sur le couplage des gestes sportifs et des
images de synthèse, semble répondre parfaitement à ces
trois objectifs.
L'
image de synthèse, moyen d'apprentissage sportif.
Les sportifs d'aujourd'hui changent volontiers de sport au cours de leur vie
(football tennis ; tennis golf). A chaque changement se produit un
décalage : le sportif abandonne un niveau acquis avec
difficulté et beaucoup de temps, et découvre un nouveau sport
dans lequel il n'est qu'un débutant maladroit. En changeant de sport, le
sportif change de statut.
L'utilisation des images de synthèse dans le sport, alors appelé
"
cybersport
", permet d'accéder à un niveau d'expertise
suffisant en un minimum de temps. Elle permet l'économie de la phase
d'apprentissage sur le terrain.
Le principe, simple, est basé sur les capteurs de mouvements et de
position. Une évolution a d'ores et déjà été
amorcée, avec l'apparition d'outils dits "intelligents" ou interactifs
qui donnent au joueur, en direct, les éléments techniques sur sa
position (capteurs de position dans une combinaison) et sur le jeu du joueur
(position de raquette, inclinaison, lieu et vitesse de frappe de la balle...)
qui permettent à ce dernier de corriger sa position. Le virtuel apporte
une dimension supplémentaire avec l'utilisation de l'image. Les capteurs
permettent de reconstituer avec précision l'évolution d'une balle
: l'image qui apparaît sur l'écran correspond exactement à
celle que verrait un joueur qui se trouverait à l'emplacement de la
balle.
La
sensation
. La "génération glisse" pratique
des sports, où la recherche de sensations prime la quête de
performances. Les sports de glisse (surf, planche à voile, surf des
neige,
snowboard
) ont en commun la vitesse et le saut, le
décollage et le vent qui frappe le visage. Les courses ou
épreuves sont encore rares, mais il est tout à fait significatif
qu'une des courses de planches à voile se déroule ... à
Paris, au Centre omnisports de Paris Bercy avec, selon les participants, des
résultats étonnants. Là encore, la réalité
virtuelle paraît parfaitement adaptée, car elle est
précisément fondée sur des sensations et ne produit que
des sensations. Avec l'image défilant sur un écran, un outillage
adapté, une soufflerie puissante, la "génération glisse"
n'aura aucune difficulté à se projeter dans le
"
cyberglisse
" :
"Pour virtuels qu'ils seront, les
vertiges ou les
mouvements n'en porteront pas moins sur un registre de sensations parfaitement
capable de répondre à certaines aspirations inassouvies des
glisseurs de demain"
(cf. Le survol virtuel de New York en delta
plane).
La
proximité
. Le sportif d'aujourd'hui est un
urbain. La réalité virtuelle qui ne nécessite qu'un espace
limite et clos, permet de rendre accessibles un certain nombre de sports en
milieu urbain, de pratiquer un sport sans même avoir à se
déplacer...
Ces techniques sont encore au stade des prototypes, plus ou moins convaincants
(delta plane, avec survol virtuel de New York, ski virtuel, surf virtuel...)
mais les progrès vont très vite et les expériences ne
sauraient être considérées comme des gadgets. Tout pousse
au développement des
cybersports
. Le corps n'est pas inactif,
mais au lieu de se déplacer dans la distance, il se déplace dans
l'image. Mais, surtout,
"l'activité sportive virtuelle n'est pas une
illusion car les sensations produites sont parfaitement authentiques"
.
Ce mouvement d'innovation sportive s'inscrit dans l'histoire de la
société industrielle. La France, qui est l'un des premiers, sinon
le premier, pays du monde des sports "de glisse" pourrait utiliser
cet atout
pour le rester, même si la "glisse" n'était plus que virtuelle ...
Certains sports se prêtent plus facilement que d'autres à
l'utilisation des images de synthèse. Dans beaucoup de sports, les
simulations demandent le concours d'une machinerie (avec vérins
hydrauliques...) destinée à mieux restituer les sensations
(accélération, descente...). D'autres sports, plus simples, ou
axés sur le seul geste sportif, se prêtent parfaitement à
la simulation. Tel pourrait être le cas du golf, premier sport où
la technique de réalité virtuelle soit allée probablement
à son terme.
Encadré n° 8
LE GOLF VIRTUEL
La société française VISIOTICS a mis au
point un simulateur de golf qui reproduit dan un espace restreint les
conditions d'une véritable partie de golf.
Le simulateur
. Le joueur, totalement libre de ses mouvements, se
trouve dans une situation identique à celle d'un joueur en
extérieur, sur un terrain ou sur un
practice
. La simulation porte
sur le parcours, reconstitué en images de synthèse sur un
écran. Le joueur frappe la balle en direction d'un écran. Avant
qu'elle atteigne celui-ci, la balle passe sous deux portiques munis de capteurs
optiques qui analysent la vitesse, la direction, les rotations de la balle. Ces
données sont analysées en 8 millisecondes par un ordinateur.
Lorsque la balle frappe l'écran, le relais est pris par une balle
virtuelle qui apparaît sur l'écran et qui reproduit la trajectoire
de la vraie balle, avec un parcours aérien, un rebond et un roulement en
fonction du terrain. Le joueur reprend sa balle et continue son jeu jusqu'au
put
final.
Le réalisme est assuré par la qualité de l'image,
désormais comparable à celle d'une diapositive, avec reproduction
des parcours, des différentes essences d'arbres, des conditions
atmosphériques (vent...) et par l'adjonction du son (bruit de la balle
qui tombe dans le trou...). La partie peut être jouée dans une
pièce de 20/25 m
2
.
Le marché
. Il existe 100 millions de golfeurs dans le
monde dont 60 millions sont affiliés à une
fédération. Le marché visé est celui où les
joueurs sont nombreux et où la pratique du golf est rendue difficile par
les coûts d'accès, la rareté des terrains ou les conditions
climatiques. Jusqu'à présent, le fossé a été
en partie comblé par la multiplication de
practices
de golf en
ville, dans lesquels les joueurs frappent les balles arrêtées par
des filets. Le joueur retrouve alors le plaisir du geste, mais sans le plaisir
du jeu. Le
practice indoor
permet les deux, puisque le joueur est
totalement libre de ses gestes et suit les mouvements de sa balle.
Le
practice
sur simulateur est destiné à compléter
l'offre de parcours actuels, ce qui représente un marché
potentiel théorique voisin de 10 milliards de francs (sur la base de 60
millions de joueurs, une heure par an, à 150 F de l'heure). Selon le
président de la société, le marché du golf
indoor
se situe principalement en Asie, notamment au Japon, où il
existe 22 millions de joueurs (à comparer aux 200.000 joueurs en France)
et en Amérique du Nord, et pourrait se développer en deux temps.
Le premier marché est celui des clubs professionnels,
équipés aujourd'hui des
practices
extérieurs. La
société vise, en année pleine, la vente de 800 à
1000 simulateurs au prix unitaire de 450/500.000 F. Dans un
deuxième temps, le golf
indoor
pourrait être proposé
aux particuliers à un prix de l'ordre de 150.000 F et constituerait un
marché comparable à celui des piscines privées.
Le produit est commercialisé depuis 1997. La société
VISIOTICS, qui compte seulement une vingtaine de personnes, est située
en Ille-et-Vilaine, a investi 20 millions de francs dans ce projet. Le
savoir-faire, qui s'est traduit par la réalisation d'un logiciel, est en
France. Les capteurs sont sous-traités en France. L'outil informatique
est américain. L'écran de projection est japonais.