CHAPITRE I
PRÉSENTATION TECHNIQUE :
DE L'IMAGE DE
SYNTHÈSE À LA RÉALITÉ VIRTUELLE
Tout travail d'analyse nécessite une présentation et, plus encore, une ou des définitions. L'une des difficultés de ce rapport a été de rendre compréhensibles des notions qui paraissent si familières aux professionnels que le "néophyte" a parfois peine à les interroger, tant ses questions révèlent ses carences ! Car toute profession a ses codes et son langage, et les métiers de l'image n'échappent pas à cette règle. Il faut donc, tout d'abord, une phase d'apprentissage pour comprendre quelques données élémentaires, pour ne pas confondre image 3 D et image en relief, synthèse d'image et image de synthèse, image de synthèse et réalité virtuelle ... Mais cette gêne s'estompe vite quand il apparaît que les professionnels eux-mêmes ne donnent pas toujours le même contenu aux concepts, selon qu'ils sont fabricants, concepteurs, utilisateurs industriels ou infographistes. La percée phénoménale du "virtuel", désormais utilisé par les médias comme adjectif ou substantif à tout propos, accroît cette impression de confusion. En d'autres termes, les mots de l'image sont flous, et il paraît utile de préparer l'analyse par un "toilettage sémantique" auquel le présent rapport ne constitue qu'une contribution.
A. L'IMAGE NUMÉRIQUE
1. Aperçu historique sur les différentes images
Les hommes ont toujours fabriqué des images pour représenter ce qu'ils voyaient ou ce qu'ils imaginaient. L'image peut être caractérisée à partir de quatre critères : son contenu, son processus de fabrication, son support et la part de l'homme dans sa création. Sur la base de ces critères, quatre générations d'images peuvent être distinguées. Les trois premières forment les images que l'on peut qualifier de traditionnelles, par opposition à l'image numérique ou "image informatique".
a) Les images traditionnelles
Pendant des milliers d'années, la
peinture
a permis de
représenter
un sujet (aurochs sur les parois des
grottes), de reconstituer visuellement une situation passée que seul
l'écrit avait décrit (peintures religieuses...), de montrer un
motif abstrait ou un monde imaginaire. L'image est alors un apport de
matière (pigments végétaux ou minéraux, huiles),
à l'aide d'un outil (pinceau, couteau...), sur un support (bois,
toile...), auquel le talent des hommes donnait un sens et une
crédibilité.
L'image est la création de l'homme
.
Les connaissances scientifiques ont radicalement changé le contenu
de l'image comme son mode de fabrication. Avec la
photographie
et la
télévision, l'image n'est plus une représentation, mais
une
restitution
du visible. La photographie, qualifiée en son
temps d'
"invention incroyable"
restitue ce qui est vu, le
"réel",
par un procédé physico-chimique de reproduction. Ce
procédé combine un système optique qui filtre ou concentre
la lumière sur une surface sensible (verre, puis film cellulosique),
préparée par traitement chimique (avec apport de chlorure
d'argent). Cette surface est "sensible" à l'exposition à la
lumière, et se noircit quand elle reçoit une quantité de
radiations lumineuses (le négatif). L'opération est
répétée pour le tirage sur un support physique (passage du
négatif au positif) qui permet de restituer l'objet photographié.
Tous les efforts sont ensuite concentrés pour que cette
restitution/reproduction soit la plus fidèle possible par la
qualité de l'image, des couleurs -ce qu'on appellera plus tard
l'augmentation de la résolution- et la reproduction du mouvement
(cinéma).
Avec la photographie, l'image change de sens puisqu'elle restitue le
réel, et seulement le réel, tandis que le
rôle de
l'homme s'atténue, puisqu'il n'est plus que le preneur de vue
. Sa
créativité se déplace, se concentre sur la mise en
scène des personnages et de l'éclairage, la maîtrise de la
lumière.
La
télévision
apporte trois changements
fondamentaux. En premier lieu, le processus de fabrication de l'image est
radicalement différent. Il ne dépend plus d'une réaction
chimique (action de la lumière sur une surface
prétraitée), mais d'une réaction électrique.
L'image de télévision suit un processus en quatre temps. Tout
d'abord, une image réelle, animée, reçue par une
caméra de télévision, est transformée dans des
tubes analyseurs en un signal électrique. C'est l'opération
principale : un courant "traduit" une intensité de lumière et
peut être représenté par une simple courbe sur un
graphique. Cette opération prend le nom de "codage analogique".
Ensuite,
les autres étapes consistent dans le transport du signal (transmission
par ondes électromagnétiques, puis réception du signal
électrique dans les récepteurs individuels), puis la reconversion
au stade final (poste de télévision) du courant en image, par un
processus inverse au codage analogique. Cette dernière phase de
transformation d'un signal électrique en image s'opère par
"balayage" de lignes et exploite les propriétés des luminophores
de l'écran qui, bombardés par des électrons, transforment
leur énergie en lumière. La courbe évoquée plus
haut peut aisément être "travaillée", modulée : on
peut réduire ou accroître l'amplitude, additionner ou remplacer
les courbes
1(
*
)
... Toutes ces
transformations se traduisent en termes d'images par un changement de
contraste, de luminosité, de couleurs...
En second lieu, les autres changements portent sur le temps et l'espace, la
transmission et la portée de l'image. La transmission est
modifiée. Une caméra peut toucher une infinité de foyers
et peut avoir lieu en direct -on dirait aujourd'hui en "temps réel".
L'image apparaît sous forme de lumière qui éclaire un
écran et non plus sur un support physique.
Enfin, l'image change à nouveau de sens : elle cesse d'être un
objet que l'on conserve (toile, photo) pour devenir un produit que l'on
consomme et qui, à peine apparue s'efface aussitôt. La
société de l'image est née. Comme pour la photographie, le
rôle de l'homme est de fabriquer les instruments qui transmettent et
produisent les images. Même si son rôle dans la création
artistique demeure, il n'est plus le créateur d'images, mais seulement
le preneur de vue.
Là encore l'effort porte sur l'amélioration de l'image afin
qu'elle soit le plus possible fidèle au réel. L'une des
difficultés porte sur la restitution des couleurs dont le traitement
passe par l'"analyse trichrome". L'image du réel est, en quelque
sorte,
lue à travers trois filtres optiques de couleurs primitives (rouge,
vert, bleu). A l'arrivée, les trois signaux sont retraduits
simultanément dans les "tubes images trichromes" et la couleur se
forme
par la superposition, par projection sur l'écran, des trois faisceaux de
lumière rouge, verte et bleue. Cette opération porte le nom de
"synthèse de l'image".