INTRODUCTION
La présente étude sur
" Les enjeux
techniques et éthiques des images de synthèse "
confirme
l'implication croissante de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques dans le secteur de la communication qui
tend à devenir, à juste titre, un axe majeur de réflexion
du Parlement.
Plusieurs rapports majeurs ont été publiés au cours de ces
dernières années :
les rapports de M. Franck Sérusclat, sénateur, sur
" Les conséquences des nouvelles techniques d'information et de
communication pour la vie des hommes : l'homme cybernétique"
et sur
" Les techniques des apprentissages essentiels pour une bonne
insertion
dans la société de l'information " ;
le rapport de M. Pierre Laffitte, sénateur, sur
" La
France et la société de l'information : un cri d'alarme et une
croisade nécessaire " ;
le rapport de MM. Alain Joyandet, Alex Türk et Pierre
Hérisson, sénateurs, rapporteurs de la mission commune
d'information du Sénat sur
" L'entrée de la France dans
la société de l'information "
, étude en cours,
actualisation d'un rapport de MM. Raymond Forni et Michel Pelchat,
députés, de 1989 et 1991 ;
l'étude de M. René Trégouët, sénateur,
sur
" Les nouvelles technologies de l'information et de la
communication et l'évolution de la société
française dans les prochaines années "
.
L'office a, en outre, organisé, le 9 octobre dernier, une journée
d'étude sur
" La société de l'information : quel
avenir ? "
,
Une telle orientation présente de nombreux avantages. L'Office s'ancre
délibérément dans une démarche prospective et
pédagogique, tout en partant de sujets techniques et d'actualité.
Il s'adresse ainsi à des publics très divers, sénateurs et
députés, professionnels et grand public, car ces questions sont
toutes des questions de société.
C'est le cas du présent rapport.
L'image de synthèse est une image réalisée par ordinateur.
Mais elle constitue bien plus qu'une technique, une véritable
"révolution" dans l'histoire des images et, par là, dans
l'histoire des sociétés.
L'image de synthèse donne tout d'abord de nouveaux sens aux mots. En
quelques années, "virtuel", "clonage",
"manipulation" ont changé
de signification, ou plutôt aux sens anciens se sont ajoutés des
interprétations nouvelles, directement issues des images de
synthèse et des techniques numériques. "Virtuel", le mot
était jusque là employé comme adjectif pour signifier
"ce qui est en puissance"
ou en devenir. Aujourd'hui
popularisé,
tantôt utilisé en adjectif, tantôt en substantif, (le)
virtuel désigne tout à la fois une technique, un mode
d'élaboration de l'image et un résultat, une
représentation d'un objet, d'un site, d'un monde, une image (une
illusion ?) que l'on ne se contente plus de regarder, mais dans laquelle on
entre. De même, le clonage a quitté le champ de la biologie pour
aborder celui de l'audiovisuel. Le clone n'est plus seulement un être
génétiquement semblable provenant d'une reproduction sans
fécondation, mais un double parfait en image, provenant d'une
reproduction par ordinateur. Le concept même de manipulation des images
perd lui aussi son sens puisque l'image de synthèse traduit (en images)
sur un écran, une suite de chiffres (un encodage), frappée sur un
clavier d'ordinateur. L'
"original"
n'est rien d'autre qu'une
suite de
chiffres. Changer un chiffre modifie l'image, mais celle-ci est tout aussi
"originale" que la première.
L'éducation, et plus encore l'expérience de la vie, ont appris
à chacun à garder une distance -une méfiance même-
par rapport au verbe, aux discours, aux promesses et aux écrits, mais au
moins donnait-on
a priori
une certaine crédibilité
à l'image, qui représentait jusque là, sinon la
vérité, du moins une représentation, fut-elle partielle,
de la réalité. Le précepte selon lequel
"on ne croit
que ce que l'on voit"
est à son tour battu en brèche. L'image
traduit une suite numérique, et ne garantit par conséquent en
rien qu'elle correspond à une représentation de la
réalité. Il n'est plus possible de
"croire ce que l'on
voit"
, tant les possibilités de manipulation de l'image, ou
plutôt de traitement des données numériques, sont infinies.
Le réalisme n'est plus qu'une appréciation sur la qualité
de l'image, mais ne donne aucune garantie sur son contenu.
Le présent rapport est divisé en quatre parties :
les techniques,
les utilisations,
les conséquences,
les perspectives.