2. Les jeux
Le jeu n'est pas seulement une application des images de synthèse. Il y a plutôt, selon l'expression d'aujourd'hui, une interaction entre les deux, de telle sorte qu'on ne sait plus vraiment lequel des deux a entraîné l'autre. Ce phénomène se vérifie aussi bien sur le plan technique qu'économique.
a) Éléments techniques
Le jeu vidéo est d'abord une application directe des
images de synthèse, le résultat d'un mariage entre l'ordinateur
et le jouet, où des images calculées par ordinateur apparaissent
sur un écran et sont, en partie, commandées par le joueur.
L'écran peut être celui d'un P.C., ordinateur grand public, ou
d'une console de jeux, unifonctionnelle. La console de jeux est un ordinateur
qui n'avait, jusqu'en 1996,
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*
)
qu'un seul type d'utilisation (le jeu), mais cette limite est compensée
par une grande capacité et rapidité de calculs qui permet par
exemple d'avoir 30, voire 60 images par seconde au lieu de 15 sur un ordinateur
grand public.
Ce marché se développe très rapidement depuis le
début des années 1980, avec l'arrivée, tous les deux ou
trois ans, de nouvelles générations de matériels qui
supplantent les précédentes. Il y a donc eu les consoles 8 bits,
16 bits, 32 bits et, depuis 1996, 64 bits qui permettent de
développer des jeux en 3 D. Les grandes étapes sont les
suivantes :
1973 |
Première console de jeux lancée par Amstrad |
1983 |
Première console de jeux Nintendo et son jeu vedette Super Mario |
1989 |
Console de jeu Megadrive de Sega et développement des consoles de jeux portables |
1995 |
Console de jeux Play Station de Sony en 32 bits |
1996 |
Console de jeux Nintendo 64 en 64 bits de Nintendo qui permet des jeux en 3 D |
Le jeu est aussi un moteur de l'amélioration des images
de synthèse. Comme on le verra, le marché des jeux est
énorme, oligopolistique et extrêmement concurrentiel. D'ordinaire,
l'image de synthèse doit arbitrer entre deux contraintes exigeantes : la
qualité de la représentation de l'image et la rapidité de
réponse de l'image à la demande. L'une et l'autre reposent sur
des calculs, mais plus l'image est simple et plus les calculs pour
réagir à une commande sont faciles, et inversement. Il y a en
permanence, un arbitrage entre l'esthétisme et le dynamisme, entre
l'image et les délais. En réalité, tout dépend de
l'utilisation des images de synthèse. Pour un logiciel à vocation
artistique ou culturelle, la qualité de l'image prévaut. Pour un
logiciel de formation de pilotage, la rapidité de repasse prime ;
peu importe que le terrain visualisé soit relativement uniforme, que le
relief ou les habitations soit grossièrement représentés,
car l'important en l'espèce est le travail de l'homme sur la machine.
Or, le public des jeux, même très jeune, est un public exigeant,
qui veut à la fois la qualité de la représentation et la
rapidité d'exécution. Les progrès ont été
considérables dans ces deux domaines.
Ainsi, les différences techniques entre jeux vidéo et
réalité virtuelle s'estompent-elles. Pour des raisons
commerciales, les jeux sont souvent présentés comme des "jeux
virtuels" alors qu'en réalité les jeux ne mettent le plus souvent
en œuvre que des techniques d'animation. En réalité
virtuelle, les images sont redessinées et, par conséquent,
recalculées plusieurs fois par seconde selon la position de
l'acteur-spectateur et la commande. Le jeu ne repose pas sur un calcul car les
graphiques sont prédessinés, précalculés et
stockés dans l'ordinateur ; les images réapparaissent en fonction
de l'ordre du joueur.
En réalité virtuelle
, le
spectateur-acteur actionne une image. L'ordinateur
recalcule
l'image en
fonction de sa commande.
En jeu vidéo
, le joueur actionne une
poignée de commande (
joystick
) sur une manette de jeu et
l'ordinateur fait apparaître une image
précalculée
,
en fonction de la position de son
joystick
. Il n'en demeure pas moins
que les progrès sont tels que les deux techniques tendent à se
rapprocher et qu'un jour viendra certainement où elles fusionneront
totalement.
Deux réalisations méritent d'être notées sur ce
point. Le premier axe de recherche est dans l'amélioration des images,
notamment au travers des images 3 D. Le deuxième axe concerne
l'interactivité
28(
*
)
.
On distingue d'ordinaire trois types de jeux : les jeux d'adresse, les jeux de
combat ou de tir dits
"shoot them up"
, les jeux de stratégie
dans
lesquels il y a une plus grande part de réflexion. Les progrès
concernant les techniques de jeux ont été spectaculaires. Moins
de vingt ans séparent
"Pong"
, un jeu d'Atari où un point
lumineux sensé représenter une balle devait être
arrêté par une ligne sensée représenter une
raquette
29(
*
)
, et
Doom
, un
des premiers jeux 3 D, autant connu pour son interactivité (l'homme
commandant l'image avec une
quasi
liberté de navigation) que pour
le réalisme des images (sang giclant des corps des "tués"). Un
nouveau cap a été franchi en 1997, avec l'introduction de jeux
3 D totalement interactifs et à commandes multiples, qui permettent
des parties à quatre joueurs sur un même écran
30(
*
)
.
Ainsi, il existe une indéniable filiation entre le jeu et la
réalité virtuelle, le succès de la seconde reposant en
partie sur l'efficacité du premier.
Au delà de la fascination qu'elle exerce, la réalité
virtuelle présente incontestablement un côté ludique
extrêmement prenant. On ne peut nier que cet aspect est à
l'origine du succès de la réalité virtuelle, notamment en
matière de formation (voir ci-après). Les différences sont
parfois minces entre un logiciel de jeu et un logiciel d'entraînement au
pilotage ou aux manœuvres militaires (voir
supra
). D'ailleurs,
il
est un fait que les militaires, notamment les pilotes, sont de gros
consommateurs de jeux vidéos et que les fabricants de jeux vidéo
utilisent les compétences de personnels, voire même d'anciens
militaires, qui ont créé auparavant des programmes de formation
au pilotage.
Cette filiation ne va cependant pas sans heurt ni danger. Nous l'avons dit :
elle explique une partie des réticences des industriels à
l'égard de la réalité virtuelle parfois
considérée comme un gadget. Cette "paranoïa du jeu" serait
même l'une des causes profondes de la lenteur du développement de
la réalité virtuelle auprès des industriels.