C) LA DÉCISION DU 3 JUILLET 1996 ET SES PROLONGEMENTS
Le lendemain de la parution du rapport de l'INSERM,
c'est-à-dire le 3 juillet 1996, M. Jacques BARROT, Ministre des Affaires
sociales, annonçait
l'interdiction de la fabrication, de
l'importation et de la mise en vente de produits contenant de l'amiante
à compter du 1er janvier 1997
. Il précisait dès cette
date qu'il y aurait des dérogations pour certains produits à base
d'amiante, tels que les garnitures de freins des poids-lourds ou les
vêtements ignifugés (utilisés par les pompiers), dès
lors qu'il n'existait pas de produits de substitution moins dangereux. La fin
de l'année 1996 a donc été, pour une part,
consacrée à l'établissement de cette liste de
dérogations, qui ne devait bien évidemment pas être trop
étendue, sous peine de vider de sens la décision du 3 juillet.
Le décret du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de
l'amiante et l'arrêté du 24 décembre 1996 relatif aux
exceptions à l'interdiction de l'amiante vont mettre en forme la
décision annoncée dès le 3 juillet.
Cette décision politique, qui marque véritablement la prise de
conscience par le gouvernement d'Alain JUPPÉ du problème majeur
de santé publique que représente l'amiante, est relayée au
niveau présidentiel par une prise de position solennelle du
Président de la République Jacques CHIRAC, le 14 juillet 1996,
manifestant ainsi le souci, au plus haut niveau de l'Etat, de réagir
immédiatement et dans une transparence totale à une situation de
risque liée à l'amiante, en acceptant d'en assumer les
coûts.
1) les nouveaux textes réglementaires
a) de nouvelles interdictions de vente de produits d'amiante au titre de la protection des consommateurs
Attendu depuis longtemps et dans la ligne de la
décision du 3 juillet, le décret n° 96-668 du 26
juillet 1996 relatif aux produits contenant de l'amiante complète la
liste des interdictions existantes de produits contenant des fibres d'amiante
sous forme de chrysotile en ce qui concerne leur détention en vue de la
vente, leur mise en vente, leur vente, leur offre ou leur distribution à
titre gratuit, leur utilisation et leur importation sous tous régimes
douaniers, à l'exclusion du transit.
Désormais sont interdits les produits à usage domestique
suivants : grille-pain, dispositifs de répartition de chaleur,
tables à repasser, housses de tables à repasser, repose-fer,
appareils de chauffage mobiles, panneaux isolants destinés au bricolage,
dans la mesure où ils contiennent les fibres d'amiante
précitées. Sont également interdits les panneaux isolants
en carton à usage professionnel et les matériaux destinés
au calorifugeage des équipements de chauffage, des canalisations et des
gaines.
On ne peut que se féliciter de la parution de ce texte qui permet de
supprimer l'amiante de notre environnement immédiat. Si on peut
regretter la parution d'un tel texte au J.O. du 27 juillet 1996 et donc
l'extrême confidentialité qui a entouré sa sortie, on doit
souligner qu'il a été suivi de la parution rapide, comme
annoncée par la décision du 3 juillet, du décret n°
96-1133 du 24 décembre 1996 qui instaure, à compter du 1er
janvier 1997, au titre de la protection des travailleurs comme des
consommateurs, une interdiction totale de l'amiante.
b) l'interdiction totale de toutes variétés de fibres d'amiante et les dérogations possibles
Au titre de la protection des travailleurs et des
consommateurs, le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996
interdit la fabrication, la transformation, l'importation, la mise sur le
marché national, l'exportation, la détention en vue de la vente,
l'offre, la vente et la cession à quelque titre que ce soit de toutes
variétés de fibres d'amiante.
Des dérogations sont prévues par l'arrêté du 24
décembre 1996, mais à titre exceptionnel et transitoire. Elles ne
s'appliquent qu'aux matériaux, produits ou dispositifs existants
contenant des fibres d'amiante de la variété chrysotile,
dès lors qu'il n'y a pas de substitut présentant un risque
moindre pour la santé ou donnant toutes les garanties techniques de
sécurité.
Ces dérogations figurent sur une liste limitative arrêtée
au niveau ministériel et revue tous les ans après consultation du
Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels et
de la Commission nationale d'hygiène et de sécurité du
travail en agriculture.
La liste des
exceptions
établie pour l'année 1997 comprend
les matériaux, produits et dispositifs suivants :
·
Jusqu'au 1er janvier 1998
: les dispositifs
d'isolations thermiques utilisés en milieu industriel pour faire face
à des températures situées entre 600° et
1000° C ;
·
Jusqu'au 1er janvier 1999
: les garnitures de
friction pour les installations et équipements industriels lourds,
engins terrestres spéciaux et véhicules spéciaux de plus
de 3,5 tonnes, bâtiments et structures flottants et
éléments de friction pour compresseurs et pompes à vide
à palette ;
·
Jusqu'au 1er janvier 2002
:
- les diaphragmes utilisés pour la production de chlore ainsi que
la production d'oxygène dans les sous-marins à propulsion
nucléaire ;
- les garnitures de friction pour les aéronefs ;
- les joints et garnitures d'étanchéité
utilisés dans les processus industriels, pour la circulation des fluides
lorsque, à des températures ou pressions élevées,
deux des risques suivants sont combinés : feu, corrosion ou
toxicité ;
- les dispositifs d'isolation thermiques utilisés pour faire face
à des températures supérieures à 1000° C.
La fabrication, la transformation, l'importation et la mise sur le
marché national de l'un des matériaux, produits ou dispositifs
faisant l'objet d'une dérogation doit donner lieu à une
déclaration adressée au ministre chargé du travail. Faite
chaque année au mois de janvier ou trois mois avant le début
d'une activité nouvelle, cette déclaration doit justifier que,
pour l'activité faisant l'objet de la déclaration, il n'existe
pas de substitut présentant un risque moindre ou donnant toutes les
garanties techniques de sécurité.
Par ailleurs, en application du décret du 24 décembre 1996, une
dérogation applicable
jusqu'au 31 décembre 2001
permet la
détention en vue de la vente, la mise en vente et la cession à
quelque titre que ce soit de véhicules automobiles d'occasion et de
véhicules et appareils agricoles et forestiers mis en circulation avant
le 1er janvier 1997.
A nos yeux, ces dérogations ne se justifient que si elles s'accompagnent
de mesures incitant le secteur industriel concerné à mettre au
point dans les délais ainsi fixés des produits de
remplacement : c'est une occasion d'intensifier la
recherche-développement.