CONCLUSION
Ce rapport montre bien comment l'amiante, substance toxique
et
cancérogène, se situe au coeur de nos enjeux d'environnement et
de santé, et plus globalement de notre sécurité. Ces
enjeux sont bien ceux des années à venir et donc de notre avenir.
Il nous impose la mise en oeuvre d'une politique de gestion du risque dont nous
voulons rappeler qu'elle comporte plusieurs étapes.
La première, c'est d'identifier et d'évaluer le risque
amiante.
C'est bien le rôle que doit jouer globalement l'inventaire
de l'amiante dans les bâtiments, rôle qui comme nous l'avons vu
doit être renforcé en exigeant plus de
sévérité dans les normes des seuils d'exposition des
populations et en imposant une démarche de qualité dans toutes
les étapes du chantier amiante.
La deuxième nous impose de recenser toutes les populations à
protéger, à éduquer et à surveiller
médicalement. Nous avons vu tout au long de ce rapport que dans cette
étape il reste beaucoup à proposer, à décider et
à évaluer.
La responsabilité de cette politique de gestion du risque amiante
incombe, en premier lieu, aux scientifiques qui doivent restaurer la confiance
des populations dans la connaissance scientifique.
La responsabilité de cette politique de gestion du risque amiante
s'impose, en second lieu, aux politiques. C'est sur ces derniers que reposent
totalement les décisions, le contrôle, l'évaluation et le
bon déroulement de la globalité du dossier amiante dans les
années à venir. A défaut d'avoir su prévenir dans
le passé, il faut aujourd'hui savoir réparer et savoir
éduquer.
Notre rapport a l'ambition de répondre aux attentes de nos
concitoyens :
-- apporter des réponses à ceux qui sont en proie au doute.
-- éclairer le chantier des années à venir.
-- présenter des recommandations afin de pouvoir tirer les
leçons du dossier amiante.
RECOMMANDATIONS
1) mieux coordonner l'action gouvernementale
mettre en place un Monsieur Amiante
, nommé par le
Premier Ministre qui présiderait la commission interministérielle
pour la prévention et la protection contre les risques liés
à l'amiante ; il aurait pour mission de coordonner l'action des
différents départements ministériels et d'évaluer
la mise en place de la nouvelle réglementation (p. 158)
2) privilégier l'action en matière de santé
publique
définir une nouvelle politique de gestion du risque
:
- faire une distinction claire entre la notion de contamination du
bâtiment et de l'exposition des populations (p. 77 et suivantes)
- diagnostiquer la contamination du bâtiment avec une technique de
prélèvement appropriée, en gardant les seuils de 5 et 25
f/l, ce qui renforce la sévérité des normes (p. 132 et
suivantes)
- évaluer l'exposition de la population suivant une technique de
prélèvement appropriée, en cas de forte contamination du
bâtiment (p. 134)
faire un recensement et un suivi médical des populations
exposées
:
- donner un nouveau rôle au médecin du travail en
développant la surveillance après exposition professionnelle et
la surveillance épidémiologique (p. 134 et suivantes)
- définir le contenu de la surveillance médicale
spéciale et les modalités des bilans diagnostics par
l'intermédiaire de la réunion d'une conférence de
consensus (p. 120 et suivantes)
- prendre en compte le caractère "insalubre" du travail de
l'amiante et accorder des bonifications d'assurance vieillesse à ces
travailleurs (p. 122)
- prévoir un statut spécifique du travailleur de l'amiante
(p. 122)
assurer une bonne protection des travailleurs professionnels ou
occasionnels qui interviennent sur des matériaux amiantés et des
personnes qui vivent dans des bâtiments amiantés
- assurer la diffusion du guide de sécurité des travailleurs
élaboré par l'INRS (p. 116)
- mettre en place des plans de gestion des bâtiments
amiantés, impliquant une information des occupants et des personnels
habituels de maintenance et d'entretien (p. 116)
- élaborer des plans de sécurité amiante, à
l'image des plans de sécurité incendie, qui assurent une
information visuelle de la localisation des matériaux amiantés
(p. 116)
- aider au développement de l'utilisation d'outillages avec
aspiration de poussière à la source (p. 117)
- effectuer le recensement de tous les produits, matériaux et
équipements contenant de l'amiante (p. 126)
- développer l'hygiène du travail (p. 138 et suivantes)
assurer une réparation convenable des populations
exposées
- développer des guides méthodologiques prenant en compte
les différentes étapes de la réparation (p. 126)
- procéder à une réforme qui permette, pour les
militaires, une reconnaissance effective de la maladie professionnelle (p. 124)
prévenir pour les fibres de substitution des
problèmes similaires à ceux de
l'amiante
- établir une liste limitative de l'utilisation industrielle des
fibres céramiques réfractaires (p. 146)
- inciter par précaution à la production de fibres d'un
diamètre minimum, dans le but de réduire l'effet toxique des
fibres (p. 147)
- imposer une biopersistance plus faible de ces produits, en adoptant une
norme identique à celle de l'Allemagne (au cas où la norme
européenne tarderait à être adoptée) (p. 147)
3) tirer le meilleur parti de l'inventaire des bâtiments
amiantés
s'assurer de la bonne réalisation de l'inventaire
pour toutes les catégories de bâtiments
conserver les inventaires
sous forme de registre
dans les bâtiments, et sous forme de fichier informatisé
géré par les DRASS pour l'ensemble des bâtiments
collectifs, publics et privés (p. 81)
remettre à jour périodiquement cet
inventaire
pour pouvoir localiser l'amiante avec certitude (p.
82)
étendre le champ de l'inventaire le plus largement possible
et inventorier l'amiante sous forme semi-dur et dur
- étendre l'inventaire à l'ensemble des matériaux
amiantés : pas seulement aux flocages et calorifugeages, mais
à toute forme d'amiante (semi-dur ou dur), non pas pour procéder
à leur enlèvement (sauf cas de dégradation du
matériau), mais dans l'optique d'une protection accrue des travailleurs
qui auront à intervenir sur ces produits ; à cet effet,
offrir deux possibilités aux propriétaires (p. 72 et
73) :
- une recherche de tous les amiantes accessibles au moment de l'inventaire
- une recherche complète de tous les amiantes au moment de travaux
de rénovation ou de démolition
- étendre l'inventaire non seulement aux immeubles bâtis
collectifs, mais aussi à divers matériels annexes, type
matériels de la RATP, de la SNCF, bateaux, avions (p. 73)
- imposer dès à présent une obligation d'inventaire
avant toute démolition ou rénovation d'importance des
bâtiments (p. 96)
- obliger les propriétaires individuels à mentionner la
présence d'amiante à l'occasion de la cession de leur bien (p. 73)
4) entreprendre une démarche de qualité pour toute la
chaîne amiante
assurer la qualité des prélèvements de
matériaux
- mieux définir les stratégies de prélèvements
des techniciens de la construction, en standardisant un contrôle de
qualité de ces prélèvements (norme AFNOR) (p. 75)
- mieux contrôler l'analyse du matériau par un contrôle
de qualité externe (p. 75)
- évaluer la méthode d'analyse de l'état de
conservation du matériau (c'est-à-dire la grille
d'évaluation) pour déterminer si elle permet bien de
définir les bonnes priorités, en dépit du fait qu'elle ne
recense pas l'utilisation des locaux (p. 76)
assurer la qualité des prélèvements et des
mesures d'empoussièrement d'air (métrologie)
- aider au progrès des techniques et stratégies
d'échantillonnage ainsi que des méthodes de mesures
d'empoussièrement (p. 76 et suivantes)
- réévaluer la méthode en cas d'incertitudes trop
fortes dans les résultats des mesures de métrologie et se
rapprocher éventuellement d'une méthode de comparaison de l'air
ambiant intérieur et extérieur (p. 80)
assurer la qualité des intervenants tout au long de la
chaîne amiante
- exiger du maître d'oeuvre, maillon indispensable du bon
déroulement de la chaîne amiante, une obligation de
spécialisation et une procédure de qualification (p. 89)
- assurer la qualité des prestations des entreprises
d'enlèvement et de traitement de l'amiante par un agrément de
l'Etat (p. 90 et suivantes)
- assurer une bonne formation des travailleurs par une évaluation
de la qualité des centres de formation et par une habilitation
éventuelle de ceux-ci (p. 97)
- assurer une bonne traçabilité du déchet en
prévoyant une habilitation des entreprises de transports et une bonne
lisibilité de son devenir par l'identification des sacs de
déchets sur les chantiers (code barre) (p. 103)
assurer une bonne conduite des travaux de retrait et de traitement
de l'amiante
- faire procéder à une évaluation des divers
procédés techniques possibles : enlèvement,
traitement, encoffrement, afin d'opérer un choix éclairé,
ainsi qu'à une évaluation des différentes méthodes
de travaux sur les chantiers (p. 88)
- établir et faire respecter les priorités de travaux
dictées par les résultats de l'inventaire afin d'en assurer la
qualité (p. 95)
- prévoir des sanctions très fortes pour dissuader les
chantiers « sauvages », qui feraient peser un risque
inacceptable pour la santé publique (p. 96)
- assurer une bonne protection des travailleurs et de l'environnement par
l'utilisation d'instruments automatiques de mesures sur les gros chantiers (p.
97)
- effectuer les travaux pendant les vacances scolaires et universitaires,
ce qui préserve totalement du risque amiante (p. 98)
- imposer deux contrôles après travaux, le premier une fois
le confinement démonté et enlevé, et le deuxième,
six mois après la fin du chantier, une fois le bâtiment remis en
activité (p. 98)
5) aider au financement des travaux d'amiante
mettre en place des instruments fiscaux et financiers
pour les travaux d'amiante : notamment, ouvrir une ligne spécifique
amiante déplafonnée pour ce type de travaux, au titre de
l'impôt sur le revenu des propriétaires occupants (p. 105 et
suivantes)
6) faire un effort d'information considérable
se donner les moyens de toutes les expertises qui puissent aider
à la décision
(p. 149)
lancer des campagnes d'information
dans les
différents médias (p. 151 et suivantes)
mobiliser d'autres acteurs
,
notamment en milieu
professionnel pour sensibiliser la population au risque amiante (p. 153)