2) des certitudes sur le caractère cancérogène aux fortes doses
C'est dans les années 1930 que l'on a commencé
à suspecter le caractère cancérogène de l'amiante.
Mais, c'est en 1955 que l'enquête épidémiologique de
Richard DOLL dans une usine textile d'Angleterre apporte la preuve du lien
entre exposition à l'amiante et cancer du poumon.
Pour le mésothéliome, c'est en 1960 que WAGNER établit le
lien entre l'amiante et cette maladie. Son étude portait sur 33 cas de
mésothéliomes provenant pour la plupart de la zone de la province
du Cap, en Afrique du Sud, où était exploitée une mine de
crocidolite : parmi ceux-ci, 28 concernaient des personnes ayant
travaillé dans la mine ou ayant vécu à proximité.
En 1979, l'enquête d'Irving SELIKOFF sur les travailleurs
américains et canadiens de l'isolation, c'est-à-dire les
travailleurs qui ont procédé à des flocages ou des
calorifugeages, mettait en évidence un excès des cancers des
voies respiratoires et des voies digestives. Sur les 17.800 travailleurs
étudiés de 1967 à 1976, il y a eu 2.271
décès, dont 21 % de cancers du poumon et 8 % de
mésothéliomes. Alors que 320 cancers étaient attendus, il
y en a eu 995, soit un excès de 675 cas, ce qui est considérable.
Les nombreuses études épidémiologiques (NICHOLSON : 1979 ;
SELIKOFF : 1979 ; DEMENT : 1982, 1983 ; MAC DONALD : 1980, 1983, 1984 ;
FINKELSTEIN : 1983 ; SEIDMAN : 1979, 1984 ; PETO : 1980, 1982, 1985 ; ...) ont
toutes montré sans équivoque un lien entre amiante et cancer
ainsi qu'entre amiante et mésothéliome.
L'amiante a donc été classé cancérogène par
le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) dès 1977.
Toutes les études précitées des années 1980
portaient sur des cohortes de travailleurs exposés professionnellement
à des concentrations très élevées de fibres
d'amiante : en moyenne, à des niveaux supérieurs à 10
f/ml
(2(
*
))
. Elles ont
montré que ces travailleurs avaient 10 fois plus de risques que la
population normale d'avoir un cancer du poumon et 20 fois plus de risques
d'avoir un mésothéliome.
S'agissant du cancer du poumon, il est apparu que l'excès de risque de
décès par cancer du poumon en raison d'une exposition à
l'amiante était proportionnel à l'exposition cumulée
(c'est-à-dire à l'intensité de la dose et à la
durée de l'exposition). Pour autant, il n'y a pas concordance des
résultats de ces études sur la valeur de l'accroissement du
risque de cancer. Autrement dit, si toutes ces études montrent une
réponse linéaire du risque de cancer en fonction de l'exposition
à l'amiante, elles on toutes des pentes différentes : la courbe
obtenue par DEMENT en 1982 et confirmée en 1994, dans une usine textile
américaine (où était utilisée essentiellement de
l'amiante chrysotile en provenance du Canada), a une pente extrêmement
forte (d'environ 3 %), c'est-à-dire que le risque de cancer
croît très vite en fonction de la dose cumulée d'amiante.
La courbe de MAC DONALD de 1980, confirmée en 1993, pour les
travailleurs des mines et moulins du Québec (où est
exploitée de l'amiante chrysotile) a, elle, une pente extrêmement
faible (d'environ 0,6 %), tandis que les autres courbes se situent plus
dans la moyenne (environ 1 %). Les experts scientifiques n'ont pas pu
déterminer les raisons de ces différences de pentes des courbes :
certains l'expliquent par une différence de taille des fibres (en
longueur et en diamètre), mais d'autres sources d'incertitudes existent,
qui peuvent expliquer ces différences. Une chose est actuellement admise
: toutes les fibres, qu'il s'agisse de la chrysotile ou des amphiboles,
provoquent des risques identiques de cancer du poumon.
(figure)
S'agissant du mésothéliome, la plupart des études montrent
une relation entre le risque de mésothéliome et l'importance de
l'exposition à l'amiante. Elles font apparaître également
que les risques de mésothéliome sont plus élevés
pour des expositions aux amphiboles, ou aux mélanges d'amphiboles et de
chrysotile, que pour les expositions au chrysotile seul. Mais toutes les fibres
d'amiante sont susceptibles d'induire un mésothéliome.
Les études animales confirment le rôle cancérogène
de toutes les variétés d'amiante. Celles-ci produisent des
cancers du poumon et des mésothéliomes. En revanche, on ne
retrouve pas dans le modèle animal les différences dans le
potentiel cancérogène entre chrysotile et amphibole, en
particulier pour le mésothéliome. Les fibres longues sont plus
cancérogènes que les fibres courtes, ce qui montre l'importance
des caractéristiques dimensionnelles des fibres.