3) l'élimination des déchets d'amiante
La question de la gestion des déchets et de leur
devenir doit être résolue de manière globale et rapide,
sachant que l'amiante est une fibre naturelle mais que sa transformation en
amiante friable la rend toxique (cancérogène) et que la
durée de cette toxicité est infinie, tant du point de vue de la
santé publique que de celui de l'environnement.
Ce chapitre traitera des déchets d'amiante occasionnés par les
travaux d'enlèvement et de traitement de l'amiante, qui sont les
déchets de flocage et de calorifugeage des bâtiments devant faire
l'objet de travaux au titre de l'inventaire prévu par le décret
du 7 février 1996, mais aussi, et plus généralement, de
tous les déchets de sites industriels, de bâtiments
(amiante-ciment, mais aussi déchets de flocage et de calorifugeage
occasionnés par des travaux de réparation et d'entretien) ou
résultant d'une utilisation de l'amiante autre que domestique (textiles,
garnitures de friction, etc...).
Une circulaire du ministère de l'Environnement porte sur
l'élimination des déchets générés lors de
travaux relatifs aux flocages et aux calorifugeages contenant de l'amiante dans
le bâtiment (circulaire du 19 juillet 1996), et une autre porte sur les
déchets d'amiante-ciment (circulaire du 9 janvier 1997).
a) la situation actuelle des déchets
- les déchets de flocage et de calorifugeage
Les déchets résultant des travaux imposés par le
décret du 7 février 1996 sont divisés en trois
catégories :
- les déchets de matériaux (flocages et calorifugeages,
seuls ou en mélange avec d'autres matériaux),
- les déchets de matériels et d'équipements (sacs
d'aspirateurs, outils, accessoires non décontaminés, filtres de
ventilation, bâches, masques, gants, vêtements jetables),
- les déchets issus du nettoyage (eaux résiduaires non
traitées, c'est-à-dire les eaux de douche et de nettoyage, les
résidus du traitement de ces eaux et les poussières
collectées par aspiration, boues, résidus de balayage...).
Tous ces déchets font partie de la liste des déchets dangereux
établie par le Conseil de l'Union européenne dans sa
décision du 22 décembre 1994, prise en application de la
directive n° 91/689 du 12 décembre 1991. Un projet de décret
de transposition de ce texte est en cours d'élaboration.
Tous les déchets contenant de l'amiante issus des travaux relatifs
aux flocages et aux calorifugeages
(et pas seulement les seuls flocages et
calorifugeages)
seront donc considérés comme des
déchets industriels spéciaux
. C'est là une protection
maximum qui est établie et qui était absolument nécessaire.
Tous ces déchets sont soumis à de strictes conditions de
conditionnement et de transport.
Outre le double sac étanche dans lequel ils sont conditionnés
dans les chantiers, ces déchets devront avoir un emballage
supplémentaire, conforme aux prescriptions du Règlement Transport
des Matières Dangereuses par Route (RTMDR) : grands récipients
pour vrac (GRV), métalliques ou en plastique rigide, GRV composites,
fûts en acier, aluminium ou plastique ainsi qu'emballages combinés.
Le transport de ces déchets est régi par plusieurs textes
réglementaires qui fixent notamment les prescriptions relatives à
la signalisation des engins de transport, à la conformité et
à l'équipement des véhicules, à la formation des
chauffeurs et aux règles de circulation. Ils déterminent
également les caractéristiques du document de transport. Celui-ci
doit mentionner la classification de la matière transportée, le
nombre de colis, la quantité totale, l'expéditeur et le
destinataire.
Au sens de la loi de 1975 relative à l'élimination des
déchets, le producteur du déchet reste le propriétaire du
produit.
Les seules filières d'élimination
existant actuellement en
France pour ce type de déchets
sont les 11 installations de stockage
des déchets industriels spéciaux
(centres de classe 1)
et
la vitrification
.
Les installations de classe 1 reçoivent directement dans des
alvéoles les grands sacs amiante, qui sont ensuite recouverts de terre.
Le prix est actuellement le plus bas du marché :
2.500 F la tonne
environ
.
Le procédé de vitrification des déchets,
procédé de haute technologie, consiste à
porter les
déchets amiantés à haute température (1600°)
par le biais d'une torche à plasma et à leur faire subir une
fusion
, ce qui détruit totalement les fibres d'amiante et aboutit
à l'obtention d'un
produit inerte, insoluble, qui sera
éventuellement valorisable
. L'installation INERTAM implantée
à Morcenx, dans les Landes, a une capacité de traitement de 4.000
tonnes qui devrait être portée à 8.000 tonnes d'ici 1998.
Elle a traité 2.000 tonnes de déchets en 1996. Les tarifs sont
dégressifs suivant les tonnages et en fonction du tri des déchets
effectué ou non par l'entrepreneur.
Si l'entrepreneur accepte de
différencier les déchets de chantier
et les déchets de
confinement, le prix varie de
5.200 F à 6.400 F la tonne
(c'est
la procédure verte).
Si l'entrepreneur ne veut pas faire ce tri
,
le prix varie de
6.500 F à 7.500 F la tonne
(procédure
rouge).
- les déchets d'amiante-ciment
La circulaire du 9 janvier 1997 précise les différentes mesures
à prendre en ce qui concerne l'élimination des déchets
d'amiante-ciment. Il s'agit des déchets générés par
les travaux de démolition et de réhabilitation des
bâtiments (400.000 tonnes environ) et de ceux provenant des stocks
constitués à la suite de la décision d'interdiction de
l'amiante (50.000 à 100.000 tonnes).
Les déchets d'amiante-ciment pourront être déposés
en centres de stockage de classe 1, de classe 2 ou de classe 3 dès lors
qu'ils satisfont à certaines conditions de conditionnement, de transport
et d'élimination.
Les déchets d'amiante-ciment sont divisés en plusieurs
catégories :
- déchets de matériels et d'équipements et
déchets issus du nettoyage : ils seront conditionnés en
double sac étanche, placés dans un grand récipient pour
vrac (GRV) ;
- déchets de matériaux : les plaques, ardoises et produits
plans seront dans la mesure du possible palettisés ; les tuyaux et
canalisations seront conditionnés en "racks" ; les autres
éléments, en vrac (autres que débris et
poussières), seront déposés dans des bennes
spécifiques bâchées.
L'étiquetage amiante devra figurer quel que soit le conditionnement
choisi.
Le transport devra s'effectuer de façon à limiter les envols de
fibres. Un bordereau de suivi sera établi, qui identifiera le
maître d'ouvrage, l'entreprise de travaux, le collecteur-transporteur et
le destinataire.
Les installations de stockage devront être clôturées ; les
déchets seront stockés dans des alvéoles
dédiées aux déchets contenant de l'amiante et
isolées ; la zone exploitée de l'alvéole devra
être recouverte quotidiennement ; un plan du site sera tenu à jour
de manière à permettre une mémoire de la localisation des
alvéoles.
- les autres déchets
Selon une note du ministre de l'Environnement du 12 mars 1997, les
filières d'élimination des autres déchets seront les
suivantes :
· tous les matériaux friables, c'est-à-dire
susceptibles d'émettre des fibres sous l'effet de chocs, de vibrations,
ou de mouvements seront éliminés de la même manière
que les flocages et calorifugeages (centre de classe 1 ou vitrification),
· les déchets contenant de l'amiante lié seront
éliminés dans les centres qui accueillent les matériaux
avec lesquels ils sont associés.
b) la situation à l'étranger
En Grande-Bretagne, jusqu'au 31 mars 1997, tous les
déchets contenant de l'amiante étaient des déchets
contrôlés. Ils étaient mis en décharge dans des
sites agréés (c'est-à-dire disposant d'une licence
délivrée par les autorités locales) avec une
réglementation spécifique de la collecte et de la mise en
décharge. Parmi les déchets contrôlés, on
distinguait les matériaux en crocidolite et les matériaux
amiantés qui libèrent de la poussière, qui étaient
des déchets dangereux. Ceux-ci étaient régis en outre par
une réglementation qui imposait un contrôle du déchet, de
son lieu de production à son lieu d'élimination, à l'aide
d'un bordereau de suivi. Pratiquement tous les déchets d'amiante vont en
décharge : il existe 372 sites qui peuvent recevoir des
déchets d'amiante, en Grande-Bretagne.
Depuis le 1er avril 1997, tous
les amiantes, y compris l'amiante lié, sont considérés
comme des déchets dangereux.
Au Canada, on différencie les déchets d'amiante friables, qui
sont contrôlés, des déchets d'amiante non friables, qui ne
le sont pas. Les Canadiens estiment que l'amiante-ciment présente des
concentrations de fibres similaires à celles que l'on rencontre dans le
minerai et qu'il n'y a pas lieu de le différencier. Certains sites
seulement peuvent recevoir de l'amiante non friable.
c) les problèmes à résoudre
- le volume des déchets
Une évaluation de l'ampleur des déchets à venir serait
intéressante à connaître. Les chiffres d'importation
d'amiante ne peuvent malheureusement pas nous renseigner sur les
quantités d'amiante dégradé. Il faut d'ailleurs avoir
présent à l'esprit que l'essentiel des importations, notamment
ces dernières années, était transformé en produits
d'amiante-ciment, qui ne sont pas visés par la réglementation et
ne doivent pas être éliminés s'ils ne sont pas
dégradés. On estime à l'heure actuelle la production
annuelle de déchets d'amiante-ciment à 400.000 tonnes, ce qui ne
semble pas poser de problème de capacité d'élimination,
puisqu'ils pourront aller dans tous les types de décharges. Concernant
les déchets de flocage et de calorifugeage, qui sont des déchets
industriels spéciaux, ce n'est qu'à la fin de l'inventaire
(c'est-à-dire au 1er janvier 2000) que l'on pourra déterminer si
les capacités d'élimination sont proportionnées ou non aux
quantités de déchets.
Aujourd'hui, les prix des déchets étant fixés à la
tonne et non pas au volume,
les entreprises ne sont pas incitées
à réduire le volume de leurs déchets
. Ce serait
pourtant une solution à encourager : cela supprimerait le
problème éventuel de la capacité de nos centres
d'enfouissement, cela diminuerait les problèmes liés au transport
des déchets et cela permettrait de mieux cerner le devenir des
déchets. Certaines entreprises travaillent actuellement à une
réduction du volume des déchets sur le site du chantier.
- la bonne traçabilité du déchet
C'est le transport des déchets qui nous apparaît le maillon le
plus faible de la chaîne de l'élimination des déchets
amiante.
Il faut se féliciter qu'un décret en cours de préparation
par le ministère de l'Environnement exige le recours à une
entreprise habilitée par le préfet pour le transport des
déchets dangereux, dès lors que ceux-ci dépassent un
certain tonnage. La délivrance de cette habilitation serait
subordonnée à des conditions d'honorabilité
professionnelle, de capacité financière et de capacité
professionnelle.
Il n'est pas certain que les déchets générés sur
les chantiers soient les mêmes que ceux qui arrivent en décharge
ou en vitrification. Il serait bon de pouvoir identifier les doubles sacs
sortant des chantiers (par un code barre, par exemple) pour assurer une
lisibilité parfaite du devenir du déchet amiante.
- le choix des filières de traitement
La solution de la vitrification des déchets amiantés
présente de nombreux avantages : les fibres d'amiante sont totalement
détruites ; le volume des déchets est divisé par
20 ; il n'y a plus de risque de pollution future ; le déchet
ultime ainsi obtenu est éventuellement valorisable ; le producteur
du déchet n'est plus propriétaire, et donc responsable de son
produit. Parmi les inconvénients actuels, on peut relever le coût
relativement élevé de ce traitement et l'
existence d'un seul
centre de traitement dans le sud-ouest de la France
(les chantiers de
déflocage étant localisés plutôt en région
parisienne, cela implique un transport sur de longues distances, ce qui n'est
pas nécessairement souhaitable). Pour autant,
la solution de la
vitrification nous semble vraiment la meilleure pour les matériaux
friables
, et donc pour les déchets de flocage et de calorifugeage.
La solution de l'enfouissement des déchets en classe 1, pour les
flocages et les calorifugeages, est une solution moins complexe et moins
coûteuse aujourd'hui que la vitrification. Mais elle est certainement
moins satisfaisante et, si elle a le mérite d'exister et de fonctionner
correctement, elle devrait être considérablement réduite
pour ne pas reporter le problème sur les générations
futures.
Le problème à venir est celui de la stabilisation ou non des
déchets amiante à l'horizon 1998. En effet, à compter du
1er avril 1998, l'ensemble des résidus de catégorie B (parmi
lesquels les résidus d'amiante) devront avoir les
caractéristiques de déchets stables pour être admis en
décharge de classe 1. Un groupe de travail du ministère de
l'Environnement est actuellement en train d'examiner cette question, qui est
fondamentale : stabiliser les déchets amiante reviendrait à
recréer des usines de transformation d'amiante-ciment et à
recréer une profession à risque, ce qui serait assez paradoxal.
Est-ce nécessaire d'un point de vue environnemental, sachant que
l'amiante crée des problèmes de pollution de l'air, mais pas de
problème de pollution de l'eau ? De la réponse à cette
question dépendra évidemment la compétitivité des
différentes filières de traitement. Si la stabilisation des
déchets amiante n'est pas retenue, il nous semble à tout le moins
nécessaire d'imposer dans les centres d'enfouissement que des
alvéoles soient spécifiquement réservées aux
produits amiantés (alvéoles dédiées) et qu'elles
soient isolées des zones adjacentes.
- la réhabilitation des sites
Les sites industriels de transformation de l'amiante sont des installations
classées soumises à la loi du 19 juillet 1976. Ces sites posent
le problème de la contamination des bâtiments, de l'existence de
décharges internes et de la pollution du site lui-même.