M. Claude Belot

II. ANALYSE DES CRÉDITS : LA STABILITÉ DES DÉPENSES

A. LES ABONNEMENTS DE L'ETAT À L'AGENCE FRANCE-PRESSE (ACTION 1-180)

Les abonnements de l'Etat souscrits par les administrations à l'Agence France-Presse (AFP) s'élèvent à 109.412.916 euros dans le projet de loi de finances pour 2008, soit un montant identique à celui qui figurait dans la loi de finances initiale pour 2007.

Ces abonnements s'inscrivent dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM) signé entre l'Etat et l'AFP le 20 novembre 2003, qui arrive à échéance fin 2007. Le nouveau COM, en cours de négociation, pour la période 2008-2012 doit notamment permettre d'adapter l'AFP au défi d'une agence numérique , capable de produire des contenus entièrement multimédia dès l'étape de production de l'information.

Deux objectifs, conformes au COM, sont associés à l'action 1-180 :

- l'objectif n° 1 « Contribuer au développement de l'AFP » est mesuré, tout d'abord, par un indicateur de pénétration commerciale (en nombre de clients) par zone géographique : comme en 2005, la progression globale du nombre de clients en 2006 (+ 5,4 %) a été supérieure aux prévisions (+ 2,4 %) ; le second indicateur associé à l'objectif n° 1 montre une augmentation du chiffre d'affaires de l'AFP (hors abonnements de l'Etat) de 3,2 % en 2006, supérieure à celle des abonnements de l'Etat (+ 2 % en 2006), mais la prévision pour 2007, inchangée par rapport à l'an dernier, apparaît exagérément optimiste (169,4 millions d'euros, soit une hausse de 8,5 % par rapport à 2006).

- l'objectif n° 2 « Veiller à l'efficacité de l'action de l'AFP » est mesuré par deux indicateurs : le résultat net et l'excédent brut d'exploitation.

Votre rapporteur spécial se félicite que le résultat net 2006 (+ 3,1 millions d'euros) ait été pour la première fois positif depuis 1979. L'excédent brut d'exploitation s'élève à 13,4 millions d'euros en 2006, au-dessus des prévisions, en raison notamment d'un effet de change favorable.

Un autre indicateur, ne figurant pas dans le PAP 2008, pourrait traduire l'effet des mesures de gestion, à savoir les évolutions des effectifs et des dépenses de personnel. A cet égard, si les effectifs au 31 décembre 2006 (2.324) étaient en diminution par rapport au 31 décembre 2005 (en baisse de 14 emplois équivalents temps plein, soit 0,6 % de l'effectif global), la progression des rémunérations des personnels statutaires (hors financement des opérations de départ) s'avère dynamique : les dépenses inscrites à ce titre en 2006 s'élèvent à 128,17 millions d'euros, en hausse de 6,54 % par rapport à 2005, plus des deux-tiers de cette progression correspondant soit au recrutement de personnel temporaire (4,58 millions d'euros, en hausse de 31 %), soit à des éléments de rémunération variables (7,3 millions d'euros, en augmentation de 93 %).

Le COM en préparation pour la période 2008-2012 devra par ailleurs anticiper une situation moins favorable à moyen terme, à partir de 2011 , suite à l'opération de crédit-bail engagée sur l'immeuble de l'AFP et du prêt participatif conclu par l'AFP, pour un montant de 40 millions d'euros.

B. LES AIDES À LA PRESSE (ACTION 2-180)

1. La poursuite du redéploiement des crédits des aides à la diffusion vers le soutien à la modernisation sociale du secteur

Selon les informations figurant dans le bleu budgétaire, les aides directes à la presse inscrites au programme 180 s'élèvent à 173,48 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en hausse de 6,6 %. En autorisations d'engagement (AE), les crédits atteignent 178,48 millions d'euros, soit une augmentation de 9,6 % par rapport à 2007.

Les évolutions correspondant à chacun des dispositifs d'aide sont détaillées dans le tableau ci-après.

En fait, la progression figurant dans le projet de loi de finances pour 2008 (PLF 2008) s'explique principalement par une augmentation de 7 millions d'euros des crédits d'aide au transport postal inscrits dans le programme 180 « Presse », mais l'ensemble des aides au transport postal des titres de presse - y compris celles relevant du programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économique » - restent stables à 242 millions d'euros. A périmètre constant, les aides directes à la presse augmentent de 2,2 % en CP et de 5,3 % en AE.

La différence d'évolution entre les crédits inscrits en CP et en AE correspond aux opérations du fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne d'information politique et générale (20 millions d'euros en CP, 25 millions d'euros en AE, contre 27 millions d'euros en AE et en CP dans la loi de finances initiales pour 2007). Financé par une taxe de 1 % sur certaines dépenses de publicité hors médias, le fonds subventionne des projets d'investissement des entreprises et des agences de presse.

Votre rapporteur spécial s'interroge ainsi sur la non-consommation de l'ensemble des ressources dont disposerait le fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne , et sur la qualité des projets pour lesquels des subventions sont sollicités, suite notamment aux observations formulées par notre ancien collègue Paul Loridant 8 ( * ) , à l'issue de sa mission de contrôle budgétaire sur ce fonds ( cf. l'encadré ci-dessous sur l'évaluation des projets du fonds ).

Les suites données au rapport n° 406 (2003-2004) de notre ancien collègue Paul Loridant sur l'évaluation des projets subventionnés
par le fonds d'aide à la modernisation de la presse

« Enfin, M. Loridant préconise l'évaluation économique ex post des projets financés et de capitalisation des expériences, reconnaissant qu'il s'agit là du rôle de la commission de contrôle du fonds dont l'activité a été interrompue, faute de moyens, entre 2001 et 2005.

« Le décret régissant le fonds a été modifié afin de répondre à cette difficulté en novembre 2004 (décret n° 2004-1309 du 26 novembre 2004). La commission a donc pu reprendre ses travaux.

« Afin de préparer son travail sur une base continue, les questionnaires d'analyse des projets sont désormais systématiquement adressés aux entreprises à l'issue de leur réalisation .

« Par ailleurs, la direction de développement des médias souhaite rechercher des réponses à la critique de l'insuffisance de l'analyse économique des projets qu'avait formulé le rapport Loridant. Dans ce sens, deux réunions d'échange de vue sur les orientations stratégiques du fonds ont été organisées avec les syndicats de presse et des agences en juin et juillet 2007 . Ces échanges visent à renforcer et prolonger la démarche de sélectivité mise en oeuvre pour cette aide. Il importe en effet de mieux distinguer ce qui ressort du coeur même du projet de ce qui n'en est qu'accessoire, de mieux apprécier les plafonds d'intervention par projet et par entreprise, de mieux moduler les taux d'intervention en fonction de la pertinence du projet, de la situation de l'entreprise et du retour sur investissement attendu ».

Source : direction du développement des médias des services du Premier ministre (réponse au questionnaire budgétaire)

Par ailleurs, les évolutions de crédits proposées pour 2008 correspondent à une poursuite du redéploiement des aides à la presse, du soutien à la diffusion vers des actions de modernisation sociale :

- l'aide accordée au titre de la réduction du transport SNCF pour les entreprises de presse diminue de 7,3 à 5,8 millions d'euros, concernant désormais principalement la presse quotidienne d'information politique et générale ;

- l'aide à l'impression décentralisée des quotidiens (d'un montant de 200.000 euros dans la loi de finances initiale pour 2007) n'est pas dotée dans le PLF 2008, « dans l'attente d'une vision plus claire de la stratégie des acteurs » et « compte tenu des bouleversements que connaît actuellement le secteur de l'impression décentralisée » en province des quotidiens nationaux, selon les précisions figurant au PAP 2008 9 ( * ) ;

- la baisse de l'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger (de 2,8 millions d'euros à 1,95 million d'euros) traduit un recentrage du dispositif d'aide au transport sur les titres de la presse quotidienne d'information politique et générale ;

- l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne (nationale et régionale) d'information politique générale augmente de 20,775 à 30 millions d'euros, correspondant à la montée en puissance de ce dispositif de cessation anticipée d'activée ;

- la hausse de l'aide à la modernisation et à la distribution de la presse quotidienne nationale (de 8 à 12 millions d'euros) doit permettre l' accompagnement du plan de modernisation des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), principale société nationale de messagerie assurant la distribution au numéro de la presse quotidienne.

Alors que les NMPP emploient actuellement 1.200 salariés, la direction a présenté au comité central d'entreprise, le 13 novembre 2007, un plan social tendant à la suppression de 350 emplois (par des reclassements, des mutations et des départs en préretraite), ainsi qu'à la fermeture de plusieurs centres de distribution, dont celui de Combs-la-Ville consacré aux magazines. Parallèlement, les NMPP projettent un plan de réorganisation intitulé « Défi 2010 », prévoyant des investissements à hauteur de 150 millions d'euros pour augmenter d'environ 5.000 points de vente le réseau actuel qui en compte 29.500.

Répartition et évolution des aides directes à la presse (action 2-180, crédits de paiement)

(en euros)

Sous-action

Dispositifs

LFI 2006

LFI 2007

PLF 2008

1

Aides à la diffusion

Aide au transport postal de la presse d'information politique et générale (sous-action n° 1-1)

71.483.595

76.000.000

83.000.000

Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse (sous-action n° 1-2)

7.300.000

7.300.000

5.800.000

Aide à l'impression décentralisée des quotidiens (sous-action n° 1-3)

350.000

200.000

0

Aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger (sous-action n° 1-4)

3.300.000

2.800.000

1.950.000

Aide à la presse hebdomadaire régionale (sous-action n° 1-5)

1.420.000

1.420.000

1.420.000

Aide au portage de la presse (sous-action n° 1-6)

8.250.000

8.250.000

8.250.000

Sous-Total

92.103.595

95.970.000

100.420.000

2

Aides au pluralisme

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires (sous-action n° 2-1)

7.155.000

7.155.000

7.155.000

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces (sous-action n° 2-2)

1.400.000

1.400.000

1.400.000

Sous-Total

8.555.000

8.555.000

8.555.000

3

Encourager la modernisation

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (sous-action n° 3-1)

31.000.000

20.774.805

30.000.000

Aide à la modernisation et à la distribution de la presse quotidienne nationale (sous-action n° 3-2)

8.000.000

8.000.000

12.000.000

Aide à la modernisation de la diffusion (sous-action n° 3-3)

3.660.000

2.000.000

2.000.000

Aide au développement des services en ligne des entreprises de presse (sous-action n° 3-4)

790.000

500.000

500.000

Aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale (sous-action n° 3-5)

26.741.550

27.000.000

20.000.000

Sous-total

70.191.550

58.274.805

64.500.000

Total action 2-180

170.850.145

162.799.805

173.475.000

Source : bleus budgétaires

2. Mesure de la performance : des aides tendant à freiner une érosion continue des ventes

Votre rapporteur spécial salue l'effort mené pour améliorer la mesure de la performance, par nature complexe, d'aides à des entreprises. En particulier, il relève avec intérêt que 87 % des aides directes et 37 % des aides indirectes bénéficient à la presse quotidienne d'information politique et générale, conformément à l'objectif primordial de maintien du pluralisme des opinions.

Mais il continue de préconiser l'élaboration d' indicateurs de qualité de service qui permettraient d'apprécier la satisfaction des destinataires des aides sur la gestion des dispositifs. Un autre critère consisterait à prendre en compte et à évaluer le processus en cours de dématérialisation des demandes d'aide.

Par ailleurs, les résultats des indicateurs de performance témoignent certes de l'efficacité des aides à la presse, au regard de l'évolution économique des titres les plus aidés par rapport à l'ensemble du secteur, mais également de la poursuite de la crise économique à laquelle est exposée la presse nationale et régionale d'information politique et générale.

Ainsi, la baisse de la diffusion des titres les plus aidés, entre 2005 et 2006, est moins prononcée (- 1,7 %) que pour l'ensemble de la presse payante (- 3,1 %), la diffusion des quotidiens à faibles ressources publicitaires progressant même légèrement (+ 0,18 %) si l'on fait abstraction de la cessation de parution de « France Soir » en 2006 pendant près de deux mois.

L'essor de la presse gratuite , constituée autour de quatre grands groupes 10 ( * ) et qui propose un modèle économique alternatif fondé sur les seules ressources publicitaires, est un facteur d'approfondissement de la crise de la presse payante , pour l'ensemble des intervenants du secteur. Ainsi, le réseau de distribution des NMPP, qui bénéficient par ailleurs d'aides publiques, est concurrencé par les titres de la presse gratuite.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 180 « Presse » de la mission « Médias »

- Combler les retards dans la parution des décrets d'application de l'article 14 de la loi de finances pour 2007, relatif, à la fois, à la reconduite du dispositif de provisions pour investissement des entreprises de presse et à la création d'une réduction d'impôt pour la souscription au capital de sociétés de presse.

- Mesurer l'impact de l'exonération de taxe professionnelle , à la charge des collectivités territoriales.

- Prendre en compte l'évolution des dépenses de personnel parmi les objectifs et indicateurs de performance de l'AFP.

- Approfondir l' évaluation de l'efficacité socio-économique des aides du fonds d'aide à la modernisation de la presse .

- Améliorer les indicateurs de qualité de service des aides directes à la presse, y compris la dématérialisation des procédures de demande d'aides.

* 8 Sénat, rapport d'information n° 406 (2003-2004).

* 9 Projet annuel de performances. Citation p. 31.

* 10 « 20 Minutes » (2,42 millions de lecteurs, soit le quotidien le plus lu en France), édité par le groupe norvégien Schibsted et le groupe Sipa, par ailleurs éditeur de « Ouest France » ; « Metro » (2,04 millions de lecteurs, dont le capital est détenu par le groupe suédois « Métro International » et TF1 ; les titres du réseau Ville Plus de la presse quotidienne régionale (Bordeaux 7, Lille Plus, Lyon Plus, Marseille Plus, Montpellier Plus, auxquels s'ajoute Matin Plus) ; Direct Soir et Bretagne Plus (du groupe Bolloré).