M. Michel Charasse
III. OBJECTIFS ET INDICATEURS
A. QUATRE OBJECTIFS INCHANGÉS ET CRITIQUÉS PAR LE CIAP
Le programme 110 comporte quatre objectifs , identiques à ceux exposés dans le PAP de 2007.
Le premier objectif (« Faire valoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et fonds multilatéraux ») rappelle les priorités géographiques affirmées par le CICID , qui incluent les pays les moins avancés, l'Afrique et les 56 Etats de la ZSP (y compris l'Afghanistan). La France s'est engagée à consacrer les deux tiers de son aide bilatérale à l'Afrique et à porter son aide dédiée aux PMA à 0,15 % de son RNB d'ici 2012.
Le deuxième objectif, intitulé « Participer au rétablissement de la stabilité macroéconomique et à la création des conditions de la croissance des pays en développement », s'inscrit dans la tendance, constatée depuis quelques années chez les principaux bailleurs et réaffirmée dans la Déclaration de Paris de mars 2005, à l'accroissement de l'harmonisation de l'aide , facteur d'efficacité et de réduction des coûts de transaction, en particulier dans le cadre de l'aide budgétaire.
Votre rapporteur spécial partage la volonté ainsi affichée d'accroître l'efficacité de l'aide et de réduire les coûts de transaction liés à la coexistence (voire à la concurrence) de plusieurs procédures et cahiers des charges émanant de multiples bailleurs. Il rappelle néanmoins que l'aide budgétaire doit être transparente, cohérente avec les capacités administratives des pays récipiendaires, et ne pas compromettre la capacité de la France à mettre en évidence ses apports .
Le troisième objectif (« Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement ») est dédié à l'efficacité et à l'effet de levier de l'AFD. Enfin le quatrième objectif (« Promouvoir l'expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière ») illustre plus particulièrement l'apport du FASEP et de l'ADETEF pour la promotion du savoir-faire des entreprises françaises . L'opérateur et les instruments spécifiques du MINEFE dédiés à l'aide extérieure sont ainsi couverts par les objectifs et indicateurs.
Le rapport d'audit du CIAP, en date du 1 er mars 2007, a souligné « l'absence de rattachement lisible et direct des objectifs à la finalité même du programme » : les objectifs 1 et 3 tendent à sécuriser au mieux le potentiel de l'aide plutôt qu'à évaluer son impact chez les bénéficiaires, et la préoccupation de « retour » profitable à l'expertise française, exprimée par le quatrième objectif, paraît éloignée de la finalité du programme. Il constate également une coordination insuffisante avec les objectifs et indicateurs du programme 209.
Votre rapporteur spécial souligne que les objectifs et indicateurs d'une politique d'aide au développement n'échappent à une double difficulté structurelle : la mesure de l'impact réel de l'APD sur la réduction de la pauvreté, qui demeure sujet à controverses, et la dilution de l'effort national dans une aide mobilisant une multitude de bailleurs, rendant plus ténu le lien entre les instruments spécifiquement français et le développement des pays bénéficiaires.
B. UN NOMBRE D'INDICATEURS DIVISÉ PAR DEUX EN DEUX ANS
Conformément aux recommandations du CIAP, le nombre d'indicateurs du programme 110 est passé de 10 dans le PAP de 2006 à 5 dans le présent PAP . L'indicateur mesurant le nombre de jours consacrés à l'assistance technique internationale par million d'euros de crédit budgétaire, qui figurait dans le PAP de 2007, a été supprimé. Les indicateurs sont intégralement renseignés et les cibles fixées pour 2009 seraient pour l'essentiel atteintes dès 2008. Cette gamme d'indicateurs est cohérente mais n'échappe pas aux limites ci-dessus évoquées pour les objectifs. LE CIAP a également formulé certains constats et recommandations que votre rapporteur spécial tend à partager :
- l'indicateur 1.1 (part des ressources subventionnées des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux qui sont affectés aux zones géographiques prioritaires), dont la qualité a été améliorée, comporte des cibles relativement modestes qui illustrent sa vocation plutôt « défensive »et les limites de l'influence de la France sur l'allocation géographique des concours de ces bailleurs multilatéraux ;
- l'indicateur 2.1 (part de l'aide française qui s'inscrit dans un processus harmonisé entre les bailleurs de fonds et/ou dans un cadre régional) répond à une approche instrumentale et de « protection » du donateur (diminution des coûts de transaction), mais « se double d'un pari non démontré sur une meilleure efficacité 22 ( * ) des aides ainsi harmonisées ». Il est toutefois cohérent avec l'objectif affiché, indépendamment du jugement sur la pertinence de ce dernier ;
- l'indicateur 3.1 (montant d'aide au développement apportée par l'AFD sous forme de prêt par euro de subvention à l'Etat) retrace l'effet de levier des concours de l'AFD, dont la cible de 3 en 2011 est atteinte dès 2005 puis se stabilise à un niveau légèrement inférieur ou supérieur. Ce ratio est fonction du niveau de concessionnalité des prêts octroyés par l'AFD. La justification de cette cible est désormais mieux précisée 23 ( * ) et tient compte des observations du CIAP, qui relevait une ambiguïté, selon que l'évolution constatée était plutôt liée à la réduction du coût de la concessionnalité (du fait du niveau des taux d'intérêt à long terme) ou à un arbitrage favorable aux pays émergents, lesquels se voient octroyer les prêts les moins concessionnels. Il serait néanmoins utile de disposer d'une comparaison avec l'effet de levier pratiqué par les banques de développement des principaux bailleurs ;
- l'indicateur 3.2 (capacité de l'AFD et de la Banque mondiale à mener avec succès des projets compatibles avec la réalisation de leurs objectifs de développement) porte davantage sur l'efficience des procédures des bailleurs que sur l'efficacité socio-économique , et comporte deux sous-indicateurs mesurant la qualité des projets et la réactivité des deux bailleurs. Le fait que les cibles de la Banque mondiale soient supérieures de 5 points à celles de l'AFD (respectivement 80 % et 75 %) s'explique par la nature du portefeuille de projets de l'AFD, qui est plus exposée que la Banque mondiale en Afrique. La cible de l'AFD a toutefois été dépassée dès 2006 (80 %) avant de revenir à un niveau inférieur (73 %). Votre rapporteur spécial partage le souhait du CIAP que l'indicateur restitue également la qualité des projets du Fonds africain de développement, dont les instruments d'évaluation ne sont toutefois pas encore jugés suffisamment fiables ;
- le CIAP déplore le « peu d'impact » de l'indicateur 4.1 (part des études FASEP terminées ayant donné lieu à la réalisation de projet), sans toutefois le remettre en cause. La mesure du taux de retour pour les entreprises françaises de la composante d'aide française liée demeure néanmoins nécessaire, bien qu'elle concerne essentiellement les pays émergents. L'évaluation de la performance des entreprises françaises dans les appels d'offres de la Banque mondiale serait également utile. Enfin la cible du sous-indicateur relatif à la part des études FASEP terminées ayant donné lieu à la réalisation du projet d'investissement (22 %) apparaît modeste .
* 22 Le CIAP souligne cependant avec raison qu' « une approche plus directe de l'efficacité paraît impraticable, tant l'évolution de la situation macroéconomique d'un pays dépend de facteurs externes ou autres qui peuvent contrarier ou au contraire favoriser le rétablissement pour lequel l'aide a été accordée ».
* 23 Elle correspond à « un équilibre jugé satisfaisant entre prêts aux PMA et prêts aux pays émergents ».