M. Michel Charasse

SECTION II. L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE AU DÉVELOPPEMENT,
UN PÉRIMÈTRE PLUS VASTE QUE LA MISSION BUDGÉTAIRE

I. ÉVOLUTION RÉCENTE DE L'APD FRANÇAISE ET PERSPECTIVES POUR 2007

A. UNE FORTE HAUSSE DEPUIS 2000

L'aide française au développement inclut trois composantes : l'aide publique au développement (APD) au sens du CAD de l'OCDE, les apports du secteur privé à des conditions de marché et les apports des ONG aux pays tiers. Les apports du secteur privé , qui s'entendent en solde net (ce qui limite la portée de l'évolution des données), comprennent les investissements directs, les crédits à l'exportation et les investissements de portefeuille. Ils ont fortement progressé en 2004 pour s'élever à 17,5 milliards de dollars (sur un total de 338,8 milliards de dollars tous pays confondus), après un flux net négatif de 12,3 milliards de dollars en 2003.

Entre 2000 et 2005, l'APD française globale (donc en incluant les collectivités d'outre-mer à statut particulier) a progressé de 83 % pour s'établir à 8.149 millions d'euros, soit 0,47 % du RNB. Par rapport à 2004, l'année 2005 a en particulier été marquée par :

- un quasi doublement des allègements de dette, qui dépassent 2,7 milliards d'euros en 2005, soit le tiers de l'aide totale ;

- une augmentation des remboursements sur les prêts du Trésor, créant ainsi de l'APD « négative » à hauteur de 306 millions d'euros ;

- et une stabilisation des contributions multilatérales et au FED.

Les estimations pour 2006 prévoient une augmentation limitée à 171 millions d'euros, pour une part du RNB inchangée (0,47 %). Les allègements de dette se maintiennent à un niveau très élevé et l'aide-programme quadruple. Les contributions aux institutions financières et fonds multiltéraux s'inscriraient en revanche en baisse de près de 25 %, et l'aide multilatérale dans sa globalité de 4,9 %. Il importe néanmoins de rappeler que les refinancements et annulations de dettes sont, pour une large part, la conséquence d'engagements multilatéraux.

L'évolution escomptée en 2007 (cf. tableau ci-après) permettrait d'atteindre l'objectif énoncé en 2002 par le Président de la République, soit un ratio APD/PNB de 0,5 % , grâce à une augmentation du volume d'aide de 10,3 % par rapport à 2006 et un doublement par rapport à 2000. L'aide multilatérale (aide européenne incluse) augmenterait de près de 37 % en raison de la progression de plus de 120 % des apports aux institutions et fonds multilatéraux, et les allègements de dettes diminueraient de 23,6 %.

Votre rapporteur spécial considère cependant que l'objectif d'un ratio de 0,7 % en 2012 ne sera pas aisé à atteindre, au point que l'on peut douter de sa faisabilité, en particulier si l'on considère la probable amplification de la baisse des allègements de dette à compter de 2008-2009 (extinction des plans d'apurement des dettes de l'Irak, du Nigeria et des pays éligibles à l'initiative PPTE) et la baisse des autorisations d'engagement sur l'aide-projet financée par le MAE, prévue pour 2007.

Evolution de l'effort français d'aide publique au développement (au sens du CAD) depuis 2000

(en millions d'euros)

2000

2005

2006 (1)

PLF

2007

Part de l'APD 2007

2000 / 2007

en %

Evolution

2006/2007

1. Aide bilatérale (dont COM) (2)

3.069

5.839

6.122

6.173

67,2 %

x 2

51

0,8 %

Coopération technique (3)

N.D.

1.930

1.893

1.949

21,2 %

N.D.

56

3 %

Aide-projet (AFD + FSP)

N.D.

262

351

664

7,2 %

N.D.

313

89,2 %

Dont FSP (CP)

N.D.

174

138,7

172,7

1,9 %

N.D.

34

24,5 %

Aide-programme

N.D.

65

258

612

6,7 %

N.D.

354

137,2 %

Dont ajustement structurel AFD

N.D.

-132

-80

236

N.S.

N.D.

N.S.

N.S.

Allègements et refinancements de dettes

520

2.706

2.803

2.142

23,3 %

x 4,1

-661

-23,6 %

Dont - Coface

294

1.531

2.029

1.265

13,8 %

x 4,3

-764

-37,7 %

- Refinancements

N.D.

N.P.

-29

94

N.S.

N.D.

N.S.

N.S.

- Compte de consolidation

N.D.

911

776

761

8,3 %

N.D.

-15

-1,9 %

Divers (4)

N.D.

875

818

806

6,3 %

N.D.

-12

-1,4 %

Dont COM (Mayotte et Wallis-et-Futuna)

168

222

226

229

2,5 %

36,3 %

3

1,3 %

2. Aide multilatérale

1.384

2.310

2.197

3.007

32,8 %

94,6 %

810

36,9 %

Dont : - Aide européenne

859

1.473

1.561

1.592

17,3 %

82,3 %

31

2 %

dont FED

N.D.

628

653

692

7,5 %

39

6 %

- Institutions et fonds multilatéraux

525

837

636

1.415

15,4 %

x 2,1

779

122,5 %

Total APD

4.453

8.149

8.320

9.181

100 %

x 2,06

861

10,3 %

APD (COM inclus) rapportée au RNB

0,32 %

0,47 %

0,47 %

0,50 %

(1) : Prévision d'exécution à fin septembre 2006. Chiffres définitifs pour l'exercice 2005.

(2) : Les crédits aux COM sont ventilés en 2007 à hauteur de 50 % sur la coopération technique d'environ 30% sur l'aide programme et de 20 % sur l'aide projet

(3) : Les dépenses de coopération technique relèvent essentiellement du MAE. Elles recouvrent les dépenses d'assistance technique, les bourses d'études, les missions d'experts, les coûts des établissements culturels et une partie du coût des établissements de l'AEFE.

(4) : La rubrique « divers » comprend les coûts administratifs (environ 300 millions d'euros en 2007), les dépenses d'aide aux réfugiés (440 millions d'euros en 2007), et certaines dépenses éligibles à l'APD afférentes aux opérations extérieures de l'armée française (environ 70 millions d'euros en 2007).

Source : document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » annexé au projet de loi de finances pour 2007 et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

B. LES AMBIGUÏTÉS DE L'AUGMENTATION DE L'APD

La hausse de l'APD française est réelle et conforme aux objectifs. Mais elle doit également être appréciée au regard des éléments suivants :

- l'aide bilatérale tend à se stabiliser en 2007 compte tenu de la diminution des allègements de dette. La forte augmentation de l'aide-projet (multipliée par 1,9) repose surtout la forte progression de l'impact sur l'APD des prêts concessionnels et des prêts d'ajustement structurel (dont l'incidence serait désormais largement positive) de l'AFD, non comptabilisés dans les crédits budgétaires. Les dons-projets de l'AFD et du FSP , essentiellement dédiés aux Etats de la ZSP, augmenteraient de 4 %, alors que les prêts de l'AFD en Asie et aux pays émergents tendent à croître fortement ;

- les refinancements et annulations de dette , bien qu'en diminution sensible, représenteraient encore près du quart de l'aide. Les prévisions en la matière doivent néanmoins être considérées avec prudence et sont fréquemment sous-évaluées. Les prévisions d'exécution pour 2006 se révèlent ainsi nettement supérieures à celles qui figuraient dans le projet de loi de finances pour 2006, avec respectivement 2,8 milliards d'euros et 1,9 milliard d'euros (dont 2.029 millions d'euros et 1.396 millions d'euros pour les annulations portées par la Coface) ;

- l'aide multilatérale augmenterait fortement en 2007 , en particulier du fait de l'augmentation des contributions au fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et de l'impact désormais positif de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) et de la nouvelle Facilité pour les chocs exogènes (FPCE) du FMI 2 ( * ) . Ainsi que l'indique le tableau ci-après, ce canal suit une tendance nettement ascendante depuis dix ans, qui peut certes contribuer à améliorer l'efficacité et la complémentarité des bailleurs mais est aussi susceptible de nuire à la visibilité de notre aide ;

Part de l'aide multilatérale et des allègements de dette dans l'effort français d'APD

1996

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Part de l'aide multilatérale

23 %

31 %

38 %

34 %

28 %

34 %

28 %

26 %

37 %

Part des allègements de dette (aide bilatérale)

13 %

12 %

10 %

20 %

29 %

21 %

33 %

34 %

23 %

Part du multilatéral dans l'APD hors allègements de dette

26 %

35 %

42 %

42 %

39 %

43 %

44 %

40 %

43 %

N.B : prévisions pour 2006 et 2007.

Source : ministère des affaires étrangères

- l'écolage et l'aide aux réfugiés , qui sont des dépenses constatées ex post , représenteraient 1,32 milliard d'euros en 2007, soit 14,5 % de l'APD globale, mais ne se traduisent pas par une aide sur le terrain. Néanmoins ces deux dernières composantes, ajoutées aux refinancements et annulations de dette, représenteraient 49,4 % de l'APD globale en 2006 et 37,8 % en 2007. La progression de l'aide hors ces trois canaux serait ainsi de 35,8 %.

C. VENTILATION SECTORIELLE ET GÉOGRAPHIQUE

Ainsi que l'illustrent les tableaux ci-après, la France a consacré en 2005 près des deux tiers de son APD à l'Afrique et plus de la moitié à l'Afrique subsaharienne, conformément aux orientations fixées par le CICID.

Source : document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2007

Répartition de l'aide française par groupe de revenu en 2004

(en millions de dollars)

Pays les moins avancés (PMA)

2.539

37,2 %

Pays à faible revenu (PFR)

1.172

17,2 %

Revenus intermédiaires tranche inférieure (PRITI)

1.376

20,2 %

Revenus intermédiaires tranche supérieure (PRITS)

516

7,6 %

Revenus élevés (PRE)

1

0,01 %

Non ventilés

1.217

17,8 %

Total aide bilatérale pays APD

6.821

100 %

Source : CAD, OCDE

Ventilation géographique de l'aide française en 2005

Afrique susaharienne

Afrique du nord

Moyen-orient

Europe

Asie centrale et du sud

Amérique

Océanie

Non spécifié

53 %

10 %

11 %

4 %

7 %

3 %

2 %

10 %

Source : document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2007

Les dix principaux pays bénéficiaires de l'APD bilatérale française en 2005

(en millions d'euros)

Nigeria

1.155,5

Tunisie

147,4

Congo

816,3

Sénégal

133,1

Irak

511,5

Chine

123,5

Algérie

205

Turquie

92,2

Maroc

158,7

Madagascar

88

Total

3.431,2

Source : document de politique transversale

* 2 L'impact sur l'APD de la FRPC serait ainsi de -401 millions d'euros en 2006 et de 42 millions d'euros en 2007, et celui de la FPCE de 173 millions d'euros en 2007.