B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PRÉOCCUPANTE
En
dépit de la diversité qui vient d'être soulignée, la
situation économique et sociale des différents
départements d'outre-mer est marquée par un certain nombre de
similitudes préoccupantes.
En effet, malgré une croissance du PIB sensiblement supérieure
à celle de la métropole, les créations d'emplois y sont
insuffisantes pour faire face à un
accroissement
démographique
en moyenne quatre fois plus rapide qu'en
métropole. Il en résulte un
chômage
très
élevé, qui atteint environ 30 % de la population active et
frappe tout particulièrement la jeunesse ; en outre, 15 %
environ de la population des départements d'outre-mer relèvent
aujourd'hui du
RMI
, contre 3 % en métropole.
Certes, le niveau de vie y est très supérieur à celui des
pays environnants, mais cette situation est largement imputable aux
transferts publics
assurés par la métropole, qui peuvent
être évalués entre 35 et 50 % du PIB.
Les économies des départements d'outre-mer sont donc
marquées par une forte dépendance à l'égard de ces
transferts publics, d'autant que leur développement, essentiellement
basé sur quelques secteurs traditionnels comme l'agriculture ou le
tourisme, est handicapé par une
compétitivité
insuffisante
par rapport à leur environnement géographique
où le coût du travail est généralement bien
inférieur. Par exemple, les productions agricoles traditionnelles des
Antilles françaises, comme la banane et la canne à sucre, sont
menacées par la concurrence des multinationales américaines
implantées dans les pays voisins où les salaires sont 5 à
6 fois moindres, et ne peuvent subsister que grâce au système
de protection résultant de l'organisation communautaire des
marchés agricoles.
C. UN CADRE JURIDIQUE COMMUN DÉFINI PAR LES ARTICLES 73 DE LA CONSTITUTION ET 299-2 DU TRAITÉ D'AMSTERDAM
La
Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion relèvent
aujourd'hui du statut de département d'outre-mer, issu de la loi de
départementalisation du 19 mars 1946 et défini par
l'article 73 de la Constitution.
Par ailleurs, les départements d'outre-mer français sont
intégrés à l'Union européenne au sein de laquelle
ils constituent, au regard du droit communautaire, des régions
ultrapériphériques au sens de l'article 299-2 du
Traité d'Amsterdam.
1. Le statut de département d'outre-mer
Le
statut constitutionnel des départements d'outre-mer est actuellement
défini par l'
article 73 de la Constitution
, aux termes
duquel "
le régime législatif et l'organisation
administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de
mesures d'adaptation nécessitées par leur situation
particulière
".
En application du principe dit de "
l'assimilation
législative
", les lois métropolitaines sont applicables
de plein droit dans les départements d'outre-mer (de même que dans
la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon), sans qu'une
mention expresse d'extension ne soit nécessaire, à la
différence des territoires d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie
ou de la collectivité territoriale de Mayotte qui sont pour leur part
soumis au principe dit de "
la spécialité
législative
".
Les départements d'outre-mer constituent donc des départements de
droit commun, sous réserve des mesures d'adaptation prévues par
l'article 73 de la Constitution, dont la
jurisprudence du Conseil
constitutionnel
a toutefois limité la portée.
Celui-ci a en effet notamment considéré, dans une décision
n° 82-147 DC du 2 décembre 1982, que
"
le statut des départements d'outre-mer doit être le
même que celui des départements métropolitains sous la
seule réserve des mesures d'adaptation que peut rendre
nécessaires la situation particulière de ces départements
d'outre-mer ; que ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de
conférer aux départements d'outre-mer une " organisation
particulière ", prévue par l'article 74 de la
Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer
". Ce raisonnement
avait alors conduit le Conseil constitutionnel à refuser la mise en
place dans les départements d'outre-mer d'une assemblée unique
qui lui était apparue aller au-delà des mesures d'adaptation
autorisées par l'article 73 de la Constitution dans la mesure
où, contrairement au conseil général des
départements métropolitains, cette assemblée n'aurait pas
assuré la représentation des composantes territoriales du
département et se serait ainsi vue conférer une nature
différente de celle des conseils généraux.
En conséquence de cette jurisprudence, la Guadeloupe, la Guyane, la
Martinique et la Réunion constituent, depuis 1982, des
régions
monodépartementales
dotées de deux assemblées
distinctes toutes deux élues au suffrage universel : le conseil
régional et le conseil général, avec chacune leur
exécutif en la personne de leur président.
2. Le statut de région ultrapériphérique européenne
Intégrés à la Communauté
européenne depuis son origine, les départements d'outre-mer ont
vu consacrer leur spécificité par le Traité d'Amsterdam.
Ainsi, ils bénéficient désormais du statut de
région ultrapériphérique
défini par
l'
article 299-2 du Traité d'Amsterdam
(se substituant
à l'ancien article 227-2 du Traité de Rome), dont il importe
de rappeler la rédaction :
"
Les dispositions du présent traité sont applicables aux
départements français d'outre-mer
, aux Açores,
à Madère et aux îles Canaries.
"
Toutefois, compte tenu de la
situation économique et
sociale structurelle des départements français d'outre-mer
,
des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est
aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible
superficie, le relief et le climat difficile, leur dépendance
économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont
la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur
développement, le Conseil, statuant à la majorité
qualifiée sur proposition de la Commission, et après consultation
du Parlement européen, arrête des
mesures
spécifiques
visant, en particulier, à fixer les conditions de
l'application du présent traité à ces régions, y
compris les politiques communes. (...)
"
Ce texte reconnaît donc clairement les handicaps structurels qui frappent
ces régions ultrapériphériques et, en conséquence,
la possibilité d'adopter des "
mesures
spécifiques
" en leur faveur, cette possibilité
d'adaptation s'étendant à l'ensemble des matières
couvertes par le traité.
Il permet ainsi de consolider les apports de l'intégration à
l'Union européenne des départements d'outre-mer, qui
bénéficient de régimes d'aide communautaire
spécifiques, ainsi que de crédits considérables au titre
des
fonds structurels européens
.
Le montant des crédits ainsi alloués aux départements
d'outre-mer atteindra plus de
23 milliards de francs pour la
période 2000-2006
, ce qui constitue un atout majeur pour le
développement économique de ces départements au cours des
prochaines années.