N°
386
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 juin 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ,
Par M.
Guy PENNE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir le
numéro :
Sénat : 327
(1999-2000)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de
l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements signé à Paris le 26 mars 1999 entre la France et
le Ghana.
Cet accord contient des dispositions très voisines de celles des plus de
quatre-vingt-dix textes analogues qui lient déjà la France
à des pays tiers. Il s'agit donc d'un dispositif relativement classique
que notre commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a déjà eu l'occasion,
à maintes reprises, d'examiner.
L'intérêt de cet accord est toutefois singulier en raison de la
taille du Ghana et de ses potentialités de développement. Le pays
a fait l'objet, depuis 1983, de programmes de redressement économique
négociés avec le Fonds Monétaire International. Affirmant
une volonté de réformes structurelles, le Ghana entend
progressivement devenir une puissance économique majeure de l'Afrique de
l'Ouest. La France a, pour sa part, fait du Ghana l'une des priorités de
sa politique de coopération conduite avec les pays africains de cette
région.
Au-delà du renforcement de la coopération culturelle et du
souhait de la France de répondre au désir des Ghanéens
d'une plus grande reconnaissance par les pays francophones, le
développement des échanges économiques légitime une
augmentation significative du flux des investissements émanant des
entreprises françaises.
Votre rapporteur se propose donc de présenter l'état des
relations franco-ghanéennes, notamment sur le plan économique,
avant de détailler le dispositif de l'accord d'encouragement et de
protection réciproques des investissements.
I. L'AFFIRMATION PROGRESSIVE DE L'ÉTAT DE DROIT AU GHANA SOURCE DE STABILITÉ
Au cours
de ces dernières années, les relations franco-ghanéennes
ont connu une évolution contrastée. Les relations culturelles ont
enregistré une réelle amélioration en raison notamment du
désir des Ghanéens de nouer des relations durables avec les pays
de la zone francophone. En revanche, sur le plan commercial comme en
matière d'investissements, la France n'est pas encore pour le Ghana un
partenaire de premier plan. Ces relations ne répondent pas à la
volonté proclamée du Ghana de sortir du sous-développement
à l'horizon 2020.
Aussi, les autorités françaises ont-elles fait de la relance des
relations avec le Ghana une priorité de leur politique en Afrique de
l'Ouest, qu'illustre la présente convention de protection et
d'encouragement des investissements.
Il importe ainsi de présenter la situation politique et sociale du Ghana
afin de mesurer l'importance d'une participation française accrue en
faveur de son développement économique.
A. LA SITUATION POLITIQUE DU GHANA : UNE DÉMOCRATIE EN COURS DE STABILISATION
1. L'enracinement progressif de la démocratie
Le
Ghana, pays anglophone, après le Nigéria, est le deuxième
pays d'Afrique occidentale avec une population de près de vingt millions
d'habitants sur un territoire de 239.460 km2. L'instabilité politique
régnant depuis 1966 a pris fin en 1992 avec l'élection, puis la
réélection en 1996 de l'actuel chef de l'Etat Jerry J. Rawlings.
Les mesures prises depuis 1983 ont pris pour objectif l'enracinement de la
démocratie avec l'adoption d'une nouvelle constitution. Les
élections présidentielles et législatives de novembre et
décembre 1992 ont permis à M. Rawlings de se succéder
à lui-même et de disposer d'un parlement composé
majoritairement de représentants du NDC (New Democratic Congress).
Les élections du 7 décembre 1996 ont été
marquées par l'affrontement de trois courants politiques :
Le NDC n'a remporté que 133 sièges de députés sur
200, tandis que le Président Rawlings était réélu
avec près de 57% des voix. Son colistier, John Atta Mills, est devenu
vice-président.
Le principal adversaire de M. Rawlings, candidat du New Patriotic Party (NPP),
a reçu le soutien de l'ancien vice-président M. Kow Arkhaar et a
obtenu près de 40% des suffrages.
Le candidat du PNC (People's National Convention, d'inspiration
n'krumaïste), le Dr. Mahama, a obtenu 2.9% des voix, démontrant la
faible audience nationale des partis se réclamant de la politique
dirigiste conduite, lors de l'indépendance du Ghana, par le
Président N'Kruma.
Le déroulement des élections de 1996 a été
jugé satisfaisant par la communauté internationale. Plusieurs
pays occidentaux -dont le Danemark, les Etats-Unis et le Royaume-Uni- ont
fourni une aide à la Commission électorale nationale et la
présence d'observateurs notamment de l'Union Européenne a
été reconnue comme la preuve du souci des Autorités
ghanéennes de consolider la démocratie. La reconnaissance
politique d'une opposition, forte de 67 députés, va
désormais de pair avec une minorité de blocage au Parlement pour
modifier les " dispositions non-essentielles ", tandis que les
dispositions jugées " essentielles " requièrent l'aval
de 75% des députés.
En ce sens, l'amélioration générale de la situation des
droits de l'homme au Ghana est l'objet de préoccupations
institutionnelles, comme l'illustre la création d'une " Commission
pour les droits de l'homme et la justice administrative " au
fonctionnement indépendant et garanti par la Constitution de 1992.
Mais si certains points demeurent lacunaires -insuffisance des moyens de la
justice et des conditions de détention dans les prisons,
définition constitutionnelle de la peine de mort-, la consolidation de
l'Etat de Droit semble garantie par l'affirmation des libertés civiles
et des droits politiques : l'opposition et la presse jouissent
désormais d'une liberté d'expression garantie, les droits
syndicaux et la liberté d'association sont à présent
élargis à la suite des mouvements sociaux du début de la
décennie 1990.
2. La succession du Président Rawlings comme le gage de l'affermissement démocratique
La
politique intérieure est aujourd'hui dominée par les
échéances électorales, tant présidentielles que
législatives, qui se tiendront en décembre 2000.
Le Président Rawlings ne pourra solliciter un troisième mandat,
conformément à la Constitution. Son bilan apparaît
contrasté : la situation économique d'aujourd'hui tranche
positivement avec celle de 1981, date de son accession au pouvoir, et le
fonctionnement des institutions démocratiques semble globalement
garanti. Cependant, l'opposition dénonce la poursuite d'une politique
économique dirigiste et favorable au développement de la
corruption. En outre, la désignation du vice-président, M. John
Atta Mills, à la succession de M. Rawlings, en juin 1998, a
suscité de vigoureuses contestations, parmi certains jeunes cadres du
parti présidentiel et provoqué la scission du NDC, avec la
création du National Reform Party (NRP).
Parmi les quatre candidats de l'opposition, M. John Kufuor, à la
tête du New Patriotic Party, s'avère le candidat le plus
susceptible de réaliser l'alternance.
B. L'APAISEMENT RÉCENT DE LA SITUATION INTÉRIEURE
1. Une diversité ethnique et confessionnelle source de tensions récemment surmontées
Le Ghana
présente une diversité ethnique. Les Akans représentent
près de 44 % de la population, les Dagombas et les Ewes
respectivement 13 et 14 %. La population ghanéenne comprend
également des ethnies Anyis, Hassouas, Peuls et Mossis. Le
Président Rawlings, métis de père écossais, est
ewé par sa mère.
De violents affrontements ont opposé entre 1994 et 1995 Dagombas et
Nanumbas (propriétaires terriens musulmans) aux Kokombas (animistes,
sans terres) dans le Nord-Est du pays. L'accord général de paix
et de réconciliation, signé le 30 mars 1996, conduit sous
l'égide d'un consortium d'ONG, n'a pas pour autant évité
la migration de près de douze mille réfugiés, accueillis
au nord du Togo.
La question des équilibres ethniques et régionaux a resurgi, lors
des tractations du NPP et du NDC, pour désigner leur candidat respectif
à la vice-présidence. La priorité du NDC semble être
le maintien de son influence dans la région de la Volta, après le
choix de M. Mills, de l'ethnie Fante dominante dans la région du centre,
comme chef de file. Les régions du nord entendent être
représentées à la vice-présidence.
La diversité des confessions est également présente au
Ghana : si l'animisme concerne près de 50 % de la population, le
phénomène de la double appartenance prédomine. Les
Protestants représentent 35 % de la population. Les Catholiques,
dont l'influence demeure croissante depuis ces vingt dernières
années, disposent de 15 diocèses et regroupent près de 15%
de la population. Enfin, si l'Islam concerne environ le tiers de la population
et la majorité des croyants se revendique d'un islam sunnite
modéré, une poussée du fondamentalisme et le
développement de l'activisme iranien sont à l'origine de heurts
interconfessionnels.
2. Une répartition des pouvoirs gage jusqu'à présent de la paix civile
La
distribution des pouvoirs politiques et économiques constitue un gage de
stabilité. En ce sens, si la riche communauté d'affaires Ashanti
est exclue du pouvoir politique, elle constitue le fondement du NPP et a
considérablement bénéficié de la politique de
libéralisation économique mise en oeuvre depuis le début
des années 90.
Les forces armées, fortes de 12.000 hommes, dont 700 servent sous la
bannière des Nations Unies, reflètent théoriquement la
composition pluriethnique de la population, même si sa haute
hiérarchie demeure à dominance ewé. Représentant
près de 7 % du budget de l'Etat, l'armée
bénéficie d'une bonne image à l'extérieur et
apparaît, jusqu'à présent, comme le soutien du
régime du Président Rawlings.
II. LA CONSOLIDATION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DU GHANA
Le Ghana
compte 19,7 millions d'habitants et appartient à la catégorie des
PMA (pays les moins avancés) avec un PNB annuel par habitant de 390
dollars. Il a pour principales ressources l'or (45 % des recettes
d'exportation), le cacao (30 % des recettes) et le bois (18 %).
60 % de la population active travaillent dans le secteur agricole et
25 % dans les services.
L'économie ghanéenne a connu de récentes mutations qui
augurent d'un développement potentiel, même si certaines
difficultés devront impérativement être
surmontées.
A. UN REDRESSEMENT CERTAIN DE L'ÉCONOMIE
1. La continuité de réformes structurelles
Depuis
les difficultés éprouvées lors des réformes
inspirées des théories dirigistes n'krumaïstes et conduites
durant les premières années du régime alors autoritaire de
Jerry Rawlings, l'économie ghanénne a débuté une
période de convalescence et de redressement en 1983. Avec les mesures de
redressement définies conjointement avec le FMI et la Banque Mondiale,
dans le cadre d'un Economic Recovery Program qui a ajouté, aux 4,4
milliards d'aides bilatérales et multilatérales, près de
3,4 milliards de dollars, le Ghana apparaît en 1990 comme un " bon
élève du FMI ", avec une croissance continue de 5,5% et une
inflation réduite à 10,2% en 1992.
Le remarquable bilan de ces années de réformes a cependant
été atténué durant la décennie 90 en raison
de mesures inflationnistes -comme la réévaluation de près
de 80 % des salaires de la fonction publique et le retard des
privatisations- prises à la veille des échéances
électorales de 1992. Si les décisions économiques requises
pour renouer avec la croissance économique semblent avoir marqué
le pas à l'issue du premier mandat du Président Rawlings, le
gouvernement ghanéen fait preuve, depuis les trois dernières
années, d'une volonté de réformes, annonçant la
libéralisation accélérée de l'ensemble de
l'économie et se déclarant prêt à des privatisations
jusqu'à présent retardées (eau, électricité,
transports, banques).
Ainsi, le programme de cession de cent trente-neuf entreprises a
récemment été accéléré : si
soixante entreprises ont déjà été
cédées, les privatisations de la société de
distribution de produits pétroliers GOIL, des structures de
commercialisation du cacao (Produce Buying Company), de la Electricity Company
of Ghana, de la National Investment Bank et de la Ghana Commercial Bank ont
été lancées. Ce programme fait l'objet d'une surveillance
des institutions financières internationales, soucieuses d'une garantie
réelle apportée aux réformes qui doivent s'inscrire dans
la continuité.
La relative maîtrise de l'endettement et le respect scrupuleux de ses
obligations extérieures risquent d'écarter le Ghana des
différents accords, notamment élaborés par le Club de
Paris, en faveur des pays les plus endettés. Le FMI a, en ce sens,
signé avec le Ghana un troisième programme FASR (Facilité
d'ajustement structurel renforcé), en mai 1999, d'un montant de
209,4 millions de dollars couvrant la période 1999-2001. Le montant
de la dette extérieure s'élève désormais à
six milliards et celui de la dette intérieure atteint 1,27 milliard de
dollars.
En septembre 1999, la mise en oeuvre des réformes structurelles a
été jugée par le FMI globalement satisfaisante, en
dépit de quelques réserves émises à l'encontre du
retard des privatisations, de l'effet de la baisse des cours mondiaux du cacao
et de l'or ainsi que du contrôle de la dette intérieure. Le
programme défini pour 2000 apparaît néanmoins marqué
par une austérité peu compatible avec le climat électoral
et les contraintes externes.
En outre, la Banque Mondiale a approuvé un crédit d'appui aux
réformes économiques, prévues dans le cadre du programme
FASR 1999-2002 pour un montant total de 133 millions de dollars, qui sera
déboursé en plusieurs tranches.
2. Le souci des autorités ghanéennes de promouvoir les investissements étrangers
Le Ghana
Investment Promotion Center (GIPC) définit le cadre
général des investissements depuis 1994, qui ont atteint en 1999
près de 1,3 milliards de dollars dont 1,02 milliards
d'investissements étrangers (1/3 de participations, 2/3 de prêts),
avec pour notable conséquence la création de 51 000 emplois
(dont près de 3 000 expatriés).
Le nombre d'expatriés autorisés est proportionnel au montant des
investissements consentis : le seuil de 500 000 dollars permet aux
entreprises concernées l'envoi au Ghana de quatre expatriés.
En outre, la loi du 31 août 1995 a institué des zones
franches : soixante-cinq projets ont été
agréés par la Ghana Free Zone Board et sont principalement
localisés sur les ports de Tema et de Sekondi-Takoradi, ainsi que dans
la région d'Ashanti. Les entreprises implantées dans ces zones
doivent cependant réexporter 70 % de leur production.
Enfin, le risque attaché au Ghana est jugé " faible "
par la COFACE à court terme, mais " modérément
élevé " à moyen terme.
B. LA FRANCE ET LE GHANA : UNE PRÉSENCE FRANÇAISE DIFFÉRENTE SELON LES SECTEURS
1. Une coopération culturelle et technique importante
L'Agence
Française de Développement a ouvert une agence en 1985 à
Accra et engage, sur une base annuelle, près de 150 millions de francs
dans trois domaines principaux : développement rural, urbain et
d'infrastructures par prêts bonifiés. L'année 1999 a
enregistré une augmentation supplémentaire de 150 millions de
Francs et la création d'un dispositif de prêts à condition
privilégiée. Deux milliards de francs ont ainsi été
engagés depuis 1985 dont près d'un tiers ont concerné
l'extension et la réhabilitation du réseau électrique
ghanéen.
La lutte contre la pauvreté est également l'une des
priorités de la coopération technique française au Ghana,
désormais éligible au Fonds spécial de
développement au titre de la Zone de Solidarité Prioritaire, en
partenariat avec le FMI. L'autorisation de programme ouverte à ce titre
concerne 8 millions de Francs pour l'année 2000.
2. Une coopération linguistique et culturelle active
L'enseignement du français, seconde langue
étrangère au Ghana, représente les deux tiers de notre
coopération et une intervention de près de cinq millions de
francs. Notre assistance répond aux importants besoins en formation
à la langue française exprimés par le Ghana, comme l'appui
à l'Ecole normale de Somanya, au réseau constitué par les
dix centres régionaux pour l'enseignement du français (CREF) et
aux trois départements universitaires d'Accra, de Cape Coast et de
Kumasi, ainsi que le renforcement de la coopération éducative
avec les divisions du ministère de l'éducation ghanéen.
La coopération culturelle repose également sur le réseau
de quatre alliances françaises, dont le principal site, basé
à Accra, constitue un espace culturel francophone dispensant une
formation professionnelle et des cours de français.
Egalement, la récente diffusion en modulation de fréquence de
Radio France Internationale, depuis avril 1999, à Kumasi et Accra et les
perspectives d'un troisième émetteur installé à
Takoradi, répond au désir des Ghanéens d'un meilleur
accès à la langue française.
3. Une présence économique française à consolider
Le Ghana
est à ce jour le 96
ème
client de la France et son
81
ème
fournisseur. En 1999, les exportations
françaises vers le Ghana se sont élevées à 788
millions de Francs et les importations en provenance de ce pays à
621 millions de francs, soit un solde négatif de 164 millions de
francs.
La part de marché de la France est de 3,12% en 1999.
Les investissements se sont néanmoins accrus ces dix dernières
années et atteignent désormais près de soixante
implantations ou représentations. Le stock des investissements directs
au Ghana place la France au troisième rang des investisseurs
étrangers, après la Grande Bretagne et les Etats-Unis, du fait de
la présence de trente-cinq filiales françaises employant
près de quatre mille salariés. La France précède
cependant de peu l'Afrique du Sud, la Malaisie et l'Allemagne.
Une quinzaine d'entreprises françaises seulement a consenti un
investissement conséquent, pour un montant total de trois cents
vingt-cinq millions de francs : Elf et Total dans la distribution des produits
pétroliers, Bolloré dans le transport maritime, le Bureau Veritas
dans le contrôle des importations, les groupes Saur, EDF, Sade, Spie et
Norelec dans les domaines de l'eau et de l'électricité, ainsi que
les sociétés Razel et Colas dans les travaux publics, ou encore
CFAO dans la distribution. Les perspectives de privatisation du secteur de
l'eau, où trois sociétés françaises sont
représentées, pourraient accroître la présence
économique française.
De nombreux contrats sont aujourd'hui en cours : les plus importants
concernent la fourniture d'installations électriques remporté par
Norelec en 1996 pour une valeur de 15,5 millions d'Euros et l'exploitation de
l'échangeur Sankara, remporté par Razel et Frères en 1997
pour 14 millions d'Euros. Les projets d'investissements concernent près
de cent millions d'Euros, parmi lesquels l'alimentation en eau de Koforidua,
d'un montant de 30 millions d'Euros.
En outre, Airbus a proposé à Ghana Airways six appareils pour
remplacer ses DC9 et DC10.
Enfin, en raison des recommandations du FMI d'une concessionnalité
fixée à hauteur de 35% de participation afin de limiter
l'endettement du Ghana et rétablir ses fondamentaux économiques,
la Coface a élevé le plafond des moyens garantis à hauteur
de 40 millions d'Euros. La régularisation des arriérés
Coface devrait ainsi être assurée courant juillet 2000 à
l'aide des fonds consentis par le FMI au Trésor ghanéen.
III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS
L'accord du 26 mars 1999 est proche, pour l'essentiel, des diverses conventions de protection des investissements signées par la France depuis 1990 avec plus de quatre-vingt pays, même s'il en diffère sur certains points.
A. LE CHAMP DE L'APPLICATION DE L'ACCORD
1. Champ d'application géographique
Il comprend le territoire, y compris les eaux territoriales ainsi que la zone maritime, définie par référence au droit international tel qu'il s'exprime dans la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (article 1.4).
2. Investissements concernés
• Une définition traditionnelle
Les
investissements couvrent l'ensemble des avoirs, dont l'article 1.1 donne une
liste comprenant notamment les biens meubles et immeubles, ainsi que les autres
droits réels (hypothèques, usufruits, cautionnement,
privilèges...), les actions, les obligations, les droits de
propriété intellectuelle, les concessions accordées par la
loi ou en vertu d'un contrat.
En outre, la protection sera effective pour les investissements conformes
à la législation de la partie contractante sur le territoire de
laquelle ils sont réalisés, quelle que soit la date de leur
réalisation, antérieure ou postérieure à
l'entrée en vigueur de l'accord.
• Investisseurs et revenus
Parmi
les investisseurs, il convient de distinguer, d'une part, les personnes
physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des
parties contractantes (article 1.2) et, d'autre part, les
sociétés constituées conformément à la
législation de l'Etat contractant où se trouve leur siège
social (article 1.3)
Les revenus recouvrent " toutes les sommes produites par un investissement
(bénéfices, redevances, intérêts) durant une
période donnée ". Il est à noter que les revenus de
réinvestissement jouissent de la même protection que
l'investissement (article 1.4).
Des stipulations classiques tendant à encourager et protéger les
investissements réciproques.
• L'encouragement des investissements
Les
articles 3 et 4 précisent ce dernier principe.
L'octroi d'un traitement juste et équitable pour ces investissements
(article 3).
L'application par chaque partie d'un traitement non moins favorable aux
investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres
investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée,
si celle-ci se révèle plus avantageuse (article 4).
Il convient également de noter que le principe d'un traitement aussi
favorable pour les investissements nationaux que pour les investissements de
l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal (article 4.3).
•
Les cinq principes de protection pleine et entière des
environnements
En cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances
exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une révolution,
l'état d'urgence, les investisseurs étrangers ont droit à
un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux (article 5).
Les investisseurs de l'autre partie doivent bénéficier, en cas de
dépossession (nationalisations, expropriations ...), d'une
" indemnité juste et adéquate " dont le montant est
évalué par rapport à une " situation
économique normale et antérieure à toute menace de
dépossession ". Cette indemnité est effectivement
réalisable et librement transférable, produisant des
intérêts calculés au taux d'intérêt de
marché approprié (article 6.2).
Le principe de la liberté des transferts, essentiel pour les
investisseurs, se trouve garanti à l'article 7 de l'accord. Il
s'applique, sans réserve, notamment aux revenus et produits de la
liquidation de l'investissement (y compris les plus-values). Son application
apparaît, en revanche, limitée pour les transferts des revenus des
ressortissants de l'une des parties travaillant sur le territoire de l'autre
partie à une " quotité appropriée de leur
rémunération " (article 7.2).
En outre, l'article 8 ouvre aux investissements agréés au
préalable par l'Etat d'accueil la possibilité de
bénéficier d'une garantie de l'Etat dont l'investisseur est un
ressortissant.
Enfin, les investissements, ayant fait l'objet d'un engagement particulier
entre les Parties contractantes, sont régis par les termes de cet
engagement, dans la mesure où celui-ci comporte des dispositions plus
favorables que celles prévues par le présent accord, sans
préjudice de ses dispositions (article 11).
B. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS
1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat
Pour le
règlement des différends, l'accord du 26 mars 1999 prévoit
qu'à défaut de règlement amiable dans les six mois, le
différend est soumis, si les deux parties en sont d'accord, à la
conciliation internationale selon les règles de la commission des
Nations Unies pour le droit commercial international (article 9). Cependant, le
recours à l'arbitrage est possible, soit auprès du Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI), soit auprès d'un tribunal arbitral ad hoc. Le
recours à un second tribunal d'arbitrage, lorsque l'investisseur le
décide, constitue une particularité de l'accord
franco-ghanéen.
L'article 10 stipule, lorsque l'une des parties effectue au profit de l'un de
ses investissements un versement en vertu de la garantie donnée pour un
investissement sur le territoire de l'autre partie, qu'elle se trouve
" subrogée dans les droits et actions " de celui-ci.
2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord
A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique, dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc , dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (article 12).
*
* *
L'accord est conclu pour une durée initiale de dix ans et sera reconduit tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une de ses parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger pendant dix ans la protection des investissements effectués pendant la période de validité de l'accord (article 13).