INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Adopté par l'Assemblée nationale le 21 mars dernier, le projet de
loi qui vous est soumis est relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains.
Avant d'aborder l'économie de ce projet de loi, la présentation
de ses nombreux articles et des amendements qu'elle vous propose, votre
commission a tenu à formuler -brièvement, mais fortement- deux
remarques préliminaires.
La première porte sur les conditions d'examen de ce texte
et sur
le délai imparti à notre commission, ainsi qu'aux deux
commissions saisies pour avis, pour statuer.
Le jour même du dépôt du projet de loi devant
l'Assemblée nationale -soit le 2 février- le Gouvernement a
décidé de recourir à la déclaration d'urgence.
Encore une fois
, donc -et encore une fois sur un texte majeur !- le
Parlement est privé de la possibilité d'un véritable
dialogue sur les dispositions proposées, et les citoyens privés
des améliorations que permet toujours le fonctionnement normal de la
navette entre les deux assemblées
. Mais cette règle tend
à devenir l'exception....
Une telle situation est d'autant plus inacceptable, dans le cas précis
du projet en cause, que certaines de ses dispositions ne sont appelées
à entrer en vigueur qu'en 2002 et que d'autres -attendues parfois depuis
des années, la dernière modification substantielle du code de
l'urbanisme datant de 1994 !- concernent des pans entiers de codes,
appelés à rester durablement en vigueur.
En réalité, le Gouvernement semble recourir à l'urgence
faute du courage et de la volonté politique nécessaires à
une véritable concertation avec les élus, nationaux comme
locaux.
Quant aux délais impartis au Sénat pour étudier ce texte,
ils sont extraordinairement brefs. Le projet de loi a été
adopté par l'Assemblée nationale le 21 mars dernier. Le
début de sa discussion en séance publique a été
fixé au 26 avril, soit juste après la fin de la période de
suspension des travaux de la Haute assemblée.
C'est donc le 5 avril, soit deux semaines après l'adoption du projet de
loi par les députés, que votre commission, désireuse de
laisser aux membres de la Haute Assemblée le temps de prendre
réellement connaissance de son rapport, a été
appelée à examiner ce texte essentiel. C'est dérisoire, eu
égard à la longueur (136 pages) de ce dispositif, à la
variété et à la technicité de son contenu.
Que reste-t-il, en vérité, des engagements pris, en 1997, par
la nouvelle majorité
? Que reste-t-il des instructions
données explicitement à tous les ministres -et en particulier au
ministre chargé des relations avec le Parlement- par le chef du
Gouvernement lors de son arrivée aux affaires, dans une circulaire du 6
juin 1997 publiée au Journal Officiel ?
" La durée de vie des textes est en constant raccourcissement
parce que, préparés et débattus avec une hâte
excessive, les imperfections qu'ils contiennent imposent des rectifications.
S'agissant des lois, vous vous efforcerez donc de laisser au Parlement le temps
de débattre.
Sauf urgence avérée, vous devrez prévoir des délais
d'examen par le Parlement sensiblement plus importants que ceux qui ont
été observés au cours des années passées.
J'ai donné en ce sens des instructions particulières au ministre
des relations avec le Parlement "
1(
*
)
.
La seconde observation de votre commission portera sur la démarche
-à son sens critiquable- qui a présidé à
l'élaboration de ce texte
. Sous couvert d'un projet
emblématique, qui trouverait son unité dans la seule
volonté politique qui le sous-tend, le Gouvernement a, en quelque sorte,
présenté au Parlement
plusieurs projets de loi en un seul
.
Le dispositif soumis au Parlement regroupe, en effet, des dispositions qui
intéressent -et parfois bouleversent sur des pans entiers- des codes
très divers : ceux de l'urbanisme, de la construction et l'habitation,
de la santé publique, le code général des
collectivités territoriales et le code général des
impôts.
Il modifie également d'autres textes majeurs, notamment :
- la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la
ville ;
- la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise
en oeuvre du pacte de relance pour la ville ;
- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative à la
protection et au développement de la montagne ;
- la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la
protection et à la mise en valeur du littoral ;
- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des
transports intérieurs ;
- l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à
l'organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne.
Cette accumulation de modifications dans des domaines très variés
est préjudiciable à la lecture du texte, d'autant que les
députés y ont apporté des modifications nombreuses et des
ajouts importants.
En outre, le Gouvernement n'hésite pas à saisir l'occasion
offerte par la discussion de ce texte pour modifier
d'autres dispositions
importantes qui auraient, à elles seules, justifié le
dépôt d'un projet de loi spécifique, ou à tout le
moins, leur inscription dans le projet de loi initial
. C'est ainsi que les
articles 34 bis et 34 ter amendent substantiellement le régime des zones
franches urbaines qui résulte de la loi n° 96-987 du
14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville.
Un tel procédé a, au demeurant, déjà
été utilisé par le Gouvernement qui a, par exemple, tout
récemment, transposé a minima une directive postale à
l'occasion de la discussion de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
relative à l'aménagement et au développement durable du
territoire.
On ne légifère pas à marche forcée. Votre
rapporteur craint que le temps, selon l'adage, n'épargne guère ce
que les auteurs de ce projet de loi ont voulu faire sans lui...