CONCLUSION
L'institution d'une Cour pénale internationale répond à un réel besoin de justice, à l'objectif tant dissuasif que répressif, à l'encontre des auteurs de crimes particulièrement odieux. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, les tribunaux pénaux internationaux sur la Yougoslavie et le Rwanda ont été des premiers jalons essentiels. La CPI, par sa vocation universelle et son caractère permanent, par les garanties de procédure qu'elle propose, par l'équilibre qu'elle maintient entre, d'une part, des compétences judiciaires élargies reconnues à la Cour et, d'autre part, le rôle des Etats et du Conseil de sécurité des Nations unies, semble constituer un instrument cohérent et nécessaire. C'est pourquoi votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées invite notre Haute Assemblée à adopter le projet de loi qui lui est soumis.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi lors de sa séance du mercredi 8 mars 2000.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.
M. Paul Masson s'est interrogé sur les raisons qui avaient motivé le refus de la convention de Rome par les Etats-Unis et la Chine. Il s'est interrogé sur la crédibilité d'une institution à laquelle ne participeraient pas des pays aussi importants.
M. André Dulait, rapporteur, a indiqué que les Etats-Unis étaient hostiles à l'idée qu'un de leurs ressortissants puisse être jugé par une telle instance internationale, dans la mesure où les conditions de saisine de la Cour permettent à celle-ci de poursuivre le ressortissant d'un Etat non partie au statut. La question du Tibet avait sans doute, par ailleurs, joué un rôle important dans le refus opposé par la Chine qui, dans les négociations, avait souhaité exclure les conflits armés internes de la compétence de la Cour. Il était difficile, a par ailleurs précisé le rapporteur, de fixer un délai précis quant à la mise en oeuvre de la CPI.
M. Michel Pelchat a considéré que le recours à l'article 124 du statut était une très mauvaise manière faite à l'armée française, estimant que cela laissait entendre que nos forces pourraient être à l'origine de crimes de guerre, alors qu'elles avaient toujours démontré un comportement exemplaire. Il ne saurait donc, a-t-il souligné, accepter le principe de cette exception ouverte par l'article 124. Il a fait enfin observer que cette disposition n'empêcherait pas, de toute façon, les actions médiatiques contre nos forces, voire risquerait de les renforcer.
M. Xavier de Villepin, président, a indiqué qu'avec M. André Dulait, rapporteur, il avait reçu des représentants d'organisations non gouvernementales sur ce sujet et entendu leurs différents arguments. Il a souligné que notre armée était préoccupée par le type de risques que l'article 124 avait pour objectif de réduire. La période de transition qu'il permettait, même écourtée, pouvait donc être souhaitable. A titre personnel, il s'est déclaré disposé à prendre en compte le souci des autorités françaises sur ce point.
M. André Dulait, rapporteur, a reconnu la difficulté qui se ferait jour si, après soixante ratifications, la France se retrouvait seule à avoir recours à l'article 124.
M. Christian de La Malène a indiqué qu'il ne voterait pas le projet de loi, l'expérience des juridictions internationales ne lui apparaissant guère convaincante. Toute institution de ce type était fragilisée par l'absence de base juridique commune permettant un régime pénal cohérent. Quant aux rapports du Conseil de sécurité avec la Cour, ils seraient largement neutralisés par l'hostilité de deux de ses cinq membres permanents. Il s'est enfin interrogé sur la capacité de la future CPI à apporter une solution aux tragédies qui affectaient le continent africain.
M. Xavier de Villepin, président, a alors fait observer que si les grands pays s'exemptaient de toute discipline juridique, l'évolution du monde deviendrait vite préoccupante. La défense du droit international était sans doute un moyen essentiel à la protection des Etats faibles.
M. André Dulait, rapporteur, a fait observer que les Etats-Unis n'étaient pas totalement exclus du jeu, dans la mesure où ils participaient aux travaux de la commission préparatoire. Par ailleurs, si le statut de la CPI n'est pas parfait, il constitue néanmoins une tentative positive pour construire un cadre juridique cohérent contre les crimes les plus graves portant atteinte au droit humanitaire international.
M. Xavier de Villepin, président, a relevé avec inquiétude que les Etats-Unis, puissance prééminente dans le monde, avaient refusé, outre la CPI, la convention d'Ottawa interdisant les mines anti-personnel et le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Ce comportement était particulièrement inquiétant. En revanche, la France avait, sur la question de la CPI, une position raisonnable et constructive, partagée par le Président de la République et le Gouvernement.
Puis, suivant l'avis de son rapporteur, la commission a approuvé le projet de loi.