IV. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI
A. LE TEXTE INITIAL
1. Une initiative du Parlement des enfants de l'Assemblée nationale
Depuis 1994, l'Assemblée nationale accueille chaque année 577 élèves représentants de classes de CM2 dans le cadre du " Parlement des enfants ".
Depuis 1996, les élèves examinent des textes qu'ils ont eux-mêmes élaborés et sélectionnent celui qui fera l'objet d'une présentation législative et sera susceptible de devenir une loi de la République ; comme il a été vu, trois lois de portée très inégale ont été adoptées depuis 1996 selon cette procédure inhabituelle.
La proposition de loi aujourd'hui soumise au Sénat résulte des travaux du sixième Parlement des enfants qui a retenu le texte rédigé par les élèves d'une classe de CM1-CM2 de l'école du Mesnil-sur-Oger, située dans le département de la Marne.
Ces élèves ont souligné, à partir de cas de maltraitance portés à leur connaissance, l'insuffisance d'information des enfants témoins ou victimes de ces actes, l'impossibilité de communiquer, l'existence de différentes formes de mauvais traitements qui ne sont pas toujours visibles, la nécessité de briser la loi du silence dans les écoles.
2. Le texte proposé par le Parlement des enfants
Dans sa version initiale, le texte adopté par les élèves comportait deux mesures applicables à l'école et destinées à compléter les dispositions existantes en matière de prévention des mauvais traitements aux enfants.
La première tendait à instaurer une visite médicale annuelle obligatoire pendant toute la durée de la scolarité 5 ( * ) .
La seconde visait à organiser chaque année dans les écoles, collèges et lycées, une séance d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée.
M. Charles-Amédée de Courson, député de la 5 e circonscription de la Marne, où se trouve la commune du Mesnil-sur-Oger, a prolongé cette initiative, le 8 septembre 1999, en déposant en bonne et due forme une proposition de loi n° 1797 reprenant le dispositif adopté par ses jeunes collègues : dans son exposé des motifs, il a souhaité " que la réflexion entamée par les enfants soit poursuivie et approfondie au sein de notre Assemblée, afin que notre droit puisse progresser sur une question dont nul ne peut sous-estimer la gravité ".
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. Les modifications proposées par le rapporteur et retenues par la commission
Tout en soulignant l'intérêt de généraliser une pratique déjà existante, c'est-à-dire l'organisation d'une séance annuelle d'information et de sensibilisation consacrée à l'enfance maltraitée, M. de Courson, rapporteur de la proposition de loi, a souhaité que plusieurs réunions de ce type puissent être organisées et que celles-ci soient ouvertes non seulement aux familles mais aussi aux représentants des services publics de l'Etat, des collectivités et des associations intéressées à la protection de l'enfance.
Il a en revanche considéré que le principe d'une visite médicale annuelle, destinée à renforcer la politique de lutte contre la maltraitance, était irréaliste : une telle périodicité ne permettrait, selon lui, de déceler ni les abus sexuels, ni les maltraitances psychiques et son efficacité serait même douteuse pour détecter les violences physiques.
Elle conduirait surtout à multiplier par sept le nombre des médecins scolaires...
Suivant les suggestions de son rapporteur, la commission a modifié en conséquence le texte initial de la proposition de loi.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Sous réserve de quelques modifications, l'Assemblée nationale a adopté le texte proposé par sa commission, celui-ci étant désormais rédigé comme suit :
• L'article premier tend à insérer après le titre II du Livre II du code de la santé publique un titre II bis intitulé " Prévention et détection des faits de mauvais traitements à enfants " qui est constitué de trois articles :
- l' article L. 198-1 précise que les visites médicales prévues à l'article L. 149 pour les enfants de moins de six ans, et à l'article L. 191 (au cours de la sixième année) ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants maltraités ;
- pour l' article L. 198-2 , l'Assemblée nationale a renforcé la portée de l'obligation d'organiser au moins une fois par an une séance d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée, en précisant que cette, ou ces séances, devaient être inscrites dans l'emploi du temps des élèves, organisées à l'initiative du chef d'établissement et devaient associer l'ensemble des personnels de l'équipe éducative ;
- l'article L. 198-3 stipule qu'un décret fixera les conditions d'application du nouveau titre II bis.
• L'article 2 qui était destiné à gager la dépense supplémentaire résultant de l'organisation d'une visite médicale annuelle a été supprimé par l'Assemblée nationale : il était en effet devenu sans objet du fait du maintien du dispositif existant.
• Le titre de la proposition de loi a été enfin modifié par l'Assemblée nationale pour tenir compte du dispositif et vise désormais " à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants " au lieu d'" améliorer la détection d'enfants maltraités ".
C. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Tout au long des développements qui précèdent, votre commission s'est efforcée de rappeler que l'éducation nationale dispose déjà de tous les textes législatifs et réglementaires pour mettre en oeuvre une politique plus efficace de prévention et de détection des faits de mauvais traitements à enfants.
Elle a également souligné les graves insuffisances du système de santé scolaire, tant en terme d'effectifs que d'organisation et qui ne permet plus de répondre aux besoins d'encadrement et de contrôle sanitaire d'une population scolaire de plus en plus fragilisée, notamment en raison de la désagrégation de la cellule familiale.
En dépit de la portée normative pour le moins incertaine du texte proposé, mais compte tenu de son objet et du message généreux qui est adressé au Parlement par ses jeunes rédacteurs, votre commission considère qu'il lui est difficile de ne pas retenir le texte de la proposition.
Elle considère qu'un tel texte est susceptible d'avoir une certaine valeur pédagogique pour les élèves et les professionnels en charge de l'enfance maltraitée.
Votre commission subordonnera cependant son vote à un engagement de la ministre déléguée à l'enseignement scolaire de mener une réflexion approfondie sur la nécessaire réorganisation du système de santé scolaire qui n'a été qu'esquissée par le plan de relance de mars 1998 et qui pourrait notamment s'inspirer des conclusions du rapport des inspections générales publié en février 1999.
Il conviendrait enfin que la ministre s'engage à accélérer l'effort de recrutement des personnels médico-sociaux lors des prochaines lois de finances.
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* 5 Il convient de rappeler que le Sénat, lors de l'examen du projet de loi de lutte contre les exclusions, avait adopté sur la proposition de sa commission des affaires sociales, un amendement prévoyant une visite médicale annuelle pour les élèves des écoles, collèges et lycées " dans les zones où le recours aux soins est insuffisant ".