B. MODIFIER LE TEXTE POUR APPORTER DE MEILLEURES GARANTIES AU CITOYEN

Votre commission des Lois vous proposera d'apporter quelques modifications au texte afin d'apporter de meilleures garanties au citoyen.

1. Élargir le champ de compétence de la commission nationale à l'administration pénitentiaire

Il a été indiqué plus haut que le texte énumérait de façon limitative les agents de l'État entrant dans le champ de compétence de la Commission nationale.

Mentionnant les personnels de la police, de la gendarmerie et de la douane, il exclut de ce fait les agents de l'administration pénitentiaire.

Or, si l'on considère que la notion d'activité de sécurité visée par le texte se comprend par la possibilité d'exercer un pouvoir direct de contrainte ou d'autorité sur les citoyens , la prison est certainement l'endroit où la relation d'autorité pèse le plus fortement sur les personnes, les détenus apparaissant particulièrement démunis pour faire valoir leurs droits.

Chacun, y compris le garde des Sceaux, s'accorde à reconnaître que les contrôles extérieurs exercés sur l'administration pénitentiaire sont insuffisants. Des événements très graves ont pu ainsi se dérouler à la prison de Beauvais entre 1995 et 1998 à l'encontre de personnes détenues sans qu'aucun des contrôles existants ne fonctionne pendant toute cette période. Une commission présidée par M. Guy Canivet a été chargée par le garde des Sceaux d'effectuer des propositions tendant à l'amélioration de ce contrôle extérieur. Elle devrait rendre ses conclusions à la fin du mois de janvier 2000.

Ainsi que le souligne la Chancellerie, l'administration pénitentiaire n'est certes pas citée dans l'annexe I de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, au même titre que la police et la gendarmerie nationale, dans les " moyens dont dispose l'État pour exercer ses fonctions de sécurité ". Son rôle est différent de celui des autres acteurs publics de la sécurité, dans la mesure où, à l'heure actuelle, il ne s'exerce en principe pas sur la voie publique. Les opérations de transfèrement de condamnés continuent en effet à relever de la police nationale bien que considérées par elle comme une " charge indue " dont la loi du 21 janvier 1995 prévoyait la disparition.

Il est cependant clairement affirmé à l'article premier de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire que celui-ci " participe au maintien de la sécurité publique ".

Il serait tout à fait paradoxal à un moment où est instituée une commission nationale de déontologie à compétence très large de ne pas y intégrer l'administration pénitentiaire, et ceci d'autant plus que plus du tiers des détenus sont en détention préventive et doivent bénéficier de la présomption d'innocence . Une telle inclusion ne pourrait être que bénéfique à une administration ayant tendance à fonctionner en vase clos et manquant manifestement d'ouverture sur l'extérieur. Elle ne pourra que participer à la meilleure insertion de la prison dans la vie de la cité, appelée de ses voeux par Mme le garde des Sceaux elle-même.

Aussi votre commission vous proposera-t-elle d'inclure l'administration pénitentiaire dans le champ de compétence de la Commission nationale .

Mais cette intégration ne devrait en aucun cas être comprise comme devant empêcher toute amélioration du contrôle extérieur spécifique à l'administration pénitentiaire pouvant intervenir à la suite du rapport de M. Guy Canivet.

2. Prévoir la sanction des dénonciations calomnieuses

Afin de dissuader les éventuels réclamants de mauvaise foi d'effectuer des dénonciations calomnieuses très préjudiciables tant à l'image qu'au fonctionnement des services de sécurité, votre commission souhaite que soit précisé dans la loi que de telles dénonciations effectuées auprès de la Commission nationale seront poursuivies pénalement .

Il serait explicitement précisé que s'appliquerait aux dénonciations effectuées auprès de la Commission nationale l'article 226-10 du code pénal incriminant la dénonciation d'un fait que l'on sait inexact susceptible d'entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires notamment à une " autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente ".

Il convient cependant de préciser que les poursuites pour dénonciation calomnieuse ne pourront viser que le réclamant initial et non le parlementaire ayant transmis la réclamation à la Commission, faute de quoi les parlementaires risqueraient, par précaution, d'exercer un filtrage excessif. L'article 26 de la Constitution n'exonère en effet un parlementaire de poursuites que pour les " opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ".

A partir du moment où la Commission nationale estime que le délit de dénonciation calomnieuse peut être constitué, elle devra logiquement saisir le procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale.

Il semble utile de le mentionner dans la loi pour souligner que la dénonciation calomnieuse peut être poursuivie pénalement tout autant que les faits ayant justifié une réclamation . Les parlementaires pourront attirer l'attention de réclamants à cet égard pour dissuader ceux qui seraient de mauvaise foi.

3. Assurer les droits de la défense

La Commission nationale ne dispose pas de pouvoirs d'enquête comparables à ceux d'une juridiction. Mais votre commission des Lois a considéré qu'il convenait néanmoins de préserver les droits de la défense dans une procédure pouvant conduire à mettre en cause les personnes devant le pouvoir disciplinaire, les juridictions pénales et l'opinion publique. Elle s'est attachée en tout état de cause à assurer le respect des principes fixés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993 s'agissant du service central de la corruption.

C'est ainsi que, soucieuse de préserver le principe de l'examen contradictoire d'une requête, votre commission vous proposera de rétablir plusieurs dispositions du texte initial supprimées par l'Assemblée nationale. Elle a en effet considéré que la suppression de certaines dispositions protectrices des personnes mises en cause alliée à la création d'un délit d'entrave aux investigations de la Commission nationale entraînait une rupture d'équilibre préjudiciable au respect des droits de la défense.

Votre commission vous demandera en premier lieu de rétablir la motivation des demandes de communication de documents adressées aux autorités publiques ou aux personnes privées.

Elle vous proposera en second lieu de rétablir le préavis et la présence des personnes concernées lors d'une vérification sur place et de n'admettre en outre cette vérification que dans les lieux où se sont déroulés les faits.

Votre commission vous proposera en outre d'étendre le secret pouvant être opposé à la Commission, à l'ensemble des secrets protégés par la loi, selon l'expression retenue par l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public, et non seulement comme l'avait souhaité l'Assemblée nationale aux secrets en matière de défense nationale de sûreté de l'État et de politique extérieure.

4. Renforcer l'information des auteurs de saisine

Votre commission des Lois, considérant que le rôle essentiel de la Commission nationale sera de faciliter les réclamations des citoyens et de jouer un rôle d'orientation et de suivi de leur réclamation , attache une importance particulière à l'information des réclamants.

Cette information doit s'effectuer par l'intermédiaire des parlementaires auteurs de la saisine. Ceux-ci devront être destinataires d'un accusé de réception puis tenus informés des différentes étapes de la procédure, y compris des transmissions effectuées par la Commission au pouvoir disciplinaire ou à la justice pénale et des suites données à celles-ci.

5. Garantir l'efficacité de l'action de la Commission

Votre commission vous proposera quelques mesures destinées à améliorer l'efficacité de la Commission en garantissant sa continuité , en limitant les incompatibilités opposables à ses membres et en étendant la possibilité pour elle de fixer des délais de réponse à ses correspondants.

Il va cependant sans dire que l'efficacité de la Commission sera avant tout conditionnée par les moyens , notamment en personnels, qui lui seront accordés.

a) Garantir sa continuité

Votre commission estime que la continuité de la Commission est un gage d'efficacité de celle-ci. Elle vous proposera donc d'aménager sa composition pour prévoir un renouvellement par moitié tous les trois ans. A cette fin, le nombre de membres de la commission serait porté à huit grâce à la désignation par les membres de la commission d'une deuxième personnalité qualifiée. Un tirage au sort duquel serait exclu le président de la Commission permettrait, après la première constitution de celle-ci, de désigner les membres dont le mandat prendrait fin au bout de trois ans.

b) Limiter les incompatibilités

Pour ne pas trop restreindre le nombre de personnes susceptibles d'être membres de la Commission nationale et ne pas priver celle-ci de personnes pouvant la faire bénéficier utilement de leur expérience, votre commission a souhaité limiter l'incompatibilité frappant les membres de cette instance aux personnes exerçant " à titre principal " des activités dans le domaine de la sécurité.

La rédaction très générale du texte initial prohibant strictement l'exercice de toute fonction ou activité dans le domaine de la sécurité ou de la protection aurait eu par exemple l'inconvénient d'écarter de la Commission, aux dires du ministre de l'intérieur, tout maire, ou adjoint chargé d'une délégation en matière de sécurité publique, dans les communes employant des policiers municipaux ou même un garde champêtre. Elle aurait ainsi, sans justification réelle, privé de la possibilité d'être membres de la Commission de nombreux parlementaires titulaires de mandats municipaux ou des personnes compétentes sur les questions de sécurité mais n'exerçant pas leur activité principale dans ce domaine.

c) Exiger des délais de réponse

Votre commission a enfin souhaité que la Commission nationale puisse fixer un délai aux autorités ou aux personnes investies du pouvoir disciplinaire pour l'informer des suites données aux transmissions d'information effectuées par elle.

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Votre Commission vous proposera donc d'adopter le projet de loi sous réserve de l'adoption d'une vingtaine d'amendements .

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