II. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE AUTORITÉ INDÉPENDANTE POUR VEILLER AU RESPECT DE LA DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ

A. LE PROJET INITIAL : UNE AUTORITÉ MORALE S'EXERÇANT SUR DES ACTEURS PUBLICS ET PRIVÉS DE LA SÉCURITÉ

1. La création d'une nouvelle autorité administrative indépendante

Le projet de loi crée une nouvelle autorité administrative indépendante , le Conseil supérieur de déontologie de la sécurité ( article premier ).

L'indépendance de cette instance est assurée, comme il est habituel pour ce type d'autorité, par les modalités de nomination de ses membres fixées à l'article 2 et par ses conditions de fonctionnement prévues aux articles 3 et 13 .

Le Conseil est composé de six membres nommés pour six ans non renouvelables, le caractère non renouvelable du mandat étant un gage habituel d'indépendance des membres par rapport à leur autorité de nomination ( art . 2 ).

Ces membres sont désignés par les autorités politiques et les autorités des trois hautes juridictions.

Le Président de la République désigne le président et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat nomment respectivement un député et un sénateur. Seront également membres du Conseil, un conseiller d'État, désigné par le vice-président du Conseil d'État, un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général de ladite cour, et un conseiller maître à la Cour des comptes désigné par le premier président de cette cour.

La qualité de membre du Conseil est incompatible avec l'exercice de toute activité ou fonction dans le domaine de la sécurité.

Le Conseil établit lui-même son règlement intérieur et son président a voix prépondérante en cas de partage des voix ( art . 3 ).

Les crédits du Conseil sont inscrits au budget des services du Premier ministre, ce qui souligne le caractère interministériel de son action. Le président est ordonnateur des dépenses et nomme lui-même les agents ( art . 13 ).

2. Un champ de compétence comprenant des acteurs publics et privés de la sécurité

Le champ de compétence du Conseil est délimité à l'article premier .

Le Conseil est chargé de veiller au respect de la déontologie dans les services et organismes, aussi bien de caractère public que privé , exerçant des activités de sécurité en France.

D'après l'exposé des motifs et les déclarations du ministre de l'intérieur à l'Assemblée nationale, la notion d'activité de sécurité visée par le texte se comprend par la possibilité d'exercer un pouvoir de contrainte ou du moins d'établir une relation d'autorité avec les citoyens dans le cadre d'une mission de protection des personnes et des biens.

Le champ de compétence du Conseil est défini à la fois par un critère matériel, consistant en l'exercice d'une activité de sécurité, et par un critère organique, les personnes concernées, notamment les personnes publiques, étant énumérées de manière limitative.

Le texte énonce en effet que sont concernés, lorsqu'ils concourent à une activité de sécurité, les personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la douane et des polices municipales. Il vise également les gardes champêtres, les gardes-chasse et les gardes-pêche.

Ne sont donc pas incluses dans le champ de compétence du Conseil les activités de défense nationale dont la vocation est distincte de la sécurité publique ni les activités de sécurité civile.

Sont également exclues les activités des magistrats et des agents de l'administration pénitentiaire .

Par ailleurs, les agents publics énumérés ne rentrent dans le champ de compétence du Conseil supérieur que lorsqu'ils concourent à une activité de sécurité . Ne sont donc pas concernés les personnels chargés de tâches uniquement administratives ou d'intendance, telle l'entretien des véhicules. Cette distinction prend une signification particulière pour la douane, dont une partie de l'activité seulement présente un caractère de sécurité au regard de sa mission générale à caractère fiscal. Seuls les agents des douanes exerçant dans les services dits de surveillance, soit 9000 agents sur un total de 20 000, seront susceptibles de relever du Conseil supérieur.

Concernant les personnes privées , sont visées les personnes physiques et morales exerçant une activité de sécurité ou de protection pour le compte d'autrui, que ce soit à titre permanent ou occasionnel.

Ces personnes peuvent ainsi être des personnes ou des entreprises régies par la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds ou des personnes exerçant dans des agences privées de recherche réglementées par la loi du 28 septembre 1942.

Mais il a été souligné, par le ministre comme par le rapporteur à l'Assemblée nationale, que seraient également concernées les personnes assurant des fonctions de sécurité à titre occasionnel, éventuellement bénévolement . Il pourrait ainsi s'agir de personnes participant à des services d'ordre mis en place lors de manifestations par les partis politiques ou, en application de l'article 23 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 et de son décret d'application du 31 mai 1997, par les organisateurs de manifestations sportives récréatives ou culturelles à but lucratif. Il a ainsi été clairement précisé, alors que l'examen du texte s'est déroulé à quelques jours du début de la coupe du monde de football, que seraient concernés les stadiers chargés de la surveillance des stades à l'occasion des rencontres sportives.

L'article 14 étend l'application de la loi dans les territoires d'outre-mer , sauf pour les gardes champêtres, les gardes-chasse et les gardes-pêche.

3. Une saisine par l'intermédiaire des parlementaires

Les modalités de saisine du Conseil sont fixées par l'article 4.

Des réclamations peuvent être portées à la connaissance du Conseil par toute victime ou tout témoin de faits pouvant constituer des manquements aux règles déontologiques de la part des personnes entrant dans le champ de compétence du Conseil. Il est précisé que les réclamations doivent être individuelles.

Les ayants droit des victimes peuvent également effectuer une réclamation au lieu et place de la victime.

Comme pour le médiateur de la République, la réclamation devra obligatoirement être adressée à un député ou un sénateur qui décidera lui-même de l'opportunité de saisir le Conseil.

Le Premier ministre et les membres du Parlement non membres du Conseil peuvent également le saisir de leur propre chef.

Il est enfin précisé qu'une réclamation portée devant le Conseil n'interrompt ni les délais de prescription ni les délais de recours.

4. Un pouvoir d'investigation réel

Les articles 5 et 6 donnent au Conseil un réel pouvoir d'investigation.

L'article 5 confère au Conseil le droit de convoquer toute personne publique ou privée et d'obtenir communication , sur demande motivée, de toute pièce ou information utile à sa mission. Les personnes convoquées peuvent se faire assister d'un conseil.

Le Conseil a en outre la possibilité de consulter toute personne dont le concours lui paraît utile.

Concernant plus spécifiquement les administrations, il est précisé que les autorités publiques doivent faciliter par tous moyens la tâche du Conseil. Ce dernier peut en outre demander aux ministres de saisir les corps de contrôle et il doit être informé de la suite donnée à cette demande.

L'article 6 reconnaît au Conseil un pouvoir de vérification sur place dans les locaux professionnels où se sont déroulés les faits objets de la réclamation, sur préavis, et en présence des personnes intéressées.

5. Un dessaisissement en cas de poursuites judiciaires

L'article 8 interdit au Conseil supérieur de connaître de faits donnant lieu à des poursuites judiciaires.

Le Conseil peut lui-même provoquer son dessaisissement, le texte lui imposant, comme à toute autorité constituée, d'aviser le procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, de tout fait laissant présumer l'existence d'une infraction pénale. Le procureur est quant à lui tenu d'informer le Conseil des suites données à cette transmission.

6. Une simple autorité morale

Le Conseil ne dispose que d'un pouvoir d'avis et de recommandation , aussi bien à l'égard des personnes publiques que des personnes privées ( art. 7 ). Les personnes destinataires de ces avis et recommandations doivent informer le Conseil, dans un délai fixé par lui, des suites données.

Le Conseil est lui-même tenu d'informer l'auteur de la saisine des suites de celles-ci.

Ce pouvoir de recommandation est uniquement sanctionné par la possibilité donnée au Conseil de publier un rapport spécial au Journal Officiel s'il estime que les suites données ne sont pas satisfaisantes ou si elles n'ont pas été portées à sa connaissance dans le délai déterminé.

En tout état de cause, le Conseil remet au Président de la République et au Parlement un rapport annuel d'activité rendu public (art. 11).

Le secret professionnel imposé par l'article 12 aux membres du Conseil, à ses agents et aux personnes consultées par lui est levé pour les besoins de la publication du rapport annuel et des rapports spéciaux, ainsi que la loi du 6 janvier 1978 le prévoit pour les membres et les agents de la Commission nationale informatique et liberté.

S'il estime qu'un fait est passible d'une sanction disciplinaire ou constitue une infraction pénale, le Conseil devra en aviser respectivement l'autorité disciplinaire ( art. 9 ) ou le procureur de la République ( art. 8 ). Dans les deux cas, il devra être informé des suites données à ces transmissions.

Le Conseil peut enfin proposer au Gouvernement toute modification législative ou réglementaire en matière de déontologie ( art. 10 ).

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