N°
151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 décembre 1999
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur :
- la proposition de résolution de M. Hubert HAENEL,
présentée en application de l'article 73
bis
du
Règlement, sur la proposition de directive du Conseil concernant la
répartition des capacités
d'
infrastructure
ferroviaire
et la
certification en matière de
sécurité
(n° E-1163) ;
- la proposition de résolution de M. Pierre LEFEBVRE,
Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle
BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Robert BRET, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER,
Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Paul LORIDANT, Mme Hélène
LUC, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE, présentée
en application de l'article 73
bis
du Règlement, sur :
. la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE
relative au
développement de chemins de fer
communautaires
;
. la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18/CE
concernant les
licences des entreprises ferroviaires
et la
proposition de directive du Conseil concernant la répartition des
capacités d'infrastructure ferroviaire et la certification en
matière de sécurité(n° E-1163).
Par M.
François GERBAUD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.
Voir
les numéros :
Sénat
:
389
et
411
(1998-1999).
Union européenne . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs
Nous sommes saisis de deux propositions de résolution, l'une portant le
n° 389 (enregistrée le 27 mai 1999) et signée par
M. Hubert Haenel et l'autre portant le n° 411 (enregistrée le
9 juin 1999) et signée par M. Pierre Lefebvre et plusieurs de ses
collègues.
Ces propositions de résolution portent sur trois propositions de
directive européenne :
- la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE
relative au développement des chemins de fer communautaires ;
- la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18/CEE
concernant les licences des entreprises ferroviaires ;
- la proposition de directive du Conseil tendant à remplacer la
directive 95/19/CEE sur la répartition des capacités
d'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de
sécurité.
Ces trois propositions sont réunies dans une " proposition d'acte
communautaire " numérotée E 1163 et communément
baptisée " paquet infrastructure ferroviaire ".
I. LES DIRECTIVES 91/440, 95/18 ET 95/19
La directive du 29 juillet 1991 (n° 91/440/CEE du Conseil), relative
au
développement des chemins de fer communautaires
, a
institué l'obligation d'une séparation de la gestion des
infrastructures et des services de transport au niveau des comptes
d'exploitation. L'article 10 de cette directive a, en outre, prévu un
droit d'accès
aux réseaux de chemin de fer communautaires,
au profit des entreprises ferroviaires et des regroupements internationaux de
celles-ci, prestataires de services de transports internationaux de passagers
et de marchandises ainsi qu'aux services de transport combiné pour
assurer des prestations de transports internationaux.
La directive du 19 juin 1995 (n° 95/18/CEE du Conseil), concernant
les
licences des entreprises ferroviaires,
a mis en place une licence
obligatoire et valable dans toute l'Union européenne pour les
entreprises ferroviaires qui fournissent les services visés par la
directive 91/440.
Enfin, une autre directive du 19 juin 1995 (n° 95/19/CEE du Conseil),
a concerné la
répartition des capacités
ferroviaires
pour les services exploités conformément
à l'article 10 de la directive 91/440 et la
perception de
redevances d'utilisation de l'infrastructure
.
En pratique, les Etats ont adopté, on le sait, des systèmes de
tarification très variés.
En Espagne, il n'existe pas de tarification de l'infrastructure ; en
Italie, c'est le propriétaire de l'infrastructure qui est absent ;
en Allemagne, en revanche, les coûts de l'infrastructure ( les
" péages ") sont quatre à cinq fois supérieurs
aux tarifs français ! Par ailleurs, les redevances sont
tantôt négociées, tantôt forfaitaires, tandis que les
services fournis en contrepartie des redevances perçues varient, eux
aussi, selon le pays.
II. LE " PAQUET INFRASTRUCTURE FERROVIAIRE "
La première proposition modifie la directive 91/440 et comporte
essentiellement quatre points :
- une définition nouvelle des " gestionnaires
d'infrastructure " et des " entreprises ferroviaires " ;
les entreprises ferroviaires seraient définies comme des entreprises
fournissant des services ferroviaires pour le transport (traction) et non plus
comme des entreprises fournissant des prestations de transport ;
- le renforcement de la séparation entre la gestion de
l'infrastructure et la fourniture des services de transports avec la
séparation comptable complète entre les deux activités et,
surtout, l'attribution à un organisme indépendant des fonctions
relatives à l'accès à l'infrastructure ;
- l'introduction d'une séparation comptable entre les
activités fret et voyageurs ;
- enfin, l'attribution de l'élaboration et de la mise en oeuvre des
règles de sécurité à un organisme
indépendant des entreprises ferroviaires.
La deuxième proposition modifie la directive 95/18 et
généralise le mécanisme d'attribution d'une licence
d'entreprises ferroviaires aux entreprises intervenant uniquement sur le trafic
urbain, suburbain ou régional, dans le cadre des mesures de
libéralisation prévues sur le plan national par certains pays
pour ces activités.
La troisième proposition,
de loin la plus importante
, devrait
purement et simplement remplacer la directive 95/19 en matière de
répartition des capacités d'infrastructure et de péages
en introduisant notamment une notion nouvelle : le " demandeur
autorisé
".
III. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE TENDANT A REMPLACER LA DIRECTIVE 95/19
C'est en fait la troisième proposition de directive, celle qui a
vocation à remplacer la directive 95-191 qui est surtout visée
par les auteurs des deux propositions de résolution.
Pour M. Hubert Haenel, ce texte
" bouleverserait, sous des dehors
techniques, l'économie du transport ferroviaire en Europe en modifiant,
à la fois, son organisation institutionnelle et ses modalités de
tarification ".
Pour M. Pierre Lefebvre :
" Il ne s'agirait, ni plus ni moins, que
de procéder progressivement au démantèlement du
système ferroviaire, d'atomiser les services ferroviaires au
mépris des principes d'unicité et de continuité qui
caractérisent le service public à la française ".
Tous deux relèvent que la nouvelle directive " fragmenterait "
l'organisation institutionnelle du transport ferroviaire, en distinguant au
sein de chaque Etat européen :
- les "
demandeurs autorisés
", auxquels serait
attribué le droit de réserver les sillons ferroviaires pour en
assurer une exploitation commerciale. Ces " demandeurs
autorisés " pourraient être les entreprises ferroviaires
elles-mêmes, mais aussi " toute personne physique ou morale ayant
des raisons commerciales ou de service public d'acquérir des
capacités d'infrastructure pour l'exploitation d'un service ferroviaire,
qui remplit les conditions requises " ;
- les
entreprises ferroviaires
, réduites, lorsqu'elles ne
sont pas " demandeurs autorisés ", à assurer une simple
fonction de " traction " ;
- le
gestionnaire d'infrastructure,
qui ne serait plus
chargé de la gestion des systèmes de sécurité ;
- un organisme chargé de la répartition des sillons et de
la tarification,
distinct du gestionnaire d'infrastructure lorsque celui-ci
n'est pas juridiquement indépendant des entreprises ferroviaires en
place ;
- une
instance indépendante
chargée des tâches
relatives à la sécurité ;
- enfin, un
organisme de contrôle
chargé de veiller
à l'application des règles d'allocation des sillons et de
tarification et constituant un premier niveau de recours
pré-juridictionnel pour les plaintes.
D'autre part, la proposition de directive suggère une
tarification au
" coût marginal social "
modulé de la manière
suivante :
- possibilité d'instaurer une redevance complémentaire
correspondant à la rareté des sillons dans les " zones de
congestion " ;
- prise en compte des coûts externes propres au transport
ferroviaire ;
- compensation des coûts marginaux qui ne sont pas pris en compte
dans les autres modes ;
- possibilité de faire exception au principe de tarification au
coût marginal pour les grands projets d'infrastructure nouvelle, et dans
certains cas particuliers : redevances résultant d'une
négociation ou redevances forfaitaires sur des segments suffisamment
longs.
La proposition de directive prévoit que les sillons seraient
attribués aux " candidats autorisés " par le
gestionnaire d'infrastructure pour une durée d'un an seulement. Cette
durée pourrait néanmoins être étendue à cinq
ans au travers d'accords-cadres passés avec les entreprises
ferroviaires.
Le gestionnaire d'infrastructure devra, d'autre part, créer un
document de référence du réseau
, qui en
constituerait une sorte de mode d'emploi : conditions d'accès,
tarifs, modalités d'attribution des sillons.
La proposition de directive précise , enfin, de manière
très détaillée le processus d'attribution des
sillons : ordre chronologique des différentes étapes ;
procédure à suivre par les " candidats
autorisés " ; modalités de création du projet
d'horaire ; traitement des conflits entre plusieurs demandes ;
critères de hiérarchisation des demandes en cas de pénurie
de sillons ; restitution des sillons réservés mais non
utilisés.
IV. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS FORMULEES PAR LES AUTEURS DES DEUX
PROPOSITIONS DE RESOLUTION
a) Les critiques exprimées par M. Hubert Haenel.
Elle portent, pour l'essentiel, sur quatre aspects :
-
l'organisation institutionnelle
;
- la
notion de demandeur autorisé
;
- la
sécurité
;
- la
durée d'attribution des sillons
.
Sur le premier point
, notre collègue estime que l'idée
d'imposer un schéma institutionnel national fragmenté à
chacun des Etats membres est contraire au principe de subsidiarité et
sous-estime, d'autre part, les coûts administratifs et contentieux d'un
système " complexe et bureaucratique ".
Sur le second point
, M. Hubert Haenel considère que la notion de
" demandeur autorisé " introduirait un " changement de
nature " de la concurrence introduite en 1991 entre les opérateurs
de chemins de fer européens, en réduisant les entreprises
ferroviaires au rôle de simples exécutants de prestations de
services de " traction ". Il souligne que la " séparation
artificielle " entre une pure prestation de traction et l'exploitation
commerciale des sillons se traduirait inévitablement par un
écrémage du marché par les " candidats
autorisés " nouveaux venus, ceux-ci n'assumant que le risque
commercial, mais nullement le risque industriel du transport ferroviaire.
Dans cette perspective, M. Hubert Haenel décèle un
risque majeur : celui de décourager tout investissement nouveau
dans le transport ferroviaire plus personne n'ayant intérêt
à investir, ni le candidat autorisé, qui ne serait pas
responsable du matériel et du personnel qu'il utilise, ni l'entreprise
ferroviaire, qui n'aurait aucune garantie de pouvoir les rentabiliser comme
elle l'entend.
En ce qui concerne la
sécurité
, M. Hubert Haenel
estime que la proposition de confier la responsabilité de la
sécurité à une entité distincte du gestionnaires
d'infrastructure, de l'entreprise ferroviaire et des " candidats
autorisés ", risquerait d'être contre-productive. En effet,
relève-t-il,
c'est parce qu'elle est intégrée à
tous les niveaux que la sécurité est assurée si
efficacement dans le réseau ferroviaire.
Cette réforme, souligne-t-il, obligerait à réviser
l'organisation française, qui confie la responsabilité de la
sécurité à Réseau Ferré de France, mais en
délègue l'application de la SNCF.
S'agissant de la
durée d'utilisation des sillons
, notre
collègue fait valoir que la durée d'un an prévue pour
l'attribution des sillons, est trop brève, " la remise en jeu
incessante de l'ensemble des sillons de chaque réseau national
étant un facteur d'incertitude nuisible aux projets commerciaux, et une
source de coûts bureaucratiques ".
Pour l'auteur de la résolution, l'extension éventuelle de cette
période à cinq ans serait encore insuffisante : un
délai de 15 à 20 ans pouvant être nécessaire pour
les " projets les plus ambitieux ".
A titre d'exemple, il évoque le " Thalys ",
développé avec succès par la SNCF, d'abord sur la ligne
Paris-Bruxelles et ensuite sur les lignes Paris-Amsterdam et Paris-Cologne, qui
a créé un marché nouveau. Pour notre collègue, il
ne serait pas équitable que le sillon correspondant puisse être,
du jour au lendemain, attribué à un autre opérateur.
Par ailleurs, s'il reconnaît que la tarification au coût marginal
est
" en soi, une bonne idée "
, M. Hubert Haenel se
demande
" s'il est prudent d'imposer d'emblée une stricte
tarification au coût marginal au transport ferroviaire, sans avoir au
préalable appliqué les mêmes principes au transport routier
qui lui fait une sévère concurrence ".
D'autre part, estime-t-il, les règles et modalités de fixation
des tarifs, proposés dans le nouveau texte, sont trop précises
pour être compatibles avec le principe de subsidiarité.
La proposition de résolution signée par M. Hubert Haenel
demande en conséquence au Gouvernement :
- de veiller à ce qu'aucune des trois propositions de directives
constituant l'acte communautaire E 1163 ne soit adoptée sans
décision simultanée sur les deux autres ;
- de veiller à ce que chaque Etat membre, tout en assurant un
traitement équitable et non discriminatoire des demandes de
capacités, demeure libre d'organiser institutionnellement le transport
ferroviaire sur son territoire comme il l'entend ;
- de s'opposer à l'introduction d'une notion de " candidat
autorisé " distincte de celle d'entreprise ferroviaire ;
- d'obtenir que la durée maximale d'attribution des sillons par
accords cadres soit sensiblement supérieure à cinq ans ;
- de veiller à ce que chaque Etat membre, tout en respectant des
principes communs de tarification au coût marginal, demeure libre de
définir et d'appliquer des règles précises de tarification.
b) Les critiques formulées par M. Pierre Lefèbvre
Notre collègue, M. Pierre Lefebvre formule une critique plus globale en
jugeant que la proposition européenne
" ne vise en
réalité qu'à procéder à la segmentation du
système ferroviaire pour mieux faire régner la loi du
marché ".
C'est à cette fin, selon lui, que
" la Commission
européenne préconise de déposséder le gestionnaire
d'infrastructure de ses prérogatives dans le domaine du contrôle
de sécurité, de la tarification et de la répartition des
capacités pour les confier à des organismes
indépendants "
; de telles dispositions auraient pour
conséquence de
" complexifier la structuration organique et
institutionnelle du système ferroviaire français ",
avec
également une déresponsabilisation du gestionnaire
.
Il juge, en outre, qu'une tarification au coût marginal, correspondant au
coût supplémentaire qu'impose à la collectivité
l'utilisation de l'infrastructure par une unité de transport
supplémentaire,
" ignorerait une programmation des
investissements sur le long terme des infrastructures dans un contexte
d'endettement excessif de RFF ".
M. Pierre Lefebvre estime, aussi, que la proposition de la Commission
européenne d'introduire la notion de demandeur autorisé
" réduirait les entreprises ferroviaires établies
à une simple fonction de traction et attiserait les conditions de la
concurrence ".
V. L'ÉVOLUTION DU DOSSIER
Le 16 juin 1999, sur le rapport de M. Jean-Jacques Filleul,
l'Assemblée nationale adoptait une résolution qui reprenait six
des huit points du dispositif prévu par la proposition de
résolution du député M. Didier Boulaud.
Cette résolution estimait, notamment, nécessaire de rejeter les
propositions de directives susvisées en l'état actuel de leur
contenu.
Le 22 juin 1999, le Conseil des ministres européens des
transports, saisi des trois propositions de directive, n'est pas parvenu
à trouver un accord sur le " paquet ferroviaire ", une
majorité de circonstance, suscitée notamment par la France,
renvoyant le dossier à une nouvelle réunion des ministres des
transports fixée au 6 octobre 1999.
Le 6 octobre 1999, la France (qui s'était retrouvée
presque minoritaire sur le fond du dossier lors de la précédente
réunion) a élargi le débat en mettant l'accent sur
l'impératif du développement du fret ferroviaire. Les conclusions
de cette réunion se sont donc articulées autour de deux
orientations principales :
- l'" ouverture " du système ferroviaire européen
est une donnée acquise ;
- la progression du fret ferroviaire passe par la mise en place d'un
réseau européen de fret, lui-même subordonné
à des actions coordonnées dans trois directions :
.
l'inter-opérabilité
(c'est-à-dire, pour
simplifier, un passage libre des frontières impliquant un certain nombre
d'harmonisations indispensables sur le plan technique, administratif,
professionnel, social...) ;
. la
dé-saturation d'un certain nombre de zones
congestionnées
;
.
l'harmonisation des péages
dans les Etats européens.
Le 18 novembre 1999, le " Comité des représentants
permanents " (COREPER), instance de représentation permanente des
Etats à Bruxelles, adoptait plusieurs modifications aux propositions de
directive.
A l'issue de ses réunions des 9 et 10 décembre 1999, le
Conseil des ministres européens
des transports aboutissait à
un accord politique sur les trois directives
(91/440 ; 95/18 ;
95/19).
D'après les informations qui ont été communiquées
à votre rapporteur, les grandes lignes de cet accord seraient les
suivantes :
- en matière
d'inter-opérabilité
, la
Commission européenne devrait bientôt examiner un projet de
directive sur le sujet afin d'adopter à la fin de l'année 2000
une position commune ainsi qu'un calendrier de travail. Le Conseil a, par
ailleurs, jugé indispensable d'étudier avec attention
l'inter-opérabilité avec les réseaux des pays tiers.
- en matière de
sécurité
, le rôle actuel
des entreprises ferroviaires en ce qui concerne l'élaboration des
règles de sécurité ne devrait pas être remis en
cause. La Commission sera chargée de présenter une proposition de
directive tendant à renforcer les normes de sécurité et
leur surveillance, cette dernière devant être assurée par
une instance nationale indépendante et reconnue au niveau
européen.
- en matière de
goulets d'étranglement
, la Commission
et les Etats membres sont chargés d'identifier les goulets
d'étranglement sur le réseau trans-européen de fret
ferroviaire. Une dotation de 200 millions d'euros, prélevée sur
l'enveloppe servant à financer les projets de réseaux
trans-européens, financerait en l'an 2000 la résorption des
points de congestion.
- en matière
d'allocation des sillons
, le Conseil a
dressé la liste des fonctions devant être confiées à
une entité indépendante des entreprises ferroviaires afin de
garantir un accès transparent et non discriminatoire à
l'infrastructure :
- préparation et distribution de licences ;
- décision de fixation des prix d'accès au
réseau ;
- décision d'allocation des sillons.
On relève que cette orientation ne devrait pas remettre en question
l'existence en France de Réseau Ferré de France.
- en matière de
tarification de l'infrastructure
, le Conseil
a maintenu la référence au coût marginal avec des
dérogations tout en admettant une tarification inférieure au
coût marginal pour les lignes sous-utilisées.
Enfin, en ce qui concerne les
demandeurs autorisés
, le conseil
des ministres aurait décidé que chaque Etat membre disposerait de
la faculté d'autoriser des candidats autres que des entreprises
ferroviaires à accéder au réseau sur son propre territoire.
Sur la base de ces orientations, les trois projets de directive devraient
pouvoir faire l'objet d'une position commune au début de l'année
2000.
VI. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR
Votre rapporteur exprimera, sur le sujet, quelques idées simples.
La SNCF assure,
par délégation
depuis la création
de Réseau ferré de France, la gestion d'un réseau de
32.000 km de voies dont 14.000 km électrifiés. Elle a
été et continue d'être un remarquable outil technique et
humain dont la France peut s'enorgueillir. Notre réseau de lignes
à grande vitesse illustre, par exemple, un savoir-faire français
qui n'est contesté par personne. Le niveau de sécurité
garanti par la SNCF est, sans doute, un des meilleurs du monde.
De ce constat, votre rapporteur tire une première conclusion : il
ne faut pas casser l'outil.
Chaque médaille a son revers.
Notre société ferroviaire nationale a, pendant trop longtemps,
insuffisamment pris en considération
l'aspect commercial
de son
activité.
Elle y remédie depuis quelques années et ce, avec un certain
succès.
Par ailleurs, chacun sait que le " climat social ", au sein de
l'entreprise, reste fragile. Si la situation tend, très progressivement,
à s'améliorer, il demeure que 120.000 heures sont, chaque
année, perdues à la SNCF du fait des grèves.
Nous sommes là en présence d'une " culture de la
conflictualité ", intéressante -peut-être- à
analyser pour les sociologues de l'entreprise, mais responsable de ruptures de
charges permanentes qui ne sont plus admissibles à l'heure de
l'ouverture du marché européen des transports.
Soulignons-le, il est impératif que le climat social à la SNCF
s'apaise !
Cela étant dit, que souhaite aujourd'hui la Commission
européenne ?
En 1991, la directive 91/440 a apporté deux innovations :
- elle a introduit un
droit d'accès
aux réseaux
européens pour les entreprises ferroviaires " participant à
une regroupement international ou assurant un service de transport
combiné ". Il est à noter qu'à ce jour, la
" mise en oeuvre " de cette décision n'a concerné qu'un
service de fret postal de la Deutsche Post et un service de transport de
matières dangereuses de BASF ;
- elle a exigé une
séparation comptable
des comptes
d'exploitation des entreprises qui assurent la gestion des infrastructures
ferroviaires et de celles qui assurent le service de transport.
A cet égard, la réforme française de 1997, en
créant une séparation juridique entre le gestionnaire des
infrastructures et l'entreprise ferroviaire, est allée au-delà
des exigences européennes.
En 1995, la Commission a adopté deux directives (la 95/18 et la 95/19)
de portée réduite, puisqu'il s'est agi :
- de délivrer des " licences ferroviaires "
européennes aux entreprises ferroviaires concernées par la
directive 91/440 (regroupement international...) ;
- de prévoir une réglementation pour la répartition
des capacités d'infrastructures pour les dites entreprises ;
- de prévoir une réglementation pour la perception des
redevances d'utilisation de l'infrastructure, sans empêcher d'ailleurs,
que se mettent en place, dans les différents Etats de l'Union, des
systèmes extrêmement disparates.
Comme le soulignent, avec justesse, les auteurs des deux propositions de
résolution, les propositions nouvelles suggèrent
la mise en
place d'un système entièrement différent
, dont un
effet possible serait de
" couper " les entreprises ferroviaires
de l'exploitation commerciale
.
En France, cette évolution aboutirait au démantèlement
complet de notre entreprise ferroviaire nationale, cantonnée dans une
fonction de " tractionnaire " louant ses trains aux " demandeurs
autorisés " qui auront réservé des sillons. Cette
solution ne peut être retenue. Elle est, d'ailleurs, en pleine
contradiction avec la réforme de 1997 qui, dans un souci
d'efficacité, a confié la responsabilité de
l'infrastructure à un établissement public industriel et
commercial afin que l'entreprise ferroviaire, libérée de cette
contrainte, puisse se concentrer sur la gestion commerciale de son
activité de transporteur !
Ce constat de bon sens étant opéré,
l'ouverture
du
marché ferroviaire européen à toutes les entreprises
disposant de la
" capacité ferroviaire "
(c'est-à-dire, selon une expression du Président de la SNCF, de
la " capacité de faire circuler des trains en toute
sécurité au plan technique, commercial et financier ") est
une perspective souhaitable qui favorisera la concurrence conformément
aux voeux de la majorité des pays de l'Union européenne.
L'économie du transport ne peut plus, du reste, se concevoir que dans le
cadre de l'espace européen.
Le développement du transport ferroviaire de marchandises constitue,
d'autre part, la seule réponse raisonnable à l'augmentation
continue de la demande de transport en Europe.
La moitié du trafic global de marchandises est, d'ailleurs, aujourd'hui
en France un trafic international.
Il convient donc, en effet, de mettre en place un réseau européen
de fret et, pour ce faire, de fournir des efforts rapides et conséquents
au niveau de
l'inter-opérabilité des réseaux
(y
compris en ce qui concerne la sécurité), de la
dé-saturation des zones congestionnées
et de
l'harmonisation des péages
, en particulier entre les
péages français et allemands.
C'est à ces conditions, quoi qu'en pensent les " maximalistes de
la déréglementation " (qui, à trop vouloir
" libéraliser " trop tôt, provoquent
d'inévitables " inhibitions d'adaptation "), que l'ouverture
européenne sera vraiment réalisée.
L'accord politique conclu le 10 décembre dernier, à l'occasion du
Conseil des ministres européens des transports, rejoint assez largement
les conclusions que votre rapporteur avait rédigées avant cette
réunion et qui se trouvent validées sur de nombreux points.
Il importe, néanmoins, de demeurer vigilant. Si, sur
l'allocation des
sillons et la sécurité
, l'accord politique apparaît
satisfaisant, la politique envisagée pour la
résorption des
goulets d'étranglement
pourra apparaître insuffisante
notamment en ne liant pas le rythme de la résorption au degré
d'ouverture du secteur ferroviaire. D'autre part, il est dommage que les
efforts envisagés en la matière ne s'inscrivent que dans le cadre
des projets RTE (réseaux transeuropéens de transport)
déjà existants. Pour votre rapporteur cette politique devrait
faire l'objet d'un plan de financement communautaire spécifique, seul de
nature à promouvoir véritablement le développement du fret
international sur le territoire européen.
Le calendrier de travail prévu par l'accord politique en ce qui concerne
l'inter-opérabilité
ferroviaire apparaît bien
lointain et la poursuite de la concertation sur ce sujet méritera une
attention toute particulière. Les efforts à mener en la
matière conditionnent, là encore, toute véritable
promotion du fret ferroviaire à l'échelle de l'Europe.
L'accord politique du 10 décembre ne fait guère
référence à la nécessaire harmonisation des
redevances d'infrastructures, notamment sur les lignes dédiées au
fret. Pourtant, le développement d'un véritable réseau
transeuropéen de fret ferroviaire ne pourra s'accommoder des actuelles
disparités en ce qui concerne le niveau des péages (les
péages allemands étant, on le sait, de quatre à cinq fois
supérieurs aux péages français).
Enfin, le Conseil des ministres européens a maintenu la notion de
demandeur autorisé
même s'il a laissé à
chaque Etat membre la liberté d'autoriser l'accès au
réseau de son territoire à des candidats autres que les
entreprises ferroviaires. Le risque d'extension du système ne doit pas,
malgré tout, être minimisé.
La proposition de résolution, qu'il vous est demandé d'adopter,
s'inspirera de ces réflexions et constats.