C. UNE SOLUTION RAISONNABLE
La
création du fonds d'intervention pour les aéroports et le
transport aérien (FIATA) par la loi de finances pour 1999 a permis
d'atténuer quelque peu les risques encourus par le BAAC.
Le FIATA résulte d'une extension du compte d'affectation spéciale
n° 902-25 intitulé "Fonds de péréquation des
transports aériens" (FPTA).
Ce fonds, créé par l'article 46 de la loi de finances pour
1995 afin de financer les déficits d'exploitation de certaines lignes
aériennes dites "d'aménagement du territoire" prendrait une autre
dénomination et s'intitulerait désormais "Fonds d'intervention
pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA).
Le FIATA continuera à assumer cette dernière charge mais il est
en outre appelé à financer :
a) les dépenses directes de l'Etat en fonctionnement et en capital
concernant les services de sécurité-incendie-sauvetage et la
sûreté, à l'exception des dépenses de
personnel ;
b) les subventions aux gestionnaires d'aérodromes en matière de
sécurite-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le
péril aviaire et de mesures effectuées dans le cadre des
contrôles environnementaux ;
c) les
frais de gestion ;
d) les restitutions des sommes indûment perçues ;
e) les dépenses diverses ou accidentelles.
Le FIATA
est financé au moyen d'une part du produit de la taxe d'aviation civile
(TAC).
L'évolution du FIATA entre 1999 et 2000 est rappelée dans le
tableau ci-après.
(En millions de francs)
|
1999 |
2000 |
Péréquation lignes aériennes |
51 |
50 |
Financement aéroportuaire dont |
97 |
311 |
dépenses en capital directes de l'Etat |
50 |
174 |
péréquation petites plates-formes |
15 |
84 |
dépenses de fonctionnnement de l'Etat |
10 |
53 |
Total |
148 |
361 |
Le
transfert de crédits du BAAC vers le FIATA se poursuit donc comme
l'avait recommandé votre commission. L'ensemble des dépenses de
sûreté de l'Etat y figure désormais. Cette évolution
favorable qui appellera une grande vigilance sur l'exécution
financière du FIATA ne doit pas cacher une réalité qui,
elle, l'est beaucoup moins. Il s'agit du système adapté pour
financer les dépenses nécessitées par la
sécurité et la sûreté mises à la charge des
aéroports. On sait qu'à cet effet a été
instituée une taxe d'aéroport.
Or, le statut budgétaire de la taxe d'aéroport n'est pas
satisfaisant.
La taxe d'aéroport est à ranger dans
la catégorie des
impositions de toute nature
.
Par conséquent, son régime juridique devrait obéir aux
règles qui, dans notre droit budgétaire, s'appliquent à de
telles impositions. Elle devrait être retracée dans les recettes
de l'Etat, sa perception devrait être autorisée chaque
année par la loi de finances et son affectation comptable devrait
respecter les dispositions prévues par le chapitre II de l'ordonnance
59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de
finances. En particulier, il faudrait respecter la règle posée
à l'article 18 de cette ordonnance selon laquelle "
Il est fait
recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les
recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant
l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et
toutes les dépenses sont imputées à un compte unique,
intitulé budget général.
"
Le dispositif adopté l'an dernier contrevient manifestement à cet
ensemble de contraintes constitutionnelles. Il n'est en effet pas prévu
de rattacher le produit de la nouvelle taxe au budget général non
plus d'ailleurs que de mentionner dans le budget les charges qu'elle est
appelée à financer. Mais, plus grave, la mention du texte selon
laquelle "
la taxe... est perçue au profit des exploitants des
aérodromes
" si elle s'inspire des dispositions traditionnellement
retenues en matière de taxes parafiscales n'a pas lieu d'être
s'agissant d'une imposition et soutient une affectation contraire aux
règles du droit budgétaire.
La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour
1999 est, sur ce point, déconcertante.
Il est politiquement inacceptable d'instaurer un système de financement
de cette importance, son montant est d'1 milliard de francs en
année pleine et il concerne des missions d'intérêt
général essentielles sans que le Parlement n'en soit saisi en
totalité à travers des documents budgétaires dont c'est la
raison d'être.
S'il est bien vrai que le Conseil constitutionnel avait déjà
admis dans sa décision du 29 juillet 1998 rendue à propos de
l'affectation d'une taxe appartenant à la catégorie des
impositions de toute nature à l'Agence nationale d'amélioration
de l'habitat qu'un établissement public pouvait bénéficier
de l'affectation du produit d'une imposition, il est plus surprenant qu'il ait
choisi une solution analogue à propos de la taxe d'aéroport.
On peut d'abord observer que l'existence juridique des aéroports n'est
pas établie dans la plupart des cas.
On peut également faire valoir que certains aéroports sont
gérés par des personnes morales de droit privé qui se
trouvent ainsi affectataires d'une imposition.
On doit surtout ajouter que comme la jurisprudence du Conseil d'Etat l'avait
clairement établi que
"les services rendus par les services de
sécurité d'incendie et de sauvetage et par la gendarmerie
correspondent à des missions d'intérêt
général qui incombent, par nature à l'Etat
".
Dans ces conditions, l'on voit mal pourquoi il a été
accepté que des dépenses correspondant à des charges qui
incombent naturellement à l'Etat puissent ne pas être
intégrées dans le budget de l'Etat, censé les retracer en
totalité et constituer le support de leur autorisation et de leur
gestion.
Il n'est pas souhaitable d'engager nos finances publiques sur la voie d'un
démembrement qui est déjà trop acclimaté et qui
constitue une violation de l'esprit même de l'ordonnance de 1959 qui
régit sagement les lois de finances.
Il est d'ailleurs à observer que la voie empruntée
débouche sur l'inscription d'un crédit de 84 millions de francs
dans le FIATA au titre de la couverture des besoins des aéroports en mal
de produits de taxe d'aéroport dont on ne sait par vraiment à
quoi il correspond. Nul ne peut en effet préciser aujourd'hui quels
seront les besoins à couvrir puisqu'aussi bien le recouvrement de la
taxe d'aéroport semble poser de vraies difficultés tandis que les
dépenses prévisibles des plates-formes ne sont pas connues.
Les exigences du contrôle démocratique invitent à
conclure que les sources de financement des dépenses
réalisées par les gestionnaires d'aéroport devraient
être retracées par le budget de l'Etat.
De la même manière, il faut réintégrer dans le
budget de l'Etat les dépenses qui comme celles concernant la
sûreté publique ne peuvent être considérées
autrement que comme des charges incombant par essence à l'Etat qu'au
prix d'une conception difficilement compatible avec les principes
républicains.