N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 25 novembre 1999.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 12
ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE :
II. - INDUSTRIE
Rapporteur spécial
: M. Jean CLOUET
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
(1999-2000).
Lois de finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS
A titre
liminaire,
il convient de s'élever contre la disparition du fascicule
budgétaire " industrie "
qui témoigne
symboliquement du peu d'importance que le gouvernement accorde à
l'action industrielle et à l'avenir industriel de notre pays.
Les crédits consacrés à l'industrie qui ont pu être
mis en évidence dans le " bleu " désormais unique du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
appellent les observations suivantes :
Un effort à conforter de calibrage plus rigoureux des besoins de
crédits
Les dotations des chapitres budgétaires consacrés à
l'industrie du fascicule de l'économie et des finances traduisent un
souci accru de se rapprocher des besoins réels, ce dont votre rapporteur
se réjouit. Il convient toutefois d'aller plus loin, si l'on en croit le
montant important des reports de crédits qui ont lieu d'un budget
à l'autre.
En effet, il faut rappeler que le montant des crédits réellement
disponibles pour l'industrie en cours d'année excède
généralement très largement celui qui est voté par
le Parlement en loi de finances initiale, compte tenu, d'une part, d'un
transfert important de crédits au profit du CEA en provenance du
ministère de la défense (7 099 millions de francs en
1998), d'autre part, du montant important des reports de crédits sur des
chapitres dont les taux de consommation sont erratiques (et surtout
imprévisibles), et, enfin, des crédits généralement
importants ouverts en loi de finances rectificative au profit, le plus souvent,
de la construction navale.
Votre rapporteur s'élève par principe contre des reports de
crédits excessifs ou l'ouverture de crédits très
importants en loi de finances rectificative, surtout lorsque ces pratiques
deviennent la norme.
Pour le budget de l'industrie, les
reports
de crédits
, qui
se sont élevés à
1 644 millions de francs
en 1998, portent principalement sur les chapitres 64-93
"
équipement naval
", 64-96 "
restructurations
industrielles
" et 62-01 "
reconversion
". S'il est
vrai que la consommation des crédits de ces chapitres est très
difficile à anticiper, le seul fait que les reports se perpétuent
d'année en année prouve qu'ils sont probablement trop
dotés.
Le gouvernement en a tenu compte cette année puisque les
crédits du chapitre 64-96
(qui incluent désormais les
crédits de reconversion)
sont contractés de 27 % dans le
budget pour 2000, ce dont votre rapporteur se félicite.
Il en est de
même pour les crédits du Fonds de soutien aux hydrocarbures qui
sont diminués de 46 % afin de tenir compte des importants reports
qui avaient traditionnellement lieu d'une année sur l'autre sur le
compte d'affectation spéciale n° 902-12
budgétisé l'année dernière.
S'agissant des ouvertures de crédits en cours d'année, la loi de
finances rectificative pour 1998 a ouvert
2 493,2 millions de
francs de crédits nouveaux
au profit du budget de l'industrie, dont
2 476 millions de francssont venus alimenter le chapitre 64-93
" équipement naval - interventions " pour financer des aides
à de nouvelles commandes passées aux Chantiers de l'Atlantique et
des aides complémentaires pour couvrir une dérive sur le
coût de contrats des Chantiers du Havre.
Quelle que soit la justification de ces crédits, la pratique de
l'ouverture d'enveloppes importantes de crédits en loi de finances
rectificative est une entorse à l'annualité budgétaire
dès lors qu'elle a pour objet, non pas de compléter une enveloppe
de crédits trop étroite pour l'année en cours, mais
d'anticiper des besoins sur l'exercice suivant et se traduisent par
d'importants reports.
On peut se féliciter à cet égard que le gouvernement ait
décidé d'accroître sensiblement cette année les
dotations du chapitre 64-93 afin de mieux les faire correspondre avec les
besoins réels de l'industrie navale.
Des efforts de sincérité budgétaire occultés
par la grande volatilité du périmètre du budget de
l'industrie
Le gouvernement procède dans le budget de l'industrie pour 2000 à
deux budgétisations significatives.
Sont budgétisés pour un montant de 497,5 millions de francs
les crédits de la Direction de la sécurité des
installations nucléaires (DSIN) sur le chapitre 57-13
" études ". La DSIN était jusqu'à présent
financée par un fonds de concours alimenté par les redevances
perçues sur les exploitants d'installations nucléaires de base
à l'occasion des contrôles et des inspections que
requièrent leur activité (soit 477 millions de francs en
1998 et 467 millions de francs en 1999).
Parallèlement, l'article 24 du projet de loi de finances pour 2000
propose de substituer aux redevances sur les installations nucléaires de
base une nouvelle taxe dont le produit, estimé à
829 millions de francs pour 2000, viendrait abonder les recettes de l'Etat.
Cette budgétisation procède de la volonté de
régulariser la procédure des fonds de concours, à laquelle
il est trop souvent recouru abusivement.
Par ailleurs, les crédits de 5 des 18 centres techniques industriels
sont inscrits au budget pour 2000, pour un montant de 247 millions de
francs. Ces centres étaient jusqu'à présent
financés par des redevances.
On rappelle que la fusion des crédits de personnel et de fonctionnement
du Secrétariat d'Etat à l'industrie avec ceux des charges
communes du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie en 1999, a fait disparaître l'essentiel des postes de
personnel et de fonctionnement du titre III qui faisaient
- abusivement - l'objet de financements par voie de fonds de
concours, pour des montants proches ou supérieurs au milliard de francs.
Au total, seuls les crédits du fonds de concours
" préfinancement OTAN " continueront d'être
rattachés au chapitre 37-61 du budget de l'économie, des finances
et de l'industrie, pour un montant prévisionnel de 265 millions de
francs, après 270 millions de francs en 1999 et 297 millions
de francs en 1998.
Ces efforts de transparence sont toutefois occultés par les
très importantes restructurations budgétaires qui interviennent
chaque année, et qui rendent très ardue la comparaison des
crédits consacrés à l'industrie d'une année sur
l'autre.
Les agrégats du budget de l'industrie ont en effet subi des
modifications de nomenclature budgétaire qui en compliquent la lecture
à l'extrême et rendent impossibles les analyses sur longues
séries.
A titre d'exemple, les crédits consacrés à la formation
des administrateurs des postes et télécommunications sont
désormais rattachés au chapitre 43-01 "
actions
d'incitation et de formation
" et non plus sur le chapitre 36-40
"
enseignement supérieur des postes et
télécommunications
", sans que la logique apparaisse
clairement.
Les crédits destinés aux travaux de sécurité dans
les mines sont cette année inscrits dans un chapitre 57-91 nouveau
rattaché à un des agrégats de l'industrie et non plus sur
le chapitre 57-90 "
Équipements administratifs et
techniques
" rattaché à l'agrégat
" Administration générale et dotations communes ".
Les crédits de fonctionnement du Groupe des écoles de
télécommunications (autrefois inscrits sur le chapitre 36-40
mentionné plus haut), des Ecoles nationales des mines (autrefois
inscrits sur le chapitre 36-70 "
écoles nationales des
mines
") et de l'Agence nationale des fréquences (anciennement
inscrits au chapitre 36-20 "
ANF
") sont désormais
rattachés au chapitre 36-10 intitulé sommairement
"
subventions de fonctionnement
" sur lequel figurent en vrac
les subventions de fonctionnement octroyées par le Secrétariat
d'Etat à l'industrie et des crédits du ministère de
l'économie et des finances (crédits de l'Agence nationale pour
l'indemnisation des Français d'outre, de l'Institut national de la
consommation...).
Enfin, on peut s'interroger sur la motivation qui a conduit à rattacher
à l'agrégat " Actions sur l'environnement des entreprises et
modernisation des PMI " certains des crédits destinés aux
écoles des mines, pour un montant de 40 millions de francs
(chapitre 37-90), alors qu'un certain nombre de crédits de
fonctionnement destinés aux mêmes écoles restent
rattachés à l'agrégat " Administration
générale et dotations communes ".
Il reste à espérer que le périmètre
budgétaire des crédits consacrés à l'industrie et
leur nomenclature se figeront à ce stade pour les années
ultérieures, afin de permettre des comparaisons sur longue
période.
Pour une plus grande sélectivité dans l'attribution des aides
aux entreprises et un renforcement du contrôle
Le sujet des aides publiques aux entreprises a fait l'objet de critiques
sévères ces derniers mois. Ainsi, un article récent de la
presse économique faisait état de 170 milliards de francs
versés aux entreprises en 1998, de façon opaque et
cloisonnée, et hors de tout véritable contrôle.
Au sein du budget de l'industrie, il est possible d'identifier une
demi-douzaine de chapitres comportant des aides aux entreprises. Bien
sûr, toutes ces aides ne sauraient être mises sur le même
plan ; certaines sont attribuées dans le cadre d'un processus de
développement, de modernisation ou de certification, d'autres sont
destinées à favoriser les programmes de recherche des entreprises
et la diffusion de l'innovation dans les PMI, d'autres enfin sont
accordées dans le cadre d'une restructuration ou d'un programme de
soutien spécifique à un secteur industriel en
difficulté :
- certains articles du chapitre 44-80 regroupent les subventions
destinées à financer des actions de soutien à l'industrie
au travers d'organismes sous tutelle assurant une mission
d'intérêt général (création d'entreprise,
développement de la productique, création industrielle,
prévention des risques industriels) ou d'initiatives prenant la forme
d'actions collectives ; ils sont dotés de 109,8 millions de
francs dans le budget pour 2000 ;
- de même, les 365 millions de francs des chapitres 44-93 et 64-94 ont
pour objet de promouvoir la qualité dans les entreprises et le
développement de la normalisation, de la certification et de la
métrologie ;
- le chapitre 64-92, doté de 703 millions de francs en
crédits de paiement dans le budget pour 2000 après
656 millions de francs en 1999 (+ 7,2 %), est destiné,
d'une part, à favoriser la diffusion des techniques au sein des petites
et moyennes industries à travers la procédure ATOUT (pour
174 millions de francs), et, d'autre part, à co-financer des
projets de développement des PMI dans le cadre des nouveaux contrats de
plan Etat-Régions 2000-2006 (pour 529 millions de francs) ;
cette dernière enveloppe de crédits mettra l'accent sur
l'investissement immatériel, la diffusion des technologies et des usages
des nouveaux outils d'information et de communication ;
- le chapitre 64-93, doté de 1 287 millions de francs en
crédits de paiement dans le budget pour 2000, regroupe les
crédits destinés à restaurer la
compétitivité des chantiers navals ;
- le chapitre 64-96, doté de 256 millions de francs, regroupe les
crédits destinés à faciliter la restructuration
d'entreprises en difficulté, notamment au travers des crédits
gérés par le Comité interministériel de
restructuration industrielle (CIRI) et par le fonds d'industrialisation de la
Lorraine (FIL), et la restructuration de zones industrielles
particulièrement affectées (notamment au travers des
crédits du Fonds d'industrialisation des bassins miniers) ;
- le chapitre 66-01, doté de 1 723 millions de francs, recense les
crédits destinés au développement de la recherche
industrielle (grands programmes interministériels, grands programmes
européens de coopération EUREKA et MEDEA, actions de
développement de la filière électronique) ;
- le chapitre 66-02, doté de 673,5 millions de francs, regroupe les
dotations du Secrétariat d'Etat à l'industrie à l'ANVAR,
consolidant sa capacité d'intervention en faveur de l'innovation
à 1 400 millions de francs.
Le montant global des aides distribuées par le Secrétariat d'Etat
à l'industrie, soit directement, soit de façon
intermédiée, s'élève ainsi à
5 843 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement dans le budget pour 2000. Si l'on ajoute à ce
montant la subvention de Charbonnages de France et celle de la Poste, on
parvient à un total de 10 583 millions de francs.
Le Secrétariat d'Etat à l'industrie est quant à lui
résolu à réformer le dispositif des aides aux entreprises
afin d'une part, de transformer les subventions en avances remboursables dans
toute la mesure du possible, et, d'autre part, de simplifier les
procédures régionales d'examen et d'octroi des aides :
l'année 2000 verra ainsi se généraliser la mise en place
des contrats de développement, appelés à intégrer
l'ensemble des aides directes accordées par le Secrétariat d'Etat
à l'industrie à une même entreprise.
Par ailleurs, il s'est donné pour objectif de mieux contrôler
l'utilisation des aides qui sont attribuées. L'élaboration
d'indicateurs dans le fascicule budgétaire pour 2000 a ainsi pour objet
de permettre un meilleur suivi par le Parlement des crédits du
département ministériel, ce dont il convient de se réjouir.
Votre rapporteur restera évidemment très attentif au
problème des aides, de leurs critères d'attribution et de leur
contrôle. Il considère pour sa part que, pour éviter les
effets d'aubaine, les aides doivent être concentrées sur l'amont
du processus industriel, et destinées à rendre possible un
processus d'innovation que l'entreprise n'aurait pas mené à bien
sans l'aide de l'Etat. Celui-ci jouerait ainsi pleinement son rôle de
catalyseur et de visionnaire, censé remédier à la
" myopie " des marchés en traçant le chemin à
long terme.
Un effort louable en faveur de l'enseignement
Les crédits en faveur des écoles du groupe des écoles de
télécommunication (GET) et des écoles des mines sont en
progression soutenue, traduisant la priorité de l'Etat pour
l'investissement éducatif. Ils représentent 5,54 % du budget
total de l'industrie.
Les écoles des mines bénéficient ainsi de 12
créations d'emplois et d'une progression de leurs crédits
d'investissement de 8,6 % (5 MF).
Au delà des moyens attribués pour mettre en oeuvre le nouveau
cadre de gestion de ses personnels, le Groupe des écoles des
télécommunications (GET) se voit accorder les moyens
d'intégrer des équipes de recherche d'intérêt
général du Centre national d'études de
télécommunications (26 chercheurs) conduisant ainsi à
renforcer en son sein la synergie entre l'enseignement et la recherche, soit
34,5 millions de francs supplémentaires. Cette décision fait
suite à un rapport particulier de la Cour des comptes relatif aux
comptes et à la gestion du CNET envoyé au président de la
commission des finances le 7 octobre dernier et qui observait qu'à la
suite des restructurations qui touchaient les activités de recherche
publique, une centaine de chercheurs du CNET devaient trouver refuge dans des
organismes publics divers (CNRS, GET, CEA).
SUPELEC et l'ENSCI voient leur subvention de fonctionnement progresser de
l'ordre de 4 % leur permettant ainsi de renouveler leurs
équipements pédagogiques.
Le Secrétariat d'Etat à l'industrie s'est fixé pour
objectifs d'adapter le contenu de la formation à l'évolution de
l'attente des entreprises, de développer des coopérations entre
les écoles et le tissu industriel (développement des incubateurs
d'entreprises suite à la loi sur la recherche et l'innovation de juin
1999) et de susciter chez les étudiants le goût d'entreprendre et
d'innover. La mise en oeuvre de ces actions s'est notamment traduite par
l'élaboration d'une charte de la qualité à laquelle sont
appelées à adhérer l'ensemble des écoles.
La nécessité pour la Poste d'améliorer sa
comptabilité analytique
La Poste bénéficie dans le projet de budget pour 2000 d'une
dotation de 1.900 millions de francs au titre de l'aide au transport de la
presse, en hausse de 50 millions de francs par rapport à 1999,
conformément au contrat de plan signé entre l'Etat et la Poste
pour la période 1998-2001.
A l'instar de notre collègue Gérard Larcher, on peut regretter
que la transposition de la directive postale du 15 décembre 1997 n'ait
pas fait l'objet d'une véritable loi d'orientation postale qui aurait pu
fixer un cadre ambitieux d'évolution du service public, même si la
détermination du périmètre du service universel postal
telle que fixée par la loi correspond au souhait formulé par le
Sénat (envois postaux d'un poids inférieur ou égal
à 2kg, colis postaux jusqu'à 20kg, envois recommandés,
envois à valeur déclarée).
On observera en effet que l'enjeu n'était pas tant de transposer la
directive de 1997 que de préparer La Poste au véritable choc
concurrentiel qui aura lieu en 2003 avec l'ouverture plus large des monopoles
postaux à la concurrence. Il faut toutefois rappeler que le retard en
matière de réglementation postale tient aussi aux lenteurs de
l'administration bruxelloise qui n'a toujours pas élaboré de
proposition en vue de l'achèvement du marché intérieur des
services postaux.
Enfin, votre rapporteur se doit de rappeler la nécessité pour la
Poste d'adopter une comptabilité analytique plus rigoureuse, afin de
distinguer les charges qui se rapportent aux services financiers de celles qui
sont liées au service public postal. Cet effort n'a pas encore
été mené à son terme par l'opérateur public,
si l'on en croît le rapport de Gérard Larcher, et reste
indispensable pour mettre fin à toute polémique sur le
subventionnement des services financiers de la Poste par les missions de
service public.
La question des ressources du Commissariat à l'énergie
atomique
Comme l'année dernière, votre rapporteur appelle l'attention du
gouvernement sur les risques que fait courir au patrimoine industriel de
CEA-Industrie le calibrage insuffisant des dotations budgétaires
accordées à l'établissement public au regard de ses
besoins en matière d'assainissement.
En effet, selon la Cour des comptes qui a consacré un chapitre de son
dernier rapport aux pratiques des entreprises du secteur nucléaire en
matière de couverture des dépenses futures, le CEA devra financer
sur les trente ans à venir plus de 40 milliards de francs pour le
démantèlement de ses installations et le traitement,
l'entreposage et le stockage des déchets qu'il produit. Or,
l'établissement n'a pas prévu le financement de ces charges sur
son exploitation comme en témoigne l'absence quasi-totale de provisions
à son bilan. L'assainissement des installations civiles, qui
représente selon les années, entre 400 et 800 millions de
francs par an, était entièrement financé, jusqu'en 1993,
sur la subvention de l'Etat au CEA.
Or, à la veille de l'expiration de la convention d'assainissement qui
prévoit une participation d'EDF et de la Cogéma au financement de
ces actions, les partenaires industriels du CEA ont fait part de leur
volonté de diminuer leur contribution financière. A défaut
de trouver un financement spécifique en accord avec les pouvoirs
publics, le CEA se verrait donc obligé de trouver dans ses ressources
internes et dans la cession d'actifs industriels du CEA-Industrie le
complément de ressources nécessaire pour faire face à ses
besoins.
Votre rapporteur s'élève contre une telle pratique qui peut
entraîner des conséquences sur la poursuite de programmes
menés en commun, ainsi que, plus généralement, sur le
rôle de l'Etat dans la filière nucléaire et rappelle que le
rapport de la Cour des comptes observe que l'utilisation de ce patrimoine se
heurte à des obstacles de nature fiscale et juridique. Si l'utilisation
du patrimoine du CEA devait être confirmée, le traitement
comptable des charges d'assainissement devrait être modifié afin
de faire apparaître des provisions.
Enfin, la situation du CEA pourrait de surcroît être
fragilisée par le poids accru des redevances qu'il devra acquitter au
titre du contrôle des installations nucléaires de base qu'il
exploite. Comme indiqué plus haut, l'article 24 du projet de loi de
finances prévoit en effet de refondre totalement le régime de ces
redevances, ce qui, selon les estimations de l'opérateur public,
pourrait se traduire par un complément de charges compris entre 12,8 et
100 millions de francs.
Une décision qui s'impose : la construction d'une tête de
série du réacteur EPR
La phase d'optimisation du projet EPR (European Pressurized Water Reactor) qui
avait pour but d'accroître la compétitivité de ce
réacteur, est désormais achevée. La phase suivante
consiste à construire un prototype afin de valider la construction d'un
tel réacteur à plus grande échelle.
Votre rapporteur considère qu'une telle décision ne doit pas
être différée, afin, d'une part, de disposer du temps
nécessaire pour procéder aux tests et aux études
indispensables avant sa généralisation, d'autre part, de
maintenir le niveau de nos compétences et de notre expertise en ce
domaine, et, enfin, comme le souligne Framatome, de disposer d'une vitrine
à l'exportation.
En effet, quels que soient la sensibilité de l'opinion publique, le
degré de compétitivité des énergies de
substitution, et la durée de vie des centrales actuelles,
l'électricité d'origine nucléaire demeure un
élément indispensable de notre indépendance
énergétique, et, il ne faut pas l'oublier, contribue à la
lutte contre l'effet de serre. L'enjeu aujourd'hui n'est pas de relancer le
programme nucléaire mais de disposer des compétences suffisantes
pour pouvoir en temps utile renouveler notre parc de centrales.
Or, la fiabilité et la sûreté des centrales
nucléaires - ainsi évidemment, que la résolution de
la question des déchets nucléaires - conditionne plus que
jamais l'acceptabilité de cette énergie par les citoyens. A cet
égard, l'EPR semble présenter toutes les garanties de
sûreté souhaitées ; il permet en outre une très
grande souplesse dans l'utilisation de nouveaux combustibles ; il est
enfin moins consommateur de combustibles et capable de fournir un kW à
un prix très compétitif grâce à une optimisation des
systèmes, des composants et des dimensionnements des bâtiments.
Le lancement d'un tête de série pour l'EPR n'est évidemment
pas incompatible avec le renforcement de la part des énergies
renouvelables dans le bilan énergétique de la France, ni avec la
relance de la politique d'utilisation rationnelle de l'énergie.
L'urgence de la transposition de la directive sur le marché
intérieur de l'électricité
Le processus en cours de transposition de la directive sur le marché
intérieur de l'électricité appelle les remarques suivantes.
Tout d'abord, le retard pris par le gouvernement dans la transposition de la
directive - dont les dispositions auraient du être
intégrées dans notre droit national avant le 19 février
1999 - expose EDF à des mesures de rétorsion de la part de
ses concurrents excédés de voir l'opérateur public
intervenir sur leurs marchés alors que la réciproque n'est pas
encore possible ; sans parler d'une mise en demeure de la part de la
Commission européenne, qui ne pourrait que ternir l'image de la France
déjà bien écornée aux yeux de ses partenaires
européens.
Ensuite, on peut regretter que le gouvernement ait retenu une approche
a
minima
de l'ouverture du marché électrique à la
concurrence - 26 % de la production d'électricité sera
ouverte à la concurrence alors que les deux-tiers du marché
européen sont déjà libéralisés - comme
le Portugal et la Grèce et à la différence de l'Allemagne,
de l'Italie ou de l'Espagne qui sont allés plus loin que ce que la
directive requiert.
En adoptant cette vision minimaliste et protectionniste, le gouvernement
espère pouvoir mener la paradoxale tâche de se conformer aux
obligations européennes en matière de concurrence tout en restant
fidèle à la loi de nationalisation du 8 avril 1946 et à
son corollaire, le quasi-monopole d'EDF. Ainsi fait-il naître le risque
de fragiliser la position de l'opérateur public, menacé par la
clause de réciprocité et les nouvelles entraves dont le texte le
ligote.
Tout au plus cette excessive prudence permet-elle de prédire, sans
risque excessif de se tromper, que le Parlement sera amené à
légiférer de nouveau sur le sujet de la libéralisation du
marché électrique dans un proche avenir pour répondre
à la légitime attente des consommateurs. N'oublions pas en effet,
comme le rappelle excellemment notre collègue Henri Revol dans son
rapport sur le projet de loi relatif à la modernisation et au
développement du service public de l'électricité, que
l'institution d'un marché de l'électricité actif, dans
lequel se rencontrent l'offre et la demande, est la condition nécessaire
de la baisse du prix de l'électricité et de l'accroissement de la
qualité et de la variété de l'offre.
Il est par ailleurs permis de s'interroger sur la motivation qui a
poussé le gouvernement à proposer d'étendre le statut
national électrique et gazier, dit statut des " IEG ",
à tous les nouveaux opérateurs. Il convient en effet de rappeler
que le régime de retraite prévu par ce statut est financé
par une " cotisation ouvrière " fixée à
7,85 % du salaire hors prime, et par une contribution d'équilibre
automatiquement prélevée sur les entreprises électriques
et gazières. En 1996, cette contribution représentait
51,47 % de la masse salariale des agents des industries concernées,
et pourrait, selon le rapport Revol, atteindre près des trois quarts de
la masse salariale en 2010 et près de 100 % de cette
dernière en 2020. On comprend dès lors l'utilité
d'accroître le nombre d'acteurs qui participent à
l'équilibre de ce système. N'aurait-il cependant pas
été plus pertinent de réformer le statut des IEG et ses
modalités de financement ? Tout report d'une telle réflexion
accroît les charges qui pèsent sur les opérateurs du
système.