2. Les recettes du fonds : des prélèvements inacceptables
a) L'affectation des droits sur les tabacs : le détournement d'une bonne idée
Votre
commission est favorable à ce que l'on procède, de manière
progressive, à l'affectation des droits sur les tabacs à
l'assurance maladie. Dans son esprit, et elle note que le rapport de M. Alfred
Recours, remis très récemment à M. le Premier
ministre, plaide dans le même sens, il s'agit de compenser l'assurance
maladie des dépenses occasionnées par la consommation de tabac.
M. Charles Descours précisait en juin 1999, dans son rapport sur les
lois de financement de la sécurité sociale
188(
*
)
:
" Il est clair que pour
l'assurance maladie cette recette compense le coût du tabagisme et qu'au
nom des impératifs de santé publique, il serait souhaitable que
disparaissent à la fois la dépense et la recette ; a
contrario les droits sur les tabacs perçus au profit du budget de l'Etat
constituent un " impératif de finances publiques " "
L'affectation des droits sur les tabacs à un fonds de financement
mélangeant allégements de charge et aides pérennes au
passage aux 35 heures ne répond en rien à un
impératif de santé publique.
Faudra-t-il que nos concitoyens fument davantage pour financer les
allégements de charges et la réduction du temps de
travail ?
b) Deux prélèvements nouveaux affectés à la sécurité sociale : une charge nouvelle pour les entreprises
La
contribution sociale sur les bénéfices des
sociétés, dont l'affectation au fonds de financement est
proposée à l'article 3 du projet de loi du financement de la
sécurité sociale, est, en fait, une majoration
déguisée de l'impôt sur les sociétés. Elle
est égale à 3,3 % de l'impôt sur les
sociétés calculé sur les résultats imposables au
taux de 33,3 % et 19 %.
La logique d'une affectation à la sécurité sociale d'une
partie de l'impôt sur les sociétés révolutionne pour
le moins la conception du financement de la sécurité sociale.
Cette affectation est contraire aux objectifs de simplification et de
lisibilité des finances sociales.
Rapportant 4,3 milliards de francs en 2000, son montant est estimé
" à terme " à 12,5 milliards de francs. Il suffira
au Gouvernement de proposer un relèvement du taux de cette contribution
s'il ne parvient pas à financer la réduction du temps de travail
et les nouveaux allégements de charges.
C'est d'ailleurs la conclusion de la commission des Finances de
l'Assemblée nationale, qui, sentant le " danger " venir d'un
dérapage des besoins
189(
*
)
, a adopté un amendement au
projet de loi de financement de la sécurité sociale
prévoyant de relever le taux de cette taxe en cas de surcroît des
dépenses par rapport aux recettes.
L'affectation de la taxe générale sur les activités
polluantes au fonds de financement doit faire l'objet des mêmes critiques.
Une fiscalité écologique est censée, au nom du principe
" pollueur-payeur " réparer les dégradations
apportées à l'environnement ; financer les
allégements de charges sociales est, en revanche, tout à fait
arbitraire. La TGAP, créée par la loi de finances pour 1999
à partir de cinq taxes préexistantes affectées à
l'ADEME, voit, par l'article 4 du projet de loi de financement, son
assiette élargie. Elle rapporterait 3,2 milliards de francs en 2000
et 12,5 milliards de francs " à terme ". Là aussi,
en cas de dérapage du financement du fonds, en cas
d'impossibilité pour l'Etat de prendre en charge le coût des
mesures décidées par le Gouvernement, il suffira d'étendre
à l'infini l'assiette de la TGAP et de relever chaque année les
quotités pour assurer un meilleur financement.
La présentation effectuée par le Gouvernement d'une baisse des
charges pour les entreprises est tout à fait fallacieuse :
Impact sur les entreprises en 2000 des mesures prises dans le cadre de la RTT
Aides forfaitaires par salarié |
- 17,5 |
Extension de la ristourne |
- 7,5 |
Création de la CSB |
+ 4,3 |
Augmentation de la TGAP |
+ 1,1 |
Taxes sur les heures supplémentaires |
+ 6,1 |
Solde |
- 13,6 |
Source : rapport économique, social et financier du projet de loi de finances 2000, p. 246.
Elle ne
prend pas en compte, en effet, le fait que les aides forfaitaires et
l'extension de la ristourne sont nécessaires pour
" compenser " le coût des 35 heures.
L'accroissement de la
fiscalité globale sur les entreprises en 2000 est bien davantage de
l'ordre de 10 milliards de francs.
Encore faut-il préciser que cette
estimation repose sur l'hypothèse que le passage aux 35 heures
s'avère neutre pour les entreprises, l'extension de la ristourne
Juppé, la modération salariale et l'évolution de la
productivité du travail annulant la hausse du coût salarial
horaire de 11,4 %.
L'institut REXECODE dément cette " annulation " : les
mesures d'accompagnement ne représenteraient qu'une faible part, de
l'ordre de 20 à 30 %, du surcoût salarial.