B. LE PASSAGE AUX 35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE
Le rapport Roché conclut que la durée effective du temps de travail dans la fonction publique hospitalière est proche des obligations légales. Celles-ci prévoient une durée de travail hebdomadaire compris entre 36 et 38 heures, les durées observées atteignent 35 heures 30 à 38 heures 29 dans les établissements de santé.
Temps de travail hebdomadaire dans la fonction publique hospitalière
Services de jour |
entre 35 heures 30 et 38 heures 29 |
1. Une réglementation inadaptée
Dans le
secteur public hospitalier, la durée du travail est fixée
à 39 heures hebdomadaires par l'ordonnance du 26 mars 1982. Ce
texte détermine les horaires et les amplitudes de travail, soit 9 heures
le jour, 10 heures la nuit et 12 heures de repos entre deux prises de
poste. La réglementation autorise la mise en place d'horaires variables
et de travail à temps partiel. Par ailleurs, le décret du 23
août 1995 fixe les principales dispositions de l'expérimentation
de l'annualisation du temps de travail à temps partiel.
Ce cadre juridique relatif à l'organisation du travail dans les
hôpitaux, distinct de la réglementation s'appliquant aux autres
fonctions publiques, s'avère
inadapté et incomplet alors que
les directives européennes
159(
*
)
n'ont pas été
transposées en droit hospitalier français
.
•
L'incompétence relative des conseils d'administration
en matière d'aménagement des horaires de travail
Le rapport Roché rappelle qu'aux termes de l'article 7 de l'ordonnance
du 26 mars 1982, les conseils d'administration des hôpitaux devraient
disposer de larges marges de manoeuvre en matière d'aménagement
et de répartition des horaires de travail. Il constate cependant que le
décret en Conseil d'Etat relatif à l'application de cet article
n'a jamais été pris, privant les instances dirigeantes des
établissements de santé d'un précieux instrument de
flexibilité.
•
La mesure hebdomadaire de la durée du travail n'est
plus pertinente
Les deux tiers des agents de la fonction publique hospitalière occupent
des postes variables toute l'année. La référence
hebdomadaire n'est donc que théorique dans la mesure où ils sont
amenés en fonction de leur emploi du temps à évoluer
autour de cette durée chaque semaine. Une circulaire du
8 février 1994 précise qu'un agent à temps plein doit
effectuer 1.716 heures de travail par an. Cette définition ne
correspond pas à une annualisation du temps de travail, mais doit
constituer une référence, plus proche du mode d'organisation du
travail dans le secteur hospitalier. Son utilisation par la direction des
hôpitaux a cependant inquiété les syndicats fermement
opposés à l'annualisation du temps de travail.
•
L'absence de base légale du passage aux 35 heures pour
les personnels de nuit
Le passage de 39 heures à 35 heures pour les personnels de nuit a
été mis en place dans le cadre des accords Durieux, sans base
juridique véritable. Il est donc impossible d'opposer cette règle
aux établissements qui ne l'appliquent pas.
•
L'absence de définition légale du temps de
travail effectif
La durée du travail effectif doit être considérée
comme excluant toutes pauses, notamment la pause repas, aux termes de
l'ordonnance de 1982 précitée. La définition du temps de
travail, plus précise, fixée par la loi d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de travail du
13 juin 1998
160(
*
)
poserait
problème si elle devait être appliquée aux personnels
hospitaliers. Selon cette loi, un agent prenant son repas dans
l'établissement de santé ne pourrait pas être
considéré comme ne travaillant pas. Alors qu'un agent
déjeunant à l'extérieur de l'établissement
prendrait une pause. Des agents ayant le même statut de fonctionnaire
dans un même établissement n'auraient donc pas à accomplir
la même durée de travail.
•
La multiplication des modes de calcul des congés
payés source de disparité entre les agents
Le mode de calcul des congés payés est complexe et source
d'inégalités entre les agents hospitaliers. Les différents
textes applicables utilisent tour à tour la notion de jours
ouvrés ou de jours ouvrables pour définir le mode de calcul des
jours de congé. De plus le calcul des congés s'effectue en jours
et non en heures (sauf pour les agents travaillant à temps partiel).
Cette confusion peut permettre à un agent d'obtenir 20 jours de
congé supplémentaires par un fractionnement judicieux de sa
période de congé.
•
L'absence de réglementation des astreintes à
domicile
Aucun décret d'application de la loi du 16 décembre 1996 qui
définit les conditions de l'astreinte à domicile n'a
été pris.
Les établissements déterminent
eux-mêmes les modalités de l'astreinte et de sa compensation
(récupération et ou compensation financière), alimentant
le sentiment d'inégalité entre les fonctionnaires.
•
La non-transposition de la directive européenne
relative au temps de travail
La transposition de la directive du 23 novembre 1993 permettrait d'introduire
une plus grande souplesse dans l'organisation du travail des agents
hospitaliers en réduisant la durée du repos obligatoire entre
deux prises de poste à 11 heures. Elle soulève cependant
certaines difficultés. La directive prévoit en effet une pause
obligatoire après 6 heures de travail consécutives, ce qui
aurait pour effet de réduire la durée du travail effectif. Elle
définit avec précision le travail de nuit, comblant ainsi une
lacune du droit français. Cependant, limitant la durée du travail
à 8 heures par nuit, elle aurait un très fort impact sur
l'organisation du travail dans le secteur hospitalier qui prévoit une
durée de travail de nuit de 10 heures. De même, elle dispose
que tout agent de jour travaillant une seule nuit doit se voir appliquer la
réduction du temps de travail au prorata des 35 heures.
Son application avant le passage aux 35 heures dans la fonction publique
hospitalière serait donc source de dysfonctionnements importants.