B. DEPUIS DEUX ANS LA FRANCE FAIT MOINS BIEN QUE SES PARTENAIRES EUROPÉENS EN TERMES DE CRÉATION D'EMPLOIS
1. Seule la croissance permet d'expliquer la baisse du chômage en France
Entre la
mi-97 et la mi-99,
l'emploi salarié marchand non agricole
s'est
accru de 560.400 (+ 4,2 %). Ce chiffre recouvre :
- une forte augmentation dans les services et commerces (+ 569.800,
soit + 6,9 %) ;
- une légère réduction dans le BTP (- 6.500,
soit - 0,6 %) ;
- une quasi-stabilité dans l'industrie (- 2.900, soit
- 0,08 %).
La forte progression des emplois dans le tertiaire s'explique en partie par
celle du recours à l'intérim (activité affectée par
convention à ce secteur), alors que 70 % de ces contrats
correspondent à des emplois dans l'industrie et le BTP.
Ces 560.000 emplois salariés créés ne comptent
aucun emploi-jeune, les entreprises n'étant pas éligibles au
dispositif.
L'OFCE
estime les effets possibles sur l'emploi du projet de loi
entre 0 et
640.000 emplois
Votre
rapporteur a auditionné MM. Jean-Paul Fitoussi
73(
*
)
, Eric Heyer et Xavier Timbeau le
mercredi 22 septembre 1999.
En réponse au rapporteur qui lui demandait pourquoi l'OFCE avait
calculé les effets possibles
74(
*
)
sur l'emploi du projet de loi sans
présenter une estimation précise, M. Jean-Paul Fitoussi a
déclaré que la complexité de la réalité se
révélait à mesure que la loi se précisait. Il a
souligné que cette étude ne contredisait pas les
précédentes, en précisant seulement que celles-ci avaient
été réalisées en fonction d'hypothèses
prédéterminées alors que dans la réalité les
paramètres dépendront de l'attitude plus ou moins
coopérative des différents acteurs.
Il a considéré que les dispositions essentielles du projet de loi
étaient le taux de rémunération des heures
supplémentaires, le régime des aides, le SMIC, les conditions
appliquées au travail à temps partiel et les modalités de
décompte du temps de travail.
M. Jean-Paul Fitoussi a déclaré que le recours à
l'incitation financière pour inciter à l'obéissance
à une loi relevait d'une démarche inhabituelle.
Il a souligné la nécessité de clarifier l'articulation
entre l'UNEDIC et l'Etat dans l'organisation du financement des
allégements de charges ainsi que celle de simplifier les dispositions
relatives au régime des heures supplémentaires et au SMIC. Il a
estimé qu'à l'avenir la définition du travail effectif
devrait être faite de plus en plus au niveau de l'entreprise.
Evoquant la question de l'effet d'aubaine, évalué à 12,5 %
par le Gouvernement,
M. Xavier Timbeau a déclaré que ce
travail de comparaison effectué par les services du ministère de
l'emploi pouvait être contesté sur le fondement que
l'échantillon étudié comprenait beaucoup d'entreprises
appliquant un accord " Robien " sans rapport avec la loi du
13 juin 1998
. Il a considéré par ailleurs que de
nombreux accords signés restaient fragiles et que leur bonne application
dépendrait des salariés.
Evoquant les créations d'emplois élevées depuis deux ans,
M. Jean-Paul Fitoussi a considéré que la France était
le pays d'Europe qui avait le plus bénéficié de la monnaie
unique, à travers une baisse des taux d'intérêt
réels de quatre points.
Il a estimé que ces créations
d'emplois correspondaient au surcroît de croissance consécutif
à cette baisse des taux d'intérêt.
Cette dynamique de l'emploi dans l'entreprise tient à la
conjonction
de plusieurs facteurs favorables
, dont essentiellement :
-
une croissance économique plus forte
(soutien
extérieur qui a permis une réactivation de la demande interne)
et plus " riche en emplois "
;
-
l'effet progressif des mesures d'allégements prises dans le
cadre de la loi quinquennale
(allégement des charges sur les bas
salaires, abattement pour l'embauche à temps partiel).
Le dernier bilan du ministère de l'emploi et de la solidarité
fait état de 186.000 embauches effectives au titre des
" emplois-jeunes ", pour 208.000 " postes
créés ", c'est-à-dire correspondant à des
engagements non encore concrétisés. Il s'agit d'embauches
exclusivement dans le secteur non marchand
. Ces embauches ne sont pas
toutes des créations d'emplois, puisque environ
25 %
correspondent en réalité à la transformation de CES ou de
CEC en " emplois-jeunes "
.
Simultanément,
dans le cadre de l'opération " Cap sur
l'avenir ", 780.000 contrats d'apprentissage ou de qualification
ont été conclus par les entreprises avec des jeunes pour les
insérer dans la vie professionnelle. Contrairement aux
" emplois-jeunes ", emplois non marchands à durée
déterminée sans perspective professionnelle à long terme,
il s'agit ici, et pour un coût public trois fois inférieur, d'une
véritable insertion avec une formation adaptée aux besoins des
entreprises, et la perspective d'un emploi qualifié à
durée indéterminée pour plus de la moitié
dès la fin de la formation.
Entre juin 1997 et juillet 1999, le taux de chômage est passé de
12,6 à 11,2 %, soit une baisse de
- 327.000 en
définition BIT
(- 367.100 demandeurs d'emplois de
catégorie I selon les définitions ANPE). A noter, dans le
même temps, une accélération des inscriptions à
l'ANPE dans les autres catégories (environ 10 % du total) qui ne
recherchent pas un emploi à durée indéterminée et
à temps plein ou qui ne sont pas immédiatement disponibles, et
qui ne sont pas prises en compte dans la statistique courante des demandeurs
d'emploi.
Cette baisse du chômage résulte évidemment de
l'amélioration conjoncturelle
qui a permis la reprise des
embauches. Elle tient également à
l'intensification des
radiations administratives qui ont quasiment doublé en deux ans
(15
à 17.000/mois au printemps 1999, contre 7 à 9.000 au printemps
1997) : elles représentent actuellement un peu plus de 5 % des
sorties de l'ANPE, contre 2,8 % en juin 1997...
La baisse du taux de chômage en France (- 1,4 point en deux
ans) se situe dans une
situation médiane dans l'Union
européenne
. Les pays où la baisse a été moins
forte connaissent un niveau de chômage plus bas, sauf l'Italie, dans la
plupart des cas 2 à 3 fois inférieur au taux
français. C'est également le cas pour les pays où la
baisse a été plus marquée qu'en France, sauf l'Espagne.
Selon les statistiques d'Eurostat, le taux de chômage harmonisé a
évolué comme suit entre juin 1997 et juin 1999.
Taux de chômage standardisé
|
JUIN 97 |
JUIN 99 |
Evolution en points |
Evolution en % |
ESPAGNE |
21,0 |
16,1 |
- 4,9 |
- 23,3 |
SUÈDE |
10,4 |
7,0 |
- 3,4 |
- 32,7 |
IRLANDE |
10,1 |
6,7 |
- 3,4 |
- 33,7 |
FINLANDE |
12,6 |
10,0 |
- 2,6 |
- 20,6 |
PORTUGAL |
6,9 |
4,6 |
- 2,3 |
- 33,3 |
PAYS-BAS (1) |
5,5 |
3,3 |
- 2,2 |
- 40,0 |
FRANCE |
12,5 |
11,1 |
- 1,4 |
- 11,2 |
ROYAUME-UNI (2) |
7,3 |
6,2 |
- 1,1 |
- 15,1 |
DANEMARK |
5,5 |
4,5 |
- 1,0 |
- 18,2 |
ALLEMAGNE |
9,9 |
9,1 |
- 0,8 |
- 8,1 |
BELGIQUE |
9,5 |
9,0 |
- 0,5 |
- 5,3 |
AUTRICHE |
4,5 |
4,3 |
- 0,2 |
- 4,4 |
ITALIE (2) |
12,1 |
12,0 |
- 0,1 |
- 0,8 |
LUXEMBOURG |
2,6 |
2,8 |
0,2 |
7,7 |
ETATS-UNIS |
5,0 |
4,3 |
- 0,7 |
- 14,0 |
JAPON |
3,4 |
4,8 |
1,4 |
41,2 |
(1)
Mai 1999
(2)
Avril 1999.
Source : EUROSTAT (News Release, n° 78/79, 10 août 1999)