Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord avec la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière
MASSON (Paul)
RAPPORT 381 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- I. LES ENJEUX DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE AUX FRONTIÈRES INTÉRIEURES DE L'ESPACE SCHENGEN
- II. L'ITALIE FACE À SES RESPONSABILITÉS
- III. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION AVEC LA FRANCE
- IV. UN ACCORD DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE DEVENU INDISPENSABLE
- V. UN NOUVEL ACCORD DE RÉADMISSION PLUS EFFICACE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT55 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N°
381
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mai 1999
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Affaires étrangères, de la défense et
des forces armées (1), sur :
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la
République italienne
relatif à la
coopération transfrontalière en matière
policière et douanière
;
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
autorisant la ratification d'un accord entre la République
française et la
République italienne
relatif
à la
réadmission des personnes en situation
irrégulière
.
Par M.
Paul MASSON,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir les numéros
:
Sénat
:
162
et
357
(1998-1999).
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
773
,
1519
et T.A.
303
.
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Lors du Sommet de Chambéry, le 3 octobre 1997, la France et l'Italie ont
signé deux accords :
- un accord de coopération transfrontalière en matière
policière et douanière ;
- un accord relatif à la réadmission des personnes en situation
irrégulière.
La signature de ces deux accords coïncide à, quelques jours
près, à l'intégration effective de l'Italie au sein de
l'espace Schengen.
Cette coïncidence n'est évidemment pas le fait du hasard.
Les deux présents accords trouvent leur
fondement
dans la
convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990.
La convention d'application, il convient de le rappeler, a défini les
conditions d'application de l'accord de Schengen signé le 14 juin 1985
par lequel la France, l'Allemagne et les pays du Bénélux
souscrivaient à l'objectif de suppression progressive des
contrôles aux frontières communes.
Au noyau initial des Etats fondateurs ont souhaité se joindre l'Italie
(27 novembre 1990), l'Espagne et le Portugal (25 juin 1991), la Grèce (6
novembre 1992), l'Autriche (28 avril 1995) et enfin le Danemark, la Finlande et
la Suède (19 décembre 1996).
1. Le cadre général des accords : les nouvelles
conditions de contrôle aux frontières liées à la
mise en place de l'espace Schengen
Pour comprendre le sens et la portée des présents accords, il
faut revenir sur la logique qui commande la surveillance des frontières
nationales après la mise en vigueur effective de la convention
d'application de l'accord de Schengen.
Cette logique repose sur un double principe :
- la suppression des contrôles fixes aux frontières communes des
Etats signataires des accords de Schengen ;
- le report des contrôles aux frontières entre les Etats-membres
des accords de Schengen et les Etats tiers.
Du premier principe découle la notion de
frontière
intérieure
. Du second, celle de
frontière
extérieure
.
Il faut s'arrêter un instant sur ces
deux principes constitutifs de
l'espace Schengen
.
La
suppression progressive des contrôles aux frontières
intérieures
ne doit en aucune manière affaiblir la
sécurité des Etats. C'est pourquoi elle suppose un renforcement
de la coopération policière et judiciaire. Ce renforcement
procède d'abord des
règles communes
aux Etats membres en
matière de lutte contre la criminalité que la convention
d'application a été la première à édicter.
Il s'agit principalement de l'observation transfrontalière et de la
procédure de poursuite transfrontalière sur laquelle votre
rapporteur reviendra. Il faut également mentionner le système
d'information Schengen (SIS) implanté à Strasbourg et
destiné à favoriser l'échange d'informations concernant
notamment les étrangers devant faire l'objet d'un refus d'admission ou
les personnes recherchées dans le cadre de procédures judiciaires.
Le renforcement de la coopération peut également procéder
comme le prévoit très explicitement l'
article
31
de
la convention d'application d'" arrangements " entre les Etats
signataires relatifs à leurs régions frontalières ou
d' " accords bilatéraux " entre les parties contractantes
ayant une frontière commune.
Les
deux présents accords
signés entre la France et
l'Italie s'inscrivent précisément dans le
cadre fixé
à l'article 39
.
Le report des contrôles aux frontières extérieures des
Etats signataires des accords de l'espace Schengen représente
également un facteur de changement important par rapport au
système antérieur.
En effet, la surveillance aux frontières extérieures ne met pas
seulement en jeu la sécurité des seuls pays membres de l'espace
Schengen dont une partie du territoire touche à des Etats tiers, mais
aussi la sécurité et les intérêts de l'
ensemble
de cet espace
. Ainsi, la façon dont l'Italie exerce ses
contrôles aux frontières extérieures intéresse
directement ses voisins et notamment la France de même que les moyens mis
en oeuvre par notre pays pour assurer la surveillance de ses frontières
avec des Etats tiers engage sa responsabilité vis-à-vis de
l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen.
Les accords de Schengen, parce qu'ils élargissent à un ensemble
d'Etats -l'espace Schengen- les responsabilités exercées
auparavant dans le souci exclusif de la sécurité nationale
doivent générer -et votre rapporteur a souvent insisté sur
cette nécessité- de
nouveaux accords
sur une base
bilatérale :
- les premiers entre les Etats Schengen pour renforcer la coopération
aux frontières intérieures de l'espace Schengen ;
- les seconds signés avec des Etats tiers pour renforcer la
sécurité aux frontières extérieures.
2. Un cadre renouvelé : l'intégration des accords de
Schengen à l'Union européenne
Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1
er
mai
dernier, a procédé à l'intégration de
l' " acquis de Schengen " -formé de l'ensemble
constitué par les accords fondateurs de Schengen, les accords
d'adhésion ainsi que des décisions et déclarations du
Comité exécutif Schengen- dans le cadre de l'Union
européenne.
Afin de permettre cette intégration, les Quinze devaient définir
à l'unanimité la " base juridique " pour chacune des
dispositions ou des décisions qui constituent l'acquis de Schengen. En
d'autres termes, il leur fallait préciser quelle
procédure de
décision
prévaudrait désormais pour l'application des
règles fixées par les accords de Schengen :
- le rattachement au traité sur l'Union européenne (titre VI
" Justice et affaires intérieures ") permettait le maintien de
la
procédure intergouvernementale
classique (décision
à l'unanimité des Etats membres) ;
- le rattachement au traité sur la Communauté européenne
entraînait l'application de la
procédure communautaire
-initiative de la Commission européenne, application, sous certaines
conditions, du vote à la majorité qualifiée au sein du
Conseil des ministres, codécision du Parlement européen,
juridiction de la Cour de justice des Communautés européennes.
Dans la mesure où, par ailleurs, le traité d'Amsterdam a
transféré dans le traité communautaire (" premier
pilier " de l'Union européenne), les dispositions relatives
à la
libre circulation des personnes, à l'asile et à
l'immigration
relevant précédemment du titre VI de l'Union
européenne, il était inscrit dans la logique induite par le
traité d'Amsterdam qu'une partie importante de l'acquis de Schengen
serait rattachée au volet communautaire.
Ainsi le Conseil " Affaires générales " du 26 avril
dernier a procédé à la répartition de l'acquis de
Schengen sans toutefois s'accorder sur la définition de la base
juridique du système d'information Schengen qui, " par
défaut ", reste rattaché au troisième pilier. En
revanche, la clause de sauvegarde prévue à l'article 2 de la
convention de Schengen a été transférée au pilier
communautaire malgré tous les inconvénients -que votre rapporteur
a déjà eu l'occasion de souligner
1(
*
)
- d'une telle formule.
Le dispositif initial fixé par les accords de Schengen apparaît
ainsi, après la ratification du traité d'Amsterdam,
profondément renouvelé :
- le comité exécutif Schengen, instance de décision
créée par les accords de Schengen laisse désormais la
place au Conseil des ministres de l'Union européenne ;
- s'agissant des dispositions de l'acquis de Schengen rattachées au
traité communautaire, la
Commission européenne
apparaît comme un nouvel intervenant dans le processus de décision
Schengen dans la mesure où elle dispose d'
ores et
déjà
de la
capacité d'initiative
-même si
dans le cadre du nouveau titre IV, relatif à la libre circulation des
personnes, du traité sur la Communauté européenne, la
procédure de décision communautaire est
aménagée : initiative partagée de la Commission et
des Etats membres puis, au terme d'un délai de 5 ans, exclusivité
de l'initiative de la Commission et, si le Conseil en décide ainsi
à l'unanimité, application du vote à la majorité
qualifiée et codécision du Parlement européen.
Tel est le cadre général dans lequel doivent se comprendre les
deux accords soumis à l'examen du Sénat.
Votre rapporteur évoquera d'abord les principaux enjeux de la
coopération policière aux frontières intérieures de
l'espace Schengen avant d'analyser la situation particulière de l'Italie
au regard du problème de l'immigration.
Il analysera ensuite l'accord de coopération transfrontalière
ainsi que l'accord de réadmission signés entre nos deux
pays.
I. LES ENJEUX DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE AUX FRONTIÈRES INTÉRIEURES DE L'ESPACE SCHENGEN
Votre
rapporteur avait déjà souligné dans un rapport
élaboré à la demande du Gouvernement, en 1996, le
décalage
entre l'
empressement
manifesté par le
Comité exécutif pour procéder au
démantèlement des infrastructures frontalières
et
la lente
mise en place
de la coopération transfrontalière,
pourtant indispensable.
En premier lieu, les règles communes posées par la convention
d'application de l'accord de Schengen ont connu une
application trop
limitée
.
La convention avait notamment rendu possible es déplacements des
représentants des forces de police d'un territoire à l'autre dans
deux hypothèses :
- l'
observation transfrontalière
en cas de filature concernant
les enquêtes sur des infractions se prolongeant d'un territoire à
l'autre (la procédure normale requiert alors une demande d'entraide
judiciaire, sauf en cas d'urgence) ;
- la poursuite transfrontalière s'applique aux cas de flagrant
délit concernant des faits graves limitativement
énumérés par la convention et permet à la police
poursuivante de pénétrer sans autorisation par les
frontières terrestres sur le territoire d'un autre Etat afin
d'éviter que le malfaiteur ne s'échappe.
La convention de Schengen a permis aux Etats de choisir entre les diverses
modalités d'exercice de la poursuite sur leur territoire. Ainsi la
France, pour sa part, a précisé dans une déclaration faite
au moment de la signature de la convention, que les agents de la police
étrangère poursuivante ne pourront procéder
eux-mêmes à l'arrestation mais devront passer le relais à
la police française qui seule dispose de ce pouvoir.
Les procédures mises en place par la convention de Schengen sont
rarement mises en oeuvre. Ainsi même entre deux pays comme la France et
l'Allemagne dont la coopération en matière policière peut
se prévaloir d'une certaine ancienneté, on compte 12
opérations d'observation transfrontalière en 1998 (4 de la France
vers l'Allemagne, 8 de l'Allemagne vers la France) et 5 poursuites
transfrontalières (3 de la France vers l'Allemagne et 2 de l'Allemagne
vers la France). L'application de ces mesures se heurte en effet à des
difficultés matérielles (incompatibilité des moyens de
transmission) mais aussi à la méconnaissance des textes en
vigueur. C'est ainsi que plusieurs observations en urgence ont dû
être interrompues en raison de la qualité de simple témoin
de la personne surveillée, alors que la mise en oeuvre du droit
d'observation est réservée aux auteurs ou complices des faits
délictueux. De même, les forces de police ne connaissent pas
toujours avec précision les infractions qui peuvent justifier l'exercice
du droit de poursuite et s'abstiennent dès lors de recourir à cet
instrument.
En second lieu, d'abord entraînés par l'objectif symboliquement
fort de la libre circulation des personnes, les Etats Schengen ont quelque peu
tardé à négocier et signer, sur une base
bilatérale, les
accords de coopération
transfrontalière
prévus à l'article 39 de la
convention de Schengen.
Depuis lors, les positons des Etats membres de l'espace Schengen se sont
rapprochées autour d'un double principe :
- la suppression des contrôles fixes ne doit pas entraîner
l'abolition de toute surveillance : à la notion de contrôle
linéaire sur la frontière doit se substituer la notion de
contrôle en profondeur sur une bande intermédiaire de part et
d'autre de la frontière ;
- l'efficacité de la surveillance dans cet espace élargi
dépend pour une large part de la concertation bilatérale
engagée notamment sur la base du plan de surveillance commun.
La nouvelle génération des accords de coopération
transfrontalière doit beaucoup à cette prise de conscience des
Etats Schengen. En instituant des
commissariats communs
dotés de
compétences accrues par rapport aux structures existantes et en
précisant les modalités de la coopération directe, ils
favorisent la sécurité intérieure de l'espace Schengen.
Il faut également observer que ces accords, parce qu'ils constituent le
premier jalon dans l'élaboration d'une culture commune aux forces de
police des Etats frontaliers, doivent aussi permettre une application plus
large des instruments prévus par la convention d'application de l'accord
de Schengen -l'observation et la poursuite transfrontalière
notamment.
II. L'ITALIE FACE À SES RESPONSABILITÉS
Si
l'Italie a signé la convention d'application de l'accord de Schengen le
27 novembre 1990, elle n'a effectivement intégré l'espace
Schengen que sept ans après. Cette intégration s'est faite en
deux temps avec la
levée des contrôles aux frontières
aériennes le 26 octobre 1997 et la levée des contrôles aux
frontières terrestres le 1
er
avril 1998
.
Il convient en effet de rappeler que la signature de la convention de Schengen
ne vaut pas, à elle seule, intégration au sein de l'espace
Schengen. Il faut, d'une part, que la nouvelle adhésion ait
été ratifiée par l'ensemble des États
membres ; il faut ensuite que la situation des pays
intéressés réponde aux critères fixés par la
convention du 19 juin 1990. C'est ainsi une décision du Comité
exécutif -aujourd'hui le Conseil des ministres de l'Union
européenne- qui se prononce en dernière instance sur la
mise
en vigueur effective de la convention
.
A la suite des constats encourageants d'une Commission de visite qui s'est
rendue en Italie du 24 au 26 février 1997 aux frontières
extérieures italiennes pour y recueillir des informations relatives
à l'organisation générale des contrôles et aux
moyens mis en oeuvre, le Comité exécutif de Vienne du
7 octobre 1997 a confirmé application effective de la convention de
Schengen pour l'Italie à compter du 26 octobre 1997.
Ce pays a, en effet, accompli des progrès pour renforcer son dispositif
de surveillance et adapter son appareil législatif.
L'Italie est désormais comptable vis-à-vis de ses partenaires
non seulement de la surveillance à ses frontière mais aussi de la
façon dont elle traite le problème de l'immigration
clandestine
.
Or la position adoptée par l'Italie dans ce domaine s'est
caractérisée par un certain
laxisme
lié, d'une
part, à la difficulté d'assurer des contrôles sur
près de
8 000 km
de frontières maritimes
et
à une
attitude réceptive vis-à-vis de l'immigration
.
Il ne faut jamais l'oublier, en effet, longtemps marquée par une
tradition d'émigration,
l'Italie n'est devenue terre
d'immigration qu'au cours des deux dernières décennies. Du reste,
jusqu'à une date récente, l'Italie se trouvait, vis-à-vis
de l'immigration, dans un vide juridique relatif car l'unique texte
législatif de référence, la loi Martelli de 1989,
présentait une souplesse excessive (il laissait en particulier aux
immigrés clandestins interpellés un délai de deux semaines
pour quitter le territoire quelle que soit par ailleurs leur destination). En
outre, il n'était guère appliqué. Si le mécanisme
de refoulement à la frontière fonctionnait correctement
(54 000 personnes en 1996), le taux d'application des décisions
d'expulsion demeurait modeste (14 % en 1996) et a même tendu
à décroître au cours des dernières années
(7 417 expulsions réalisées sur 56 015 en 1995,
5 059 sur 34 520 en 1996).
La mauvaise application du dispositif législatif ainsi que la faiblesse
des contrôles policiers et douaniers aux frontières notamment
maritimes (littoral des Pouilles, Sicile, îles de Lampedusa et
Pantelleria) expliquent
l'augmentation de l'immigration clandestine
évaluée aujourd'hui à au moins 800 000 personnes.
Désireuse d'intégrer l'espace Schengen et de surmonter les
réticences des autres Etats signataires, l'Italie a adopté en
février 1998 une
nouvelle loi-cadre en matière
d'immigration
.
Ce texte s'articule autour de quatre points principaux :
- programmation de la politique migratoire (un décret fixe chaque
année les quotas maximum des étrangers pouvant être admis
sur le territoire, pour des raisons de travail) ;
- redéfinition des conditions d'entrée et de séjour ;
- durcissement des disposition en matière de refoulements et
d'expulsions ;
- renforcement parallèle des droits des étrangers en situation
régulière (droit au regroupement familial, au travail, aux
études, à l'assistance sociale, aux prestations sociales et au
logement public...), la loi mentionne également le principe de la
participation passive et active à la vie publique locale.
Les textes d'application sont actuellement en cours de promulgation. Depuis
l'entrée en vigueur de la loi, 15 000 ressortissants
extra-communautaires ont fait l'objet de mesures d'éloignement. Un
projet de décret, actuellement à l'examen parlementaire,
prévoit la délivrance de 38 000 permis de séjour
d'ici le 31 décembre 1998, pour motifs de travail ou pour regroupement
familial.
Il faut également noter que la nouvelle loi s'est accompagnée
d'une réorganisation administrative
avec la création, au
1
er
juillet 1998, d'un service immigration et police de
frontière qui regroupe dans une structure unique de la direction de la
sécurité publique, l'ancienne division de la frontière et
celle des étrangers.
Toutefois, la poursuite des vastes
mouvements de régularisation des
étrangers en situation irrégulière
par le Gouvernement
italien ne laisse pas d'inquiéter sur la réalité d'un
véritable tournant dans la position adoptée par l'Italie
vis-à-vis de l'immigration.
Ainsi, la
politique de régularisation des étrangers
mise
en place entre le 2 novembre et le 15 décembre 1998 par le gouvernement
italien, a conduit à l'enregistrement de 312 410 demandes dans les
préfectures et le dépôt de 88 228 dossiers. Le
Gouvernement italien avait fixé préalablement un quota de 38 000
étrangers régularisables -toutefois les personnes remplissant les
conditions requises pour la régularisation mais dépassant le
quota sont autorisées à séjourner en Italie sans aucune
règle prédéfinie.
Ainsi, au rythme des régularisations successives, la population
étrangère a cru de 50 à 65 000 personnes par an pour
s'établir au 31 décembre 1997 à
1 240 271
ressortissants étrangers
. Les principales communautés
représentées réunissent les Marocains (10,5 %), les
Albanais (6,7 %) et les Philippins (5 %).
Mais en janvier dernier, sans réelle concertation avec ses partenaires
de l'espace Schengen, l'Italie annonçait un nouveau
mouvement de
régularisation pour 250 000 immigrés clandestins
.
Les ambiguïtés de la position italienne en matière
d'immigration suscitent une inquiétude d'autant plus vive que le pays
reste soumis à une
pression migratoire très forte
provenant de la zone balkanique (Kosovo et Albanie) mais aussi du Maghreb et en
particulier de la Tunisie.
Dans ce contexte, le renforcement de la coopération policière
entre nos deux pays apparaît indispensable.
III. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION AVEC LA FRANCE
La
différence de culture
de la France et de l'Italie
vis-à-vis de l'immigration représente une
source de
difficultés
dans la mise en place d'une coopération entre nos
deux pays.
Par ailleurs, la dispersion des responsabilités dans le domaine de la
sécurité intérieure en Italie constitue un handicap
certain pour une meilleure coopération. Ainsi, la police des
frontières italienne n'a pas, en matière de lutte contre
l'immigration clandestine, de compétence judiciaire. C'est pourquoi
d'ailleurs, l'officier de liaison en poste à Rome depuis 1992
auprès de la direction générale de la police des
frontières a dû nouer des relations avec la police judiciaire
italienne et la police de prévention. Du reste, cette collaboration a
connu des résultats encourageants et permis notamment, en
décembre 1997, le démantèlement d'une importante
filière d'immigration kurde (16 personnes interpellées au total
-7 en France et 9 en Italie dans le secteur de Vintimille).
Enfin, certaines divergences demeurent entre nos deux pays sur les
conditions d'application des contrôles
. Ainsi, comme l'ont
souligné les incidents de Vintimille en avril et en septembre
1998
2(
*
)
, les services italiens du
ministère de l'Intérieur ont estimé que
l'intégration de l'Italie à l'espace Schengen rendait
désormais inutiles les contrôles opérés par la
douane française sur une portion du territoire italien -contrôles
opérés jusqu'alors sur le tronçon entre le milieu du
tunnel et le point frontière sur la base d'une convention de 1963
créant les bureaux à contrôles nationaux juxtaposés
(BCNJ). Dans un souci d'apaisement, le directeur régional des douanes de
Nice a décidé de suspendre les contrôles. Il n'en reste pas
moins que ces contrôles, même s'ils doivent être
aménagés pour tenir compte de la convention de Schengen, ont
conservé toute leur pertinence.
La situation créée à Vintimille ne pouvait que servir les
intérêts des trafiquants toujours prompts à tirer parti
d'une mauvaise coordination des services de sécurité.
A la suite d'une réunion tenue à Rome au début de cette
année, les responsables des services concernés, Français
et Italiens sont toutefois convenus comme le proposait notre pays de maintenir
le principe de contrôle juxtaposé sur le fondement de la
convention de 1963.
*
Le sommet de Chambéry d'octobre 1997 a constitué une étape très utile dans l'indispensable rapprochement entre nos deux pays en permettant la signature d'un accord de coopération transfrontalière et d'un accord de réadmission dont votre rapporteur va présenter maintenant le dispositif.
IV. UN ACCORD DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE DEVENU INDISPENSABLE
Avant la
signature de l'accord de Chambéry, il n'existait pas de convention
générale de coopération transfrontalière mais
seulement des accords spécialisés telle la convention du 7 mai
1862 relative aux gares internationales de Modane et de Vintimille,
modifiée par la convention du 11 mars 1963 relative aux bureaux
à contrôle nationaux juxtaposés et aux contrôles en
cours de route. Cette dernière convention avait permis la mise en place
du
bureau à contrôles nationaux juxtaposés
(BCNJ)
à Vintimille situé en territoire italien mais soumis à la
double souveraineté pour permettre des contrôles policiers et
douaniers.
Votre rapporteur a déjà évoqué les
différences d'approche entre les deux parties sur le maintien des
contrôles douaniers dans les conditions prévues par la convention
de 1963. Toutefois, le nouvel accord de coopération
transfrontalière permet de
préserver l'application de
contrôles douaniers aux frontières
.
En effet, d'une part, ce texte institue des centres de coopération
policière et douanière au sein desquels les agents des
différents services des deux parties échangent des renseignements
et participent à la coordination de mesures conjointes de surveillance.
Deux centres prendront ainsi la suite des commissariats communs de
Vintimille et de celui, récemment créé, de Modane. Ces
centres cnstituent des instances de coopération dont la vocation
s'étend à l'ensemble des questions pouvant intéresser la
police des deux Etats. Il ne se confondent pas avec les BCNJ dont la mission
est très spécialisée et se limite, dans certaines
conditions, au contrôle des marchandises à partir d'un poste fixe.
Les deux structures pourront dès lors coexister comme l'avait d'ailleurs
souhaité les douanes des deux pays.
D'autre part, l'accord fournit le cadre d'une coopération directe entre
les unités opérationnelles des deux parties, basée en
particulier sur l'échange d'officiers de liaison.
L'accord s'appuie en fait sur le modèle d'une convention
transfrontalière, policière et douanière établi en
1996 dans le cadre du comité de coordination de la politique
européenne de sécurité intérieure.
A. L'INSTITUTION DE CENTRES DE COOPÉRATION POLICIÈRE ET DOUANIÈRE
•
L'organisation du centre de coopération policière et
douanière
.
L'article 4 fixe trois principes :
- les centres de coopération sont installés à
proximité de la frontière commune (l'article 5 fixe
l'implantation de ces centres à Vintimille et à Modane tout en
prévoyant qu'un protocole additionnel peut modifier le nombre et/ou la
localisation de ces centres) ;
- les moyens techniques et logistiques nécessaires au fonctionnement des
centres de coopération sont fixés de concert par les deux
parties ;
- les frais de construction et d'entretien éventuels de ces centres sont
pris en charge à parité par les deux Etats signataires.
•
Le rôle du centre de coopération
Les personnels affectés au centre de coopération exercent une
double mission :
- un
rôle d'information
d'abord ; en effet, en vertu de
l'article 6 de l'accord, ils fournissent aux services nationaux chargés
des missions de police et de douane, les informations utiles pour lutter plus
efficacement contre la criminalité, notamment dans le domaine de
l'immigration irrégulière et des trafics illicites ;
- un
rôle opérationnel
, ensuite, dans la mesure où
les agents des centres peuvent apporter à la demande des services
nationaux compétents, l'assistance nécessaire (remise des
personnes en situation irrégulière, participation à des
opérations d'observation et de poursuite transfrontalières,
coordination des mesures conjointes de surveillance dans les zones
frontalières respectives).
.
La composition des centres de coopération
S'il ne détermine pas les modalités d'affectation des personnels
au sein des centres, l'article 9 pose trois principes :
- la nécessité -qui fait la raison d'être des centres- d'un
travail en équipe
des agents et de l'échange
d'informations ;
- l'obligation pour chaque partie d'
informer
l'autre partie de la liste
des personnes affectées au centre de coopération et des
modifications éventuelles concernant ces agents ;
- l'
assimilation
des agents situés sur le territoire de l'autre
partie aux agents de cette dernière au regard de la protection qui leur
est due et du régime de responsabilités qui leur est
appliqué. Les agents intéressés peuvent effectuer leur
service en conservant leur uniforme national.
Les centres de coopération prendront en fait la suite des commissariats
communs de Vintimille et de Modane.
Structure implantée dans l'enceinte de la gare de Vintimille, le
Commissariat commun, futur centre de coopération policière et
douanière (CCPD), a été mis en place le 26 juin 1990. Cet
organisme permet l'échange de renseignements opérationnels en
matière de lutte contre l'immigration clandestine et de
délinquance transfrontalière. Il contribue à l'information
de l'ensemble des services de police et de gendarmerie et permet d'entretenir
des contacts avec divers services de police étrangers au plan
européen.
Depuis sa création, le Commissariat commun a connu un
développement constant pour parvenir en 1998, à un échange
d'informations portant sur le traitement de plus de 13 000 dossiers.
Parallèlement à cette activité, il est constamment
sollicité pour le traitement et la gestion des demandes de
réadmission vers l'Italie provenant de l'ensemble de l'hexagone. Dix
fonctionnaires de la police aux frontières (ex-Diccilec - Direction
centrale de la lutte contre l'immigration irrégulière et l'emploi
des clandestins) y sont affectés, répartis sur quatre bureaux
dont un bureau commun franco-italien rassemblant les équipements
informatiques des fichiers de recherche français et italiens.
Grâce à la transformation de cette structure en CCPD après
la ratification du présent accord, les agents pourront aller
au-delà de l'échange d'informations et préparer des
opérations communes
.
La structure et le fonctionnement du commissariat commun de Modane,
créé en octobre 1997, sont similaires à celui de
Vintimille. Il comprend, pour la police aux frontières (PAF), un
commandant de police et trois gardiens de la paix, la police italienne ayant
adopté le même dispositif. Au 1
er
décembre 1998,
la Gendarmerie nationale a débuté son installation, comprenant un
capitaine et deux gendarmes.
B. L'ORGANISATION DE LA COOPÉRATION DIRECTE ENTRE LES ZONES FRONTALIÈRES
•
Les objectifs
L'article 12 de l'accord fixe aux unités compétentes en
matière de police et de douane dans les régimes frontaliers un
double objectif :
- la coordination des actions communes pour lutter contre la délinquance
frontalière et prévenir les menaces à l'ordre public ;
- l'échange d'informations en matière policière et
douanière.
•
Les fonctionnaires de liaison
L'article 13 ouvre aux Etats signataires la possibilité de
détacher auprès de chaque partie un ou plusieurs fonctionnaires
de liaison. Il fixe dans cette perspective trois principes :
- l'acte de détachement destiné notamment à
préciser les missions du fonctionnaire intéressé doit
faire l'objet d'un accord de l'autre partie ;
- l'acte de détachement peut prévoir que le fonctionnaire de
liaison porte son uniforme national ainsi que les armes réglementaires
(aux seules fins de garantir sa légitime défense) pour effectuer
son service au sein de l'unité de détachement ;
- les fonctionnaires de liaison peuvent être associés à des
enquêtes communes
en accord avec les autorités
compétentes et participer à l'observation de manifestations
publiques susceptibles d'intéresser leurs pays respectifs. Ils n'ont
toutefois pas de compétence pour exécuter personnellement des
mesures de police.
•
L'intensification des contacts
L'article 14 pose le principe de réunions régulières entre
les responsables des unités territoriales afin notamment de
préparer des
séances d'intervention commune
,
d'élaborer en commun des
plans de recherche
, de
programmer des
exercices frontaliers communs
.
En outre, l'article 16 permet la mise à disposition entre les deux
parties d'agents pour une durée inférieure à 48 heures.
L'article 18 rappelle la nécessité d'une formation linguistique
adaptée.
*
Si des
patrouilles et des exercices communs entre la police aux frontières des
Alpes-de-Haute-Provence
et les carabiniers de Pietraporzio ne sont pas
envisagés -la topographie de la région ainsi que le seul
tracé de l'axe transfrontalier ne laissant aucune autre
possibilité de passage pour ce département entre les deux pays
que celui donnant déjà lieu à des contrôles mobiles-
il n'en est pas de même entre les services intéressés des
Alpes-maritimes
et leurs correspondants italiens.
Les uns et les autres se sont accordés en effet sur la
nécessité de renforcer la surveillance de part et d'autre de la
frontière aussi bien dans la " zone filtrante " que sur les
voies de circulation pénétrante (autoroutes, routes, chemins de
fer) et les vecteurs de transport (poids lourds, autobus). La mise en place des
contrôles terrestres coordonnés
selon les constatations
effectuées sur le terrain liées aux itinéraires des
irréguliers est également envisagée. Dans un premier
temps, un fonctionnaire français prendrait place dans un véhicule
de police du pays voisin en qualité d'observateur avec échange de
poste radio portatif pour des liaisons à distance opérationnelle.
De même, s'agissant de la frontière franco-italienne en Savoie des
contrôles routiers conjoints doivent être organisés à
partir de la fin janvier 1999. Des contrôles ferroviaires entre
Bardonneche et Modane ont régulièrement lieu et devraient se
développer avec la participation de la police ferroviaire italienne en
1999.
*
* *
V. UN NOUVEL ACCORD DE RÉADMISSION PLUS EFFICACE
Un
accord de réadmission permet, rappelons-le, sur une base de
réciprocité, le retour de l'étranger en situation
irrégulière sur le territoire de l'Etat partie où il a
d'abord séjourné ou transité.
La présence en France de nombreux clandestins qui sont entrés sur
notre territoire par notre frontière avec l'Italie confère, pour
notre pays, un intérêt évident à la signature d'un
nouvel accord d'admission avec notre voisin.
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
France vers Italie |
650 |
5 812 |
6 292 |
4 091 |
6 762 |
Italie vers France |
284 |
1 772 |
625 |
607 |
289 |
Certes,
la France et l'Italie étaient déjà liés par un
accord de réadmission signé en 1990. Une double raison plaidait
toutefois pour la modification de
l'accord de réadmission
franco-italien du 6 décembre 1990
. En premier lieu, la mise en
vigueur de la convention de Schengen à l'Italie suppose,
conformément aux principes déterminés par le Conseil des
ministres "justice et affaires générales" de l'Union
européenne de novembre 1994,
la réadmission sans limitation
des personnes en situation irrégulière.
Or, l'accord de
réadmission de 1990 prévoyait la réadmission des
ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière dans des
conditions très restrictives. En effet, les personnes dont la
réadmission était sollicitée devaient être soit
présentées aux autorités frontalières de l'Etat
requis
moins de vingt-quatre heures après ce franchissement
, soit
contrôlées à moins de dix kilomètres après
franchissement de cette frontière.
C'est pourquoi, le nouvel accord assouplit les conditions de réadmission.
En second lieu, les dispositions relatives à l'
admission en
transit
des ressortissants d'Etats tiers en vue de leur éloignement
demeuraient insuffisantes et ne permettaient pas toujours, en particulier, de
prévenir les litiges susceptibles d'intervenir lors de ces
opérations, qu'il s'agisse du refus d'embarquement de la personne
à éloigner en transit ou des normes juridiques applicables en cas
d'infraction subie ou commise par les agents d'escorte dans l'exercice de leurs
fonctions.
Dans ce domaine -le transit aérien ou terrestre pour
l'éloignement des ressortissants d'Etats tiers-, l'accord de
réadmission innove par rapport aux accords du même type
déjà conclus.
A. L'ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE RÉADMISSION
•
Le principe de la réadmission
- La réadmission des ressortissants des parties contractantes
La convention pose d'abord le principe de la réadmission des
ressortissants des parties contractantes sur leur territoire, que leur
nationalité soit établie ou présumée (art. premier).
L'accord détermine la liste des documents permettant d'établir la
nationalité des intéressés (certificat de
nationalité, décret de naturalisation, passeport, carte
d'identité) ou de la présumer : documents
périmés destinés à établir la
nationalité, autres documents émanant des autorités
officielles de la partie requise, déclarations de
l'intéressé, dépositions des témoins de bonne
foi... (art. 2).
Lorsque la nationalité est établie ou présumée, il
revient aux autorités consulaires de la partie requise de
délivrer
dès
la réception de la demande de
réadmission, un laissez-passer permettant la réadmission de
l'intéressé (art. 3).
- La réadmission des ressortissants d'Etats tiers
La réadmission des ressortissants d'Etats tiers s'impose lorsqu'il est
établi que l'intéressé est entré sur le territoire
de la partie requérante après avoir
séjourné ou
transité par le territoire de la partie requise
ou lorsqu'il dispose
d'un visa ou d'une autorisation de séjour de la partie requise.
La demande de réadmission doit être formulée dans un
délai de 3 mois à compter de la constatation de la
présence irrégulière du ressortissant d'un Etat tiers. Le
nouveau texte ne retient donc plus la double condition prévue par le
précédent accord (délai de 24 heures pour présenter
le "clandestin" aux autorités frontalières de l'Etat requis ou
contrôle de l'intéressé dans une bande de 10
kilomètres au plus au-delà de la frontière).
Comme c'était le cas pour les ressortissants des deux parties, la charge
financière du transport se partage entre les deux Etats selon la part de
trajet qui s'effectue sur leur territoire.
•
Les exceptions au principe de réadmission des ressortissants
d'Etats tiers.
L'obligation de réadmission ne vaut pas lorsque
l'intéressé se trouve dans l'une des sept hypothèses
envisagées par l'accord :
- il est le ressortissant d'un pays ayant une frontière commune avec la
partie requérante ;
- il a obtenu de la partie requérante un visa ou une autorisation de
séjour ;
- il séjourne depuis plus de six mois sur le territoire de la partie
requérante ;
- il a obtenu de l'Etat requérant le statut de réfugié
(Convention de Genève du 28 juillet 1951) ou d'apatride (Convention
de New York du 28 septembre 1954) ;
- il relève des dispositions de la convention relative à la
détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile
présentée dans l'un des Etats de l'Union européenne,
signée le 15 juin 1990 ;
- il est titulaire d'un titre de séjour ou d'une autorisation de
séjour provisoire en cours de validité délivré par
les autorités de l'un des pays de l'"espace Schengen".
B. UN DISPOSITIF DE TRANSIT AMÉLIORÉ, ÉLÉMENT NOVATEUR DE L'ACCORD
•
La possibilité de faire assurer, par des agents du pays qui a
demandé la réadmission, l'escorte sur le territoire de l'autre
partie
Le texte pose pour principe l'accord de chacune des parties pour permettre
l'entrée et le transit -par voie terrestre ou aérienne- des
ressortissants d'Etats tiers, objets d'une mesure d'éloignement -les
frais de transport liés au retour de l'intéressé à
l'Etat de destination incombent toujours à la partie requérante.
A cet égard, il prévoit plusieurs mesures novatrices.
Les conditions d'escorte de la personne éloignée
L'Etat sollicité pour assurer le transit peut choisir entre trois
options (art. 10-3) :
- il assure directement l'escorte -à charge, alors, pour la partie
requérante, de rembourser les frais correspondants- ;
- il assure l'escorte avec l'assistance de la partie requise ;
- il autorise la partie requérante à assurer elle-même
l'escorte.
Il convient de souligner
deux points
:
- la décision relève de la seule partie requérante
;
- dans l'hypothèse où des agents de la partie requérante
participent ou assurent à eux seuls l'escorte, ils sont placés
sous l'autorité des services compétents de la partie requise ; en
outre, ils accomplissent leur mission
en civil et sans arme
; enfin, le
cas échéant, ils utilisent un véhicule banalisé
(art. 12).
Lorsque l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement ne
peut être escorté, le transit s'effectue obligatoirement par voie
aérienne. Dans ce cas, le transit et l'embarquement sont assurés
par la partie requise. Toutefois, si l'exécution de la mesure
d'éloignement ne peut intervenir dans un délai de 24 heures
à compter de l'arrivée du ressortissant de l'Etat tiers dans
l'aéroport, la partie requérante reprend l'étranger (art.
13).
Le statut des agents d'escorte
Le statut des agents d'escorte appelés à exercer leur mission sur
le territoire présente plusieurs traits significatifs :
- les agents d'escorte de la partie requérante bénéficient
du même traitement que les agents de l'Etat de transit, s'agissant de la
protection qui leur est accordée, des infractions dont ils seraient
victimes ou auteurs, et enfin des régimes de responsabilité
civile et pénale (art. 16) ;
- ils doivent toujours être en mesure de produire l'autorisation de
transit délivrée par l'Etat requis (art. 17) ;
- dans l'hypothèse d'un dommage survenu en service ou à
l'occasion du service, l'indemnité due est prise en charge par la Partie
requérante -sans possibilité pour celle-ci d'exercer une action
récursoire à l'encontre de l'Etat de transit (art. 18)-.
Le refus d'embarquement
Dans l'hypothèse d'un refus d'embarquement de la personne
éloignée, la partie requérante bénéficie
d'un double choix alternatif :
- soit elle reprend en charge la personne intéressée,
- soit elle demande aux autorités de l'Etat de transit de
procéder à un nouvel embarquement et d'assurer la garde de
l'intéressé dans un délai qui ne peut dépasser 24
heures à compter de l'arrivée de l'étranger à
l'aéroport.
Il importe de relever deux points :
- d'une part, la partie requise peut toujours refuser la dernière option
;
- d'autre part, un refus d'embarquement dans l'Etat de transit est susceptible
des mêmes
suites juridiques dans l'Etat requérant
que
celles prévues par la législation de cet Etat pour le refus
d'embarquement sur son propre territoire ; en d'autres termes, la convention
ici pose le
principe de l'assimilation
d'un refus d'embarquement de la
personne éloignée sur la partie requise à un refus
d'embarquement sur celui de la partie requérante. A cet égard, la
convention prévoit pour les autorités de l'Etat requis
l'obligation de communiquer tous les éléments d'information, le
cas échéant, relatifs aux incidents survenus lors de
l'exécution d'une mesure d'éloignement (art. 15).
•
Le cas de refus d'autorisation du transit
Le transit par éloignement doit être refusé par l'Etat
requis dans trois hypothèses :
- si l'étranger risque de subir dans l'Etat de destination des
traitements inhumains ou la peine de mort ;
- s'il peut être privé de sa vie ou de sa liberté en raison
de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance
à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ;
- si, enfin, il court le risque d'être accusé devant un tribunal
pénal pour des faits antérieurs au transit.
Sans doute faut-il souligner que ces trois hypothèses n'épuisent
pas les cas où l'Etat requis refuse le transit ; l'adverbe "notamment"
ouvre en effet d'autres possibilités qu'il reviendra sans doute à
l'Etat requis de déterminer de façon unilatérale.
*
* *
L'accord
reprend par ailleurs plusieurs dispositions d'ordre général :
- la protection des données personnelles nécessaires à
l'exécution de l'accord (art. 21) ;
- le respect des engagements internationaux en matière de droits de
l'homme (art. 24) ;
- la possibilité de suspendre l'application de l'accord pour des raisons
d'ordre public, de sécurité ou de santé publique (art. 25).
Enfin, l'accord renvoie à une annexe énumérant les
éléments nécessaires à une demande de
réadmission ou d'autorisation de transit, ainsi que d'autres
éléments tels que les aéroports ou points de remise
terrestre pour la réadmission des étrangers, les autorités
centrales habilitées à traiter les demandes de réadmission
ou de transit, les procédures d'indemnisation pour frais de
transport.
CONCLUSION
Dans la mesure où les deux présents accords doivent fournir les bases d'une coopération plus étroite pour la surveillance d'une frontière particulièrement sensible , votre commission vous propose l' adoption des deux présents projets de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa
réunion du 26 mai 1999.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Christian de la Malène a
observé que les risques liés à la libre circulation des
personnes pouvaient trouver leur origine dans les divergences des politiques
conduites, en matière d'immigration, par les Etats signataires des
accords de Schengen.
M. Michel Caldaguès a observé que les législations
nationales, malgré leurs différences, ne pouvaient pas
empêcher des ressortissants d'Etats tiers de circuler d'un pays à
l'autre de l'Union européenne sans véritable contrôle,
à la suite de mouvements de régularisation massifs. Il s'est
demandé, dans ces conditions, si la Communauté, désormais
appelée à être compétente en matière
d'immigration, n'alignerait pas la réglementation européenne sur
le plus petit dénominateur commun.
M. Claude Estier a, pour sa part, demandé des précisions sur les
données chiffrées relatives à l'immigration en Italie
présentées par le rapporteur.
M. Xavier de Villepin, président, s'est étonné du nombre
relativement faible d'étrangers en Italie par rapport à la
situation de l'immigration en France ou en Allemagne. Il s'est par ailleurs
demandé si le nombre de centres de coopération policière
et douanière actuellement prévus était suffisant,
notamment au regard de la pression migratoire à laquelle l'Italie se
trouvait soumise du fait de la crise au Kosovo.
M. Paul Masson a d'abord observé que l'ensemble des étrangers en
situation irrégulière présentait des cas très
différents et qu'il convenait de ne pas confondre les notions
d'irrégularité et de criminalité. Il a relevé que
les deux accords proposés constituaient de simples instruments dans le
cadre d'une stratégie qui, en matière d'immigration,
relèverait désormais de l'Union européenne et restait
encore, pour une très large part, à élaborer. Il a
souligné, à cet égard, la disparité des
législations et des traditions nationales entre les Etats membres dans
ce domaine.
Il a par ailleurs relevé que l'Italie comptait, au 31 décembre
1998, environ 1,240 million de ressortissants étrangers mais que ce
nombre s'était encore accru à la suite des dernières
décisions de régularisation qui, en février dernier,
avaient porté sur quelque 200.000 clandestins. Il a rapporté
cette dernière donnée aux 70.000 personnes
régularisées en France l'an passé en rappelant que les
intéressés pouvaient désormais circuler librement au sein
de l'espace Schengen. Il a estimé qu'il n'y aurait pas d'alignement
systématique sur le dispositif de contrôle le plus laxiste et que
les accords bilatéraux devaient précisément permettre de
fixer concrètement les conditions d'un contrôle renforcé.
M. Paul Masson a relevé que les principales communautés
représentées en Italie réunissaient des Maghrébins
mais aussi des Albanais. Il a jugé que si le nombre de centres de
coopération pouvait paraître insuffisant, du moins ces structures
constituaient un progrès par rapport à la situation
antérieure. Il a enfin rappelé que, si le nombre
d'étrangers en Italie rapporté à la population pouvait
paraître plus faible qu'en France, il ne fallait pas oublier que
l'immigration constituait aussi en Italie un phénomène plus
récent, appelé à s'accroître dans les années
à venir, alors même que l'administration italienne n'était
pas encore habituée à le traiter. Après être convenu
avec M. Christian de la Malène que les présents accords ne
résoudraient pas à eux seuls les difficultés
soulevées par l'immigration clandestine, il a estimé que ces
textes constituaient cependant un progrès certain.
La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui
étaient soumis.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi 3( * ) .
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation d'un accord entre la République française et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe), signé à Chambéry, le 3 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. 4( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT5(
*
)
I.
ETUDE DE DROIT ET SITUATION DE FAIT EXISTANTS ET LEURS INSUFFISANCES
L'article 39 de la convention d'application de l'accord de Schengen impose aux
Etats parties un devoir d'assistance entre leurs services de police aux fins de
la prévention et de la recherche de faits punissables. Le paragraphe 4
de cet article 39 précise que dans les régions
frontalières, la coopération peut être mise en place par
des arrangements entre les ministres compétents des parties
contractantes. Le paragraphe 5 souligne que les dispositions de cet article ne
font pas obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents
et futurs entre parties contractantes ayant une frontière commune.
Afin de développer la coopération policière avec les Etats
membres voisins et parties aux accords de Schengen, la France a engagé
des négociations sur la base d'un modèle de convention
transfrontalière policière et douanière établi en
1996 dans le cadre du Comité de coordination de la politique
européenne de sécurité intérieure.
Négocié à partir du mois de juillet 1997 dans la
perspective de la mise en vigueur de la convention d'application de l'accord de
Schengen en Italie, l'accord entre le Gouvernement et la République
française et le Gouvernement de la République italienne a
été signé par les ministres de l'Intérieur des deux
pays le 3 octobre 1997 à Chambéry.
II. BÉNÉFICES ESCOMPTÉS
En matière d'emploi
La coopération entre les services répressifs des parties
contractantes sera conduite notamment dans des centres communs de
coopération policière et douanière, sans que pour autant
des créations d'emplois soient prévues. Des agents de ces
services pourront être détachés en tant que fonctionnaires
de liaison auprès de l'autre partie dans le cadre de l'accord.
En matière d'intérêt général
Cet accord constitue une des mesures compensatoires rendues nécessaires
par la libre circulation des personnes et la levée des contrôles
aux frontières entre les parties. Son objectif est de renforcer la
coopération entre les autorités et services de police et de
douane afin de prévenir les menaces à la sécurité
et à l'ordre public, et de lutter plus efficacement contre la
criminalité, notamment dans le domaine de l'immigration clandestine et
des trafics illicites.
Il permettra aux services de police et de douane, au sein des centres communs,
de procéder très largement à des échanges
d'information, qui peuvent porter sur les données à
caractère personnel, ainsi qu'à la réadmission des
ressortissants d'Etats tiers, et d'organiser la coordination des mesures
conjointes de surveillance dans les zones frontalières respectives.
Police et douane pourront aussi coopérer directement, en veillant
à coordonner leurs actions communes dans la zone frontalière, et
en recueillant et échangeant des informations en matière
policière et douanière.
En matière financière
L'impact financier de l'accord découle de la création de centres
communs de coopération policière et douanière : les
frais de construction et d'entretien éventuel des centres de
coopération sont partagés à égalité entre
les parties.
En matière de simplification des formalités administratives
Sans objet.
III. COMPLEXITÉ DE L'ORDONNANCE JURIDIQUE
L'accord complète utilement les dispositions de la convention
d'application de l'accord de Schengen, sans accroître la
complexité de l'ordonnancement juridique.
1 Proposition de résolution - Paul Masson - Document du Sénat n° 263.
2 Le 10 septembre 1998 une voiture arrêtée par les douaniers français et transportant 3,5 kg de cocaïne pure a finalement été saisie par la garde des finances après que les douaniers français eurent reçu des autorités italiennes l'ordre de quitter leur poste.
3
Voir le texte annexé au document Sénat
n°162 (1998-1999)
4
Voir le texte annexé au document Sénat n° 357
(1998-1999).
5
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.