B. LE RÉFÉRÉ ADMINISTRATIF : UN ÉCHEC RELATIF
a) La technique du référé s'est développée
La technique du référé en droit du contentieux administratif existe depuis la loi n° 55-1557 du 28 novembre 1955 instituant le référé administratif et modifiant l'article 24 de la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les conseils de préfecture.
Les dispositions en ont été codifiées sous les articles R. 130 et R. 131 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ( référé conservatoire ).
D'autres formes de référé en contentieux administratif se sont développées, toutes n'étant pas soumises à la condition d'urgence. Certaines figurent dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'autres sont issues de dispositions législatives spéciales.
Le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 portant diverses mesures relatives à la procédure administrative contentieuse a introduit deux procédures de référé devant les juridictions administratives, le référé-instruction et le référé-provision.
Le référé-instruction , ou référé-expertise , actuellement codifié à l'article R. 128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, permet au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, ou au magistrat qu'il désigne, de prescrire, dans le cadre d'un référé, toutes mesures utiles d'expertise ou d'instruction, sans que soit exigée la condition d'urgence. Cette mesure peut intervenir en-dehors de tout litige au fond. Elle vise à assurer une meilleure prévention du contentieux.
b) Le bilan du référé-provision est limité
Le référé-provision (article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et article 27 du décret du 30 juillet 1963) donne au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, ainsi qu'aux présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le pouvoir d'accorder une provision aux créanciers, dès lors que l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. L'objectif du référé-provision est de répondre aux demandes d'indemnité ne posant qu'un problème d'évaluation.
Le juge administratif dispose ainsi depuis 1988 d'une procédure similaire à celle utilisée par le juge civil dans le cadre de l'article 809 du code de procédure civile, lequel permet au président du tribunal de grande instance, dans le cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, d'accorder une provision au créancier.
En droit administratif, comme en droit civil, le référé-provision peut être prononcé en l'absence de situation d'urgence. Deux critères diffèrent cependant de la procédure civile : l'exigence de l'introduction d'une demande au fond outre la demande de référé et la possibilité pour le juge d'imposer au bénéficiaire de la provision la constitution d'une garantie.
La constitution d'une garantie est le corollaire de la nature provisoire des mesures prononcées par le juge du référé-provision : si le juge du fond rend une décision opposée à celle du juge des référés, le demandeur a le devoir de rembourser la somme octroyée. C'est pourquoi le juge du référé peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie.
Force est de constater que l'application jurisprudentielle du référé-provision n'a pas rencontré le succès attendu. En 1995 et 1996, environ 70 à 80 demandes de référé-provision ont été enregistrées chaque année devant les cours administratives d'appel. De 1991 à 1996, seuls 40 % des demandeurs devant les cours administratives d'appel ont obtenu la provision demandée. En effet :
• le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation considérable pour constater l'existence d'une obligation non sérieusement contestable, la charge de la preuve reposant sur le demandeur qui doit faire valoir un moyen sérieux et évaluer la somme correspondant aux dommages ;
• le prononcé de la provision est une simple faculté pour le juge, même lorsque toutes les conditions d'octroi en sont réunies.
La principale critique adressée à la procédure du référé-provision consiste dans le manque d'autonomie du juge des référés, lequel s'impose une appréciation stricte des critères permettant de qualifier l'obligation non sérieusement contestable. De plus, le juge, soucieux de l'équilibre des finances publiques, peut être réticent à accorder une provision lorsque le défendeur est une personne publique.
Bien que le référé-provision ait été créé au bénéfice du citoyen, il est peu utilisé en pratique, en raison d'une jurisprudence restrictive.