AUDITIONS EFFECTUÉES PAR LA COMMISSION
AUDITION DE M. CHARLES MILHAUD, PRÉSIDENT DU
DIRECTOIRE DU
CENTRE NATIONAL DES CAISSES D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE (CENCEP)
Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi du
mardi 23 mars 1999
et présidée par
M. Bernard Angels
,
la commission a procédé à
l'
audition
de
M. Charles Milhaud, président du directoire du
Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP)
sur le
projet de loi n° 273
(1998-1999),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, relatif à
l'épargne et à la
sécurité financière
.
M. Charles Milhaud
s'est tout d'abord félicité de la
réforme du statut des Caisses d'épargne en rappelant qu'elle
était souhaitée par le réseau depuis 1996. Il a
indiqué que cette réforme était nécessaire dans un
contexte bancaire en forte mutation, pour éviter que les caisses
d'épargne ne se marginalisent, non seulement par rapport à leurs
concurrents français, mais également par rapport aux caisses
d'épargne étrangères qui ont déjà
opéré leur modernisation. Il a évoqué à cet
égard le cas des caisses d'épargne italiennes et allemandes.
Le président du CENCEP a rappelé qu'en dépit d'une
diversification de leurs activités (les encours sur livret A ne
représentent plus que 20 % du produit net bancaire
- PNB - des caisses d'épargne), les Caisses d'épargne
et de prévoyance souffraient d'un manque de rentabilité en raison
d'un coefficient d'exploitation proche de 80 % (ce chiffre n'est qu'une
moyenne, le coefficient pouvant varier entre 70 % et 90 % selon les
caisses). A l'origine de ce mauvais résultat, il a évoqué
des facteurs structurels et sociaux : les charges informatiques du
réseau des caisses d'épargne représentent ainsi 15 %
du PNB du réseau, contre 10 % en moyenne dans les autres
établissements bancaires (le Crédit agricole cherchant à
ramener ce coût à 7 % de son PNB) ; de même, les
caisses d'épargne ne disposent pas d'une organisation en matière
de gestion financière leur permettant de gérer 320 milliards
de francs de liquidités ; par ailleurs, les frais de personnel
atteignent 50 % du PNB de la banque contre 35 % en moyenne dans les
autres réseaux bancaires. Enfin, le dossier de la Caisse
générale de retraite du personnel des caisses d'épargne
hypothèque l'avenir du groupe.
Après avoir souligné la nécessité pour les caisses
d'épargne de sortir d'un statut sui generis pour pouvoir nouer des
alliances avec d'autres partenaires financiers (notamment frontaliers),
M. Charles Milhaud
a estimé que le statut mutualiste
correspondait à l'esprit des caisses d'épargne. Il s'est
réjoui de la fusion programmée du CENCEP et de la Caisse centrale
des caisses d'épargne au sein d'un organe central unifié
dénommé Caisse nationale des caisses d'épargne et de
prévoyance (CNCEP). Il s'est toutefois inquiété des
contraintes importantes que la réforme assignait aux caisses à
travers, d'une part, la rémunération de 18,8 milliards de francs
de capital social (soit 40 % des fonds propres après prise en
compte du passif social) répartis sous forme de parts sociales et de
certificats coopératifs d'investissement et, d'autre part, l'obligation
de verser un " dividende d'intérêt
général ".
Le président du CENCEP a considéré que cette double
contrainte serait d'autant plus lourde à assumer pour les caisses
qu'elles devraient concomitamment consentir des efforts financiers importants
pour moderniser leur outil informatique et pour provisionner les charges de
retraite. Il a également fait valoir que la part
rémunérée des fonds propres des concurrents mutualistes
des caisses d'épargne était inférieure : 16,5 %
au Crédit agricole, 35 % au Crédit mutuel et 27 % chez
les Banques populaires sur la base des comptes à fin 1997.
Interrogé par
M. Philippe Marini, rapporteur
général
, sur le " dividende social ",
M. Charles Milhaud
a indiqué que les caisses
d'épargne s'étaient fixé comme objectif, lors de leur
Congrès de Deauville, de consacrer 10 % de leurs résultats
nets à des actions d'intérêt général, soit
environ 100 à 150 millions de francs. Il a précisé
qu'outre des subventions à des organismes philanthropiques (par exemple
destinés à la recherche médicale), l'Association nationale
senior Ecureuil gérait 26 maisons d'accueil pour personnes
âgées dépendantes, 6 centres d'aide à la
réinsertion par le travail et 2 centres de
rééducation fonctionnelle. Il a considéré
qu'il revenait aux caisses d'épargne - au titre des projets
d'économie locale et sociale auxquels elles devront, sur la base du
projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, consacrer un
tiers de leur résultat net comptable après mise en
réserve - de participer au financement du capital-risque de
proximité et d'entrer au capital de petites entreprises en
création. Il s'est toutefois prononcé pour un plafond de
dépenses d'intérêt général en pourcentage du
résultat net comptable des caisses plutôt que pour un plancher.
S'agissant du capital social des caisses d'épargne (le projet de loi
prévoit de placer dans le public un montant correspondant à la
somme des dotations statutaires de chaque caisse, soit 18,8 milliards de
francs),
M.
Charles Milhaud
a indiqué que les
dotations statutaires avaient été constituées de
façon arbitraire au moment de la restructuration du réseau en
1991, de telle sorte qu'elles représentaient, selon les caisses, entre
20 et 60 % des fonds propres. Il a confirmé que le capital social
serait redistribué entre chaque caisse en fonction de sa situation
économique. Il a toutefois jugé que le montant de
18,8 milliards de francs était excessif, surtout si les caisses
d'épargne ne disposent que de quatre ans pour constituer leur
sociétariat. Il s'est prononcé pour un montant de capital
à placer de 13 milliards de francs et pour une durée de
placement de six ans.
Toujours en réponse à
M. Philippe Marini
qui se
demandait si les groupements locaux d'épargne (GLE) étaient
vraiment indispensables, le président du CENCEP a indiqué que les
caisses d'épargne devaient disposer d'un capital fixe si elles voulaient
être en mesure d'émettre des certificats coopératifs
d'investissement (CCI), ce qui nécessitait un échelon
intermédiaire de placement des parts sociales. Il a par ailleurs
estimé que les GLE constituaient une structure nécessaire
d'animation du sociétariat.
M. Charles Milhaud
s'est enfin félicité que le projet
de loi ne mentionne plus la présence de la Caisse des
dépôts et consignations dans le capital de la future Caisse
nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP), tout en
jugeant nécessaire la détention, par cette dernière, d'un
niveau significatif du capital de la CNCEP, pour éviter une
dégradation de la notation des caisses d'épargne. Il a
insisté sur l'importance pour les caisses d'épargne d'envisager
la relation avec la Caisse des dépôts et consignations sous
l'angle du partenariat contractuel plutôt que de la tutelle. Il s'est par
ailleurs prononcé pour une présence majoritaire des caisses
d'épargne dans le capital de la CNCEP, mais pas nécessairement
égale à 60 %, pour permettre à la Caisse nationale de
tisser d'éventuelles alliances.
A
M. Joël Bourdin
qui mettait en doute la possibilité,
pour le réseau des caisses d'épargne, de remplir ses missions
d'intérêt général, en devant parallèlement
rémunérer 18,8 milliards de francs de capital social au taux
du marché,
M. Charles Milhaud
a répondu que la
présence, au sein des conseils d'orientation et de surveillance des
caisses, de coopérateurs soucieux de la rémunération de
leurs parts sociales, mettrait une pression salutaire sur les gestionnaires des
caisses d'épargne en les obligeant à accroître la
productivité des établissements et à améliorer leur
gestion. Il a précisé que la rémunération des parts
sociales engendrerait un coût pour les caisses d'épargne de
400 millions de francs par an au terme de la réforme, ce qui
mettrait le réseau dans l'obligation d'accroître sa
rentabilité.
M. François Trucy
s'est demandé si une loi
était nécessaire pour encourager le réseau des caisses
d'épargne à améliorer ses indices de productivité.
Il a mis en garde contre le maintien, pour l'élection des conseils
d'orientation et de surveillance (COS) des caisses, de trois collèges
d'électeurs (salariés, élus locaux et clients), en
rappelant que les arbitrages rendus par les COS étaient parfois fonction
des intérêts catégoriels des deux premiers collèges.
Répondant enfin à M. Auguste Cazalet qui faisait valoir que les collectivités territoriales se tournaient de plus en plus vers le Crédit agricole pour obtenir des prêts plutôt que vers les caisses d'épargne, M. Charles Milhaud a indiqué que la substitution d'une CNCEP puissante à l'actuel CENCEP visait précisément à imposer une contrainte de rentabilité sur le réseau et à diminuer le coût de refinancement sur le marché, ce qui permettrait in fine aux caisses de diminuer les taux de leurs prêts.
AUDITION DE M. JEAN CLAUDE TRICHET, GOUVERNEUR DE LA BANQUE
DE
FRANCE
Au cours d'une réunion tenue dans la matinée du
mercredi 24 mars 1999,
sous la présidence de
M. Alain Lambert, président, puis de M. Roland du Luart,
vice-président, la commission a procédé à
l'
audition
de
M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur
de la
Banque
de France,
et de
M. Hervé Hannoun, sous-gouverneur,
sur
le
projet de loi n° 273
(1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
relatif à
l'
épargne
et à la
sécurité financière.
M. Jean-Claude Trichet
s'est tout d'abord félicité des
contacts riches et fréquents entre la Banque de France et la commission
des finances du Sénat. Il a ensuite rappelé l'importance du
projet de loi relatif à l'épargne et à la
sécurité financière, pour la place de Paris, mais aussi
pour l'économie française plus largement. Il a notamment
estimé que ce projet de loi visait à rapprocher notre
système des meilleures pratiques internationales, et qu'il tirait
utilement les enseignements des expériences passées.
Il a ensuite évoqué tour à tour les grandes lignes de ce
projet. S'agissant des caisses d'épargne, il a estimé que
l'adoption d'un statut clair et le renforcement des pouvoirs de leurs organes
centraux étaient favorables à une meilleure
sécurité de la place de Paris.
Au sujet du fonds de garantie des dépôts,
M. Jean-Claude
Trichet
a souligné que la France demeurait le seul grand pays, avec
l'Italie et la Suisse, à ne pas disposer d'un fonds alimenté par
des cotisations régulières. Il a indiqué les avantages
d'un tel système : un système qui appelle les contributions
ex ante est contra-cyclique (et non pas procyclique, comme l'est le
système de garantie actuel) ; il évite les
difficultés de recouvrement des cotisations auprès des
adhérents ; enfin, il permet de faire contribuer
l'établissement défaillant à son propre sauvetage. Il a
également estimé que des contributions ajustées aux
risques objectifs constituaient une prime utile à la bonne gestion des
établissements. Enfin, il a tenu à souligner tout
particulièrement la possibilité pour le fonds de garantie
d'intervenir à titre préventif dans les cas où il serait
plus rationnel et moins coûteux d'agir en amont. Il a ensuite
présenté les pouvoirs renforcés de la commission bancaire.
Sur le volet des obligations foncières, il s'est réjoui de la
création envisagée d'un nouveau marché liquide et profond.
Il a estimé qu'ainsi dans le contexte de l'interconnexion des
marchés de la zone euro, la France devait disposer d'un gisement
suffisant de titres susceptibles d'être apportés en garantie des
opérations de politique monétaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général,
a
souhaité pondérer l'appréciation positive portée
par M. Jean-Claude Trichet sur le projet de loi. Il a souligné les
nombreux points d'avancée de celui-ci, mais a tenu à mettre en
garde ses collègues sur les limites du dispositif, estimant, s'agissant
des systèmes de garantie, qu'il s'agissait là, le plus souvent,
de dispositifs peu novateurs, et qui ne pourraient faire face qu'à des
défaillances de petite ampleur. Il s'est ensuite interrogé sur
une éventuelle évolution des missions de la Banque centrale
européenne qui pourrait devenir un " prêteur européen
en dernier ressort ". Il a également souhaité savoir si
l'intervention du fonds de garantie entraînerait le retrait automatique
de l'agrément de l'établissement concerné, et a
demandé au gouverneur de la Banque de France quelles règles de
répartition des contributions lui paraissaient équitables. Enfin,
s'agissant des obligations foncières, il s'est inquiété de
l'impact que pourrait avoir sur l'efficacité du nouveau système
le plafonnement à 3 % du capital restant dû, prévu par
la loi Scrivener de 1979, pour le remboursement anticipé des emprunts
immobiliers.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur
général,
M. Jean-Claude Trichet
a souligné que
le secteur financier de la zone euro connaissait actuellement des
évolutions structurelles majeures. Toutefois, il n'a pas estimé
que l'euro pouvait entraîner une modification des interventions dites de
" prêteur en dernier ressort ", dont il avait tendance à
récuser l'appellation. En effet, en Europe, a-t-il indiqué, les
banques centrales nationales elles-mêmes participent pleinement au
système européen des banques centrales, et les comptes des
banques commerciales sont tenus par les banques centrales nationales : la
fonction de " prêteur en dernier ressort " demeure donc
logiquement décentralisée au niveau de ces dernières, avec
toutefois un accord donné par le collège des gouverneurs à
une majorité qualifiée si celui-ci estime que l'incidence
monétaire de l'intervention concernée est significative.
M. Hervé Hannoun, sous-gouverneur,
a ajouté que le
retrait d'agrément en cas d'intervention du fonds de garantie en faveur
d'un établissement serait systématique en cas de liquidation,
mais que l'agrément serait maintenu en cas de cession à un
repreneur. Il a estimé, s'agissant de la répartition des
cotisations, que leur modulation en fonction du risque, que l'on retrouve dans
d'autres pays, était une bonne chose et que cette modulation pourrait
atteindre 20 à 25 %. Enfin, il a indiqué que les textes
réglementaires d'application prévoiraient un volant de
trésorerie de 20 % des actifs des futures sociétés de
crédit foncier pour faire face au remboursement anticipé, alors
que ce pourcentage n'est que de 10 % en Allemagne.
M. Joël Bourdin
a demandé à M. Jean-Claude
Trichet quels étaient selon lui les niveaux optimaux du taux
d'intérêt de la zone euro, et de la parité de l'euro par
rapport au dollar. En outre, il s'est alarmé du manque de
représentativité des indices boursiers, et en particulier du
CAC 40.
M. René Ballayer
a rappelé que l'on assistait depuis
janvier 1999 à une baisse de l'euro contre le dollar. Il a
souhaité connaître sur ce point les analyses de
M. Jean-Claude Trichet.
S'intéressant à la réforme des caisses d'épargne,
M. François Trucy
s'est interrogé sur les pouvoirs
des nouvelles structures du réseau, sur la place de la Caisse des
dépôts et consignations dans le capital de la future caisse
centrale, sur le placement des parts dans le public, ainsi que sur les
comportements prévisibles des futurs sociétaires.
de faire au niveau européen pour faire remonter le taux de l'euro par
rapport au dollar, et plus particulièrement ce que la France, qui
affiche un certain nombre d'indicateurs macro-économiques
budgétaires peu flatteurs, pouvait faire.
M. Michel Moreigne
s'est enquis de la situation de l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM).
M. Roland du Luart, président,
a estimé que la
dépréciation de l'euro par rapport au dollar était
favorable aux exportations européennes, mais il a souhaité savoir
si l'euro commençait à être acheté par les banques
centrales comme monnaie de réserve.
M. Paul Loridant
s'est inquiété du peu de
succès des paiements en euro, notamment par le biais des
chéquiers.
En réponse à ces questions,
M. Jean-Claude Trichet
a
souligné que la baisse des taux d'intérêt dans la zone euro
avait été particulièrement forte ces derniers mois,
notamment plus qu'aux Etats-Unis. En outre, il a estimé que l'alignement
des taux espagnol et italien sur les taux français et allemand par
exemple, constituait un grand succès de l'euro. En outre, il a
indiqué qu'aucun signal ne suggérait aujourd'hui un manque de
liquidités dans la zone euro, ni, d'ailleurs, des tensions
inflationnistes.
En ce qui concerne la parité de l'euro avec le dollar,
M. Jean-Claude Trichet
a considéré que la date du
1
er
janvier 1999 ne constituait pas une césure majeure,
mais que l'on assistait au contraire à une accoutumance progressive du
marché mondial. Il a expliqué la relative faiblesse actuelle de
l'euro par rapport au dollar par un mécanisme classique du marché
des changes, qui confronte les cycles économiques, et provoque le
renchérissement des monnaies des pays économiquement dynamiques.
Il a indiqué qu'au début de l'année 1999, les
prévisions des conjoncturistes avaient été
révisées au profit des Etats-Unis, et au détriment de la
zone euro. C'est essentiellement pour cela, selon lui, que la monnaie
européenne a fléchi face au dollar. Il a tenu à rappeler
que la stratégie de moyen et long terme de la Banque centrale
européenne et du Système européen de Banques Centrales
était fondée sur la crédibilité et la
solidité de la monnaie et que l'euro était sous la garde des
autorités monétaires qui ne laisseraient pas mettre en doute la
confiance qu'il inspire aux épargnants et aux investisseurs
français, européens et mondiaux.
Il a rejoint l'opinion de M. Joël Bourdin sur les indices boursiers,
ajoutant que sur toutes les places financières, on observait une
concentration de la liquidité sur un petit nombre de valeurs.
En réponse à M. François Trucy, il n'a pas tenu
à s'engager au nom du Gouvernement sur les questions relatives à
la réforme des caisses d'épargne, mais a toutefois indiqué
que l'avis de la Banque de France avait été requis sur la
limitation des prélèvements en fonds propres prévue par la
réforme.
En réponse à M. Michel Charasse, il a reconnu que, si la
France avait une situation budgétaire favorable sur le plan des stocks,
celle-ci n'était pas flatteuse en ce qui concernait les flux. Il a
expliqué cette situation, que l'on retrouve dans un certain nombre de
pays de la zone euro, par une " fatigue de l'ajustement ".
Au sujet de la situation de l'IEDOM évoquée par M. Michel
Moreigne,
M. Jean-Claude Trichet
a indiqué que des
discussions étaient engagées avec le Gouvernement, et que des
modifications législatives devaient intervenir le plus rapidement
possible.
M. Jean-Claude Trichet
ne s'est pas montré surpris des
remarques de M. Paul Loridant concernant les difficultés des
paiements en euros, et a indiqué que le comité des usagers du
Conseil national du crédit se penchait sur cette question.
Après avoir rappelé que la Commission bancaire avait
appelé l'attention du Gouvernement sur le risque de dégradation
du ratio de solvabilité du groupe des Caisses d'épargne et de
prévoyance induit par la nécessité de placer dans le
public un montant excessif de fonds propres,
M. Roland du Luart
a
souhaité savoir si elle avait pris position sur le texte du projet de
loi tel qu'il émanait de l'Assemblée nationale. Il a
précisé que les députés avaient accru les
contraintes pesant sur les caisses d'épargne, en fixant un montant
minimum de ressources devant être affecté à des projets
d'intérêt local et social alors que le texte initial
prévoyait un plafond.
M. Jean-Claude Trichet
a indiqué que la Commission bancaire
ne s'était pas prononcée sur ce sujet.
AUDITION DE M. MICHEL FREYCHE, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION
FRANÇAISE DES BANQUES
Au cours d'une réunion tenue le mardi 30 mars 1999
, sous la
présidence de M. Alain Lambert, la commission a
procédé à l'
audition
de
Michel Freyche,
président de l'Association française des banques
(AFB).
M. Michel Freyche
a estimé que le projet de loi relatif à
l'épargne et à la sécurité financière allait
globalement dans la bonne direction pour deux raisons principales. Tout
d'abord, concernant les caisses d'épargne, il a affirmé que la
réforme de leurs statuts, en leur conférant un
propriétaire, modifierait leur fonctionnement et accroîtrait leurs
responsabilités ainsi que leur solidarité avec le reste du monde
bancaire. En second lieu, il a estimé que la création d'un fonds
de garantie des dépôts devrait permettre de réduire les
distorsions de concurrence entre les établissements de crédit et
d'accroître l'égalité des déposants devant les
systèmes de garantie.
Toutefois, il a formulé plusieurs critiques à l'égard de
ce projet de loi. En premier lieu, concernant les caisses d'épargne, il
a indiqué que le montant des fonds propres non affectés demeurait
à ses yeux trop important. Par ailleurs, il aurait souhaité que
le déplafonnement de la rémunération des parts sociales
des établissements mutualistes soit maintenu ou qu'au minimum, un
plafonnement souple soit introduit. En outre, il a considéré que
le principal reproche qui pouvait être fait au volet sur la
sécurité financière était qu'il n'a pas
été mis fin à cette occasion aux anomalies fiscales que
constituent la taxe sur les salaires et la contribution des institutions
financières (CIF), deux impôts très pénalisants pour
l'emploi. Il a considéré que ces impôts étaient
injustes, tant vis-à-vis des autres secteurs de l'économie que
vis-à-vis des autres Etats de l'Union européenne. Estimant leur
disparition inéluctable, il a suggéré d'augmenter le
crédit d'impôt sur la C.I.F prévu dans le projet de loi et
de fixer la date de sa suppression définitive. Enfin, il a
dénoncé de possibles discriminations entre établissements
de crédit avec l'apparition, en première lecture, à
l'Assemblée nationale, de la notion de " risques objectifs "
comme critère de répartition des cotisations au fonds de garantie.
M. Michel Freyche
a ensuite insisté sur les points
suivants : la nécessité de renforcer la
sécurité des opérations de compensation sur les
marchés de gré à gré ; l'inutile
réglementation des virements domestiques, assimilés aux virements
transfrontaliers ; et l'instauration d'un mécanisme
général de garantie des cautions, pour régler
rétroactivement le cas d'une seule société de caution.
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a tout d'abord
rappelé que le fonds de garantie des dépôts instauré
par le projet de loi risquait de ne pas pouvoir faire face à une
défaillance majeure. Il a ensuite posé deux questions à M.
Michel Freyche : tout d'abord, il lui a demandé quels
critères lui paraissaient pertinents pour le calcul des
cotisations ; et ensuite, s'il ne pensait pas que la constitution d'une
telle " cagnotte ", dotée d'une dizaine de milliards de
francs, ne susciterait pas la tentation de régler des
défaillances diverses.
En réponse à M. Philippe Marini,
M. Michel Freyche
a
également estimé qu'aucun mécanisme de garantie, dans
aucun pays, ne pouvait faire face à une défaillance majeure du
type de celle du Crédit Lyonnais en France ou des caisses
d'épargne aux Etats-Unis, où le système
fédéral était intervenu à hauteur de
160 milliards de dollars. Au sujet de la levée des cotisations, il
a indiqué sa préférence pour un mécanisme
classique, utilisé dans de nombreux pays étrangers, où les
cotisations sont assises en partie sur les dépôts et en partie sur
les emplois. Il a, en outre, estimé que la création d'une
réserve de trésorerie à la disposition du fonds pouvait
effectivement donner lieu à des utilisations abusives ou
détournées et a donc marqué sa préférence
pour des cotisations qui resteraient cantonnées au bilan des banques et
comptabilisées parmi leurs fonds propres.
M. Joël Bourdin
a tout d'abord souligné le fait que les
caisses d'épargne françaises et américaines n'avaient pas
les mêmes statuts et que les premières avaient été
beaucoup plus raisonnables que leurs homologues américaines, et qu'en
outre elles avaient été également épargnées
par la crise immobilière qui avait durement frappé les banques
commerciales françaises. Il a ensuite souhaité savoir comment M.
Michel Freyche expliquait l'évolution des réseaux mutualistes et
des caisses d'épargne qui, aujourd'hui, sont devenus de redoutables
concurrents pour les banques commerciales.
M. Michel Freyche
a tout d'abord développé la comparaison
entre les caisses d'épargne françaises et américaines,
estimant en particulier que les caisses françaises n'étaient pas
à l'abri de problèmes de trésorerie. Il a ensuite
expliqué l'évolution comparée des banques commerciales et
des réseaux mutualistes par les privilèges dont ont
bénéficié ces derniers pendant longtemps ; à
titre d'exemple, il a rappelé que le Crédit Agricole,
jusqu'à une date récente, détenait le monopole de la
distribution des prêts bonifiés à l'agriculture avec des
marges garanties et ne payait ni d'impôt sur les sociétés,
ni de taxe professionnelle, ni de taxes locales. En outre, il a accusé
les réseaux mutualistes d'opérer une " spoliation des
sociétaires " par le biais de la non-réévaluation des
parts sociales, au profit de l'infrastructure de ces réseaux.
M. Alain Lambert, président
, a souhaité connaître
l'opinion de M. Michel Freyche sur le statut choisi pour les caisses
d'épargne et sur les évolutions qu'il prévoyait en
matière de rémunération des dépôts à
vue et de tarification des services bancaires en France.
En réponse à M. Alain Lambert,
M. Michel Freyche
a
estimé que le projet de loi constituait une amélioration par
rapport à la situation antérieure mais qu'il conférait
toutefois aux caisses d'épargne une position encore
privilégiée par rapport au reste du secteur financier, estimant
en particulier qu'une trop petite partie de leur capital était
rémunérée et qu'elles détenaient toujours le
monopole du Livret A défiscalisé, alors que les autres
établissements ont pris l'engagement, auprès des pouvoirs
publics, de le distribuer à moindre coût. Il a indiqué
que la tarification des services bancaires en France constituait une question
délicate pour des raisons historiques mais que l'évolution vers
une tarification des services bancaires et une rémunération des
dépôts était inéluctable et devait se faire de
façon ordonnée et pédagogique à l'égard de
l'opinion publique.
AUDITION DE L'INTERSYNDICALE DU PERSONNEL DES CAISSES D'EPARGNE
La commission a ensuite procédé à l'
audition de
l'intersyndicale du personnel des Caisses d'épargne
et de
prévoyance, représentée par
MM. Serge Adatto
et
Alain Chapon de la CGT,
par
MM. Gilles Leconet
et
Michel Trousselier du syndicat unifié,
et par
M. Michel Sala
de la CFDT.
M.
Michel Trousselier, secrétaire général du
syndicat unifié du personnel du réseau des caisses
d'épargne,
a tout d'abord rappelé que l'intersyndicale du
personnel des caisses d'épargne s'était prononcée contre
un projet de réforme du statut des Caisses d'épargne qu'elle
estime nocif pour le réseau. S'appuyant sur les résultats d'une
étude réalisée par l'expert comptable du comité de
groupe, il a indiqué que si la réforme avait été
mise en place dès 1989, les fonds propres auraient été
amputés de 12 à 20 milliards de francs, le produit net bancaire
(PNB) du réseau se serait affaissé et le coefficient
d'exploitation aurait augmenté de façon considérable. Il a
ajouté que M. Charles Milhaud avait évalué à
1,5 milliard de francs par an le coût de la réforme,
consécutif à la rémunération des parts sociales
mais aussi à la perte de PNB liée à la substitution de
parts sociales à certains produits d'épargne.
Il a jugé irréaliste de vouloir imposer aux caisses
d'épargne, en quatre ans, un statut coopératif qui était
le produit de l'histoire pour tous les établissements
coopératifs. Il a fait valoir que pour atteindre les objectifs qui lui
étaient assignés (rémunération des parts sociales,
financement de projets d'intérêt local et social,
rentabilité minimale), les caisses d'épargne seraient
amenées à fermer des agences, à réduire leurs
effectifs et à accroître leurs tarifs aux dépens de
80 % de la clientèle dont les revenus sont modiques. Il a
nié que le projet de loi aligne l'organisation des relations sociales au
sein du réseau sur le droit commun et critiqué le dispositif de
ratification des accords par des syndicats minoritaires. Il a
déploré la diminution de la représentation des
collectivités territoriales au sein des organes sociaux du
réseau, en soulignant qu'une telle évolution était peu
cohérente avec le rôle des caisses d'épargne au niveau
local. Il a enfin considéré que les groupements locaux
d'épargne (GLE) étaient des structures complexes et
coûteuses à mettre en oeuvre.
M. Serge Adatto
(CGT) a ironisé sur le fait que les
syndicats des caisses d'épargne rejoignaient la minorité
parlementaire dans son opposition à la réforme telle que
prévue par le projet de loi, même si leurs motifs divergent. Il a
déclaré ne pas être convaincu par la
nécessité de rallier le droit commun de la coopération en
soulignant que la réforme programmée visait des objectifs
contradictoires pour contenter toutes les parties. Il s'est
étonné que le nouveau président du Centre national des
caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP), autrefois
réticent à la " ponction " de 18,8 milliards de francs
sur les fonds propres, se soit rallié au projet de loi du Gouvernement.
Il s'est refusé à amender le texte en faisant valoir que cela
dénaturerait la position de principe de l'intersyndicale contre la
réforme projetée. En matière de négociation des
accords collectifs, il a déploré que le projet de loi supprime la
règle de la majorité des trois-quarts, qu'il a estimée
novatrice et démocratique. Il a enfin jugé choquant que le
délai pendant lequel la négociation reste possible avant
convocation d'une commission arbitrale désignée par les pouvoirs
publics en cas de dénonciation d'un accord par une des parties, ait
été ramené de deux ans à dix-huit mois.
Puis un large débat s'est ouvert au cours duquel sont intervenus
MM. Joël Bourdin, Jean-Philippe Lachenaud, François Trucy
et
Mme Marie-Claude Beaudeau
.
M. Joël Bourdin
a considéré que la
liberté avec laquelle les pouvoirs publics opéraient des
prélèvements sur les fonds propres des caisses d'épargne
constituait une raison suffisante pour réformer leur statut afin de leur
donner des propriétaires. Il a par ailleurs observé que le statut
actuel rendait difficile tout projet de croissance externe.
Mme Marie-Claude Beaudeau
a mis en doute la volonté
affichée par le Gouvernement dans une lettre remise au parti communiste
à la veille du débat à l'Assemblée nationale de
vouloir créer un pôle financier public. Elle a souhaité
savoir si la réforme des caisses d'épargne portait en germe la
remise en cause du financement du logement social. Elle s'est enfin
demandé s'il ne conviendrait pas de consacrer une partie des
réserves des caisses au sauvetage de la Caisse générale de
retraites (CGR) des salariés du réseau.
M. Jean-Philippe Lachenaud
s'est étonné de la
réticence des syndicats à vouloir réformer le projet de
loi en faisant valoir que puisqu'une telle réforme était
inéluctable, il était plus sage de chercher à l'amender
que de s'y opposer
. M. François Trucy
a alors
souhaité savoir si les organisations syndicales y avaient trouvé
des aspects positifs.
Après s'être félicité de l'article premier du projet
de loi, qui détermine les missions des caisses d'épargne,
M. Michel Trousselier
(Syndicat unifié) a observé que
les caisses d'épargne ne disposaient pas des moyens pour les mener
à bien. Il s'est déclaré favorable à une
réforme qui remette à plat les missions des caisses
d'épargne et qui réfléchisse sur le gouvernement
d'entreprise.
S'agissant de la Caisse de retraite des personnels des caisses
d'épargne, il a observé que l'AGIRC était aujourd'hui dans
la situation où se trouverait la CGR en 2017. Il a toutefois
estimé que les conditions étaient aujourd'hui remplies pour que
s'engage une vraie discussion sur le sujet.
Il a contesté que le statut actuel des caisses d'épargne soit un
obstacle à leur développement en faisant valoir que de nombreuses
caisses régionales avaient mené des opérations de
croissance externe. Après avoir enfin reconnu que les caisses
d'épargne avaient, au fil des ans, accumulé des fonds propres qui
excédaient aujourd'hui leurs besoins réels, il a
considéré que rien ne justifiait pour autant les ponctions de
l'Etat.
M. Michel Sala
(CFDT) a regretté que le projet de loi ne
reprenne aucune des propositions élaborées depuis trois ans par
les organisations syndicales en vue de constituer un pôle financier
public. Après avoir déploré l'abandon dans les nouveaux
statuts des caisses d'épargne de la notion de but non lucratif, il a
observé que l'alignement des caisses sur le droit commun
coopératif s'accompagnait de contraintes qu'aucun des autres
réseaux coopératifs n'avait à remplir. Il s'est
déclaré hostile à un projet de loi qui, selon lui, portait
en germe la banalisation du livret A et qui obligerait les caisses
d'épargne à puiser dans leurs réserves pour pouvoir
à la fois rémunérer leurs sociétaires et poursuivre
leurs missions d'intérêt général. Le fait que le
projet de loi reste muet sur les relations entre la future Caisse nationale des
caisses d'épargne (CNCEP) et la Caisse des dépôts et
consignations lui est enfin apparu contradictoire avec l'apparente
volonté du ministre de l'économie et des finances de créer
un pôle financier public.
M. Serge Adatto
(CGT) s'est étonné qu'aussitôt
après avoir déclaré que les caisses d'épargne
appartenaient à la nation, le Gouvernement cherche à les vendre.
Il s'est prononcé pour une distribution gratuite des parts sociales. Il
a nié que le statut sui
generis du réseau des Caisses
d'épargne constitue un obstacle à son développement en
s'appuyant sur l'exemple des Caisses d'épargne allemandes. Il a
pronostiqué que pour pouvoir tenir leurs engagements, les dirigeants des
Caisses d'épargne seraient amenés à considérer que
le maintien en activité des 1.200 à 1.500 agences non rentables
fait partie de leurs missions d'intérêt général. Il
s'est enfin montré inquiet pour l'avenir du financement du logement
social en faisant valoir qu'aussitôt après les élections
européennes, le Gouvernement reviendrait sur sa décision de ne
pas diminuer la rémunération des livrets A.