CHAPITRE III :
MESURES TRANSITOIRES
ARTICLE 60
Mesures transitoires
Commentaire : cet article aménage dans le temps
l'application des articles 56, 58 sur le redressement et la liquidation
judiciaires des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement ainsi que l'application de l'article 59 relatif à la
liquidation des entreprises d'assurance.
Les articles 56 et 58 modifient les dispositions relatives au redressement et
à la liquidation des établissements de crédit et des
entreprises d'investissement.
L'article 59 modifie les dispositions relatives à la liquidation des
entreprises d'assurance.
Or, en l'absence de date d'application, ces procédures collectives
pourraient se dérouler sous les deux régimes.
L'article 60 permet d'éviter un chevauchement des règles
applicables aux procédures collectives en précisant que les
articles 56, 58 et 59 de la présente loi ne s'appliquent pas aux
procédures ouvertes avant la publication de ladite loi.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
TITRE IV :
DISPOSITIONS RELATIVES À LA
RÉFORME DES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER
CHAPITRE PREMIER :
STATUT DES
SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER
ARTICLE 61
Statut et objet des
sociétés de crédit foncier
Commentaire : le présent article définit le
statut et
l'objet des sociétés de crédit foncier, qui seront des
établissements de crédit spécialisés
agréés en qualité de sociétés
financières.
I. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Le premier alinéa de cet article définit les
sociétés de crédit foncier comme
des
établissements de crédit spécialisés,
agréés par le Comité des établissements de
crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) en qualité de
sociétés financières.
Aux termes de l'article premier de la loi n° 84-46 du 24 janvier
1984, relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit, les établissements de
crédit
sont des personnes morales qui effectuent à titre
de profession habituelle des opérations de banque. Les opérations
de banque comprennent la réception des fonds du public, les
opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de
la clientèle ou la gestion de moyens de paiement.
L'agrément du CECEI est mentionné à l'article 15 de la
loi du 24 janvier 1984 : il est indispensable à tout
établissement de crédit pour exercer son activité. Il est
délivré en prenant en considération le capital mis
à disposition de l'établissement, l'organisation de la direction,
et l'adéquation de la forme juridique choisie à l'activité
d'établissement de crédit.
En tant qu'établissements de crédit spécialisés,
les sociétés de crédit foncier n'entreront pas dans la
catégorie des établissements de crédit pouvant recevoir du
public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme (article
18 de la loi du 24 janvier 1984). La qualité de société
financière renforce la spécialisation des sociétés
de crédit foncier, puisqu'elles "
ne peuvent effectuer que les
opérations de banque résultant soit de la décision
d'agrément qui les concerne, soit des dispositions
législatives et réglementaires qui leur sont propres
".
Les deuxième et troisième alinéas de l'article
définissent
l'objet exclusif des sociétés de
crédit foncier
, qui est de :
-
consentir ou acquérir des prêts garantis
par une
hypothèque, des prêts à des personnes publiques et autres
titres et valeurs privilégiés (définis à l'article
62).
-
émettre en contrepartie des obligations foncières et autres
ressources privilégiées
(conformément aux dispositions
de l'article 65). Ces "autres ressources" qui pourront être
privilégiées seront définies par décret : il
s'agira de titres interbancaires de court terme et moyen terme.
Aux termes du quatrième alinéa, les sociétés de
crédit foncier sont autorisées à
émettre des
emprunts et ressources non privilégiés.
Ces émissions
doivent toutefois être affectées au financement des actions
susmentionnées.
Il s'agit d'introduire une souplesse dans le dispositif relativement
" rigide " des sociétés de crédit foncier :
déjà, depuis la loi n°93-6 du 4 janvier 1993,
complétant l'article 44 du décret du 28 février 1852, les
actuelles sociétés de crédit foncier "
peuvent,
à titre accessoire, dans les conditions et limites fixées par
leurs statuts, se procurer des ressources dont le remboursement ne
bénéficie pas des garanties définies au premier
alinéa du présent article
".
Cependant, aux termes du cinquième alinéa, les
sociétés de crédit foncier ne pourront émettre des
billets à ordre,
définis à l'article 16 de la loi
n°69-1263 du 31 décembre 1969 portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier, comme des titres émis par les banques et
les établissements financiers pour mobiliser des créances
à long terme destinées au financement d'un bien immobilier.
II. COMMENTAIRE
A. L'OPTION POUR DES ÉTABLISSEMENTS SPÉCIALISÉS EST
SOUHAITABLE MEME SI ELLE EST ARTIFICIELLE
Par cet article, deux principes sont posés : celui de la
banalisation
et celui de la
spécialisation
des
sociétés de crédit foncier.
Actuellement, seuls le Crédit foncier de France et le Crédit
foncier et communal d'Alsace et de Lorraine émettent des obligations
foncières.
Avec l'adoption du présent article, toutes les obligations
foncières seront émises par des sociétés de
même statut
198(
*
)
, les
sociétés de crédit foncier (
banalisation
).
Ce système est sensiblement différent de celui existant en
Allemagne
, puisque les Pfandbriefe sont émis par des
établissements à statuts divers : banques hypothécaires
privées (soumises à la loi sur les banques hypothécaires),
banques maritimes privées (soumises à la loi sur les banques
maritimes), établissements de droit public (soumis à la loi sur
les Pfandbriefe publics).
EMETTEURS DE PFANDBRIEFE
27
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2
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18
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3
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5
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Fondement
légal :
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Fondement légal : Loi sur les banques maritimes |
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Fondement
légal :
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|
L'organisation allemande s'explique par l'histoire et
" l'empilement " des textes de loi : elle présente
incontestablement une moins grande clarté que la réforme
proposée par le présent projet de loi.
L'option pour des établissements spécialisés,
s'explique, quant à elle, par le refus du cantonnement au sein du
bilan des banques
.
Le cantonnement porterait atteinte
au
principe juridique de l'unicité du patrimoine.
Cependant,
l'option pour la création de filiales se justifie surtout
comme un élément de sécurité
, dans la mesure
où les éléments d'actif et de passif
privilégiés seront ainsi mieux identifiés et
protégés.
Cette option n'est pas sans conséquence
, puisqu'elle contraindra
les établissements de crédit à créer des filiales
spécialisées, afin d'y transférer leurs créances.
De plus,
les sociétés de crédit foncier devraient,
de préférence, faire appel à du personnel
extérieur, sous forme de contrats de gestion.
Les privilèges des créanciers (cf. article 65 du projet de loi)
ont en effet comme conséquence de rendre inopérants, en cas de
procédure collective, les droits des salariés (article L. 143-10
et s. du code du travail)
199(
*
)
.
La filialisation des activités de prêts hypothécaires et
d'émission d'obligations foncières ne signifie donc pas la
création de nouvelles sociétés capables d'assurer
elles-mêmes leurs missions. Il s'agit essentiellement d'un "montage"
juridique qui permettra de protéger les droits des créanciers sur
l'actif de ces sociétés.
B. LE TERME GÉNÉRIQUE CHOISI, " OBLIGATIONS
FONCIÈRES", N'EST PAS SATISFAISANT
Avec l'unicité de statut ("sociétés de crédit
foncier"), le projet de loi retient
l'unicité de
dénomination
: le terme "obligations foncières"
désigne à la fois des obligations ayant pour contrepartie une
créance hypothécaire et des obligations ayant pour contrepartie
une créance sur une personne publique.
Il s'agit d'assurer une lisibilité au nouveau produit : on peut, a
contrario, craindre
une certaine confusion
du fait de cette
dénomination.
Dans un ouvrage de la fédération hypothécaire
européenne
200(
*
)
, une
étude de droit comparé portait sur la définition et la
dénomination des obligations foncières. Il est ainsi écrit
: "
d'un point de vue juridique, (l'obligation foncière) est une
obligation émise par des établissements de crédit sur la
base de prêts garantis par un gage foncier
".
Il faut donc regretter que dans le présent projet de loi, le terme
"obligations foncières" puisse recouvrir des titres qui ne seront pas du
tout liés à un bien immobilier, mais à une garantie
offerte par une personne publique. La séparation entre "obligations
foncières" et "obligations publiques" aurait certainement
été plus claire pour l'information des futurs investisseurs.
Toutefois, elle n'a pas été retenue dans la mesure où elle
aurait conduit à la création de patrimoines d'affectation ou de
filiales distinctes.
Il faut noter qu'en Allemagne, comme dans d'autres pays européens, les
dénominations sont bien distinctes suivant le type d'actif offert en
garantie (Hypothekenpfandbriefe pour les obligations foncières et
Öffentlichepfandbriefe pour les obligations publiques). Lors de leur
création en 1997, le Luxembourg a par ailleurs choisi de nommer "banques
d'émission de lettres de gages", les établissements de
crédit qui émettent des "lettres de gage hypothécaires" et
des "lettres de gage publiques".
Dans ces conditions, le terme "obligations sécurisées", qui
reflètent exactement les caractéristiques de ces obligations, qui
bénéficient d'un privilège particulier, paraît
à votre rapporteur plus proche de la réalité pour
désigner les nouvelles obligations qui seront émises par les
sociétés de crédit foncier.
Rien n'empêchera ces sociétés, qui pourront
créer des filiales spécialisées dans le refinancement de
prêts à l'immobilier ou de prêts aux collectivités
locales, de définir comme "obligations foncières" ou "obligations
locales", des obligations entrant dans le champ des obligations
sécurisées.
Ceci sera d'autant plus vrai que, pour obtenir la meilleure notation possible,
et une lisibilité plus grande pour les investisseurs, il est probable
que les établissements de crédit créeront des
sociétés de crédit foncier distinctes selon qu'elles
seront dédiées au refinancement de créances
hypothécaires ou de créances publiques.
C. L'INTERDICTION D'EMETTRE DES BILLETS A ORDRE
La loi n°85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier dispose que les émetteurs de billets
à ordre peuvent mobiliser leurs billets auprès d'organismes
agréés auxquels ils adhèrent. En contrepartie de ces
billets souscrits, ces organismes sont autorisés à émettre
des obligations de longue durée.
L'interdiction faite aux sociétés de crédit foncier
d'émettre des billets à ordre
vise le cas où une
même hypothèque garantirait une obligation foncière et un
billet à ordre. Les billets à ordre sont en effet
représentatifs de créances hypothécaires. Il s'agit donc
d'éviter que deux créanciers puissent se prévaloir d'un
privilège sur un même actif, risque d'autant plus réel que
ce privilège est réaffirmé pour les détenteurs de
titres sécurisés des sociétés de crédit
foncier (article 65) comme pour les détenteurs de billets à ordre
(article 78).
Cependant, votre rapporteur estime que ceci ne doit pas conduire à
interdire aux sociétés de crédit foncier toute
mobilisation nécessaire à une gestion optimale de leurs actifs et
de leur trésorerie.
Dans cette logique, la loi doit reconnaître aux sociétés
de crédit foncier la faculté de recourir à une forme
alternative de mobilisation,
y compris pour les créances sur les
particuliers, mais sans que cette mobilisation n'ouvre la voie à un
conflit entre créanciers. Dans le cas où cette mobilisation ne
s'accompagnerait pas d'une sortie de bilan, le montant des créances
mobilisées devra être déduit du calcul du
surdimensionnement prévu à l'article 64, afin de garantir
pleinement les droits des créanciers privilégiés.
Dans la mesure où l'article 62 du présent projet de loi plafonne
le montant de la trésorerie des sociétés de crédit
foncier (valeurs de remplacement), la mobilisation de créances est
indispensable.
Il faut rappeler que les sociétés de crédit foncier ne
disposeront pas de la souplesse des banques publiques et hypothécaires
allemandes, puisqu'elles ne pourront faire jouer le mécanisme de
compensation entre leurs différentes activités.
D. LE PRINCIPE DE SPÉCIALISATION NE DOIT PAS ENTRAVER LE
FONCTIONNEMENT REGULIER DES SOCIETES DE CREDIT FONCIER
Votre rapporteur souhaite attirer l'attention sur les conséquences
d'une
application trop stricte du principe de spécialisation.
En effet, en matière de saisie immobilière, tout
créancier poursuivant est exposé au risque d'être
déclaré adjudicataire pour le montant de la mise à prix
s'il ne survient pas d'enchères lors de l'audience d'adjudication. Un
créancier hypothécaire doit par ailleurs pouvoir devenir
propriétaire d'actifs qui lui seraient, par exemple, cédés
à titre de dation en paiement.
Il apparaît donc essentiel que les principes de
spécialité et d'exclusivité n'interdisent pas aux
sociétés de crédit foncier d'exercer des activités
connexes à leur fonctionnement
, comme la détention, la
gestion et la cession de biens appréhendés à l'occasion de
l'exercice de sûretés.
Cette possibilité est d'autant plus importante que les
sociétés de crédit foncier ne pourront détenir de
participations et donc de filiales susceptibles de gérer ces biens.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi amendé.
ARTICLE 62
Actif des sociétés de
crédit foncier
Commentaire : le présent article a pour objet de
définir l'actif des sociétés de crédit foncier,
c'est-à-dire les prêts, titres et valeurs acquis ou consentis par
les sociétés de crédit foncier.
I. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Cet article définit les prêts garantis, prêts à des personnes publiques et titres et valeurs acquis ou consentis par les sociétés de crédit foncier.
Le
paragraphe I définit les prêts garantis
comme des prêts
assortis
d'une hypothèque
de premier rang ou
d'un
cautionnement
d'un établissement de crédit ou d'une
entreprise d'assurances.
Les prêts garantis par une hypothèque ne peuvent excéder
une quotité de la valeur du bien financé : 60% selon
l'exposé des motifs.
Cette quotité peut toutefois être dépassée :
- quand les prêts sont couverts par la garantie d'une personne publique
ou par un cautionnement ;
- quand les prêts bénéficient de la garantie du Fonds de
garantie de l'accession sociale à la propriété.
Aux termes du paragraphe II, les prêts aux personnes publiques
sont des prêts accordés aux Etats, aux collectivités
territoriales ou à leurs groupements, appartenant à l'espace
économique européen.
Sont assimilés aux prêts garantis et aux prêts aux
personnes publiques
les parts de fonds communs de créance,
lorsque l'actif de ces fonds est composé à hauteur de 90% au
moins de créances de même nature (
paragraphe III
)
Enfin, les sociétés de crédit foncier peuvent
détenir d'autres titres et valeurs "sûrs et liquides" qui seront
définis par décret en Conseil d'Etat (
paragraphe IV
). Ces
titres ne devront pas dépasser un pourcentage de l'actif de la
société (vraisemblablement 20%). Il s'agira de titres émis
sur le marché réglementé, qui répondent à
des critères de sûreté définis par la Banque
centrale européenne et des titres de sociétés de
crédit foncier.
II. COMMENTAIRE
A. LES PRÊTS GARANTIS : PRÊTS HYPOTHÉCAIRES ET
PRÊTS CAUTIONNÉS
Les prêts garantis sont des
prêts hypothécaires
et
des
prêts cautionnés.
1. Les prêts hypothécaires
Les prêts hypothécaires
sont des prêts assortis d'une
sûreté réelle constituée de la valeur en
hypothèque du bien immobilier.
En 1997, ils représentaient 67% des prêts au logement en France.
Pour être la contrepartie de l'émission d'obligations
foncières, les prêts hypothécaires ne devront pas
dépasser
une quotité de la valeur du bien
admis en
hypothèque. Le taux ne figure pas dans la loi, mais dans l'exposé
des motifs est avancé le taux de 60%.
Afin de renforcer la sécurité attachée à cette
quotité, sans l'inscrire directement dans la loi, votre rapporteur vous
propose de préciser que la quotité sera fixée dans des
conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Votre rapporteur note que la contrainte créée par une
quotité de 60% relève de l'application stricte du
principe de
prudence
: elle correspond au droit existant pour les obligations
émises par les actuelles sociétés de crédit foncier
et au régime en vigueur en Allemagne. Le présent article ne
permet de dépasser la quotité de 60% que lorsqu'une garantie
supplémentaire vient couvrir le risque attaché à la
créance immobilière (garantie d'une personne publique,
cautionnement, garantie du FGAS).
Cependant, en France, l'immense majorité des crédits immobiliers
financent 80% à 90% du bien immobilier : le risque est grand
d'exclure une grande partie du " gisement " de prêts
immobiliers et de porter ainsi atteinte au volume et à la
liquidité du marché.
D'autre part, on peut relever que la loi hypothécaire allemande permet,
grâce aux hypothèques de second rang, d'atteindre une
quotité de 80% du bien financé. Les banques hypothécaires
allemandes sont autorisées à loger dans les fiducies de
couverture hypothécaire jusqu'à 20% de créances garanties
par des hypothèques de second rang, la quotité de financement de
la première hypothèque étant de 60%.
Votre rapporteur vous propose donc
d'aller au-delà de la
quotité de financement lorsque les prêts, dont une partie
excède la quotité fixée, sont financés par des
ressources non privilégiées, dans la limite d'un plafond
fixé par décret en Conseil d'Etat.
Ainsi, tout comme dans le système allemand
201(
*
)
, la part de créances
excédant la quotité définie par décret ne pourra
être refinancée par des obligations privilégiées,
mais uniquement par des titres non privilégiés, ce qui conservera
toute la sécurité des actifs privilégiés.
Votre rapporteur estime également essentiel de préciser
à quelle valeur du bien s'appliquera la quotité.
Il n'est rien dit dans la loi ni même dans l'exposé des motifs,
de la valeur retenue pour l'immeuble (valeur vénale ou valeur
hypothécaire). Or, cette valeur a une grande importance, puisque c'est
sur elle que reposera,
in fine
, la garantie du prêt.
La directive 98/32/CE du Parlement européen et du Conseil,
adoptée le 22 juin 1998, modifiant, en ce qui concerne les
hypothèques, une directive du Conseil relative à un ratio de
solvabilité des établissements de crédit, définit
des normes prudentielles pour les hypothèques sur les seuls bureaux et
immeubles commerciaux. Ces normes sont de 50% de la valeur vénale du
bien immobilier ou 60% de sa valeur hypothécaire
202(
*
)
.
Votre rapporteur ne souhaite pas figer la norme retenue pour la valeur du bien
immobilier apporté en garantie - d'autant qu'il pourra s'agir aussi bien
d'un immeuble professionnel que d'un immeuble d'habitation (hors du champ de la
directive) - mais s'assurer qu'elle respectera certaines règles de
prudence.
C'est pourquoi il vous propose de préciser que la valeur du
bien apporté en garantie correspond à une valeur
déterminée de manière prudente, excluant tout
élément d'ordre spéculatif.
Cette précision permettrait de se rapprocher des dispositions
figurant dans la loi allemande sur les banques hypothécaires, qui
prescrit qu'il faut procéder à une évaluation soigneuse de
la valeur hypothécaire, selon le principe de la prudence. Le but est de
déterminer, par un pronostic à long terme et avec une certitude
suffisante, la valeur de garantie que l'on peut attendre du bien apporté
en hypothèque. Cette estimation porte sur ses caractéristiques
durables et sur le produit qui peut en être attendu à tout moment.
Les éléments spéculatifs ne jouent donc aucun rôle
dans l'évaluation de la valeur hypothécaire, ce qui est
particulièrement important s'agissant des immeubles professionnels, dont
la valeur vénale est soumise aux aléas du marché.
D'une manière générale, en Allemagne, au Danemark, en
Italie, en Espagne et au Portugal, il existe des dispositions légales
concernant la valeur du bien immobilier apporté en garantie, souvent
complétées par des textes de nature réglementaire. Ainsi,
tous les législateurs des pays européens ont reconnu que
l'estimation de la valeur constituait un facteur très important pour la
sécurité de l'obligation foncière et que des dispositions
légales s'avéraient par conséquent indispensables.
Le dernier point concerne
l'expertise de la valeur du bien
. Il
apparaît nécessaire d'indiquer qu'un règlement du
Comité de la réglementation bancaire et financière en
précisera les modalités. La qualité des experts sera une
garantie essentielle pour l'évaluation du bien.
2. Les prêts cautionnés
Par rapport aux autres pays européens, la France innove en incluant
dans les actifs éligibles
au refinancement par obligations
foncières
les prêts cautionnés
.
En France, le cautionnement bancaire des prêts immobiliers est
essentiellement assuré par Crédit-logement, actuellement filiale
du Crédit foncier de France (mais qui devrait être
cédée prochainement), qui a apporté sa garantie à
12% des prêts à l'habitat en 1997.
Au total, le cautionnement financier portait sur 15% des crédits au
logement en 1997.
Bien qu'il soit encore minoritaire par rapport au prêt
hypothécaire, le cautionnement présente les atouts de la
souplesse et de la rapidité, si bien qu'il semble appelé à
se développer en France.
La garantie est apportée au prêteur par une personne, la
société de caution, dont le mode de fonctionnement repose sur un
mécanisme de fonds de garantie, lui-même assis sur une
mutualisation des risques.
Une convention entre le prêteur et l'organisme caution prévoit,
en échange d'un versement de l'emprunteur au fonds de garantie, dont une
commission non restituable (généralement proportionnelle au
montant du prêt, de 0,5% à 1%), un remboursement immédiat
et intégral en cas d'incidents de paiement.
Le cautionnement se substituant à une garantie réelle,
l'organisme caution impose des sûretés négatives
(interdiction pour l'emprunteur de vendre, louer, et plus
généralement de diminuer la valeur du bien) et l'emprunteur
s'engage à conférer une hypothèque à la
première demande de l'établissement caution, c'est-à-dire
une promesse d'affectation hypothécaire. Cette promesse n'a toutefois
pas la même valeur qu'une hypothèque car, en cas
d'inexécution, elle ouvre seulement droit à des
dommages-intérêts.
203(
*
)
Ce système, tout en étant plus souple que l'hypothèque,
pourrait donc présenter, par certains aspects, une moins grande
sécurité. Alors que le prêteur hypothécaire
bénéficie lors du recouvrement d'un droit de
préférence sur le produit de la vente de l'immeuble de
l'emprunteur défaillant, l'établissement de cautionnement doit
payer la créance au prêteur, puis engager une procédure de
recouvrement en demandant au tribunal un jugement d'hypothèque
judiciaire, dont l'issue n'est pas absolument certaine.
Il n'est donc pas certain que les prêts cautionnés offriront les
mêmes garanties que les prêts hypothécaires,
d'autant
qu'ils ne seront pas soumis aux mêmes règles de quotité que
les prêts hypothécaires.
Jusqu'à présent, le système de cautionnement a
fonctionné avec des emprunteurs particulièrement
sélectionnés, pour des prêts de courte durée (en
moyenne trois ou quatre ans) et de faible montant.
Il semble que l'on ne dispose pas de suffisamment de recul pour
apprécier les risques du cautionnement qui enregistre une progression
depuis deux ans, avec une diversification des clients aboutissant
inévitablement à une progression des risques. Tout
dépendra de la manière dont ces risques seront couverts par les
sociétés de cautionnement.
Il apparaît donc nécessaire à votre rapporteur
d'indiquer que des règles prudentielles précises s'appliqueront
également aux prêts cautionnés
, même si elles ne
peuvent être parfaitement identiques à celles des prêts
hypothécaires.
Un apport personnel minimal de l'emprunteur semble le critère le plus
approprié en matière de prêts cautionnés,
dont
la sécurité repose avant tout sur des garanties individuelles.
Votre rapporteur estime que cet apport personnel devrait être de l'ordre
de 25%, mais il pourra être fixé par décret en Conseil
d'Etat.
Il faut enfin observer que le projet de loi met également en place un
garde-fou explicite aux prêts cautionnés, puisqu'il exclut le
cautionnement consenti par un établissement de crédit ou une
entreprise d'assurance entrant dans le périmètre de consolidation
dont relève la société de crédit foncier. Il
s'agit, au terme de l'article 357-1 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1996
sur les sociétés commerciales, des entreprises sur lesquelles une
société exerce un " contrôle exclusif ", un
"contrôle conjoint ", ou une " influence notable ".
En conclusion, votre rapporteur estime que l'introduction des prêts
cautionnés est un élément de modernisation des
sociétés de crédit foncier, mais qu'il devra s'accompagner
de toutes les limites et conditions nécessaires pour assurer une
sécurité équivalente à celle imposée aux
prêts hypothécaires.
B. LES PRÊTS AUX PERSONNES PUBLIQUES
Les prêts aux personnes publiques sont définis comme les
prêts aux Etats de l'espace économique européen et aux
collectivités territoriales ou à leurs groupements.
Dans le texte initial du projet de loi, il n'était pas fait mention
des établissements publics
(offices publics HLM, chambres de
commerce et d'industrie...),
mais ils ont été ajoutés
à l'Assemblée nationale.
Votre rapporteur estime que seuls les établissements publics qui
bénéficient d'une garantie explicite de l'Etat ou des
collectivités locales doivent être inclus dans un dispositif
donnant lieu à l'émission d'obligations sécurisées.
Or, le texte du projet de loi prévoit déjà que les
prêts garantis par une personne publique seront éligibles au
nouveau dispositif : il en sera donc ainsi de tous les prêts aux
établissements publics répondant à cette condition.
Par contre, l'article ne fait pas mention des titres émis par les
personnes publiques
. Le paragraphe IV qui traite des "titres et valeurs
suffisamment sûrs et liquides pour être détenus par les
sociétés de crédit foncier" y ferait toutefois
référence.
On peut objecter qu'en vertu des dispositions du paragraphe IV, ces titres et
valeurs ne doivent pas dépasser un quota de l'actif total. Or, il n'y a
pas de raison de restreindre à un quota les titres émis par des
personnes publiques qui offrent exactement les mêmes garanties que des
prêts.
Les titres émis par les collectivités publiques devraient en
effet être éligibles à la couverture des obligations
foncières car :
- les établissements concurrents sont autorisés à
acquérir des titres dans la fiducie de couverture des lettres de gage
publiques ;
- une partie significative des financements des collectivités publiques
de l'EEE (Allemagne, Espagne, Italie..) est
désintermédiée.
Afin d'élargir les possibilités de développement des
sociétés de crédit foncier, votre rapporteur vous propose
donc de les ajouter.
C. LES PARTS DE FONDS COMMUNS DE CRÉANCES
Outre l'introduction des prêts cautionnés,
l'éligibilité des parts de fonds communs de créances
à l'actif des sociétés de crédit foncier, en
garantie de titres privilégiés,
traduit le souci d'accompagner
les évolutions des marchés financiers et d'élargir le
recours à des actifs suffisamment sûrs pour donner lieu à
l'émission d'obligations sécurisées.
Il s'agit d'un élément de modernisation, qui ne conduit pas
à modifier la nature de l'activité des sociétés de
crédit foncier. En effet, l'introduction des parts de fonds communs de
créance est très encadrée par le projet de loi, puisque
ces fonds devront être composés au minimum pour 90% de
créances de même nature que celles figurant aux I et II du
présent article, c'est-à-dire de prêts
hypothécaires, prêts cautionnés ou prêts aux
personnes publiques répondant aux conditions strictes définies
plus haut (quotité et apport personnel notamment).
D'une certaine manière, cette disposition permet d'établir un
lien entre les sociétés de crédit foncier et les autres
produits existant sur les marchés financiers. Les créances
pourront ainsi être cantonnées dans des fonds communs de
créances et lorsque le volume des parts sera suffisant pour permettre le
lancement d'une émission d'obligations sécurisées, les
parts seront cédées à une société de
crédit foncier qui fera alors appel au marché.
D. LES TITRES ET VALEURS DE REMPLACEMENT
Les sociétés de crédit foncier ne peuvent détenir
des participations
: il s'agit de respecter le principe de
spécialité et de sûreté et d'éviter que la
société de crédit foncier ne se trouve dans la situation
d'une société mère tenue de soutenir sa filiale
défaillante.
Cette mention explicite constitue une dérogation à l'article 6
de la loi du 24 janvier 1984, au terme duquel les établissements de
crédit peuvent, dans des conditions définies par le comité
de la réglementation bancaire et financière, prendre et
détenir des participations dans des entreprises existantes ou en
création.
Il faut noter qu'en Allemagne, les banques hypothécaires peuvent
acquérir des participations dans des entreprises, lorsque ces
participations sont destinées à promouvoir les opérations
effectuées conformément à leur objet (émission
d'obligations foncières et communales) et que la responsabilité
de la banque hypothécaire résultant de ces participations est
limitée par la forme juridique de l'entreprise. Chaque participation ne
doit pas dépasser au total le tiers de la valeur nominale de toutes les
parts de l'entreprise dans laquelle est prise la participation.
Votre rapporteur estime que rendre possible un mécanisme similaire
en France n'est toutefois pas souhaitable,
car le système choisi de
filialisation est sensiblement différent du système allemand,
où les banques hypothécaires peuvent avoir d'autres
activités que l'octroi de prêts garantis : l'interdiction de
détenir des participations renforce incontestablement la
sécurité globale du dispositif.
Parmi les titres "suffisamment sûrs et liquides" pour être
détenus comme valeur de remplacement par une société de
crédit foncier,
la référence aux "obligations
foncières émises par d'autres sociétés de
crédit foncier"
a été ajoutée suite à
l'adoption d'un amendement présenté par le gouvernement à
l'Assemblée nationale.
Cette précision a été présentée comme un
moyen de faire respecter le principe du "surdimensionnement",
c'est-à-dire la supériorité de l'actif sur le passif d'une
société de crédit foncier, prévue à
l'article 64.
Elle venait en remplacement d'un amendement, refusé par le
gouvernement, consistant à donner la possibilité à la
société de crédit foncier de racheter ses obligations sans
les annuler. Or,
votre rapporteur estime que cette précision est
inutile :
- il va de soi que les obligations foncières émises par d'autres
sociétés de crédit foncier figurent parmi les "titres
sûrs et liquides" qui seront définis par le décret en
Conseil d'Etat, dans la mesure où ces obligations sont
précisément définies comme des titres
sécurisés ;
- le principe du "surdimensionnement" est menacé lorsqu'une
société de crédit foncier doit faire face à des
remboursements de prêts importants. Le fait de pouvoir acquérir
les titres d'une autre société de crédit foncier, comme
tout autre titre "sûr et liquide" ne permet de redimensionner l'actif que
dans une mesure moindre que souhaité, en raison des pertes de
trésorerie liées aux remboursements anticipés.
Votre rapporteur estime donc qu'en l'absence de mesures plus contraignantes
pour les remboursements anticipés de prêts (cf. commentaire de
l'article 64), il est important de s'interroger sur l'opportunité
d'offrir à la société de crédit foncier la
possibilité de racheter ses obligations.
En effet, aux termes des dispositions de l'article 322 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966,
les obligations rachetées par la
société émettrice, ainsi que les obligations sorties au
tirage et remboursées, sont annulées et ne peuvent être
remises en circulation.
Cependant,
l'Allemagne, par exception aux règles de droit
commun, permet à ses sociétés de crédit foncier de
racheter leurs titres sans les annuler
(art 5 de la loi hypothécaire
: les banques hypothécaires peuvent utiliser les fonds disponibles pour
racheter leurs lettres de gage et obligations communales).
En effet, lorsqu'une société de crédit foncier fait face
à des remboursements anticipés importants, dans un contexte de
diminution des taux d'intérêt, elle doit racheter certaines de ses
obligations afin de faire respecter la surdimension de son actif par rapport
à son passif privilégié. Or, compte tenu de la diminution
des taux d'intérêt, la valeur nominale des obligations se sera
accrue et la société enregistrera ainsi, en les annulant, des
pertes importantes et brutales.
Il va de soi que
la possibilité offerte aux sociétés
de crédit foncier d'acquérir leurs propres titres devra à
la fois être limitée
(ce qui est le cas puisque les titres de
la société de crédit foncier entrent dans la
catégorie des "valeurs de remplacement", qui seront plafonnées
à 20% de l'actif de la société)
et encadrée
(un décret en Conseil d'Etat pourrait préciser les conditions
dans lesquelles une société de crédit foncier peut
détenir ses propres titres et les obligations d'information des
investisseurs).
Votre rapporteur estime que prévoir un tel dispositif dans la loi,
avec toutes les garanties nécessaires, relève d'un souci de
transparence
. En effet, en l'absence de telles dispositions, le risque
serait grand que les principales sociétés actionnaires de la
société de crédit foncier rachètent par exemple par
l'intermédiaire des filiales, les obligations foncières
émises par cette société, sans aucune transparence pour
les porteurs des titres. Si le risque de manipulation de cours existe, il l'est
sans aucun doute dans l'absence de règles du jeu clairement
définies.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi amendé.
ARTICLE 63
Conditions d'extension du
privilège aux instruments financiers à terme utilisés par
les sociétés de crédit foncier
Commentaire : le présent article dispose que les
sociétés de crédit foncier peuvent recourir à des
instruments financiers à terme. Ces instruments
bénéficient des mêmes privilèges que les
opérations qu'ils ont pour objet de couvrir.
Les instruments financiers à terme sont énumérés
à l'article 3 de la loi n°96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation
des activités financières. Il s'agit de contrats financiers
à terme sur tous effets, valeurs mobilières, indices ou devises,
des contrats à terme sur taux d'intérêt, des contrats
d'échange, des contrats d'option d'achat ou de vente d'instruments
financiers.
Le présent article entend clarifier les conséquences du recours
par les sociétés de crédit foncier à ces
instruments au regard de la portée du privilège dont
bénéficient certaines de leurs ressources.
Les instruments financiers à terme, régis par des conventions de
place, doivent en effet bénéficier d'une disposition
législative explicite pour que le privilège reconnu aux porteurs
d'obligations foncières prévale sur ces conventions.
Cependant, le privilège de l'article 65 n'est évidemment
pas reconnu aux instruments financiers à terme utilisés pour la
couverture des opérations de gestion des emprunts ou ressources dont le
contrat d'émission ou de souscription ne mentionne pas de
privilège.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 64
Règles prudentielles
applicables
aux sociétés de crédit foncier
Commentaire : le présent article pose le principe de la
supériorité de l'actif de la société par rapport
à son passif privilégié.
I. LE PRINCIPE DU SURDIMENSIONNEMENT
Le présent article pose un principe essentiel de sécurité
pour les sociétés de crédit foncier, qui n'existe pas en
Allemagne : il s'agit de la surdimension de l'actif par rapport au passif
privilégié de la société, qui garantit que celle-ci
aura les ressources nécessaires pour payer ses créanciers
privilégiés.
L'article 14 du décret du 28 février 1852 posait
déjà le principe fondamental selon lequel " la valeur des
lettres de gage ne peut dépasser le montant des prêts ". Le
volume des prêts hypothécaires qui constituent la garantie des
obligataires devait donc toujours être au moins égal au volume des
obligations foncières en circulation. Ce principe de couverture
s'applique de façon globale, c'est-à-dire que l'ensemble des
obligations (et ressources bénéficiant de la même garantie)
est couvert par l'ensemble des prêts hypothécaires : il n'y a
pas de lien direct entre une obligation et un prêt hypothécaire.
Le présent article ne prévoit pas non plus de congruence
directe en matière de ressources et de prêts
, mais la
société devra veiller à ce que la couverture des
obligations par un volume de prêts au moins égal soit
assurée à tout moment
204(
*
)
.
L'article délègue au Comité de la réglementation
bancaire et financière le soin de déterminer les "modalité
d'évaluation de ces éléments d'actif et de passif".
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Sur l'initiative de M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des
finances, l'Assemblée nationale a ajouté que le Comité de
la réglementation bancaire et financière "
déterminera
également les conditions dans lesquelles est déterminée la
valeur hypothécaire des biens apportés en garantie
".
Votre rapporteur vous propose, par coordination avec l'amendement qu'il
propose à l'article 62, de supprimer cet ajout.
En effet, il lui est apparu qu'il était plus logique de faire
référence à la valeur du bien dans l'article 62 qui la
mentionne déjà, plutôt que dans l'article 64, sauf à
connaître un problème de coordination de ces deux articles.
Tout en estimant le Comité de la réglementation bancaire et
financière parfaitement compétent pour fixer les conditions de
détermination de la valeur immobilière admise en garantie, votre
rapporteur rappelle qu'il n'a pas souhaité s'attacher à la notion
de valeur hypothécaire, qui n'est pas clairement définie
(notamment pour l'habitat) mais qu'il a préféré
définir les conditions minimales que cette valeur devra respecter ("une
valeur prudente, excluant tout élément d'ordre
spéculatif").
Enfin, l'amendement présenté à l'article 62
prévoit que les modalités de recours à l'expertise devront
également être précisées par le CRBF.
Au-delà de ces remarques techniques, votre rapporteur estime que la
question essentielle que soulève cet article est de savoir
comment
mettre en oeuvre ce principe
,
en cas de remboursements
anticipés des prêts garantis, réduisant l'actif de la
société de crédit foncier.
III. LE RESPECT DU PRINCIPE DU SURDIMENSIONNEMENT POURRAIT ÊTRE
OBÉRÉ PAR L'IMPORTANCE DES REMBOURSEMENTS ANTICIPÉS DE
PRETS
La question des remboursements anticipés des prêts est un sujet
particulièrement important, en période de forte diminution des
taux d'intérêt.
D'après les indications de la Banque de France, depuis 12 ans, le
mouvement de renégociations de prêts a concerné un encours
de plus de 233,8 milliards de francs. Les réaménagements et
rééchelonnements ont porté sur 242,4 milliards de francs.
Toute renégociation provoque une perte pour les établissements
distributeurs : celle-ci est estimée à 40 milliards de francs sur
10 ans, dont 19 milliards de francs au titre de la renégociation et
21 milliards de francs au titre des réaménagements et
rééchelonnements.
Le principe même du droit au remboursement anticipé est reconnu
par la directive n°86-102 du 22 décembre 1986 relative au
rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des
Etats membres de l'Union européenne en matière de crédit
à la consommation.
Cependant, en matière d'indemnités, les législations
nationales sont très diverses, depuis l'interdiction de
pénalités pour remboursements anticipés (dans certains
Etats américains) jusqu'à des pénalités très
fortes (fonction de la différence entre le taux du prêt et le taux
de refinancement de la banque).
Modalités de remboursements anticipés des crédits immobiliers aux particuliers dans quelques pays de l'OCDE
Pays |
Possibilité de procéder au remboursement anticipé |
Indemnité de remboursement anticipé |
Allemagne |
Taux fixe
: en principe, pas avant 10 ans sauf dispositions contractuelles sur les
modalités et échéances de révision des conditions
d'intérêt
|
Fonction de la différence entre le taux du prêt et le taux de refinancement de la banque |
Grande-Bretagne |
Oui |
Prêts à taux variable :
non
|
Espagne |
Oui (demande faible car les banques préfèrent accorder un réaménagement pour conserver l'emprunteur) |
1% du capital restant dû à taux variable |
Italie |
Oui (remboursement anticipé simple, peu de renégociations) |
5% du
capital restant dû pour prêts à taux variable
|
Suède |
Oui |
prêts à taux variable :
non
|
Canada |
Oui, sans pénalités à l'échéance, avec pénalités en dehors. Variantes possibles selon dispositions contractuelles |
Prêts inférieurs
à cinq ans : soit trois mois
d'intérêt, soit différence entre le taux du contrat et le
taux du marché en vigueur sur la durée du prêt à
couvrir (au choix du prêteur)
|
Etats-Unis |
Oui |
Interdit
sur les remboursements anticipés pour cause de vente.
|
Japon |
Oui, sans condition sauf préavis de sept jours |
Pas de pénalités en général |
Suisse |
Oui |
Selon contrat |
En
Allemagne, la loi dispose que les prêts ne peuvent être
remboursés pendant 10 ans, sauf dispositions contractuelles
particulières.
En effet, en diminuant l'actif des banques hypothécaires, des
remboursements anticipés importants mettraient en péril ce sur
quoi repose la sécurité des détenteurs de "Pfandbriefe".
En France, l'absence de dispositions similaires fait que les remboursements
anticipés pourraient mettre en jeu le respect du principe de
surdimensionnement énoncé à l'article 64 du présent
projet de loi
.
Les remboursements anticipés de prêts hypothécaires
diminuent l'actif de la société, qui risque alors d'être
inférieur au passif privilégié. Si ces remboursements
doivent être massifs, les sociétés de crédit foncier
seront dans l'obligation de procéder à de tels
surdimensionnements qu'une large partie de leurs actifs éligibles
à un refinancement par obligations privilégiées sera
"gelé".
Votre rapporteur estime que la légitime protection du consommateur ne
doit pas avoir pour effet de soumettre les sociétés de
crédit foncier françaises à des conditions d'exercice de
leurs activités exagérément contraignantes par rapport aux
autres établissements européens.
Or, en l'état actuel du droit français, les remboursements
anticipés ne peuvent être dissuadés, puisqu'aucune
interdiction n'est prévue pendant une durée donnée.
De plus, l'article R.312-2 du code de la consommation, pris en application de
l'article L. 312-21 de ce même code, limite les pénalités
pour remboursements anticipés à un semestre
d'intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du
prêt et à 3% du capital restant dû avant remboursement.
Votre rapporteur estime qu'il pourrait être envisagé de
modifier les dispositions concernant les indemnités de remboursements
anticipés, pour les seuls prêts conclus à compter de
l'entrée en vigueur de la loi relative à l'épargne et
à la sécurité financière et ceci, de manière
à ne pas entraver, dès l'origine, le fonctionnement des
sociétés de crédit foncier.
L'emprunteur pourrait, contrairement à ce qui se passe en Allemagne,
rembourser à tout moment son prêt immobilier.
Cependant, l'indemnité, qui ne pourrait être supérieure
à six mois d'intérêt, comme c'est le cas aujourd'hui, ne
serait plus plafonnée à 3% du capital restant dû.
LES EFFETS DU PLAFONNEMENT DE L'INDEMNITE DE REMBOURSEMENT ANTICIPE
Exemple A
|
|
Cas n° 1 : remboursement anticipé au bout d'un an |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé
|
53.
422,64 F
|
Cas n° 2 : remboursement anticipé au bout de 8 ans |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé :
|
19.653,40
F
|
|
|
Exemple B
|
|
|
|
Cas n° 1 : remboursement anticipé au bout d'un an |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé :
|
31.429,44
F
|
|
|
Cas n° 2 : remboursement anticipé au bout de 8 ans |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé :
|
20.575,28F
|
Cas n°3 : remboursement anticipé au bout de 11 ans |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé :
|
13.759,55
|
|
|
Exemple C
|
|
|
|
Cas n° 1 : remboursement anticipé au bout d'un an |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé :
|
19.176,87
F
|
|
|
Cas n° 2 : remboursement anticipé au bout de 8 ans |
|
1
semestre d'intérêt sur le capital remboursé :
|
5.765,19 F
|
L'étude ci-jointe montre que le plafond de 3 % du capital restant
dû diminue sensiblement le montant de l'indemnité dès lors
que le taux d'intérêt du prêt est supérieur à
6%.
En effet, dans les exemples A et B ci-joints (prêts immobiliers à
taux élevé : 11% et 8%), on constate que le plafonnement à
3% du capital restant dû contribue à minorer l'indemnité de
remboursement anticipé d'autant plus fortement que le remboursement
anticipé a lieu en début de période et que le taux du
prêt immobilier est élevé. Même lorsque le
remboursement intervient en fin de période, l'effet du plafonnement est
encore sensible pour l'emprunteur.
A contrario, dans l'exemple C (prêts immobiliers à taux faible :
4%), le plafonnement de l'IRA à 3% du capital restant dû ne joue
pas, que le remboursement intervienne en début ou en fin de
période.
Supprimer la règle des 3% serait donc un simple aménagement, qui
pénaliserait presque exclusivement les remboursements précoces,
pour des prêts à taux élevés, de tels remboursements
étant précisément ceux qui risqueraient de mettre en
péril l'activité normale des nouvelles sociétés de
crédit foncier.
En revanche, la situation personnelle, familiale et professionnelle des
emprunteurs serait enfin prise en compte, puisque les emprunteurs qui, pour un
cas de force majeure (divorce, décès..), seraient contraints
à rembourser leur emprunt par anticipation, n'auraient plus à
verser aucune indemnité.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi amendé.
ARTICLE 65
Privilège reconnu à
certains créanciers des sociétés de crédit foncier
Commentaire : le présent article énonce le
privilège de certains créanciers en cas de redressement ou de
liquidation judiciaire d'une société de crédit foncier.
I. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Cet article instaure au profit des détenteurs d'obligations
foncières et autres titres privilégiés, un
privilège sur l'ensemble des éléments d'actif de la
société de crédit foncier et précise les conditions
de la mise en oeuvre de ce privilège.
Il impose le paiement à bonne date des créanciers
privilégiés, même si la société fait l'objet
d'une procédure collective ou de suspension des poursuites.
En cas de procédure collective, il interdit tout paiement aux autres
créanciers de la société avant
désintéressement complet des créanciers
privilégiés. En contrepartie de ces privilèges, ceux-ci ne
peuvent exiger le remboursement anticipé de leurs créances en cas
de liquidation judiciaire de la société.
II. DES DISPOSITIONS ESSENTIELLES POUR ASSURER LE SUCCES DES NOUVELLES
OBLIGATIONS FONCIERES
Votre rapporteur estime que cet article représente l'un des
éléments clefs du nouveau système d'émission
d'obligations sécurisées.
En effet, le décret du 28 février 1852 sur les
sociétés de crédit foncier prévoyait
déjà un privilège des détenteurs d'obligations
foncières. Conformément à l'article 13
(3
ème
alinéa) du décret du 28 février
1952, modifié par la loi du 4 janvier 1993, les créances
provenant des prêts hypothécaires étaient affectées,
par privilège, au paiement des obligations créées en
représentation de ces prêts. Cependant, en raison des conflits de
lois, des doutes étaient apparus sur la sécurité
réelle des titres, en cas d'ouverture d'une procédure collective.
Le projet de loi réaffirme explicitement le privilège reconnu
dès 1852 aux porteurs d'obligations foncières.
Les dispositions de la loi n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la
prévention et au règlement amiable des difficultés des
entreprises et de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au
redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont
clairement écartées.
Le privilège se traduit par l'affectation "par priorité" au
paiement des obligations foncières et autres ressources
assimilées de toutes les sommes provenant :
- des prêts, titres et valeurs mentionnés à l'article 62
(prêts garantis, prêts aux collectivités publiques, parts de
fonds communs de créance, titres et valeurs suffisamment sûrs et
liquides),
- des instruments financiers à terme mentionnés au premier
alinéa de l'article 63 (c'est-à-dire ceux utilisés pour la
couverture des opérations de gestion des prêts, des obligations
foncières ou des autres ressources assimilées),
- des dépôts effectués par la société de
crédit foncier auprès d'établissements de crédit.
Les créances des porteurs d'obligations foncières prennent rang
avant :
- le "superprivilège" des salariés défini par les articles
L. 143-10 et suivants du code du travail et portant sur les deux derniers mois
de salaire ;
- le droit de préférence des créances de l'article 40 de
la loi du 25 janvier 1985, c'est-à-dire celles nées
régulièrement après le jugement d'ouverture de la
procédure collective (frais de justice, créances des
salariés afférentes à la période d'observation,
prêts consentis par les établissements de crédit,
créances des fournisseurs ayant accordé des délais de
paiement...) ;
- les créances garanties par des sûretés
immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit
de rétention ;
- le privilège du Trésor défini par le code
général des impôts ;
- le privilège de la sécurité sociale ;
- les autres créanciers selon leur rang.
Les créanciers privilégiés priment par conséquent
tous les autres créanciers de la société, ayant une
créance postérieure ou non au jugement d'ouverture, que la
créance soit assortie ou non d'un privilège.
Le privilège est étendu aux "frais annexes" aux
opérations entrant dans l'objet exclusif des sociétés de
crédit foncier. Ces frais annexes sont définis par le
décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 74. Il
s'agirait des frais permettant le fonctionnement normal de la
société de crédit foncier et la gestion de ses actifs
(primes d'assurance, frais de gestion des immeubles acquis à la suite de
la mise en oeuvre des hypothèques...).
Il faut noter également que le présent article dispose que
" la liquidation judiciaire d'une société de
crédit foncier n'a pas pour effet de rendre exigibles les obligations et
autres dettes bénéficiant du privilège ".
Ceci
permet d'écarter l'application de l'article 160 de la loi du 25 janvier
1985, aux termes duquel "
le jugement qui ouvre ou prononce la
liquidation judiciaire rend exigibles les créances non
échues
". Ainsi, la concordance entre la durée des
actifs et celle des obligations foncières n'est pas atteinte par des
demandes de remboursements anticipés, ce qui renforce le droit des
porteurs d'obligations foncières à être payés
à bonne date.
III. QUELQUES MODIFICATIONS DE FORME
Votre rapporteur souhaite améliorer et préciser le texte
proposé par le présent article sur trois points :
1) En énonçant les actifs qui serviront au paiement des
créanciers privilégiés, le présent article fait
référence au seul premier alinéa de l'article 63
c'est-à-dire aux instruments financiers à terme destinés
à couvrir les opérations de gestion des prêts et ressources
privilégiés.
Ceci introduit, de fait, une restriction par rapport à l'esprit
même du projet de loi, qui prévoit que l'intégralité
des flux entrants vont à l'actif des flux privilégiés.
Votre rapporteur vous propose donc de faire référence
à l'ensemble de l'article 63, c'est-à-dire à tous les
instruments financiers à terme
, qu'ils soient utilisés pour
la couverture de ressources privilégiées ou pour toute autre
opération.
Par ailleurs, une gestion de trésorerie normale consiste à
opérer une compensation entre les intérêts dus au titre
du prêt et ceux dus au titre de l'emprunt
: il est important de le
mentionner afin que la société de crédit foncier puisse
être en mesure d'assurer le paiement des sommes dues après
compensation.
2) Le 2° du présent article pose le principe du privilège
des créances limitativement définies à l'article 61 du
projet de loi. Il mentionne également les intérêts
résultant des contrats de "prêts".
Cette mention des "prêts" est une erreur, puisque les créanciers
privilégiés sont les porteurs des obligations foncières et
autres ressources privilégiées, et non les emprunteurs.
Votre
rapporteur vous propose donc de supprimer cette mention.
3) Un décret en Conseil d'Etat devrait expliciter la notion de "frais
annexes", qui bénéficieront du même privilège que
les porteurs d'obligations foncières
Votre rapporteur estime toutefois que cette notion, dans sa formulation
même, est assez ambiguë.
En particulier, lorsque la gestion ou le recouvrement des prêts sont
assurés, non par la société de crédit foncier
elle-même, mais par une société de gestion,
c'est-à-dire un établissement de crédit lié
à elle par contrat selon l'article 65 bis, il est important que ce
contrat puisse être honoré. Dans le cas contraire, la gestion des
prêts ne pourrait être assurée de manière
satisfaisante. Or, la notion de "frais annexes" semble alors insuffisante pour
inclure les sommes dues au titre du contrat.
Votre rapporteur vous propose donc d'ajouter aux frais annexes
bénéficiant du même privilège que les
créanciers, la rémunération du prestataire, dans le but
d'assurer la continuité de gestion des prêts.
D'une manière générale, le privilège des
créanciers, détenteurs d'obligations et autres titres
sécurisés, devrait conduire à majorer le coût des
ressources provenant des autres investisseurs, ou des prestations fournies par
les autres sociétés que la société de gestion des
prêts. Il n'en reste pas moins qu'en échange d'une
rémunération adéquate, et en considérant les
garanties apportées par la structure financière de la
société de crédit foncier, ces créanciers ne
devraient pas être dissuadés de conclure des contrats.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi amendé.
ARTICLE 65 BIS (nouveau)
Modalités de
gestion des prêts et obligations foncières
Commentaire : le présent article a pour objet de
préciser que la gestion des prêts et des obligations
foncières ne peut être assurée que par la
société de crédit foncier elle-même ou par un
établissement de crédit lié à elle par contrat.
Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale suite
à un amendement de M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des
finances, vise à garantir que la société qui sera
chargée de la gestion des prêts et obligations foncières
fera preuve du professionnalisme nécessaire à l'accomplissement
de sa tâche.
La société de gestion étant un établissement de
crédit, elle sera ainsi soumise au contrôle de la commission
bancaire. Cette précision est importante dans la mesure où les
sociétés de crédit foncier devraient, compte tenu du
privilège des créanciers inscrit à l'article 65 du
présent projet de loi, faire majoritairement appel à des
sociétés de gestion.
Cette précision s'inscrit donc entièrement dans les
préoccupations de votre rapporteur, à savoir s'efforcer d'obtenir
une gestion sécurisée et transparente des nouvelles
sociétés de crédit foncier, afin de garantir au mieux les
droits des créanciers.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 66
Validité des contrats et des
actes relatifs à l'objet des sociétés de crédit
foncier
Commentaire : le présent article prévoit que,
pendant
la période suspecte, aucun contrat relatif à l'activité
même de la société de crédit foncier ne peut
être remis en cause, pourvu qu'il n'ait pas été conclu
frauduleusement.
I. LE DROIT EXISTANT
Au cours de la période s'écoulant entre la date de cessation de
paiements et le jour du jugement d'ouverture de la procédure de
redressement, certains actes pourraient avoir été faits en fraude
des droits des créanciers, et porter atteinte à
l'égalité de ceux-ci ou priver l'entreprise d'un bien ou d'un
actif nécessaire à son redressement.
La loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation
judiciaires des entreprises a donc prévu la possibilité d'engager
des actions en nullité contre certains actes du débiteur. Ces
actes sont définis aux articles 107 et 108 de la loi.
L'article 107 de la loi énumère les actes frappés de
nullité de plein droit, c'est-à-dire que, du fait de leur nature
même, ils ont le caractère d'actes frauduleux. Il s'agit notamment
de :
- tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété
mobilière ou immobilière ;
- tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur
excèdent notablement celles de l'autre partie ;
- tout paiement, quel qu'en soit le mode, pour dettes non échues au jour
du paiement ; (...).
L'article 108 définit les actes frappés de nullités
facultatives, c'est-à-dire laissées à
l'appréciation du juge
,
puisqu'il s'agit du paiement de dettes
échues
: "les paiements pour dettes échues effectués
après la date de cessation des paiements et les actes à titre
onéreux accomplis après cette même date
peuvent
être annulés
si ceux qui ont traité avec le
débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ".
II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Le présent article écarte l'application de l'article 108 de la
loi du 25 janvier 1985, c'est-à-dire la nullité des
paiements pour dettes échues effectués après la date de
cessation des paiements.
Cet article ne sera donc pas applicable aux contrats conclus par ou avec une
société de crédit foncier, dès lors que ces
contrats ou ces actes sont directement relatifs aux opérations figurant
dans son objet (article 61). Il s'agit essentiellement de conserver aux
porteurs d'obligations foncières le droit au remboursement normal de
leurs créances, sans que l'intervention du juge puisse remettre en cause
ce droit.
Au contraire de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, l'article 107 de
cette même loi s'appliquera donc, faute d'exclusion expresse.
Cette application a fait l'objet d'un débat à l'Assemblée
nationale. En effet, le 6° de l'article 107 dispose qu'est nulle,
lorsqu'elle aura été faite par le débiteur depuis la date
de cessation des paiements, "toute hypothèque conventionnelle, toute
hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des
époux et tout droit de nantissement constitués sur les biens du
débiteur pour dettes antérieurement contractées".
La crainte, exprimée par l'amendement présenté par M.
Michel Inchauspé, était que de nouveaux crédits
versés à l'actif de la société de crédit
foncier après la date de cessation des paiements de cette
société, ne puissent être mobilisés pour payer les
créanciers privilégiés, en application des dispositions de
l'article 65 du projet de loi.
Il semble que cette crainte puisse être dissipée, dans la mesure
où l'article 107 ne vise clairement que les cas de fraude et non les
actes légalement réalisés. De plus, l'article 107 ne vise
que les dettes non échues (les dettes échues sont traitées
à l'article 108) et de ce fait, ne pourrait conduire à une remise
en cause des droits des créanciers privilégiés, qui
pourront être payés à l'échéance
contractuelle de leurs créances.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 67
Pouvoirs de l'administrateur
provisoire
ou du liquidateur nommé auprès d'une société de
crédit foncier
Commentaire : le présent article a pour objet de rendre
applicables les pouvoirs normalement dévolus à l'administrateur
provisoire ou au liquidateur d'une société mise en redressement
ou en liquidation judiciaire.
Cet article vise simplement à préciser qu'en matière de
transfert de pouvoirs et de représentation morale de la
société, les règles de droit commun s'appliquent à
la société de crédit foncier mise en redressement ou en
liquidation judiciaire.
Par ailleurs, lorsqu'un administrateur provisoire ou un liquidateur a
été nommé auprès d'une société de
crédit foncier, les dispositions de l'article 46-1 de la loi du 24
janvier 1984 (introduit par l'article 56 du présent projet de loi) sont
applicables. Dès lors, la commission bancaire peut saisir le tribunal
afin que :
- soit ordonnée la cession des actions détenues par un ou
plusieurs dirigeants de droit ou de fait de la société de
crédit foncier ;
- soit décidé le transfert du droit de vote attaché aux
titres détenus par les dirigeants à un mandataire de justice ;
- soit ordonnée la cession de l'ensemble des actions de la
société de crédit foncier.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 68
Non extension d'une procédure
collective à une société de crédit foncier
Commentaire : le présent article a pour objet de
prévoir que la mise en redressement ou en liquidation judiciaires d'une
société détenant des parts d'une société de
crédit foncier ne peut s'étendre à celle-ci.
Cet article a pour objet de réaffirmer clairement la protection des
actifs détenus par la société de crédit foncier
comme garantie des titres privilégiés qu'elle émet,
même si la société mère est défaillante.
Il fait ainsi obstacle aux différents moyens d'extension, qu'ils soient
légaux (article 182 de la loi 25 janvier 1985) ou jurisprudentiels.
Il s'agit d'un principe "d'étanchéité" qui, avec le
privilège des détenteurs d'obligations foncières sur
l'actif de la société de crédit foncier, garantit le
remboursement des créanciers.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 69
Possibilité de
résilier
les contrats conclus pour la gestion et le recouvrement des prêts et
ressources d'une société de crédit foncier
Commentaire : le présent article a pour objet de
prévoir la possibilité de résilier immédiatement le
contrat de gestion et de recouvrement des prêts lorsque la
société qui en est chargée est mise en redressement ou en
liquidation judiciaires.
Cet article autorise la résiliation immédiate des contrats de
gestion dans le cas où une procédure collective serait ouverte
à l'encontre de la société chargée de la gestion et
du recouvrement des prêts et obligations de la société de
crédit foncier.
La personne qui procède à cette résiliation n'est pas
mentionnée, mais il faut supposer qu'il s'agit de la
société de crédit foncier elle-même.
Cette disposition permet de faire obstacle à l'application de l'article
37 de la loi du 25 janvier 1985, au terme duquel "
nonobstant toute
disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune
indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne
peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire
".
L'article initial du projet de loi prévoyait l'information des
emprunteurs par lettre. Cependant, dans la mesure où la
résiliation du contrat n'emporte pas par elle-même transfert du
recouvrement des créances, l'Assemblée nationale a
préféré supprimer cette disposition. L'information par
lettre interviendra seulement à l'occasion du changement de
société chargée du recouvrement, comme le prévoit
l'article 71.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 70
Modalités des cessions de
créances aux sociétés de crédit foncier
Commentaire : le présent article fixe les
modalités de
cession à une société de crédit foncier des
prêts ouvrant droit à l'émission d'obligations
foncières. Cette cession est opérée par la simple remise
d'un bordereau.
L'article 70 définit des modalités proches de celles
prévues par la loi n°81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le
crédit aux entreprises et surtout de l'article 34 de la loi
n°88-1201 du 23 décembre 1988 concernant la cession de
créances à un fonds commun de créances.
La cession des prêts se fait par simple remise d'un bordereau, dont le
contenu sera déterminé par décret. La date apposée
sur le bordereau lors de sa remise est la date à laquelle la cession ou
l'apport prend effet entre les parties et à laquelle il devient
opposable aux tiers.
Le décret devrait s'inspirer étroitement du décret
n°89-158 du 9 mars 1989 pris en application de l'article 34 de la loi de
1988 précitée et qui porte notamment sur la désignation du
cessionnaire, la désignation et l'individualisation des créances
cédées, l'indication des débiteurs, le montant des
créances et la date d'échéance finale de celles-ci.
La remise du bordereau entraînera de plein droit le transfert des
accessoires des créances cédées et des
sûretés garantissant chaque prêt, y compris les
sûretés hypothécaires. Cette précision correspond
simplement à l'application de l'article 1692 du code civil selon lequel
"la vente ou la cession d'une créance comprend les accessoires de la
créance tels que caution, privilège et hypothèque".
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 71
Information des débiteurs
Commentaire : le présent article prévoit
l'information
par simple lettre des débiteurs en cas de changement de la
société chargée de gérer ou de procéder au
recouvrement des prêts.
Cet article prévoit que les débiteurs sont informés par
"simple lettre" en cas de changement de l'entité juridique
chargée de gérer ou de procéder au recouvrement des
prêts.
Ce changement peut notamment intervenir en cas de résiliation du
contrat liant la société de crédit foncier à la
société de gestion après l'ouverture d'une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à
l'encontre de cette dernière (cf. article 69).
L'information par simple lettre permet de déroger aux dispositions de
l'article 1690 du code civil qui, en imposant "la signification du transport
(de la créance) au débiteur", exigerait de recourir à un
huissier.
L'information du débiteur conditionne la validité d'un versement
payé à l'ancienne société chargée du
recouvrement : l'article 1691 du code civil dispose en effet que le paiement
à l'ancienne société est valable en l'absence
d'information du débiteur. Ceci contraindrait alors la nouvelle
société chargée du recouvrement des prêts à
faire une démarche pour récupérer cette somme.
Dans le cas contraire, si le débiteur a déjà
été informé, il devra payer la nouvelle
société de gestion et faire lui-même des démarches
pour récupérer la somme qu'il a versée.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 72
Surveillance des
sociétés
de crédit foncier
Commentaire : le présent article institue un
contrôleur
spécifique de la société de crédit foncier, choisi
sur la liste des commissaires aux comptes, après avis de la commission
bancaire.
L'article 72 traite du contrôle particulier des sociétés de
crédit foncier.
La commission bancaire est évidemment compétente pour
contrôler les sociétés de crédit foncier qui seront
des établissements de crédits spécialisés. Ses
prérogatives, énumérées aux articles 37 à 49
de la loi du 24 janvier 1984 comprennent la possibilité de
réaliser des contrôles sur pièces et sur place et de se
faire communiquer des documents. Elle dispose d'une panoplie de moyens pour
faire respecter les règles applicables aux sociétés de
crédit foncier, depuis la mise en garde jusqu'à la nomination
d'un administrateur provisoire ou d'un liquidateur.
L'innovation introduite par le présent article consiste à
prévoir, en plus de ce contrôle externe, un contrôle interne
spécifique.
Un contrôleur spécifique est nommé sur avis conforme de
la commission bancaire, sur la liste des commissaires aux comptes.
Le rôle du contrôleur spécifique est de s'assurer que la
société de crédit foncier respecte les dispositions
particulières qui lui sont applicables et de défendre les
intérêts spécifiques des porteurs de titres
privilégiés.
Le contrôleur spécifique veille au respect des règles
concernant l'objet des sociétés de crédit foncier (article
61), la nature des actifs admis en garantie (article 62), l'utilisation des
instruments financiers à terme (article 63), la
supériorité de l'actif de la société par rapport
à son passif privilégié (article 64) et la mise en oeuvre
du privilège des créanciers (article 65).
Il faut noter qu'outre le renforcement des garanties offertes aux porteurs
d'obligations privilégiées, la présence de ce
contrôle spécifique devrait permettre de rendre éligibles
les obligations foncières à l'article 22-4 de la directive CEE du
20 décembre 1985.
Application de la directive 85/611/CEE
L'article 22-4 de la directive 85/611/CEE du 20 décembre 1985 portant
coordination des dispositions législatives, réglementaires et
administratives concernant certains organismes de placement collectif en
valeurs mobilières (OPCVM) permet aux Etat-membres de porter de 5%
à 25% le ratio de division des risques des OPCVM coordonnés pour
certaines obligations. Un OPCVM peut donc placer jusqu'à 25% de ses
actifs dans des obligations émises par un même émetteur,
dans la limite de 80% de la valeur totale des actifs de l'OPCVM.
Ces obligations doivent être émises par un
établissement de crédit ayant son siège dans un Etat
membre et qui fait l'objet d'un contrôle public particulier visant
à protéger les détenteurs d'obligations.
Les sommes provenant des émissions d'obligation doivent être
investies dans des actifs de couverture qui seront affectés par
privilège au remboursement du capital et paiement des
intérêts courus en cas de défaillance de
l'émetteur.
Grâce notamment à l'instauration d'un contrôleur
spécifique, les obligations foncières françaises semblent
correspondre aux exigences requises par la directive. Elles sont émises
par des établissements de crédit ayant leur siège dans un
Etat membre de l'Union européenne, les sociétés de
crédit foncier (article 61), soumis au contrôleur d'un
contrôleur spécifique et d'un contrôleur spécifique
suppléant (article 72) et l'actif, nécessairement
supérieur au passif des sociétés de crédit foncier,
doit être en priorité affecté aux créanciers
obligataires (articles 64 et 65).
Au terme des dispositions de l'article 25 de la loi n°88-1201 du 23
décembre 1988 relative aux OPCVM et portant création de fonds
communs de créances, un décret en Conseil d'Etat fixe les cas et
les catégories de titres pour lesquels il peut être
dérogé à la règle suivant laquelle un OPCVM ne peut
employer en titres d'un même émetteur plus de 5% de ses actifs.
Il apparaît donc nécessaire que ce décret en Conseil
d'Etat soit prochainement modifié.
Le ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie a d'ailleurs
donné des assurances sur ce point en séance publique à
l'Assemblée nationale.
"Je vous précise (..) que nous avons l'intention de signaler
à la Commission européenne que nous considérons ces
obligations foncières comme faisant partie des titres suffisamment
sûrs pour pouvoir être détenus à raison d'un montant
supérieur à 5%, même si elles proviennent d'un seul
émetteur. Nous demanderons ensuite par un décret en Conseil
d'Etat que tout soit traduit en droit français."
La procédure auprès de la commission européenne visera
à se conformer aux dispositions de la directive, selon laquelle les
Etats membres communiquent à la commission la liste des
catégories d'obligations et des catégories d'émetteurs
habilités, en vertu de la loi et des dispositions concernant le
contrôle, à émettre des obligations qui répondent
aux critères énoncés. A cette liste doit être jointe
une notice présentant la nature des garanties offertes.
I. LA DÉSIGNATION DU CONTROLEUR SPÉCIFIQUE
1. La procédure de nomination du contrôleur spécifique
Le contrôleur spécifique est nommé par les dirigeants de la
société de la société de crédit foncier,
pour une durée de quatre ans, sur avis conforme de la commission
bancaire.
Cette procédure est sensiblement différente de celle existant
pour les commissaires aux comptes, qui sont nommés par
l'assemblée générale de la société
(
article 224
de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966) pour une
durée de six ans.
Ces dispositions particulières peuvent s'expliquer par le rôle du
contrôleur spécifique, chargé de veiller aux
intérêts des créanciers privilégiés :
l'avis conforme de la commission bancaire a ainsi pour objet de renforcer la
sécurité attachée au contrôle spécifique des
sociétés de crédit foncier. En Allemagne, un
administrateur fiduciaire indépendant est nommé par l'Office
fédéral de contrôle du crédit et des banques.
Comme pour le commissaire aux comptes, les honoraires du contrôleur
spécifique sont à la charge de la société
(
article 232
de la loi du 24 juillet 1966).
2. Le régime des incompatibilités
Le présent article reprend dans une large mesure
le régime des
incompatibilités applicables aux commissaires aux comptes.
Ainsi,
l'article 219-3
de la loi du 24 juillet 1966, relatif aux
incompatibilités générales pour l'exercice de la fonction
de commissaire aux comptes est applicable. Toute activité de nature
à porter atteinte à l'indépendance du contrôleur,
tout emploi salarié (hors enseignement) et toute activité
commerciale est donc banni.
De même, les
articles 220 à 221-1
de la loi du 24 juillet
1966 relatifs aux incompatibilités spécifiques au
contrôleur de chaque société sont applicables : ne
peuvent être nommés contrôleur spécifique les
dirigeants, fondateurs ou administrateurs de la société, les
parents et alliés de ceux-ci, les membres du conseil de surveillance. De
même, les contrôleurs ne peuvent être nommés à
des postes de responsabilité dans les sociétés qu'ils
contrôlent moins de cinq ans après la cessation de leurs
fonctions. Enfin, les administrateurs, dirigeants ou salariés ne peuvent
être nommés contrôleur des sociétés à
laquelle ils appartenaient moins de cinq ans après leur départ.
Des incompatibilités propres aux contrôleurs spécifiques
des sociétés de crédit foncier sont toutefois
ajoutées par le présent article
.
Suite à un amendement voté à l'Assemblée nationale,
les contrôleurs spécifiques seront choisis parmi les personnes
inscrites sur la liste des commissaires aux comptes, mais le commissaire aux
comptes de la société de crédit foncier ou de toute
société contrôlée directement ou indirectement par
une société détenant une participation dans le capital de
la société de crédit foncier ne pourra être
nommé contrôleur spécifique.
Votre rapporteur estime que cette mesure qui, dans son esprit, est tout
à fait justifiée, pourrait être corrigée sur un
point mineur, afin de garantir le bon fonctionnement des sociétés
de crédit foncier.
En effet, viser des sociétés qui n'ont qu'une faible
participation dans l'actif des sociétés de crédit foncier
pourrait conduire à exclure des commissaires aux comptes appartenant
à des cabinets compétents, mais travaillant pour une des
sociétés visées. Comme les fonctions de commissaire aux
comptes sont souvent exercées par des sociétés
constituées sous forme de sociétés civiles
professionnelles (art. 218 loi 24 juillet 1966), l'incompatibilité
pourrait en effet toucher de nombreux commissaires aux comptes. Cette
restriction semble d'autant moins nécessaire que l'avis conforme de la
commission bancaire sera toujours requis pour la nomination des
contrôleurs spécifiques des sociétés de
crédit foncier.
Afin d'éviter une interdiction par trop extensive, votre rapporteur
vous propose donc un amendement visant à préciser que seuls les
commissaires aux comptes de sociétés détenant une
participation majoritaire dans la société de crédit
foncier ne pourraient en devenir contrôleur spécifique.
3. Le contrôleur spécifique suppléant
L'Assemblée nationale a créé un
contrôleur
spécifique suppléant
, afin de s'assurer de la
continuité du contrôle de la société de
crédit foncier.
Son mode de désignation est exactement identique à celui du
contrôleur titulaire.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ajouté que l
e
deuxième alinéa de l'article 223 de la loi du 24 juillet 1966
serait applicable au contrôle spécifique des
sociétés de crédit foncier. Cet alinéa traite de la
nomination et de la prise de fonctions du commissaire aux comptes
suppléant. Il dispose qu'un ou plusieurs commissaires aux comptes
suppléants appelés à remplacer les titulaires en cas de
refus, d'empêchement, de démission ou de décès de
ceux-ci, sont désignés par l`assemblée
générale ordinaire. Les fonctions du commissaire aux comptes
suppléant prennent fin à l'expiration du mandat du titulaire ou,
si l'empêchement est temporaire, lorsque l'empêchement a
cessé et après la réunion de l'assemblée
générale qui approuve les comptes.
Votre rapporteur note qu'il pourrait y avoir là un problème de
coordination avec les dispositions figurant au deuxième alinéa du
présent article et qui disposent que le contrôleur
suppléant est nommé par les dirigeants de la
société de crédit foncier sur avis conforme de la
commission bancaire.
S'il est nécessaire de prévoir les
conditions dans lesquelles le contrôleur suppléant remplace le
titulaire, il conviendrait sans doute de l'indiquer explicitement dans la loi,
sans faire référence à l'article 223 de la loi de 1966
relative aux sociétés commerciales.
II. LES MISSIONS DU CONTROLEUR SPÉCIFIQUE
1. Le contrôle des dispositions spécifiques aux
sociétés de crédit foncier
Au terme du troisième alinéa du présent article, le
contrôleur spécifique veille au respect des règles
concernant l'objet des sociétés de crédit foncier (article
61), la nature des actifs admis en garantie (article 62), l'utilisation des
instruments financiers à terme (article 63), la
supériorité de l'actif de la société par rapport
à son passif privilégié (article 64) et la mise en oeuvre
du privilège des créanciers (article 65).
2. Une action renforcée au service des créanciers
privilégiés
L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des finances, a
renforcé le rôle du contrôleur spécifique, afin de
lui faire jouer un rôle " préventif " en cas de risques
pour la continuité d'exploitation de la société de
crédit foncier.
Outre la certification des documents adressés à la commission
bancaire et l'établissement d'un rapport sur l'accomplissement de sa
mission (transmis aux dirigeants de la société de crédit
foncier et à la commission bancaire), le contrôleur
spécifique "
sera tenu de signaler immédiatement à
celle-ci tout fait ou toute décision dont il a eu connaissance dans
l'exercice de sa mission et qui est de nature à porter atteinte aux
conditions ou à la continuité d'exploitation de la
société de crédit foncier
".
Cette disposition, qui s'inspire très directement de celle prévue
pour le commissaire aux comptes dans le texte proposé pour transposer la
directive dite "post-BCCI", témoigne du souci d'ajouter un volet
"préventif" aux dispositions, existant déjà dans le projet
de loi, et relatives aux procédures de redressement et de liquidation
judiciaire.
Grâce à ce mécanisme d'alerte, la commission bancaire, qui
sera saisie, pourra mettre en oeuvre les pouvoirs dont elle dispose au titre
des procédures de prévention, et qui sont d'ailleurs
renforcées dans le présent projet de loi (cf. article 34).
Par ailleurs
, le contrôleur spécifique pourra agir au nom des
créanciers
privilégiés puisqu'il procédera
à la déclaration prévue en cas de mise en oeuvre d'une
procédure de redressement judiciaire de la société de
crédit foncier.
L'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 prévoit en effet qu'à
compter de la publication du jugement, tous les créanciers dont la
créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture,
à l'exception des salariés, adressent la déclaration de
leurs créances au représentant des créanciers.
Le contrôleur spécifique agira sur ce point précis, au nom
des créanciers privilégiés, mais il ne se voit pas confier
formellement une fonction de représentant des créanciers,
contrairement à ce qui se passe en Allemagne.
Votre rapporteur estime que la situation particulière du
contrôleur spécifique, à mi-chemin entre le commissaire aux
comptes et le représentant des créanciers, devra être
clairement explicitée, afin de faciliter les conditions d'exercice de sa
mission.
III. LES ACTIONS ET PRÉROGATIVES DU CONTRÔLEUR
SPÉCIFIQUE
Elles sont sensiblement identiques à celles du commissaire aux comptes.
Les articles 229, 230 et 231 de la loi du 24 juillet 1966 sont en effet
applicables.
L'article 229
traite des opérations de vérification et de
contrôle menées par les commissaires aux comptes. Les
investigations des contrôleurs spécifiques pourront
s'étendre aux sociétés mères, ce qui est
particulièrement important pour les sociétés de
crédit foncier, dans la mesure où la société
mère pourra être la société chargée de la
gestion des prêts.
L'action du contrôleur spécifique est toutefois sensiblement
différente de celle du commissaire aux comptes, dans la mesure où
il ne certifie par les comptes (les dispositions de l'article 228 de la loi de
1966 ne lui sont pas applicables). En revanche, en vertu du cinquième
alinéa du présent article,
le contrôleur
" certifie " les documents adressés à la Commission
bancaire,
au titre du respect des dispositions qu'il a la charge de faire
respecter.
Votre rapporteur estime important de préciser que cette certification
consiste à attester, par une signature, du respect des exigences
spécifiques aux sociétés de crédit foncier, et non
à remplacer le commissaire aux comptes dans sa mission essentielle de
certification des comptes.
Une autre ambiguïté résulte de l'application de
l'article
230
de la loi de 1966, qui traite des relations du commissaire aux comptes
avec le conseil d'administration, le directoire ou le conseil de surveillance
de la société qu'il contrôle. Le contrôleur
spécifique devra porter à leur connaissance les contrôles
et vérifications auxquels il a procédé, les
modifications qu'il souhaite apporter aux documents comptables, les
irrégularités et inexactitudes qu'il aurait découvertes,
les conclusions sur les résultats de l'exercice.
Votre rapporteur note que toutes les dispositions de l'article ne peuvent
s'appliquer au contrôleur spécifique, qui n'a pas, par exemple,
pour mission explicite de se prononcer sur les résultats de l'exercice.
Enfin,
l'article 231
dispose que les commissaires aux comptes sont
convoqués à la réunion du conseil d'administration ou du
directoire, ainsi qu'à toutes les assemblées
générales d'actionnaires de la société qu'ils
contrôlent. Il en serait donc de même pour le contrôleur
spécifique. Or, celui-ci ne communique formellement son rapport qu'aux
dirigeants et à la commission bancaire.
Votre rapporteur note que la solution proposée par le présent
article consiste donc à donner au contrôleur spécifique des
missions et prérogatives sensiblement équivalentes à
celles du commissaire aux comptes de la société, au risque de
faire parfois double emploi.
A contrario, il aurait pu être envisagé d'aboutir à
une
complémentarité entre les fonctions du contrôleur
spécifique et celles du commissaire aux comptes
. Ainsi, le
contrôleur spécifique pourrait-il être délié
du secret professionnel à l'égard du commissaire aux comptes,
afin que ce dernier puisse rendre compte des résultats de ses
contrôles.
IV. LA RESPONSABILITÉ DU CONTROLEUR SPECIFIQUE
1. Les obligations du contrôleur spécifique
L'article 233
impose aux commissaires aux comptes de signaler à
l'assemblée générale les irrégularités et
inexactitudes relevées au cours de l'accomplissement de leur mission.
Ils doivent également révéler au procureur de la
République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance. Cet
article s'appliquerait également aux contrôleurs
spécifiques.
2. Les sanctions applicables
Comme pour les commissaires aux comptes, un principe de responsabilité
s'applique aux contrôleurs spécifiques.
Conformément aux dispositions de
l'article 234
de la loi de 1966,
les contrôleurs sont responsables des fautes et négligences qu'ils
ont commises à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
L'article
235
fixe les règles de prescription des actions en
responsabilité.
En cas de faute ou d'empêchement, les commissaires aux comptes peuvent
être relevés de leurs fonctions, à la demande du conseil
d'administration, du directoire, du comité d'entreprise, d'un ou
plusieurs actionnaires représentant au moins un dixième du
capital social, du ministère public, de l'assemblée
général, de la COB ou encore de la commission bancaire
(
article 227 de la loi de 1966
). Cette disposition s'appliquerait
également aux contrôleurs spécifiques.
Enfin, les
articles 455 à 458
qui traitent des peines applicables
aux infractions au contrôle des sociétés anonymes, sont
applicables aux sociétés de crédit foncier. Il s'agit des
peines pour absence de désignation ou de convocation de commissaire aux
comptes (
art 455
), exercice illégal des fonctions de commissaires
aux comptes par violation du régime des incompatibilités (
art
456
), divulgation d'informations mensongères ou de l'absence de
révélations de faits délictueux (
art 457
), et
obstacles aux vérifications et contrôles des commissaires aux
comptes (
art 458
).
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi amendé.
ARTICLE 73
Exonération de la taxe sur la
valeur ajoutée
Commentaire : le présent article exonère de TVA
les
cessions de créances réalisées au profit des nouvelles
sociétés de crédit foncier.
En application de l'article 261 C du code général des
impôts, les cessions de créances sont exonérées de
TVA.
Cependant , l'article 260 B dispose que les opérations qui se
rattachent aux activités bancaires et financières peuvent
être soumises, sur option, à la TVA. L'option s'applique à
l'ensemble des opérations et présente un caractère
définitif.
En vertu de l'article 260 C toutefois, un certain nombre d'opérations
sont exclues du droit d'option, notamment les cessions de valeurs
mobilières et les sommes perçues à l'occasion des cessions
de créances à des fonds communs de créances ou en
rémunération de la gestion de ces créances.
Par le présent article, l'article 260 C du code général
des impôts est donc complété pour exclure du droit d'option
pour la TVA les sommes perçues lors de la cession de créances
à des sociétés de crédit foncier ou en
rémunération de la gestion de ces créances.
Votre rapporteur note que cet article ne traite que de l'exonération de
TVA pour les cessions d'actifs réalisées à l'occasion de
la création des sociétés de crédit foncier.
Or, d'autres problèmes se posent sur le plan fiscal.
Ainsi, les établissements de crédits qui souhaitent céder
leurs créances pourraient s'inquiéter de la possibilité
d'avoir à acquitter des droits d'enregistrement sur ces cessions.
Le ministre de l'Economie, des finances, et de l'industrie a été
très clair en séance publique à l'Assemblée
nationale "
il ne s'agit pas là de transactions entrant dans le cadre
des articles 719 et 720 du code général des impôts,
c'est-à-dire concernant les cessions de clientèle. Hors des
cessions de clientèles, il n'y a pas de droits d'enregistrement
."
Tout comme pour le transfert des actifs et passifs privilégiés
des actuelles sociétés de crédit foncier (cf. article 75),
il convient également de savoir si les plus-values de cessions de
créances, qui sont normalement taxables à l'impôt sur les
sociétés, pourront bénéficier du régime
d'exonération prévu à l'article 210B du code
général des impôts.
Pour l'application de cet article, qui vise les scissions et les apports
partiels d'actifs, un agrément du ministre chargé des finances
est nécessaire, sauf si l'opération peut être
considérée comme l'apport d'une "branche complète
d'activité".
Si tant est que les opérations répondent bien aux
critères définis à l'article 210B, le régime
d'exonération pourra évidemment s'appliquer, d'autant que le
régime d'agrément permet d'introduire une certaine souplesse.
Sinon, votre rapporteur estime que le régime fiscal applicable
à la création de nouvelles sociétés de
crédit foncier ne saurait être discriminant
, afin que ce qui
s'apparente d'abord à une modification de structure (la filialisation
des activités de prêt hypothécaire, de prêt
cautionné et de prêt aux collectivités locales) puisse
être réalisé dans les meilleures conditions.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 74
Renvoi au décret en Conseil
d'Etat
Commentaire : le présent article a pour objet de
prévoir que les modalités d'application du présent
chapitre seront définies par décret en Conseil d'Etat.
Le décret en Conseil d'Etat aura notamment pour objet :
- de fixer les limites et conditions dans lesquelles les prêts
cautionnés sont éligibles comme prêts garantis ;
- de déterminer la quotité de la valeur du bien apporté en
garantie ;
- de préciser les conditions dans lesquelles des titres et valeurs sont
suffisamment sûrs et liquides pour être détenus par des
sociétés de crédit foncier ;
- de définir la notion de " frais annexes "
bénéficiant du privilège mentionné à
l'article 65 du projet de loi.
De surcroît, en application des amendements proposés par votre
commission, le décret en Conseil d'Etat devrait également
fixer les conditions dans lesquelles il est possible de dépasser la
quotité du bien apporté en garantie pour émettre des
titres non privilégiés, et préciser le cadre juridique
dans lequel s'inscrira la possibilité, pour les sociétés
de crédit foncier, de racheter leurs titres sans les annuler.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.