CHAPITRE III BIS (nouveau) :
GARANTIE DES CAUTIONS
ARTICLE 51 BIS (nouveau)
Mécanisme de
garantie des cautions
Commentaire : Cet article, introduit par voie d'amendement
à l'Assemblée nationale à l'initiative des membres du
groupe communiste, prévoit d'instituer un nouveau mécanisme de
garantie des cautions.
Le mécanisme de garantie des cautions se présente comme le
quatrième volet de la protection des épargnants
, après
les déposants, les assurés et les investisseurs.
I. LA SITUATION ACTUELLE
A. LES ENGAGEMENTS DE CAUTION
La loi et parfois le décret
imposent à de nombreuses
professions
l'obtention d'une caution délivrée par un
établissement de crédit ou une entreprise d'assurance
et
visant à garantir le paiement ou la bonne fin de certaines
opérations
152(
*
)
. A
titre d'exemple, sont concernées les sociétés de travail
temporaire, les agences de tourisme, les administrateurs de biens, les agents
immobiliers et les constructeurs de maisons individuelles. Pour ces derniers,
la loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990 a prévu que tout
contrat de construction de maison individuelle devait obligatoirement comporter
une clause de garantie de livraison protégeant le propriétaire
contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des
travaux
153(
*
)
.
B. LA DÉFAILLANCE D'UN SOCIÉTÉ DE CAUTION :
MUTUA ÉQUIPEMENT
La défaillance de la société de caution mutuelle
Mutua
équipement
a mis en lumière les conséquences
très dommageables d'une faillite d'un établissement accordant ces
cautions.
Mutua équipement, société interprofessionnelle de
cautionnement mutuelle pour le financement des entreprises, était
agréée en tant que société financière.
Contrairement à la plupart des sociétés de caution, elle
n'était pas adossée à un groupe financier et n'a donc pas
pu bénéficier du soutien d'un actionnaire de
référence. Elle a été
mise en
liquidation
en 1997
, à la suite de prises de risques hasardeuses notamment en
matière de garantie aux
constructeurs de maisons individuelles,
un secteur très fortement concurrentiel et réputé
très risqué
154(
*
)
. Il est apparu notamment qu'elle
délivrait des cautions par l'intermédiaire d'un courtier auquel
elle avait donné pleine délégation de signature
155(
*
)
.
Il y eut dans cette affaire
conjonction de trois défaillances
successives : celle du constructeur, celle de la société de
caution Mutua équipement et celle de son réassureur.
En l'absence de mécanisme de garantie et de reprise des engagements de
caution de Mutua équipement par la place, les particuliers qui avaient
conclu un contrat de cautionnement avec cette société sont
considérés dans la liquidation comme de simples créanciers
chirographaires. Le montant du sinistre n'est pas précisément
évalué (environ 1 200 maisons à ce jour n'ont pu
être livrées, ce qui représenterait un sinistre
chiffré à environ 50 millions de francs sur la construction de
maisons individuelles).
Il faut toutefois noter que la faillite de Mutua équipement constitue
à ce jour le
seul exemple de défaillance
d'une
société de cautionnement en France
156(
*
)
.
II. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
En réponse à cette situation, à la suite d'un amendement
intervenu en première lecture à l'Assemblée nationale, il
est proposé d'insérer dans la loi n° 84-46 du 24
janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit un
mécanisme de garantie des
cautions
. Il fonctionnerait sur le modèle des mécanismes de
garantie des dépôts et des titres
157(
*
)
.
A. LE MÉCANISME PRÉVU
Il aurait vocation à couvrir les engagements de cautions rendus
obligatoires par la loi ou le décret
et octroyés par les
établissements de crédit, à des personnes physiques ou
morales de droit privé
158(
*
)
.
Les
établissements de crédit
agréés en
France et dont l'agrément permet de délivrer de telles cautions
en seraient obligatoirement membres. Les succursales en France des
établissement de crédit étrangers pourraient
également adhérer à ce mécanisme
159(
*
)
.
Le mécanisme de garantie des cautions pourrait être mis en
oeuvre,
à titre curatif,
à la demande de la Commission
bancaire
, lorsqu'un établissement n'est plus en mesure de faire
face, immédiatement ou à terme rapproché, à ses
engagements de caution obligatoires. En cas d'établissement mixte
(dépôts et cautions), il serait mis conjointement en oeuvre avec
le mécanisme de garantie des dépôts appelé au titre
du premier alinéa de l'article 52-2 nouveau de la loi bancaire.
Le mécanisme de garantie des cautions pourrait également
être mis en oeuvre,
sur proposition de la Commission bancaire,
à titre préventif,
seul ou avec le mécanisme de
garantie des dépôts.
Ce mécanisme serait
géré
, comme le mécanisme
de garantie des titres,
par le fond de garantie des dépôts
.
B. LES DISPOSITIONS INFRA-LÉGISLATIVES PRÉVUES
Par ailleurs, un
décret en Conseil d'Etat
fixerait la
liste
des cautions
obligatoires bénéficiant de la garantie du
mécanisme, ce qui permettrait de limiter plus strictement le champ
d'application du présent article.
En outre, ce décret fixerait les
modalités d'information de la
clientèle
, afin d'éviter, en particulier, des
situations
de concurrence déloyale
entre, par exemple, une
société agréée en France, contrainte de cotiser
à ce mécanisme, et une société agréée
dans un autre pays de l'Union européenne, non soumise à un tel
mécanisme et qui peut offrir ses services en France en vertu du principe
de libre prestation de services. Le décret pourrait ainsi prévoir
une
mention obligatoire dans les contrats
indiquant que la
société de caution est, ou non, couverte par le mécanisme
de garantie.
Par ailleurs, en vertu de l'article 53 paragraphe VI du présent projet
de loi, les établissements de crédit étrangers pourront
adhérer à ce mécanisme sur une base volontaire.
Un
règlement du CRBF
déterminerait le champ exact de la
couverture du fonds et les modalités de financement de cette
garantie : en particulier,
1- la
franchise
applicable qui constituerait un
plancher
d'intervention,
2- la
proportion de l'engagement couverte
par le fonds qui
constituerait un
plafond
(entre 80 et 90 % de l'engagement) et
permettrait, avec le plancher, de
responsabiliser le particulier dans le
choix de sa société de cautionnement
160(
*
)
,
3- le montant global des cotisations qui devrait être de l'ordre de
200 à 300 millions de francs
(soit, en régime de
croisière, l'équivalent de 4 ou 5 fois la perte prévisible
de Mutua équipement
161(
*
)
),
4- la formule de répartition des cotisations qui devrait être
assise sur le montant des cautions pondéré par les risques
objectifs de l'établissement
162(
*
)
,
5- la part des cotisations qui pourrait ne pas être appelée
(vraisemblablement 50 %).
Il convient de noter que contrairement aux mécanismes de garantie des
dépôts et des titres, il ne sera pas prévu de souscription
de certificats d'association.
C. UN DISPOSITIF RÉTROACTIF
En outre, il est prévu dans un paragraphe II que ce dispositif serait
rétroactif au 1
er
janvier 1996.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
A. APPRÉCIATION GÉNÉRALE
1. Un problème complexe
Votre rapporteur souhaite souligner le fait suivant : ce n'est
vraisemblablement pas un traitement purement financier
ex post
qui
fournira une solution au problème évoqué plus haut des
constructeurs de maisons individuelles.
En effet, cette profession se caractérise par une
réglementation inappropriée
. Par exemple, il n'est
prévu aucune condition d'aptitude professionnelle pour exercer ce
métier
163(
*
)
. D'une
façon générale, ce secteur se caractérise par une
carence de la formation de tous les intervenants et une réelle
complexité des différentes garanties offertes. Dans un contexte
de forte concurrence et de forte sensibilité au prix, il n'est pas
étonnant de se trouver confronté à des situations
où le particulier maître d'ouvrage est lésé.
Toutefois, il n'appartient pas à votre rapporteur, dans le cadre de ce
projet de loi, de vous proposer des modifications de fond de la
législation applicable aux constructeurs de maisons individuelles.
2. Une solution indispensable à l'affaire Mutua équipement
Il faut reconnaître aujourd'hui que la loi de 1990 comportait des lacunes
puisqu'elle n'avait pas prévu la faillite du garant. Vis à vis
des particuliers maîtres d'ouvrage qui pensaient raisonnablement
être couverts par cette garantie imposée par la loi, il y avait
donc un
engagement moral du législateur que celui-ci ne semble pas
avoir tenu
.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ N'EST PAS SATISFAISANT
1. Un dispositif de circonstance
Votre commission s'interroge sur la nécessité de constituer un
mécanisme de garantie, compartiment du futur fonds de garantie des
dépôts, aux seules fins de régler la question de la
faillite d'un intervenant de ce secteur. En effet, il semble clair que ce
dispositif, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée
nationale et qui donc ne faisait pas partie de l'architecture initiale du
projet de loi, est un
dispositif de circonstance
: la date de
rétroactivité, le 1
er
janvier 1996, vise à
englober le traitement de l'affaire Mutua Equipement dans ce dispositif.
En outre, votre rapporteur émet les mêmes réserves
qu'à l'encontre des autres fonds constitués dans le cadre du
présent projet de loi : ces fonds dotés,
éventuellement inutilisés (il faut le souhaiter), ne vont-ils pas
susciter des tentations qui ne seraient pas dans le droit fil de ce qui est
prévu aujourd'hui ?
2. Un dispositif incomplet
Il faut remarquer et déplorer le fait que les
compagnies d'assurance
n'ont pas été prises en compte
dans ce mécanisme,
alors qu'elles se partagent le marché du cautionnement avec les
établissements de crédit (elles sont très majoritaires sur
la marché de la caution de construction de maisons individuelles). Les
entreprises d'assurance, qui font courir un risque similaire à leurs
cautionnés,
ne sont pas adhérentes à ce
mécanisme
et n'auront pas de cotisations à acquitter au
profit du fonds. Certes, il n'est pas souhaitable de les inclure dans un
mécanisme géré par le fonds de garantie des
dépôts. Par ailleurs, un
mécanisme de garantie de
l'assurance-dommage
étant envisagé pour compléter
celui prévu en matière d'assurance-vie, il semblerait souhaitable
d'y inclure la garantie des cautions accordées par des entreprises
d'assurance.
Ces
distorsions de concurrence
entre deux catégories de
sociétés de caution ne pouvant s'éterniser, il peut
être envisagé de demander au Gouvernement de
présenter
au Parlement, dans un délai de six mois
à compter de la
publication de la présente loi,
un rapport
relatif aux mesures
rendant obligatoire l'adhésion des entreprises d'assurance dont
l'agrément en France permet de délivrer des cautions
exigées par un texte législatif ou réglementaire, à
un système de garantie similaire à celui prévu à
cet article.
3. Un dispositif d'application difficile
Il faut également prendre en compte la
diversité des
engagements de caution existants aujourd'hui
: certains
relèvent d'une obligation de payer
164(
*
)
, d'autres d'une
obligation de
faire
comme c'est le cas pour les constructeurs de maisons individuelles.
Il s'agit dans ce cas d'un engagement très technique. Or, c'est le fonds
de garantie institué à l'article 47 du présent projet de
loi qui devra se substituer à la société de caution
défaillante. On peut légitimement se demander s'il aura les
compétences requises pour s'acquitter de cette nouvelle mission.
4. Un dispositif déresponsabilisant
Enfin, ce dispositif est de nature à favoriser l'apparition
d'un
aléa moral
en dépit de l'instauration d'une franchise et
d'une couverture non-intégrale : la société de
caution qui se sait couverte par ce mécanisme de solidarité
professionnelle pourra être incitée à prendre plus de
risques et à opérer une moins bonne sélection de ses
contrats de cautions.
Il serait donc nécessaire à tout le moins de prévoir
qu'une société pour laquelle le mécanisme interviendrait
soit amenée à disparaître.
C. L'ABSENCE DE SOLUTION ALTERNATIVE SATISFAISANTE
Pour l'avenir, il aurait pu être proposé un système plus
souple, permettant de réduire le risque ex ante,
sans créer
d'aléa moral
:
l'obligation de se réassurer
au
titre des contrats de cautions obligatoires auprès d'une entreprise de
réassurance soumise au contrôle de la Commission de contrôle
des assurances ou à un contrôle équivalent. La plupart des
sociétés de caution (et notamment les entreprises d'assurance)
sont déjà réassurées. Avec ce dispositif elles le
seraient désormais toutes.
Cette solution aurait eu en outre l'avantage de
responsabiliser
chaque
société de caution qui aurait négocié le coût
de son contrat de réassurance en fonction de la qualité de ses
engagements de cautions.
Néanmoins, cette solution doit être encadrée (pour que la
société de réassurance ne puisse elle-même
être défaillante) et il convient de s'interroger sur la
différence de coût éventuelle entre les deux solutions. En
effet, les adhérents du fonds payeront des cotisations pendant quatre ou
cinq ans afin d'indemniser le sinistre Mutua équipement puis de remplir
le fonds à hauteur de 200 ou 300 millions de francs ; en l'absence
de sinistre, ils n'auront plus à cotiser les années suivantes. En
revanche, les primes de réassurance seront payables chaque année.
Il n'est pas souhaitable, notamment dans le secteur immobilier où la
concurrence est forte sur les prix et où les différences de
garanties sont mal connues, d'augmenter
in fine
les coûts des
opérateurs immobiliers.
Votre rapporteur aurait préféré une
solution de
place
du sinistre de Mutua-équipement qui aurait permis
d'éviter la création d'un nouveau mécanisme.
Toutefois, en l'absence d'une telle solution
dans les semaines qui
viennent, il semble
indispensable de trouver une solution permettant, au
moins, de régler les conséquences de la défaillance de
Mutua-équipement
. Par la suite, une réflexion
complémentaire semble nécessaire pour mettre au point un
système de garantie couvrant l'ensemble des activités
d'assurance-dommages.
Décision de la commission : votre commission a
décidé de réserver sa position sur cet article.