N°
296
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 avril 1999
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, modifiant l'ordonnance n° 82-283 du
26 mars 1982 portant
création des
chèques-vacances
,
Par M.
Paul BLANC,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques
Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros :
Sénat :
Première lecture :
178
,
227
et T.A.
76
(1998-1999).
Deuxième lecture :
275
(1998-1999).
Assemblée nationale (11
ème
législ.
) :
Première lecture :
1414
,
1460
et
T.A.
271
.
Tourisme et loisirs. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mardi 6 avril 1999
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau,
président
, la commission a procédé à l'examen
du
rapport de M. Paul Blanc
,
en deuxième lecture
, sur le
projet de loi n° 275
(1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale en première lecture, modifiant l'ordonnance
n° 82-283 du 26 mars 1982 portant
création des
chèques-vacances
.
M. Paul Blanc, rapporteur
, a présenté les grandes lignes
de son rapport
(cf. exposé général
).
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
A
l'article premier
, la commission, sur proposition de M. Paul Blanc,
rapporteur, a adopté un amendement supprimant les
références aux " emplois-jeunes ", aux contrats emploi
consolidé, aux préretraités et aux contractuels des
fonctions publiques, ces nouvelles dispositions introduites à
l'Assemblée nationale étant à la fois dépourvues de
valeur normative et soulevant des problèmes de cohérence.
A
l'article 2
, la commission a adopté, sur proposition du
rapporteur, un amendement revalorisant le plafond de ressources pour
bénéficier du chèque-vacances et un amendement actualisant
le texte de l'ordonnance de 1982 en matière d'exonération des
taxes et participations assises sur les salaires.
A
l'article 3
, la commission a adopté un amendement du rapporteur
rétablissant le dispositif d'exonération adopté par le
Sénat en première lecture, le plafond d'exonération
étant cependant ramené à 30 % du SMIC par
salarié et par an.
A
l'article 4
, la commission a adopté un amendement
présenté par le rapporteur rétablissant le dispositif de
mise en place des chèques-vacances dans les entreprises adopté
par le Sénat en première lecture.
A
l'article 4 ter
, elle a, sur proposition du rapporteur, adopté
un amendement rétablissant la disposition votée en
première lecture supprimant la référence au salarié
titulaire du chèque-vacances dès lors que le dispositif peut
être étendu à des non-salariés.
A
l'article 4 quater
, elle a adopté un amendement
présenté par le rapporteur visant à rétablir la
cotutelle du ministre chargé du tourisme et du ministre des finances sur
l'ANCV.
A
l'article 5
, elle a adopté un amendement du rapporteur
précisant que les retraités pouvaient également
bénéficier du chèque-vacances par l'intermédiaire
des organismes sociaux.
A
l'article 7
, elle a adopté un amendement permettant à
l'ANCV de conclure des conventions de partenariat avec des entreprises ou des
organismes dans le but d'assurer la plus large distribution du
chèque-vacances.
A
l'article 8 (nouveau),
elle a, sur proposition du rapporteur,
adopté un amendement de suppression de cet article, dont la
portée normative est incertaine.
La commission a enfin approuvé le projet de loi ainsi
amendé
.
Mesdames, Messieurs,
Lors de l'examen en première lecture du projet de loi,
présenté par Mme Michelle Demessine, modifiant l'ordonnance du 26
mars 1982 portant création des chèques-vacances, votre commission
avait adopté un dispositif conséquent d'amendements visant
à assurer une portée réelle à cette réforme
du chèque-vacances.
Votre commission rejoignait le gouvernement dans un " diagnostic
partagé " sur deux points. En premier lieu, le
chèque-vacances, en s'inscrivant dans une logique de participation
à forte dimension sociale, peut constituer une aide tout à fait
efficace pour permettre aux familles de partir en vacances. En second lieu, la
législation actuelle est trop restrictive pour permettre à ce
dispositif de jouer à plein, ce qui explique son bilan en demi-teinte.
Trois lacunes sont tout particulièrement évidentes. Il s'agit
d'abord d'un dispositif déséquilibré, qui mélange,
dans des conditions le plus souvent opaques, deux circuits de distribution des
chèques-vacances, le premier directement par l'entreprise, le second par
les organismes sociaux. En outre, l'accès de certains publics aux
chèques-vacances est, en pratique, interdit en l'absence d'organismes
abondeurs : c'est le cas pour les retraités, les
préretraités, les artisans et commerçants, les
agriculteurs, les professions libérales. Enfin, les salariés des
PME restent exclus du système du fait de l'absence d'incitations
fiscales et sociales suffisantes pour l'employeur, lorsque n'existe pas de
comité d'entreprise.
Mais, si le diagnostic est partagé, les conclusions à en tirer
divergent. Votre commission a estimé que le projet du gouvernement
n'était pas à la hauteur de l'enjeu et ne permettait pas une plus
large distribution des chèques-vacances. Votre commission avait donc
préféré proposer, par voie d'amendements, une
réforme plus ambitieuse du chèque-vacances pour garantir son
développement effectif.
Les lignes directrices de cette réforme, qui ont été
adoptées, lors de la première lecture, en séance publique,
le 2 mars dernier, sont les suivantes :
- augmentation sensible du plafond de ressources pour permettre aux
classes moyennes de bénéficier du chèque-vacances ;
- réaffirmation de la possibilité pour les
non-salariés d'avoir accès aux chèques-vacances par le
biais des organismes sociaux ;
- meilleure prise en compte des charges de famille afin de permettre aux
familles nombreuses de partir en vacances, le coût des vacances
étant croissant en fonction du nombre d'enfants ;
- élargissement de l'exonération de cotisations sociales au
titre de la contribution de l'employeur à l'ensemble des entreprises
pour garantir la neutralité entre les deux circuits de
distribution ;
- extension de cette exonération à la CSG afin de rendre le
dispositif plus incitatif pour le salarié ;
- diminution de 4 à 2 % du SMIC du montant minimum du
versement du salarié afin de permettre aux plus modestes de se
constituer une épargne-vacances ;
- simplification des procédures permettant la mise en place du
chèque-vacances afin qu'elles touchent le maximum d'entreprises. A ce
propos, les résultats d'un sondage de l'ANCV auprès de PME
soulignent la nécessité d'une telle simplification :
29 % des dirigeants de PME considèrent que la complexité
administrative est un frein à la mise en place des
chèques-vacances ;
- possibilité de distribuer les chèques-vacances à
l'étranger afin de prendre une " longueur d'avance " dans la
perspective d'un chèque-vacances européen ;
- faculté pour l'ANCV de sous-traiter la distribution du
chèque-vacances à des organismes qui connaissent bien les PME et
qui pourraient donc accélérer très sensiblement la
diffusion de ce titre.
Ce dispositif pragmatique et équilibré visait à assurer un
développement plus rapide et plus important du chèque-vacances
que ne permettait le projet de loi initial.
•
La suppression des améliorations introduites par le
Sénat en première lecture
Pourtant, en première lecture, l'Assemblée nationale a choisi de
ne pas s'inscrire dans cette démarche pragmatique. Elle a en effet
très largement rétabli le texte du projet de loi initial, en
supprimant la plupart des apports introduits par le Sénat.
Un seul article (l'article 6) a été adopté conforme,
article qui réaffirmait le monopole d'émission de l'ANCV. Deux
dispositions introduites par le Sénat ont été maintenues,
bien que légèrement modifiées. D'abord, l'Assemblée
nationale a accepté de limiter à 2 % du SMIC le montant
minimal du versement mensuel du salarié, mais elle a maintenu la
durée minimale à quatre mois alors que le Sénat proposait
de la ramener à trois mois. Ensuite, l'Assemblée nationale a
retenu l'idée de la publication d'un rapport annuel faisant le bilan
économique et social de l'utilisation du chèque-vacances, mais a
chargé le ministre du tourisme, et non l'ANCV, de le rédiger.
Votre commission ne peut que regretter ce manque d'ouverture de
l'Assemblée nationale sur un sujet important qui aurait, à
l'évidence, nécessité une approche plus consensuelle. Elle
tient en outre à s'élever vigoureusement contre les critiques
fortement empreintes d'idéologie formulées contre les
propositions du Sénat. Le Sénat aurait
" dénaturé l'objet social du
chèque-vacances ", " encouragé l'absence de
comité d'entreprise ",
cherché à
" limiter le dialogue social ",
" procédé au détournement du
chèque-vacances pour satisfaire les appétits de quelques groupes
privés "...
Au-delà de leur caractère excessif,
ces critiques témoignent en réalité de
l'incompréhension d'une démarche exclusivement pragmatique qui
visait à donner au texte proposé les moyens de son ambition.
•
Un débat confus qui n'a pas dissipé certaines
incertitudes
Au-delà de cette incompréhension, le débat à
l'Assemblée nationale a en outre été marqué par une
évidente confusion, en partie entretenue par la position ambiguë du
gouvernement.
La plus grande partie du débat s'est en effet focalisée sur les
difficultés d'accès de certains publics spécifiques au
chèque-vacances, sans pour autant permettre de mieux cerner les origines
de ces difficultés, ni proposer de solutions concrètes et
adaptées. Deux catégories de personnes rencontrent de telles
difficultés.
Il s'agit d'abord des
salariés sous statut particulier
: les
" emplois-jeunes ", les contrats emplois-solidarité, les
contrats emploi-consolidé, les agents contractuels des fonctions
publiques. Ces publics, même s'ils relèvent d'un statut
spécifique, sont avant tout des salariés. Ils peuvent donc
bénéficier du chèque-vacances dans les conditions de droit
commun. En pratique cependant, l'accès aux chèques-vacances reste
difficile pour les agents de droit privé employés par l'Etat. La
raison en est simple : les circulaires définissant le champ des
bénéficiaire potentiels des chèques-vacances, sur la base
de l'article 6 de l'ordonnance, ne les prennent pas en considération. Il
appartient donc à l'Etat employeur de respecter l'esprit de la loi.
La seconde catégorie est celle des
non-salariés
, qu'il
s'agisse des travailleurs indépendants ou des retraités et des
préretraités. Ils peuvent en théorie
bénéficier des chèques-vacances sur la seule base de
l'article 6 de l'ordonnance, la difficulté étant bien entendu de
trouver un organisme abondeur.
En tout état de cause, des voies législatives d'accès aux
chèques-vacances existent déjà. Mais elles ne sont pas
mises en pratique par les employeurs ou par les organismes sociaux. Ce sont
donc les comportements et non le droit qu'il faut faire évoluer.
Dans ce contexte, l'Assemblée nationale a pourtant jugé
souhaitable d'introduire de nouvelles dispositions dans le projet de loi
rappelant que différents publics peuvent acquérir des
chèques-vacances. Et ce sont ces nouvelles dispositions qui ont
considérablement obscurci le débat, au point que le
président de la commission des Affaires culturelles a
décidé, au cours de la discussion, de créer un
" groupe de travail " chargé de faire le point sur
l'accès de ces catégories aux chèques-vacances et a
demandé aux parlementaires de retirer leurs amendements sur ce sujet
dans l'attente des conclusions de ce groupe de travail.
La seconde source de confusion a résidé, à
l'Assemblée nationale, dans la question de l'ouverture européenne
du chèque-vacances. Là encore, à la demande du ministre,
l'examen de cette question a été reportée à la
seconde lecture. Votre commission ne peut d'ailleurs que regretter
l'impréparation de ce projet de loi, qui arrive inachevé en
discussion en première lecture au Parlement.
•
Des modifications hasardeuses
Si, dans ce contexte, l'Assemblée nationale a rétabli très
largement le texte initial du Gouvernement, elle a également introduit
certaines modifications, qui ne font paradoxalement que rajouter à la
confusion.
Les premières concernent précisément l'inscription
explicite dans l'ordonnance du bénéfice potentiel du
chèque-vacances à certaines catégories :
" emplois-jeunes ", contrats emploi consolidé, contractuels de
la fonction publique, préretraités et retraités. Toutes
ces extensions se font sur la base de l'article 6 de l'ordonnance de 1982.
Ces nouvelles dispositions n'apportent pourtant aucune réponse
concrète aux personnes ne pouvant pas bénéficier, en
pratique, du chèque-vacances. Elles sont d'abord dépourvues de
toute portée normative, l'ordonnance de 1982 prévoyant
déjà leur accès aux chèques-vacances dans les
conditions de droit commun. Elles sont également sources de nouvelles
ambiguïtés, en limitant l'accès des personnes titulaires
d'un contrat de travail à la seule voie de l'article 6 de l'ordonnance
et en prévoyant, pour les non-salariés, un régime
spécifique pour les retraités. Inutiles, ces nouvelles
dispositions ne font finalement qu'obscurcir le débat sur l'accès
aux chèques-vacances, en évitant d'y apporter des réponses
concrètes.
Une autre modification, à l'article 3 du projet de loi, concerne les
conditions de mise en place du chèque-vacances dans les PME.
Au-delà des deux procédures prévues par le projet de loi
initial (accord d'entreprise ou accord de regroupement d'entreprise), un
amendement présenté par M. Terrier, rapporteur, a introduit
une voie nouvelle : l'accord de branche.
Or, la mise en place des chèques-vacances dans l'entreprise par
l'intermédiaire d'un accord de branche est largement redondante avec la
disposition de l'article 5 du projet de loi qui prévoit la
possibilité de création par voie conventionnelle d'organismes
paritaires de gestion des activités sociales pouvant distribuer les
chèques-vacances. Cette disposition va en outre à l'encontre de
l'objectif de négociation au plus près des entreprises.
Un autre amendement de MM. Terrier et Gremetz à l'article 4 quater
du projet de loi modifie la tutelle de l'ANCV. Elle ne sera exercée que
par le ministre chargé du tourisme alors que l'ordonnance de 1982
prévoyait une double tutelle : ministre chargé du tourisme -
ministre chargé de l'économie et des finances.
Votre commission estime cependant nécessaire de maintenir une cotutelle
par le ministre chargé de l'économie et des finances, l'ANCV
étant chargée d'émettre des titres de paiement.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel 8,
issu d'un amendement de MM. Terrier et Gremetz qui prévoit que
" toutes les mesures nécessaires seront prises afin de permettre
une large diffusion des dispositions de la présente loi au sein des
entreprises ".
Un tel article additionnel dépourvu de tout
caractère normatif n'a guère sa place dans un projet de loi.
•
La position de votre commission
Au total, le texte soumis au Sénat en seconde lecture ne fait que
renforcer cette impression d'" occasion manquée " que
constitue ce projet de loi. Tant le Gouvernement que l'Assemblée ont en
effet opposé une fin de non-recevoir aux propositions du Sénat,
accentuant ainsi le risque de limiter la portée du texte à la
portion congrue.
Dans ces conditions, votre commission vous propose de rétablir la
plupart des orientations adoptées par notre Haute Assemblée en
première lecture. Toutefois dans le souci de permettre la reprise du
dialogue entre les deux chambres, votre commission vous propose d'apporter
certaines inflexions au texte voté en première lecture.
Ainsi, vous suggère-t-elle d'accepter le changement du critère
d'appréciation des ressources et d'adopter, comme le prévoit le
projet de loi initial, le critère du revenu fiscal de
référence, tout en attirant l'attention sur la
nécessité de limiter strictement la diffusion de données
fiscales personnelles dans l'entreprise . Votre commission vous propose
également une revalorisation plus faible du plafond de ressources que
celle adoptée en première lecture, mais qui prend mieux en compte
la situation de famille que le projet initial.
Votre commission vous demande également de limiter à 30 % du
SMIC -et non à 40 % comme le Sénat l'avait voté en
première lecture- le montant de la contribution de l'employeur pouvant
être exonérée de charges sociales. En revanche, elle vous
propose de maintenir la majoration de ce taux de 10 points par enfant à
charge, ainsi que l'obligation de modulation de cette contribution en fonction
du nombre d'enfants à charge. Il est en effet indispensable de mieux
intégrer la dimension familiale dans le dispositif du
chèque-vacances.
Votre commission vous demande en conséquence de revenir sur la
suppression du plafonnement global des sommes consacrées par l'employeur
aux chèques-vacances, prévu à l'article 3 de
l'ordonnance, qui avait été adoptée en première
lecture.
Enfin, dans l'attente d'informations plus précises que s'est
engagé à fournir le Gouvernement et pour ne pas rajouter à
la confusion sur cette question qui mélange la possibilité pour
les Français d'utiliser le chèque-vacances à
l'étranger et la faculté pour les étrangers
d'acquérir ce titre pour régler des dépenses de vacances
en France, votre commission vous propose de ne pas reprendre les dispositions
votées en première lecture permettant la diffusion du
chèque-vacances à l'étranger.
C'est donc une démarche constructive, mais une démarche qui
préserve les apports essentiels adoptés par le Sénat en
première lecture que vous propose votre commission.
Dans ces conditions, elle vous propose d'adopter le projet de loi ainsi
amendé.