C. UN MEILLEUR RESPECT DE LA SUBSIDIARITE DOIT ETRE RECHERCHE.
Le
maintien de la structure du budget communautaire laisse planer un doute sur
l'effectivité de la volonté exprimée d'un meilleur ciblage
des dépenses du budget européen.
L'objectif d'une concentration des moyens sur quelques grands objectifs est
pourtant à rechercher en priorité comme gage d'économies
pour les Etats membres, d'efficacité des interventions communautaires et
de réserves de financement pour l'exercice de nouvelles
compétences et pour l'élargissement de l'Union.
Il est en particulier indispensable d'éviter le saupoudrage des
crédits dans le cadre de politiques conduites sans respect du principe
de subsidiarité. Cette exigence s'applique tout particulièrement
dans le domaine des politiques internes, la valeur ajoutée de
l'intervention européenne pour soutenir la recherche n'apparaissant par
exemple pas établie.
De la même manière, les actions structurelles tendent à
dériver vers une politique européenne d'aménagement du
territoire qui n'est pas prévue par les traités. L'objectif qui
est le leur, une plus grande cohésion entre Etats, risque alors
d'être perdu de vue.
Pourtant, la philosophie de la Commission est, en la matière, fort
ambitieuse ; il ne s'agit pas seulement de rendre les écarts
acceptables en permettant à chacun d'assumer ses différences,
mais plutôt de réduire la dispersion des performances
économiques, et d'égaliser les niveaux de développement.
Mais, les interventions structurelles ne servent pas cette ambition.
Si la cohésion doit favoriser le rapprochement entre les Etats membres,
l'action de la Commission est fortement régionalisée, avec
près de 75 % des moyens réservés aux régions,
si bien qu'elle revient à promouvoir une vraie politique
européenne d'aménagement du territoire. Or, une telle politique
qui, finalement, n'a pas été consacrée par les
traités et se substitue aux responsabilités des Etats, en
contravention avec le principe de subsidiarité, peut apparaître
comme partiellement contradictoire avec l'objectif de cohésion.
Il
en va ainsi lorsqu'elle conduit à ménager l'octroi de
crédits importants à des régions, certes
défavorisées, mais appartenant à des Etats relativement
prospères. Or, c'est évidemment ce qui se produit puisque la
dispersion des PIB des régions européennes est beaucoup plus
importante que celle des PIB des Etats. C'est aussi cette ambiguïté
qui limite la dimension peu redistributive des fonds structurels.
A son tour, cette caractéristique ampute inévitablement les
marges disponibles pour assurer la cohésion entre Etats membres.
A titre d'illustration, il est pour le moins paradoxal que l'Allemagne soit le
deuxième bénéficiaire des fonds structurels.
Le défaut de ciblage convenable des actions structurelles s'accompagne
en outre d'un
saupoudrage des crédits, source de difficultés
d'exécution, mais aussi gage de pertes en ligne puisqu'il apparaît
évident que l'abondance de projets rime avec une décrue de
l'intérêt global de l'ensemble.
On doit sans doute considérer que ces difficultés sont moins
sensibles dans les pays en retard significatif de développement
où des projets structurants s'imposent et où l'effet de levier de
la dépense publique européenne peut être réel du
fait d'un manque de capitaux publics ou privés. Certaines analyses
macroéconomiques laissent d'ailleurs entendre,
pour les seuls pays de
la cohésion
, que l'intervention structurelle européenne a pu,
dans le passé, contribuer positivement à leur croissance pour
à peu près 0,5 point de PIB. On remarquera toutefois que
cette estimation est très inférieure aux montants
transférés dans ces pays, signe que d'autres agents
économiques "profitent" des allocations communautaires, et repose sur
des conventions qui en conditionnent les résultats.
Aucune étude d'ensemble n'ayant été conduite pour les pays
les plus développés, on ne peut que conjecturer sur
l'efficacité de l'intervention communautaire dans ceux-ci. Cet exercice
peu satisfaisant n'est, en tout cas, pas favorisé par les travaux des
comités de suivi censés évaluer les programmes, mais dont
les travaux relèvent pour l'essentiel de l'exercice de style.
Il existe cependant quelques indices utilisables pour porter une
appréciation globale sur la politique de cohésion de la
Communauté.
Le premier d'entre eux est que les écarts entre les PIB par habitant des
régions d'Europe ne se sont pas réduits dans la période
récente.
Cet indice n'est certes pas entièrement significatif
puisqu'on peut aussi bien estimer que la dispersion aurait été
encore plus grande sans les interventions européennes. Mais il
révèle que l'objectif de cohésion retenu par la Commission
n'a pas été atteint.
Enfin, un dernier indice tiré de la comparaison entre le niveau des
fonds communautaires en points de PIB et leur effet sur la croissance du PIB
tel qu'estimé par les études disponibles, paraît
démontrer des pertes de substance.
Celles-ci peuvent être dues
à des erreurs d'analyse, mais on doit sans doute aussi y voir la
manifestation que les agents économiques des pays
bénéficiaires ne sont pas les seuls à profiter du
financement européen. Il reste que l'évaporation ainsi
constatée, évaluée parfois autour de 35 % des
interventions, devrait faire l'objet d'un recensement exhaustif.
Un recentrage des dépenses permettrait enfin d'éviter
d'accumuler des difficultés d'exécution des crédits.
Le montant important des crédits restant à engager et la
croissance des engagements restant à liquider témoignent d'un
calibrage excessif des différentes politiques de l'Union.
Engagements relatifs aux crédits restant à liquider au 31
décembre 1997
Classification par rubriques des perspectives financières
(en millions d'écus)
RUBRIQUES |
2. ACTIONS STRUCTURELLES |
3. POLITIQUES INTERNES |
4. ACTIONS EXTERIEURES |
5. DEPENSES ADMINISTRATIVES |
TOTAL GENERAL |
|||||
EXERCICES 1 |
Montant |
% |
Montant |
% |
Montant |
% |
Montant |
% |
Montant |
% |
Avant 1988 |
201,367 |
0,6 |
23,221 |
0,3 |
79,937 |
0,6 |
|
|
304,525 |
0,6 |
1988 |
129,963 |
0,4 |
10,792 |
0,1 |
42,990 |
0,3 |
|
|
183,745 |
0,3 |
1989 |
86,812 |
0,3 |
28,580 |
0,4 |
92,382 |
0,7 |
|
|
207,774 |
0,4 |
1990 |
54,058 |
0,2 |
24,127 |
0,3 |
72,551 |
0,6 |
|
|
150,736 |
0,3 |
1991 |
208,141 |
0,6 |
71,171 |
1,0 |
144,084 |
1,1 |
|
|
423,396 |
0,8 |
1992 |
522,154 |
1,6 |
130,084 |
1,8 |
341,344 |
2,7 |
|
|
993,582 |
1,9 |
1993 |
2.399,177 |
7,4 |
246,487 |
3,4 |
695,328 |
5,5 |
|
|
3.340,992 |
6,4 |
1994 |
705,924 |
2,2 |
451,019 |
6,2 |
1.025,190 |
8,1 |
|
|
2.182,133 |
4,2 |
1995 |
2.496,335 |
7,7 |
947,335 |
13,0 |
2.280,606 |
18,1 |
0,079 |
8,2 |
5.724,355 |
10,9 |
1996 |
7.079,976 |
21,7 |
1.910,953 |
26,2 |
3.277,919 |
26,0 |
0,034 |
3,6 |
12.268,882 |
23,4 |
1997 |
18.716,179 |
57,4 |
3.453,934 |
47,3 |
4.573,015 |
36,2 |
0,848 |
88,2 |
26.743,977 |
50,9 |
TOTAUX |
32.600,087 |
|
7.297,701 |
|
12.625,346 |
|
0,962 |
|
52.524,096 |
|
1.
Exercices au cours desquels les engagements ont été
contractés.
Source : Compte de gestion et bilan financier afférents aux
opérations du budget de l'exercice 1997. Commission européenne
Cette situation débouche sur des pratiques budgétaires
dangereuses. L'une d'entre elles consiste à inscrire en fin de
période de programmation le solde des crédits d'engagement non
utilisés au titre des actions structurelles en raison du statut du
plafond d'engagement de ces actions considéré comme un objectif
de dépenses. Dénoncée à l'occasion du budget pour
1999, elle laisse sceptique quant à la qualité des engagements
qui peut en résulter.
Une autre d'entre elles consiste à sous-administrer un volume toujours
plus grand de dépenses dont la gestion confiée à des
intermédiaires supposerait un contrôle plus vigilant.
*
* *
En
bref, tout aurait milité pour faire des perspectives financières
2000-2006 l'occasion d'une révision des " services
votés " du budget communautaire.
Cette occasion n'a pas été saisie si bien que le budget sera
susceptible de continuer sur une trajectoire qui aurait dû être, au
vu des ses imperfections et des défis à relever, corrigée.