Projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes
CABANEL (Guy)
RAPPORT 156 (98-99) - commission des lois
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
I. LA RECHERCHE D'UNE RÉPONSE À UN CONSTAT
DÉPLORÉ
-
A. UN CONSENSUS SUR LE CONSTAT ET SUR LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UN
REMÈDE
- 1. La participation des femmes à la vie publique en France et à l'étranger
- 2. Seuls cinq pays dans le monde, dont un seul en Europe, ont fixé des quotas de femmes pour les candidatures aux élections
- 3. Le débat sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions
- 4. Les engagements internationaux de la France
- 5. Un projet de loi constitutionnelle, préalable nécessaire à toute mesure législative comportant une distinction entre candidats en raison de leur sexe
- B. DES PROPOSITIONS DIVERGENTES
-
A. UN CONSENSUS SUR LE CONSTAT ET SUR LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UN
REMÈDE
-
II. CONCILIER CET OBJECTIF AVEC LES PRINCIPES
FONDATEURS DE LA DÉMOCRATIE CONSTITUTIONNELLE - III. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
I. LA RECHERCHE D'UNE RÉPONSE À UN CONSTAT
DÉPLORÉ
- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
-
A N N E X E
COMPTES RENDUS
DES RÉUNIONS DE LA COMMISSION
-
COMPTE RENDU DES AUDITIONS
DU MERCREDI 16 DÉCEMBRE 1998 -
COMPTE RENDU DES AUDITIONS
DU MARDI 19 JANVIER 1999 -
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION D'EXAMEN DU RAPPORT
DU MERCREDI 20 JANVIER 1999
N°
156
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 janvier 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes ,
Par M.
Guy CABANEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros :
|
|
Femmes. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Après avoir entendu, le 16 décembre 1998,
Mme Gisèle Halimi
, présidente de la commission
" vie politique " de l'Observatoire de la parité et
M. le doyen Georges Vedel
, puis le 19 janvier 1999,
Mme Françoise Hostalier
, ancien secrétaire d'Etat
chargé de l'enseignement scolaire,
Mme Elisabeth Guigou
,
garde des sceaux, ministre de la Justice,
Mme Nicole Péry
, secrétaire d'Etat auprès
du ministre de l'Emploi et de la Solidarité, chargée des Droits
des femmes et de la formation professionnelle,
Mme Elisabeth
Badinter
, professeur de philosophie à l'Ecole polytechnique,
M. Olivier Duhamel
, professeur de droit,
Mme Evelyne Pisier
, professeur de Sciences politiques à
l'Université de Paris I, et
M. Guy Carcassone
,
professeur de Droit public, la commission des Lois du Sénat,
réunie le mercredi 20 janvier 1999 sous la présidence de
M. Jacques Larché, président,
a examiné, sur
le rapport de
M. Guy Cabanel
, le projet de loi constitutionnelle,
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à
l'égalité entre les femmes et les hommes.
Faisant la synthèse de ces auditions
, M. Guy Cabanel,
rapporteur
, a constaté que tant la rédaction du projet
initial, que celle de l'Assemblée nationale, permettraient d'adopter des
mesures contraignantes et des mesures incitatives. Au titre des
premières, les lois électorales pourraient comporter
l'instauration de discriminations positives en faveur des femmes.
La commission des Lois a considéré cette perspective comme
difficilement acceptable car elle aurait pour conséquence, par le biais
de quotas ou de la parité, de faire apparaître les candidates
comme présentées en fonction de leur sexe et de conditionner la
liberté de vote des citoyens. Le texte en discussion conduirait donc
à mettre en cause les principes fondamentaux de la démocratie. De
plus, il y aurait un risque de communautarisation.
En conséquence, la commission des Lois a souhaité dégager
les moyens propres à remédier à l'insuffisante
représentation des femmes tout en constatant une évolution
positive, notamment pour les mandats locaux, et l'absence de mesures
contraignantes prises en la matière dans les grandes démocraties
comparables à la France.
Après un large débat, la responsabilité des partis
politiques lui étant apparue déterminante en la matière,
la commission des Lois propose de modifier
l'article 4 de la
Constitution
qui leur est consacré :
- les partis politiques se verraient confier dans la Constitution la
responsabilité de favoriser l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ;
- les règles relatives au financement public des partis politiques
pourraient, si le législateur en décidait ainsi, contribuer
à la mise en oeuvre du principe de l'égal accès des femmes
et des hommes à ces mandats et fonctions.
Mesdames, Messieurs,
L'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'égalité entre les femmes et les hommes déposé par
le Gouvernement à l'Assemblée nationale, partant du constat d'une
présence très insuffisante des femmes au sein des institutions
publiques, conclut qu'il convient
" de compléter
l'article 3 de la Constitution, qui affirme le caractère
indivisible et universel de la souveraineté nationale, afin d'assurer la
conciliation de ces principes avec l'objectif d'un égal accès des
femmes et des hommes aux mandats et fonctions "
.
Ce constat de départ, incontestable sur le plan de l'arithmétique
et de la biologie, mérite d'être analysé pour mettre en
lumière l'évolution récente, positive et sensible, de la
participation des femmes aux assemblées parlementaires et locales.
Cette évolution a été enregistrée à droit
constitutionnel et électoral constant, faisant apparaître que la
mise en oeuvre effective de l'égalité d'accès au mandat,
déjà consacrée sur le plan des principes par la norme
constitutionnelle, ne dépend peut-être pas d'une modification de
ces règles de droit.
A l'issue de l'audition des ministres et de plusieurs
personnalités
1(
*
)
, votre commission des
Lois a souhaité mesurer attentivement les incidences importantes sur les
principes essentiels de notre démocratie, telle qu'elle a
été construite au fil de son histoire, que pourrait comporter le
projet de loi constitutionnelle.
Elle a notamment cherché à concilier, d'une part, le respect du
principe du mandat représentatif qui fait de la personne élue,
quelle qu'elle soit, le représentant de tous, indépendamment de
ses caractéristiques personnelles que la Constitution interdit de
discriminer, et, d'autre part, le souhait de voir à terme les femmes
siéger dans les assemblées à proportion de leur importance
numérique dans l'humanité.
Cette démarche a conduit votre commission des Lois à s'interroger
notamment sur les mesures législatives que permettraient de prendre la
révision constitutionnelle et à évaluer leurs
conséquences au regard des principes fondamentaux de notre
démocratie.
I. LA RECHERCHE D'UNE RÉPONSE À UN CONSTAT DÉPLORÉ
A. UN CONSENSUS SUR LE CONSTAT ET SUR LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UN REMÈDE
1. La participation des femmes à la vie publique en France et à l'étranger
Malgré les termes de l'ordonnance du 21 avril 1944,
selon lesquels "
les femmes sont électrices et éligibles
dans les mêmes conditions que les hommes
" et en dépit
d'une évolution enregistrée lors des dernières
consultations électorales, force est de constater que le taux de
présence des femmes dans les assemblées parlementaires et
locales, inférieur, comme dans tous les pays du monde, à leur
importance numérique dans le corps électoral, l'est davantage en
France que dans la plupart des pays démocratiques.
Le pourcentage d'élues à
l'Assemblée nationale
n'a
pas connu d'évolution sensible au cours des trente années suivant
la Libération (5,6 % pour la première Assemblée
constituante en 1945 ; 6 % en 1993).
Ce chiffre a
progressé de 80 %
lors des élections
législatives de
juin 1997
(10,9 %, soit
63 députés sur 577), le nombre de candidatures
féminines étant passé de 19,4 % à 23 %
d'une élection à l'autre.
L'évolution entre 1993 et 1997 s'est effectuée sans adoption de
mesures contraignantes ou incitatives et sans modification du mode de scrutin.
On notera à cet égard que, lors des élections
législatives de 1986, au scrutin proportionnel, 24,7 % des
candidats et 5,9 % des élus étaient des femmes.
Il apparaît donc qu'en 1997, les partis politiques ont adopté une
attitude plus volontariste que dans le passé, en présentant plus
souvent les femmes dans des circonscriptions susceptibles d'être
remportées.
L'effectif des femmes au sein du
Sénat
(19 membres sur 321,
soit 5,9 % du total) devrait connaître une progression comparable
à celle enregistrée ces dernières années dans les
collectivités territoriales qui forment l'essentiel de son corps
électoral, un décalage dans le temps étant inhérent
à son mode d'élection.
Au total, le
Parlement
compte donc 82 femmes parmi ses
893 membres (9,18 %).
Près de 30 % des Français élus au
Parlement
européen
en 1994 sont des femmes (20 % en 1984).
Une évolution comparable a été perceptible lors des
dernières élections locales en l'absence de toute modification
des modes de scrutin.
Le pourcentage des femmes membres de
conseils municipaux
a
évolué de 14 % en 1983 à 17,7 % en 1989, pour
atteindre 21,7 % en 1995 (110.986 élues).
A la suite des élections municipales de 1995, 2.904 femmes ont
accédé aux fonctions de maire (7,6 % au lieu de 5,4 %
en 1989), dont 11 femmes dans les 226 communes de plus de
30.000 habitants.
Les femmes constituent, depuis 1998, le quart de l'effectif des
conseils
régionaux
(24,16 % exactement), au lieu de 10,5 % en 1992,
les candidatures féminines étant passées de 27 %
à 36,9 % d'un scrutin à l'autre.
Pour les
conseils généraux
, l'évolution est moins
forte, la proportion des candidates étant passée de 13 %
à 15 % et, celle des élues, de 5,9 % à
7,4 %.
Une seule femme est président d'un conseil général et deux
exercent les fonctions de président de conseil régional.
Le tiers des membres du
Gouvernement
(9 sur 28) sont des femmes.
Toute comparaison avec les autres pays doit être effectuée avec
prudence et en tenant compte de traditions, de régimes institutionnels
et de modes de scrutin différents.
Selon les statistiques de l'Union interparlementaire, mises à jour
à la date du 5 décembre 1998, l'effectif féminin des
Parlements dans le monde (assemblée unique ou deux assemblées) se
situe à 13 % (9,18 % en France).
Ce pourcentage est de 13,3 % dans les chambres uniques ou dans les
chambres basses (10,9 % pour l'Assemblée nationale en France) et de
10,9 % dans les chambres hautes (5,9 % pour le Sénat
français).
Par régions du monde, c'est en Europe du Nord que les femmes figurent en
plus grande proportion au Parlement (37,6 %). Sur l'ensemble du continent
européen, les femmes parlementaires constituent 14,4 % de
l'effectif total (12,6 % sans les pays nordiques).
Le taux de présence des femmes au Parlement s'établit à
15,7 % dans le continent américain, soit 23,2 % au Canada et
12,1 % aux Etats-Unis (9 % au Sénat).
La Suède est l'Etat dans lequel on dénombre le plus fort
pourcentage de femmes dans une chambre basse (42,7 %). L'Allemagne en
compte 30,9 %, l'Espagne 24,7 % et le Royaume-Uni 18,2 %.
La mission commune d'information du Sénat chargée
d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie publique,
présidée par Mme Nelly Ollin et dont le rapporteur
était M. Philippe Richert
2(
*
)
,
relevait que le taux significatif de femmes dans les assemblées
politiques en Suède n'empêchait pas les femmes de ce pays de
n'occuper que 10% des postes d'encadrement dans les entreprises privées
et 30% dans l'Administration. Ces taux s'établissent, en France,
respectivement à 22% et 40%.
L'Italie se situe à un niveau proche de celui de la France (11,1 %)
qui, parmi les Etats membres de l'Union européenne, ne
précède que la Grèce (6,3 %).
Le constat ne suffit pas pour déterminer la manière d'assurer une
meilleure présence des femmes dans la vie publique.
Encore faut-il connaître les méthodes utilisées dans les
autres pays pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats et fonctions.
2. Seuls cinq pays dans le monde, dont un seul en Europe, ont fixé des quotas de femmes pour les candidatures aux élections
Contrairement à une idée reçue, rares
sont les
pays qui ont adopté des quotas -voire la parité- pour la
participation des femmes aux assemblées élues.
Aux
Etats-Unis
, la législation établissant des
" discriminations positives " n'a jamais concerné la
représentation politique des femmes ou de minorités.
En Europe du Nord, le pourcentage des femmes au sein des assemblées
politiques (37,6 %) provient essentiellement du fait que les partis
politiques ont fixé des règles internes de quota. Aucune mesure
contraignante n'a jamais été prise dans ces pays.
En
Norvège
, si une loi du 9 juin 1978 a institué
des quotas de représentation des femmes au sein des commissions
administratives locales, son article 21 exclut expressément de
cette obligation les assemblées élues des départements et
des communes.
L`
Italie
a bien adopté, le 25 mars 1993, une loi selon
laquelle, dans certaines communes, "
sur les listes de candidats, aucun
des deux sexes ne peut être, en principe, représenté dans
une proportion supérieure à deux tiers
" mais cette
disposition a été invalidée par la Cour constitutionnelle
(sentence n° 422 du 12 septembre 1995).
En Europe, seule la Belgique dispose d'une législation
contraignante
, à savoir la loi du 24 mai 1994 visant
à promouvoir une répartition équilibrée des hommes
et des femmes sur les listes de candidature aux élections.
Ce texte interdit, pour toutes les élections, que le nombre de candidats
d'un même sexe figurant sur une liste excède
" une
quotité de deux tiers du total constitué par la somme des
sièges à pourvoir pour l'élection et du nombre maximum
autorisé de candidats suppléants
".
Les résultats décevants de la première application de ce
texte, lors des élections locales du 9 octobre 1994 (20 %
d'élues, soit un taux inférieur à celui de 21,7 %
enregistré en France en 1995, sans législation contraignante,
pour l'élection des conseillers municipaux) tiennent à
l'absence de prescription sur la place des candidats sur une liste
et au
calcul du quota
par rapport au nombre des candidats titulaires
et
suppléants
.
En dehors de la Belgique, aucun pays européen n'a donc établi
de quotas obligatoires pour les candidatures aux élections.
En
Suisse,
pays dans lequel le suffrage féminin a
été introduit en 1971, une "
initiative
populaire
" ayant recueilli 109.713 signatures,
déposée le 21 mars 1995, préconise l'inscription dans la
Constitution fédérale de la parité entre les femmes et les
hommes. Elle est
en instance d'examen
.
Selon cette proposition, la différence entre le nombre de femmes et le
nombre d'hommes
élus
au Conseil national dans un canton ne
pourrait être supérieure à un. Chaque " canton
entier " élirait une femme et un homme au Conseil des Etats.
Le Conseil fédéral suisse, défavorable au projet
,
relève en particulier qu'"
un candidat pourrait ne pas être
élu alors qu'il a obtenu davantage de voix qu'un candidat élu,
pour le seul motif qu'il n'est pas du même sexe
".
Le Conseil fédéral indique aussi que "
les cantons ne
pourraient plus désigner deux hommes ou, comme dans les cantons de
Zurich et de Genève, deux femmes au Conseil des Etats
".
Il estime que "
si les femmes restent nettement
sous-représentées dans les autorités, leur nombre est en
constante augmentation
" et considère que "
les mesures
prévues par l'initiative ne représentent pas le bon moyen
d'atteindre une représentation équitable des femmes en
politique
", estimant que celle-ci "
incombe avant tout aux
partis politiques
".
La commission des institutions politiques du Conseil national propose
,
dans le rapport qu'elle a établi sur cette initiative, une
instauration temporaire de quotas
(pour les trois prochains
renouvellements généraux),
portant sur les candidatures
et
non sur les élus.
Les femmes constitueraient
au moins un tiers
des candidatures
sur
chaque liste présentant des candidats des deux sexes. Les listes
présentant exclusivement des candidatures féminines seraient
admises. Celles présentant des candidatures exclusivement masculines
seraient admises jusqu'à la fin de 2007, si elles étaient
apparentées à des listes de même dénomination
présentant uniquement des femmes et si le quota d'un tiers des femmes
était atteint entre les différentes listes apparentées.
La possibilité pour l'électeur de modifier la composition des
listes, par
panachage
, serait maintenue
sans restriction
.
Quoi qu'il en soit, l'initiative est en instance au Parlement suisse, avant un
éventuel référendum.
La situation n'est pas sensiblement différente en dehors du continent
européen.
Selon une étude de l'Union interparlementaire publiée en janvier
1997
3(
*
)
,
seuls quatre pays non
européens ont institué un quota obligatoire
de candidatures
de femmes au Parlement, à savoir l'
Argentine
(30 %), le
Brésil
(20 %), la
Corée
(20 %) et le
Népal
(5 %).
Par ailleurs, la Constitution des
Philippines
promulguée en 1987
stipule que "
pour trois législatures consécutivement
à l'entrée en vigueur de la Constitution, les sièges
alloués aux candidats des listes de partis sont pourvus à
moitié, comme prévu par la loi, par sélection ou
élection de représentant(e)s des ouvriers, des paysans, des
populations pauvres des agglomérations urbaines, des communautés
culturelles indigènes, des
femmes
, de la jeunesse et d'autres
secteurs spécifiés par la loi, hormis les milieux
confessionnels
".
En
Chine
, une décision du 3 avril 1992 a prévu que
"
le pourcentage des femmes députées à la
8ème législature ne devrait pas être inférieur
à celui de la 7ème législature
".
Au
Costa Rica
, un projet tendant à contraindre les partis
politiques à adopter le principe de la "
représentation
proportionnelle des femmes dans leurs structures et aux mandats
électifs
", a été écarté par le
Tribunal électoral suprême.
En conclusion, les pays démocratiques où les meilleurs
résultats sont atteints en matière de parité dans les
faits apparaissent être ceux qui ont combiné des scrutins de liste
à la proportionnelle et l'action volontariste des partis, sans aucune
mesure législative contraignante.
3. Le débat sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions
Nul
ne conteste aujourd'hui la nécessité d'encourager la
participation des femmes à la vie publique.
La discussion porte sur les solutions à trouver et sur les
conséquences que celles-ci pourraient avoir sur la conception
française traditionnelle de la démocratie.
A cet égard, le débat sur l'égal accès des femmes
et des hommes aux mandats et fonctions ne peut se réduire à la
question de l'égalité des sexes, d'une manière plus
générale, sauf à vouloir se limiter à une vision
manichéenne.
L'égalité en droit est en effet déjà établie
par le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de
1946 (
" la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des
droits égaux à ceux de l'homme "
), auquel le premier
alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 donne une valeur
constitutionnelle.
Sa traduction dans la législation a été progressive, la
pleine capacité civile de la femme ayant fait l'objet de modifications
importantes du code civil depuis les années 1960. Le droit social est
régulièrement complété afin de réaliser
l'égalité des chances, sans distinction de sexe.
Le droit de vote et l'éligibilité des femmes, dans des conditions
identiques à celles fixées pour les hommes, auraient pu
être déduits de l'article VI de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 (égale admissibilité aux
emplois publics sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs
talents). Ce droit, établi à l'initiative du
Général de Gaulle par l'ordonnance du 21 avril 1944, a
été ensuite inscrit à l'article 4 de la Constitution
de 1946, puis à l'article 3 de la Constitution de 1958 (sont
électeurs les nationaux français majeurs des deux sexes).
Le débat d'aujourd'hui est bien différent et nul, qu'il soit
favorable ou défavorable à la présente réforme
constitutionnelle, ne songe à les comparer.
L'égal accès à l'éligibilité étant
établi en droit, il reste à déterminer comment sa mise en
oeuvre peut se traduire par un nombre d'élues en rapport avec le nombre
des citoyennes sans remettre en cause les principes constitutionnels de la
souveraineté nationale, de l'égalité et de la
liberté de l'électeur.
Tel est l'enjeu du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis.
Selon les uns, dès lors que l'éligibilité est
établie en droit de la même façon pour tous, le citoyen,
donc le candidat, donc l'élu, ne peut être distingué selon
des caractéristiques particulières, qu'elles tiennent à la
race, la religion, la culture ou le sexe.
Toute différenciation briserait l'unité du corps
électoral, pourrait susciter des revendications de la part de telle ou
telle catégorie de la société et conduire au
communautarisme.
L'institution de quotas, ou de la parité, jetterait en outre un doute
sur la compétence de ses bénéficiaires.
Selon les autres, le sexe constituerait le seul élément
indissociable de la notion même de personne, que l'on ne pourrait pas
assimiler à un groupe social déterminé. L'instauration de
la parité entre les femmes et les hommes ne serait donc pas de nature
à justifier des revendications paritaires de la part de certaines
catégories.
La parité n'apporterait pas une protection privilégiée
mais serait la mise en oeuvre de principes constitutionnels qui, à
défaut, resteraient abstraits, la Déclaration de 1789 n'ayant pas
été suivie immédiatement de l'abolition de l'esclavage ou
de la reconnaissance du droit de vote des femmes, par exemple.
Seul un examen attentif de ces arguments, auquel votre commission a
procédé, permet d'apporter une réponse à la
question posée par le projet de loi constitutionnelle.
On remarquera que la revendication de quotas et celle tendant à la
parité sont relativement récentes.
Jusqu'à la fin des années 1980, les mouvements féministes
se sont assez peu intéressés à la question de la
représentation politique, leurs revendications étant
centrées sur l'égalité des droits civils et sur
l'égalité des chances en matière sociale.
Après que Mme Françoise Giroud, secrétaire
d'Etat à la condition féminine, eut proposé, en 1977, de
fixer un quota de 15 % de candidatures féminines aux
élections municipales, le Gouvernement de l'époque a
déposé un projet de loi établissant ce quota à
20 %. Adopté par l'Assemblée nationale, le texte n'a pas
été soumis au Sénat.
L'idée est reprise en 1982, l'Assemblée nationale et le
Sénat votant à la quasi-unanimité un amendement au projet
de loi sur le mode d'élection des conseillers municipaux, limitant
à 75 % la proportion des candidats d'un même sexe pouvant
figurer sur une liste.
Cette disposition ayant été déclarée non conforme
à la Constitution par le Conseil constitutionnel, l'introduction
éventuelle de quotas est apparue subordonnée à une
révision constitutionnelle préalable.
A partir de 1992, des associations se crééent et publient des
manifestes en faveur de la parité entre les femmes et les hommes.
On remarquera que cette revendication n'a pas été soutenue par
d'autres qui avaient participé auparavant à des combats communs
avec les premières.
4(
*
)
La question de la participation des femmes à la vie politique est
évoquée au cours de la campagne électorale
présidentielle de 1995, M. Jacques Chirac proposant des
mesures incitatives à l'égard des partis,
déterminées en fonction de la proportion de femmes qu'ils
présenteraient aux élections et M. Lionel Jospin
souhaitant un
" débat national pour faire la parité au
cours des cinq prochaines années "
.
Le 6 juin 1996,
" L'Express "
publie un
" manifeste des dix pour la parité "
, signé par
des femmes responsables politiques de droite et de gauche, demandant une
politique volontariste des partis et du Gouvernement, l'adoption de mesures
incitatives et s'il le faut une modification de la Constitution.
Un rapport de l'Observatoire de la parité, créé par
décret du 18 octobre 1995, se prononce en janvier 1997 pour
l'inscription de la parité dans la Constitution
5(
*
)
.
Un débat est organisé à l'Assemblée nationale sur
le sujet, le 11 mars 1997, à l'occasion duquel
M. Alain Juppé, à l'époque Premier ministre,
s'est déclaré partisan de réviser la Constitution pour
permettre à la loi d'instaurer, à titre temporaire, des
incitations aux candidatures féminines dans les élections au
scrutin de liste.
Peu à peu, les formations politiques portent une plus grande attention
à la place des femmes parmi leurs candidats et adoptent parfois des
règles internes contraignantes, ce qui s'est traduit par une
progression, ces dernières années, du nombre des candidates et
des élues, comme votre rapporteur l'a exposé
précédemment.
Après le dépôt du présent projet de loi
constitutionnelle, l'Assemblée nationale a adopté, lors de la
discussion du projet de loi relative au mode d'élection des conseillers
régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au
fonctionnement des conseils régionaux, un amendement imposant à
chaque liste d'assurer la parité entre candidats féminins et
masculins
Ce texte, maintenu par l'Assemblée nationale en lecture
définitive malgré l'exception d'inconstitutionnalité
soulevée par le Sénat, a été déclaré
non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel
(décision n° 99-407 DC du
14 janvier 1999), qui a ainsi confirmé la jurisprudence qu'il
avait établie en 1982.
4. Les engagements internationaux de la France
La recherche des moyens pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives doit aussi intégrer la portée exacte des engagements internationaux de la France.
a) Les traités internationaux
Les
conventions multilatérales prohibant toute discrimination fondée
sur le sexe concernent principalement les droits sociaux, économiques et
culturels.
Outre l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948, on citera en particulier le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels conclu dans le cadre de l'ONU
le 19 décembre 1966 (article 2-2), la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950 (article 14) et la Charte
sociale européenne du 3 mai 1996 (partie I, point 20),
conventions conclues dans le cadre du Conseil de l'Europe, ou encore de
diverses conventions négociées au sein de l'Organisation
internationale du travail (OIT).
En ce qui concerne strictement
l'égalité des droits
politiques
, il convient de se référer à la Convention
du 18 novembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes, dont l'ONU est
dépositaire, entrée en vigueur pour la France le
25 avril 1984 après l'autorisation de ratification
donnée par la loi n° 83-561 du 1er juillet 1983.
Selon l'article 7 de cette Convention,
" les Etats parties
prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la
discrimination à l'égard des femmes dans la vie politique et
publique du pays et, en particulier, leur assurent, dans des conditions
d'égalité avec les hommes, le droit :
" a) de voter à toutes les élections et dans tous les
référendums publics et être éligibles à tous
les organismes publiquement élus ".
Les parties doivent donc, le cas échéant, éliminer la
discrimination des femmes dans le domaine de l'électorat et de
l'éligibilité.
L'article 1er de ce texte définit, aux fins de la Convention,
l'expression
" discrimination à l'égard des
femmes "
comme visant "
toute distinction, exclusion ou
restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de
compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou
l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la
base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de
l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines
politique
, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre
domaine ".
Le droit français ne comporte à cet égard aucune
"
distinction, exclusion ou restriction fondée sur le
sexe "
ayant pour effet de compromettre le droit égal des
femmes en matière politique.
Par les dispositions plus générales de l'article 2 de la
Convention, les Etats parties s'engagent à :
" a) inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre
disposition législative appropriée le principe de
l'égalité des hommes et des femmes ".
La France a posé ce principe avec l'article VI de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (
" Tous
les citoyens (...) sont également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans
autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ")
et
avec le troisième alinéa du Préambule de la Constitution
de 1946
(" La loi garantit à la femme, dans tous les domaines,
des droits égaux à ceux de l'homme ").
Ce principe a été précisé, s'agissant de la
souveraineté nationale, par l'article 3 de la Constitution actuelle
(
" sont électeurs dans les conditions déterminées
par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes,
jouissant de leurs droits civils et politiques "
).
L'article 2 de la Convention fait également obligation aux Etats
d'"
assurer par voie de législation ou par d'autres moyens
appropriés l'application effective dudit principe "
, ce qui ne
comporte donc pas l'obligation formelle de choisir à cet effet une
solution déterminée, mais laisse les Etats libres des moyens pour
parvenir au but fixé et laisse entière, au demeurant, la notion
d'application effective du principe dès lors que
l'éligibilité est acquise et que la liberté des partis et
de l'électeur sont respectés.
Notre ancien collègue, M. Gérard Gaud, relevait dans
son rapport sur le projet de loi de ratification que cette Convention ne posait
" aucun problème d'application interne dans notre
pays "
, signifiant par là même que la ratification de la
Convention du 18 novembre 1979 n'impliquait pas, pour la France,
l'
obligation
de prendre des dispositions nouvelles pour se conformer
à celle-ci.
Au demeurant, cinq pays à travers le monde, dont un seul en Europe ont
choisi la voie des quotas.
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes n'impose donc aucunement à la France
d'adopter un régime de quotas, mais lui laisse le droit de choisir ce
moyen, si toutefois sa Constitution l'y autorise.
b) Le droit communautaire
Les
textes communautaires sur l'égalité entre les femmes et les
hommes s'appliquent essentiellement au
droit social
.
L'article 2 §1 de la directive 76/207 du
9 février 1976 prévoit que le principe de
l'égalité de traitement implique "
l'absence de toute
discrimination fondée sur le sexe ".
Son article 2 §4 prévoit cependant une exception à ce
principe d'égalité pour les mesures "
visant à
promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en
particulier en
remédiant aux inégalités de fait
qui
affectent les chances des femmes ".
Dans un arrêt Kalanke (17 octobre 1995), la Cour de justice des
communautés européennes avait conclu à
l'incompatibilité des quotas avec le principe de l'égalité
de traitement.
Modulant ensuite sa jurisprudence, la Cour de justice devait admettre
qu'une
priorité pouvait être accordée aux femmes, dès lors
qu'elle ne revêtait pas un caractère inconditionnel
(arrêt Marschall du 11 novembre 1997).
Le traité d'Amsterdam (article 2, point 7, insérant un
article 6A au traité instituant la Communauté
européenne) prévoit que "
dans les limites des
compétences que
(celui-ci)
confère à la
Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur
proposition de la Commission et après consultation du Parlement
européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de
combattre toute discrimination fondée sur le sexe (...) "
.
Les
mesures de discrimination positive
que prendrait l'Union
européenne, s'il était retenu une interprétation
autorisant celles-ci, ne pourraient pas cependant concerner
l'
éligibilité
aux mandats électoraux et fonctions
électives,
domaine qui relève de la compétence des
Etats
.
Le Traité d'Amsterdam prévoit aussi que "
pour assurer
concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes
dans la
vie
professionnelle
, le principe de
l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de
maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages
spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une
activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou
à prévenir ou compenser des désavantages dans leur
carrière professionnelle
"
On remarquera que, dans sa décision n° 97-394 du 31 décembre
1997 sur la conformité à la Constitution du Traité
d'Amsterdam, le Conseil constitutionnel n'a formulé aucune objection
à cette disposition qui permet (sans les y contraindre) aux Etats de
prendre des mesures de discrimination positive
dans le domaine
professionnel
dans lequel les Etats-Unis ont tenté des
expériences dont les résultats sont contestés et qu'ils
n'ont jamais étendues au domaine électoral.
La jurisprudence établie par le Conseil constitutionnel le
18 novembre 1982 et confirmée le 14 janvier 1999 se
limite en effet aux quotas
dans le domaine politique
.
5. Un projet de loi constitutionnelle, préalable nécessaire à toute mesure législative comportant une distinction entre candidats en raison de leur sexe
On sait
que, dans sa décision n° 82-146 du 18 novembre 1982,
le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la
Constitution une disposition législative comportant une distinction
entre candidats en raison de leur sexe.
En effet, lors de l'examen de la loi n° 82-974 du
19 novembre 1982 concernant le mode d'élection des conseillers
municipaux, le Parlement, à la quasi-unanimité des deux chambres,
avait adopté une disposition selon laquelle, dans les communes de plus
de 3.500 habitants, les listes de candidats ne peuvent compter plus de
75 % de personnes de même sexe.
Le Conseil constitutionnel a considéré que
" la
règle qui, pour l'établissement des listes soumises aux
électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur
sexe
(était)
contraire aux principes constitutionnels "
.
Le Conseil constitutionnel a dégagé ces principes à partir
du rapprochement de l'article 3 de la Constitution et de la
dernière phrase de l'article VI de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen.
Selon l'article 3 de la Constitution :
" La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce
par ses représentants et par la voie du référendum.
" Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer
l'exercice.
" Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions
prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et
secret.
" Sont électeurs, dans les conditions déterminées par
la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de
leurs droits civils et politiques. "
La dernière phrase de l'article VI de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen est ainsi rédigée :
" Tous les citoyens étant égaux
(aux yeux de la
loi)
sont également admissibles à toutes dignités,
places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre
distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. "
Le Conseil Constitutionnel en a conclu que
" la qualité de
citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des
conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une
raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une
raison tendant à préserver la liberté de l'électeur
ou l'indépendance de l'élu ; que ces principes de valeur
constitutionnelle s'opposent à toute division par catégories des
électeurs ou des éligibles ; qu'il en est ainsi pour tout
suffrage politique, notamment pour l'élection des conseillers
municipaux "
.
Le Conseil constitutionnel vient de confirmer cette jurisprudence à
propos de la loi relative au mode d'élection des conseillers
régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au
fonctionnement des conseils régionaux, qui contenait une disposition
selon laquelle
" chaque liste assure la parité entre candidats
féminins et masculins "
.
Dans sa décision n° 99-407 DC du
14 janvier 1999, il a, en effet, considéré que,
" en l'état, et pour les motifs énoncés dans la
décision susvisée du 18 novembre 1982, la
qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité
dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont exclus ni pour
une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ni pour
une raison tendant à préserver la liberté de
l'électeur ou l'indépendance de l'élu, sans que puisse
être opérée aucune distinction entre électeurs ou
éligibles en raison de leur sexe "
.
Il apparaît donc, sans ambiguïté, qu'une loi imposant des
quotas ou des candidatures paritaires contredirait le principe
d'universalité du suffrage et ne pourrait être adoptée
avant une révision préalable de la Constitution.
B. DES PROPOSITIONS DIVERGENTES
La
volonté commune d'apporter une réponse à l'insuffisance de
la présence des femmes dans la vie publique ne se traduit pas par
l'unanimité sur la méthode à suivre.
Faut-il prendre des dispositions juridiques -contraignantes et/ou incitatives-
ou convient-il plutôt de laisser les différents acteurs
concernés prendre leurs responsabilités ?
1. Réglementer ou laisser se poursuivre une évolution amorcée ?
La
motivation des femmes ainsi que la manière dont les partis politiques
remplissent leur rôle entrent pour une grande part dans le nombre des
candidatures féminines aux élections.
Il reste à savoir si une évolution naturelle des comportements de
ces acteurs, amorcée depuis quelques années, pourrait apporter
une réponse satisfaisante à la question posée.
a) Le rôle des partis politiques
Dans les
choix qu'ils font pour désigner leurs candidats aux élections,
les partis politiques -quels que soient les critères qu'ils retiennent-
jouent un rôle déterminant dans le niveau de participation des
femmes à la vie politique.
Ce rôle leur est confié par l'article 4 de la Constitution,
selon lequel
" les partis et groupements politiques concourent à
l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité
librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté
nationale et de la démocratie ".
Mme Gisèle Halimi a observé devant votre commission des
Lois que tous les responsables politiques entendus par l'Observatoire de la
parité avaient exprimé leurs regrets de la faible participation
des femmes et elle a estimé que si les partis avaient effectivement mis
en oeuvre les responsabilités qu'ils détenaient de
l'article 4 de la Constitution, la révision constitutionnelle
n'aurait pas été nécessaire.
Depuis quelques années cependant, certains comportements ont
évolué et des règles internes ont été
établies au sein de la plupart des formations politiques.
Cette évolution peut provenir du souhait d'une partie de l'opinion
publique ainsi que de la progression du nombre des adhérentes,
évalué suivant les formations politiques, entre 30 % et
50 % du total des membres
6(
*
)
. Elle peut
aussi être renforcée par un processus de désignation des
candidats associant les adhérents, que certains partis ont adopté.
Des responsables de formations politiques ont exposé, en 1997, devant la
mission commune d'information du Sénat chargée d'étudier
la place et le rôle des femmes dans la vie publique, les règles de
conduite adoptées par leurs partis
7(
*
)
.
Ainsi, le RPR a-t-il opté pour un quota d'un tiers de femmes en position
d'être élues pour les élections au scrutin de liste et pour
la mixité dans l'équipe des candidats, titulaire et
suppléant, aux élections législatives.
Le parti socialiste a fixé un objectif de parité dans ses
statuts, devant se traduire par un équilibre des candidatures dans les
scrutins de liste et par un quota de 30 % de femmes pour les scrutins
uninominaux, en tenant compte des circonscriptions susceptibles d'être
remportées.
Devant l'Observatoire de la parité, en 1996, le parti communiste a
indiqué qu'il entendait réserver aux femmes, dans les scrutins de
liste, un pourcentage de sièges tendant fortement vers la parité
et, pour les élections législatives, 30 % de candidates dans
des circonscriptions susceptibles d'être remportées.
L'UDF a, pour sa part, rappelé ses propositions de loi tendant à
limiter à deux tiers le maximum de candidats d'un même sexe
figurant sur une liste.
Certaines formations écologistes ont adopté le principe de
parité et ont présenté, dès les élections
européennes de 1989, des listes sur lesquelles alternent des femmes et
des hommes.
Lors des élections européennes de 1994, six listes ont
été paritaires ou quasiment paritaires
8(
*
)
.
A en juger par la progression manifeste du nombre des candidates et de celui
des élues, lors des dernières consultations électorales,
déjà analysée par votre rapporteur, les mesures prises par
les partis eux-mêmes commencent à produire des effets.
On rappellera que les dispositions plus volontaristes adoptées par les
formations politiques dans les pays nordiques -dont les
spécificités de la société et les régimes
électoraux ne sont pas comparables- ont permis un taux de
présence plus important des femmes dans les assemblées
parlementaires (37,6%).
b) Des opinions féminines partagées
A la
différence des promoteurs du projet de loi, certains auteurs ont
douté de l'opportunité de mesures juridiques contraignantes en la
matière.
Ainsi, Mme Elisabeth Badinter a-t-elle écrit son
" désaccord de citoyenne "
qui
" se double de
l'indignation de la féministe "
et son "
profond
sentiment d'humiliation "
, s'il fallait "
nous imposer par la
contrainte constitutionnelle. Et si cela devait arriver, comment jamais
être sûres que nous serions à tel ou tel poste par l'effet
de notre compétence ? "
9(
*
)
Devant votre commission des Lois, Mme Evelyne Pisier a partagé ce
malaise, marquant sa préférence pour une modification de
l'article 4 de la Constitution consacré aux partis et
s'étonnant que le Gouvernement n'agisse pas davantage pour
féminiser la haute fonction publique au travers des nominations
discrétionnaires.
10(
*
)
En tout état de cause, la participation des femmes à la vie
publique est, à l'évidence, en partie liée à leur
capacité de choix personnel, par définition difficile à
mesurer et qui dépend d'un ensemble de facteurs sociologiques,
économiques et psychologiques. Pour les femmes, comme pour les hommes,
la capacité de se porter candidat dépend aussi du statut de
l'élu, de la profession exercée, des aides apportées
à la famille, de la gestion du temps parlementaire.
Leur intérêt pour la vie politique peut cependant être
évalué par leur participation aux scrutins
11(
*
)
, par la progression du nombre des candidates aux
élections (voir ci-dessus) et par leur engagement dans les partis
politiques (la proportion des adhérentes étant estimée,
selon les formations, entre 30 % et 50 %).
Votre commission des Lois estime que, dans ce domaine, il appartient d'abord
aux partis politiques de remplir le rôle que leur a confié la
Constitution, en suivant la ligne de conduite volontariste qu'ils se sont
donnée.
Elle considère cependant que, pour parvenir à des
résultats significatifs dans des délais raisonnables, les efforts
des partis politiques pourraient être encouragés par un dispositif
juridique les plaçant en situation égale et leur permettant
d'assumer le risque électoral de la présentation de nouveaux
candidats.
A cet effet, plusieurs solutions étaient envisageables, les unes
à caractère incitatif, les autres étant plus
contraignantes.
2. Prendre des dispositions contraignantes ou des mesures incitatives ?
Différentes mesures incitatives ont été proposées pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Celles-ci portent en particulier sur le fonctionnement des partis politiques (modulation du financement public en fonction de la proportion de candidatures féminines) ou sur d'autres mesures d'accompagnement (mode de scrutin, statut de l'élu, incompatibilités).
a) Le financement public des partis politiques
La
modulation du financement public des partis politiques en fonction de la
proportion des candidatures féminines est présentée, soit
comme une alternative à la parité (ou aux quotas), soit comme une
proposition complémentaire.
Cette incitation financière à la présentation de
candidatures féminines ne remettrait pas en cause le principe du mandat
représentatif et comporterait donc moins de risques à cet
égard que l'instauration de la parité.
Elle devrait rester suffisamment modérée pour ne pas
" compromettre l'expression démocratique des divers courants
d'idée et d'opinion "
, selon la jurisprudence établie
par la décision du Conseil constitutionnel du 11 janvier 1990
(n° 271-DC) sur la loi relative à la limitation des
dépenses électorales.
Pour ne pas accroître le montant global des aides, il pourrait être
envisagé de conditionner l'attribution d'une part (à
déterminer) des aides existantes à la présence d'un taux
minimum de candidates.
Il a été imaginé par M. Guy Carcassone de
limiter l'aide attribuée sur ce critère aux seules majorations
annuelles de ces subventions, ce qui aurait pour effet de ne pas affecter les
critères d'attribution des subventions actuellement versées et
d'accroître progressivement l'effet de la mesure.
Avec d'autres auteurs, M. Georges Vedel s'est interrogé sur la
conformité des dispositions de cette nature avec l'article 4 de la
Constitution, selon lequel les partis et groupements politiques
" se
forment et exercent leur activité librement "
.
La question pourrait en effet se poser de savoir si la modulation du
financement ne mettrait pas en cause sa neutralité, dans la mesure
où l'aide de l'Etat se trouverait conditionnée par un
comportement déterminé des partis et groupements et
compromettrait leur liberté d'action reconnue par l'article 4 de la
Constitution.
L'obstacle constitutionnel éventuel pourrait être levé
par une modification de la Constitution.
En opportunité, le lien entre financement public et présentation
de candidatures féminines est parfois perçu comme une
manière
" d'acheter "
la participation des femmes aux
scrutins.
Devant votre commission des Lois, Mme le Garde des Sceaux a indiqué sa
préférence pour un système de pénalisation des
partis les moins actifs en ce domaine plutôt que pour un système
de primes.
Mme Gisèle Halimi a observé devant votre commission des Lois
qu'une proposition de modulation du financement public n'avait
été émise par l'Observatoire de la parité que dans
l'hypothèse où l'inscription de la parité dans la
Constitution ne serait pas retenue. Elle ne s'est donc pas opposée au
principe de cette formule.
En complétant l'article 3 de la Constitution, le présent
projet donnerait mission à la loi de
" favoriser l'égal
accès "
-texte du projet initial- ou de
" déterminer les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives "
-texte adopté
par l'Assemblée nationale-, versions interprétées par le
Gouvernement comme autorisant le législateur à adopter des
mesures d'incitation financière.
Votre commission des Lois considère cependant que, indépendamment
de l'opportunité qu'il y aurait -ou non- de modifier l'article 3 de
la Constitution, cette interprétation n'est pas absolument certaine.
En effet, les conditions d'organisation de l'égal accès aux
mandats et fonctions doivent aussi être conformes au principe
constitutionnel de liberté des partis, consacré par
l'article 4 de la Constitution.
Il apparaît donc nécessaire de réviser l'article 4
de la Constitution si l'on souhaite moduler le financement des partis dans des
conditions juridiques incontestables.
Enfin, la modulation du financement public pourrait être entendue comme
une disposition provisoire qui, à l'issue d'un délai à
déterminer, cesserait d'être appliquée.
b) Le mode de scrutin
Selon
Mme le Garde des Sceaux, pour les scrutins de liste, des mesures
contraignantes, des quotas éventuellement, ne poseraient aucune
difficulté.
Il est parfois avancé que le passage au scrutin de liste suffirait pour
favoriser l'élection de femmes peu présentes à l'issue des
scrutins uninominaux.
Pourtant, ce phénomène n'a pas joué, par exemple, en
faveur des femmes lors des élections législatives de 1986,
organisées au scrutin proportionnel (24,7% de candidates et 5,9 %
d'élues).
Il serait donc préjudiciable de remettre en cause, pour un tel objectif,
un mode de scrutin qui garantit une majorité de gouvernement.
La généralisation du scrutin proportionnel a aussi
été présentée comme indispensable à la mise
en oeuvre de la parité.
Certes, pour cette mise en oeuvre dans les scrutins uninominaux, trois
hypothèses pourraient être envisagées :
- l'obligation pour le titulaire de choisir un suppléant de sexe
différent ;
- le doublement du nombre des circonscriptions et le partage de celles-ci entre
candidats de sexe différent, mais on imaginerait mal un effectif de
l'Assemblée nationale supérieur à celui du Parlement
européen ;
- le groupement des circonscriptions deux par deux, avec présentation de
listes paritaires composées de deux candidats titulaires et de deux
candidats suppléants élus au scrutin majoritaire, avec ou sans
possibilité de panachage.
Le nombre impair de circonscriptions dans certains départements
conduirait à un nouveau découpage de celles-ci et,
peut-être, à une légère augmentation du nombre des
sièges à pourvoir.
La première solution ne garantissant pas l'objectif fixé et les
deux autres paraissant complexes, la question s'est posée de savoir si
l'inscription de la parité dans la Constitution ne serait pas le
prélude d'un projet de modification du mode de scrutin des
élections législatives et cantonales.
L'hypothèse de l'institution du scrutin proportionnel pour faciliter
la mise en oeuvre de la parité a été démentie par
le Premier
ministre
:
" Cette révision
constitutionnelle n'est, aux yeux du Gouvernement et à mes yeux, en
aucune façon conçue comme un moyen ou comme un prétexte
à une modification des modes de scrutin, et tout particulièrement
du mode de scrutin législatif (...) Si nous devions avoir un
débat sur les modes de scrutin, il serait d'une autre nature. Le
Gouvernement, à cet égard, n'a pas de projet. "
(JO
débats AN, séance du 9 décembre 1998,
p. 10235).
La loi ordinaire pourrait limiter le champ de l'application de la parité
aux élections à scrutin de liste.
L'effet d'entraînement qui pourrait en résulter pour les
élections à scrutin uninominal, ainsi qu'une modulation du
financement public des partis politiques, liée à la
présentation de candidates dans les scrutins uninominaux, pourraient
ensuite produire les résultats escomptés.
Dans cette hypothèse, parité et modulation du financement public
apparaîtraient comme deux dispositions complémentaires.
Telle semble bien être l'intention du Gouvernement,
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, ayant indiqué
à l'Assemblée nationale que
" pour les scrutins
uninominaux, le législateur pourra inciter à la
réalisation de la parité par la modulation du financement public
des partis politiques "
.
Devant votre commission des Lois, elle a précisé que le
Gouvernement privilégiait une formule qui pénaliserait les partis
politiques ne répondant pas à l'objectif de parité. Mme
Elisabeth Guigou, ministre de la justice, n'a cependant pas
écarté l'hypothèse selon laquelle une proposition de loi
tendant à appliquer la parité aux scrutins uninominaux pourrait
être déposée à l'Assemblée nationale et
débattue lors des journées d'initiative parlementaire.
On rappellera que la loi relative à l'élection des conseillers
régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au
fonctionnement des conseils régionaux prévoyait que, pour ces
élections au scrutin de liste à la proportionnelle avec prime
majoritaire,
" chaque liste assure la parité entre candidats
féminins et masculins "
mais cette disposition a
été annulée par le Conseil constitutionnel dans sa
décision précitée du 14 janvier 1999.
c) Les autres mesures d'accompagnement
L'amélioration du
statut de l'élu
pourrait
encourager la participation des citoyens à la vie publique, et donc
bénéficier en particulier aux femmes.
La réforme de la législation sur les
incompatibilités
, en instance de deuxième lecture à
l'Assemblée nationale, est présentée par ses auteurs comme
susceptible, notamment, de faciliter le renouvellement des candidatures et la
présence des femmes dans les assemblées.
II. CONCILIER CET OBJECTIF AVEC LES
PRINCIPES
FONDATEURS DE LA DÉMOCRATIE
CONSTITUTIONNELLE
Les
principes fondateurs de la démocratie constitutionnelle sont
affirmés et mis en oeuvre par la Déclaration de 1789, par le
Préambule de la Constitution de 1946 et par la Constitution de 1958.
Ils ont été interprétés par le Conseil
constitutionnel qui a aussi dégagé des principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République.
Les inévitables actualisations de la Constitution -douze
révisions en quarante ans dont sept au cours des sept dernières
années, sans oublier une révision en instance après son
adoption par les deux assemblées- ne doivent pas avoir pour effet ou
pour conséquence de mettre en cause les bases mêmes de la Loi
fondamentale, solidement construites au cours de notre histoire.
Aussi a-t-il paru essentiel à votre commission des Lois de
procéder à un examen attentif des implications constitutionnelles
du présent projet de révision, en particulier au regard des
principes de la souveraineté nationale, du mandat représentatif,
de l'égalité des citoyens et de la liberté de
vote.
A. LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ET LE MANDAT REPRÉSENTATIF
M. le doyen Georges Vedel, récusant
l'idée
que le peuple français réunit des personnes s'exprimant en
fonction de leur situation spécifique, en a tiré la
conséquence que
" la souveraineté nationale ne se divise
pas entre souveraineté exercée au nom des hommes et
souveraineté exercée au nom des femmes "
.
12(
*
)
Mme Elisabeth Badinter estime que l'introduction de quotas de femmes
pour les candidatures aux élections, voire l'instauration de la
parité, conduirait à la réapparition d'un nouveau clivage,
alors que la Déclaration de 1789 a aboli les castes et les ordres. Ceci
engendrerait inévitablement de
" nouvelles revendications
paritaires "
et conduirait vers une
" démocratie
communautaire "
.
13(
*
)
Le projet de loi constitutionnelle doit en effet être
considéré au regard des principes constitutionnels de la
souveraineté nationale et du mandat représentatif.
Le principe de la souveraineté nationale a été
établi par l'article III de la Déclaration de 1789, selon
lequel
" le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d'autorité qui n'en n'émane expressément "
.
Ce principe a été posé de manière plus absolue par
l'article premier du titre III de la Constitution du
3 septembre 1791 qui proclame que
" la souveraineté
est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient
à la Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut
s'en attribuer l'exercice "
.
Si la souveraineté appartient à la Nation, elle
" ne
réside pas dans la masse des citoyens ajoutés les uns aux autres,
mais dans la collectivité globalement comprise et dont la volonté
ne peut être dégagée que par ses représentants
à la lumière d'une délibération commune "
.
Cette définition de la souveraineté nationale et du mandat
représentatif, donnée par
M. Benoît Jeanneau
14(
*
)
,
implique que
"
l'assemblée tout entière
représente la nation tout entière
; mais chaque
député pris isolément ne représente rien que
lui-même puisque la qualité de représentant est
attribuée à l'organe délibérant et non à ses
membres pris individuellement "
, comme l'explique
M. Bernard Chantebout
15(
*
)
.
L'élu ne représente donc pas les électeurs de sa
circonscription mais la Nation tout entière. Il ne doit pas chercher
à satisfaire les aspirations de telle ou telle partie de la population
et encore moins suivre des instructions impératives, mais seulement sa
conscience éclairée. L'article 27 de la Constitution
rappelle au demeurant que :
" Tout mandat impératif est
nul "
.
C'est ce qu'exprimait M. Edmond Burke
16(
*
)
, en affirmant que
" le Parlement n'est pas un
congrès d'ambassadeurs représentant des intérêts
divers et hostiles, c'est l'assemblée délibérante d'une
nation n'ayant qu'un seul et même intérêt en vue, celui de
la Nation "
.
Le représentant ne doit pas être redevable de son élection
à telle ou telle partie identifiable de l'électorat, condition
assurée dans son principe par le secret du vote.
Le mandat représentatif ne fait pas des élus(es) des
représentants spécifiques des personnes de même sexe, le
sexe d'un élu ne revêtant aucune signification particulière
et n'impliquant aucune conséquence juridique.
Vouloir garantir une
" représentation "
des femmes dans
les assemblées irait donc à l'encontre de la conception
française de la représentation, telle qu'elle a été
confirmée par l'article 3 de la Constitution selon lequel
" la souveraineté nationale appartient au peuple "
et
" aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer
l'exercice "
, puis par le Conseil constitutionnel, s'opposant, dans sa
décision n° 82-146 DC du 18 novembre
précité, à
" toute division par catégories
des électeurs et des éligibles "
. Cette jurisprudence
vient d'ailleurs d'être confirmée par le Conseil constitutionnel
le 14 janvier 1999 (décision n° 99-407 DC).
M. Jean-Claude Masclet
17(
*
)
expose que
"
la théorie représentative a longtemps permis de
justifier les restrictions apportées à l'électorat. La
Nation étant considérée comme un être abstrait, il
appartenait à la Constitution de désigner ceux d'entre les
citoyens qui parleraient au nom de cette personne morale, et, par
conséquent, de restreindre le droit de suffrage à certaines
catégories. L'électorat n'était point un droit mais une
fonction
".
Cette interprétation restrictive du mandat représentatif n'a
cependant plus cours aujourd'hui, puisque la Constitution a,
précisément, depuis 1946 (article 4) confié à
l'ensemble des citoyens la mission de désigner les représentants
de la Nation.
Le risque que comporterait le présent projet de porter atteinte aux
principes de la souveraineté nationale et du mandat représentatif
a été contesté par
Mme Francine Demichel
18(
*
)
.
Dès lors que le corps électoral ne serait pas divisé en
deux parties distinctes -les femmes élisant des femmes et les hommes
élisant des hommes-, les élus ne pourraient pas plus
qu'aujourd'hui se prévaloir de l'origine de leurs électeurs.
Mme Francine Demichel a
contesté que les femmes
appartiennent à une " catégorie ", relevant que le sexe
apparaissait "
comme le
seul élément
indissociable de la notion même de personne
.
Tous les attributs
(qu'une personne)
peut posséder sont
contingents
(nom, profession, situation matrimoniale, appartenance
à une classe ou à un groupe social),
mouvants
(âge)
ou
irrecevables dans un droit démocratique
(race, couleur de
peau). La prise en compte de ces éléments dans la
représentation serait une dénaturation de celle-ci, car elle en
ferait une photographie des diversités sociales. Le sexe est le seul
élément qui contribue à définir l'identité
même de l'individu et du corps social et qui doive pour cela même
être pris en compte pour la théorie de la
représentation
".
Ainsi, la moitié du genre humain ne pouvant être assimilée
à aucune " catégorie " ou minorité,
l'instauration de la parité entre les femmes et les hommes dans le
domaine électoral ne pourrait pas fonder ensuite des revendications de
quotas en faveur de telle ou telle partie de la société.
Mme Francine Demichel considère, qu'en matière
électorale, l'assimilation des femmes à une
" catégorie " impliquerait la constitution de collèges
électoraux distincts, cette perspective étant toutefois
étrangère au projet de loi constitutionnelle, et contraire au
souhait de l'auteur.
A défaut de la création de collèges électoraux
distincts, l'adoption de mesures favorisant les candidatures des femmes ne
transformerait pas les élues en représentantes spécifiques
des femmes et ne risquerait donc pas de remettre en cause la
représentation de "
la nation toute entière "
par
" l'assemblée toute entière "
.
Cette conception est celle exposée devant votre commission des Lois par
Mme le Garde des Sceaux pour écarter le risque de communautarisation.
Constatant que l'objection principale à la révision tenait en la
mise en cause de l'universalisme républicain établi par la
Déclaration de 1789, Mme Gisèle Halimi a estimé,
devant votre commission des Lois, que celle-ci n'avait eu pour effet ni
d'abolir l'esclavage, ni d'établir la citoyenneté des femmes.
M. Robert Badinter a en revanche rappelé que la Déclaration de
1789 avait permis au Conseil constitutionnel de dégager des principes
constitutionnels appliqués aujourd'hui en dehors de son contexte
historique.
Votre commission des Lois considère que tout projet susceptible de
remettre en cause cet universalisme comporterait le risque grave d'être
suivi par des revendications de quotas émanant de diverses
catégories de la population et de conduire vers une
" démocratie communautarisée "
.
B. L'ÉGALITÉ DES CITOYENS
Le
principe d'égalité a été établi par la
Déclaration de 1789, puis confirmé et précisé par
les textes constitutionnels ultérieurs.
Ainsi l'article premier de la Déclaration de 1789 affirme que
"
les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les
distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur
l'utilité commune
".
Son article VI est ainsi libellé : "
La loi est l'expression de
la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de
concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa
formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant
égaux à ses yeux, sont
également admissibles
à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur
capacité, et
sans autre distinction
que celle de leurs vertus et
de leurs talents
".
Le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de
1946 ajoute que "
la loi garantit à la femme
, dans
tous les domaines,
des droits égaux
à ceux de
l'homme
".
L'article premier de la Constitution de 1958 stipule que la République
"
assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens
sans distinction d'origine, de race ou de religion
", sans
cependant considérer explicitement la distinction établie en
fonction du sexe.
Le Conseil constitutionnel a estimé que "
le principe
d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur
règle de façon différente des situations
différentes ni à ce qu'il déroge à
l'égalité pour des raisons d'intérêt
général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la
différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec
l'objet de la loi qui l'établit
"
19(
*
)
.
Il a également considéré que
" le principe
constitutionnel d'égalité entre les sexes s'impose au pouvoir
réglementaire sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en
rappeler l'existence "
(décision n° 97-388 DC du
20 mars 1997, " Plans d'épargne retraite ").
Il apparaît donc clairement que, en dépit du silence sur ce point
de l'article premier de la Constitution, la valeur constitutionnelle du
principe d'égalité entre les sexes est reconnue par le Conseil
constitutionnel.
Le statut général de la fonction publique de 1946 ne permet
d'apporter de dérogation au principe de l'égalité des
sexes que
" dans les cas où la nature des fonctions
exercées ou les conditions d'exercice de ces fonctions exigent de telles
dérogations "
, et
" sous le contrôle du
juge "
.
Le statut de 1959 a prévu que le principe d'égalité des
sexes dans la fonction publique s'applique sous réserve de mesures
exceptionnelles prévues par les statuts particuliers (article 7 de
l'ordonnance du 7 février 1959) ou leurs conditions d'exercice
(même texte, complété par la loi du
10 juillet 1975).
Le droit français admet l'existence de mesures de discriminations
positives que M. Ferdinand Mélin-Soucramanien
20(
*
)
définit comme "
une
différenciation juridique de traitement, créée à
titre temporaire, dont l'autorité normative affirme expressément
qu'elle a pour but de favoriser une catégorie déterminée
de personnes physiques ou morales au détriment d'une autre afin de
compenser une inégalité de fait préexistante entre
elles
".
Le même auteur relève l'existence de discriminations positives
dans les domaines du sexe, de l'âge, du handicap ou de la localisation
géographique.
Ainsi, la loi n° 79-569 du 7 juillet 1979, modifiant la loi
n° 75-3 du 3 janvier 1975, dispense de la condition de limite
d'âge pour l'accès aux emplois publics, les mères d'au
moins trois enfants, les divorcées et les veuves non remariées,
les femmes séparées judiciairement et les femmes
célibataires ayant au moins un enfant à charge, qui se trouvent
dans l'obligation de travailler.
Il est vrai que de nombreuses lois contenant des discriminations positives,
comme celle du 7 juillet 1979, n'ont pas été soumises à
l'examen du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de la loi
instituant une troisième voie d'accès à l'Ecole nationale
d'Administration au bénéfice de personnes ayant exercé des
fonctions électives à la tête notamment, de
collectivités territoriales, d'organisations syndicales ou mutualistes
ou d'associations reconnues d'utilité publique, texte motivé,
selon M. Jean-Pierre Michel, rapporteur du projet de loi à
l'Assemblée nationale, par l'objectif "
d'employer des solutions
adaptées pour rétablir l'égalité
".
Le Conseil constitutionnel a estimé que "
si le principe de
l'égal accès aux emplois publics proclamé par
l'article 6 de la Déclaration de 1789, impose que, dans les
nominations de fonctionnaires, il ne soit tenu compte que de la
capacité, des vertus et des talents, il ne s'oppose pas à ce que
les règles de recrutement destinées à permettre
l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats
à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de
fonctionnaires soient différenciées pour tenir compte tant de la
variété des mérites à prendre en
considération que de celle des besoins du service public"
(décision n° 82-153 DC du 14 janvier 1983).
Aucune discrimination positive n'a, en revanche, jamais été
acceptée dans le domaine du suffrage
. En effet, si le
Préambule de la Constitution de 1946 donne à la loi la mission de
garantir "
à la femme, dans tous les domaines, des droits
égaux à ceux de l'homme " -
ce qui autorise, à
certaines conditions, des discriminations positives, dans le domaine social en
particulier-,
l'article 3 de la Constitution de 1958, concernant
spécifiquement la souveraineté nationale, interdit, selon la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, toute distinction entre hommes et
femmes pour la représentation politique
.
Les décisions du Conseil constitutionnel précitées du
18 novembre 1982 et du 14 janvier 1999 ont confirmé
que le principe constitutionnel de l'égalité des droits civiques
concernait aussi bien l'éligibilité que l'électorat en
énonçant que
" la qualité de citoyen ouvre le
droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques
à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge,
d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant
à préserver la liberté de l'électeur ou
l'indépendance de l'élu "
.
Le Conseil constitutionnel a donc considéré que l'égale
admissibilité des hommes et des femmes aux mandats et fonctions
était déjà acquise en droit
" sans autre
distinction que celle de leur vertu et de leur talent "
.
Un texte conditionnant la recevabilité de candidatures à la
présence d'une proportion déterminée de femmes et d'hommes
créerait donc une discrimination entre les sexes.
L'introduction d'une telle discrimination positive en matière
électorale pourrait donc paraître assez paradoxale au regard d'une
affirmation aussi claire du principe général
d'égalité, tel qu'il a été établi par la
Déclaration de 1789, confirmé par l'article premier de la
Constitution et précisé, pour ce qui a trait à la
souveraineté nationale, par l'article 3 de la Constitution.
Selon M. Olivier Duhamel, pour les droits économiques, sociaux
ou culturels, les différenciations sont nécessaires pour tenir
compte de la situation des différentes catégories sociales, mais,
dans le domaine politique, "
la démocratie ne reçoit les
êtres humains qu'en tant que tels
"
21(
*
)
.
Mme Elisabeth Badinter considère, pour sa part, que toute
discrimination, même positive, susciterait l'apparition de clivages
assimilables aux ordres supprimés par la Déclaration de 1789, et
constituerait une "
source d'exclusion, contraire à
l'intégration républicaine
"
22(
*
)
. Elle pourrait susciter en outre une interrogation
sur la compétence des femmes élues selon un système
électoral comportant des quotas.
Elle a par ailleurs souligné devant votre commission des Lois que les
demandes en matière d'égalité devaient toujours être
basées sur le droit à la ressemblance pour mettre en valeur ce
qui unit l'humanité et non ce qui la sépare.
La discrimination positive accordée aux femmes dans le domaine
électoral comporterait aussi le risque de revendication de quotas de la
part de diverses catégories de la société et donc celui de
communautarisation.
Une telle conception de l'égalité a pu paraître,
à plusieurs auteurs, comme abstraite et porteuse d'une
égalité plus formelle que réelle.
Ces auteurs soulignent que le troisième alinéa du
Préambule de la Constitution de 1946 proclame, comme
particulièrement nécessaire à notre temps le principe
suivant lequel il appartient à la loi de garantir
" à la
femme dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de
l'homme
".
Selon Mme Francine Demichel, "
la parité est une
technique juridique ne mettant pas en cause le principe
d'égalité, sauf à le concevoir de manière
abstraite
".
L'argumentation précédemment exposée selon laquelle la
femme ne constituerait pas une " catégorie " ne permettrait
pas, selon elle, d'étendre un raisonnement favorable à
l'établissement de quotas pour les femmes à d'autres composantes
de la population.
Enfin, M. Olivier Duhamel a estimé, devant l'Observatoire de
la parité en 1996, que l'instauration de la parité politique
obligatoire serait "
contraire aux principes fondateurs de la
démocratie constitutionnelle
", mais aussi que
"
renoncer encore et toujours à l'égalité dans les
faits pour respecter la citoyenneté est à peine
préférable à renoncer à la citoyenneté pour
assurer enfin l'égalité réelle
".
Il en a tiré une conclusion pragmatique tendant à prévoir
un délai pendant lequel les partis politiques devraient se conformer
à un objectif déterminé, sans adoption de dispositions
à caractère obligatoire.
A l'issue de ce délai, si le résultat attendu n'était pas
atteint, des mesures, qu'il conçoit comme dérogatoires au
principe constitutionnel d'égalité, pourraient être
établies, mais à titre transitoire, avant le retour, dans une
troisième phase, au droit commun, universel et
indifférencié
23(
*
)
.
Votre commission des Lois, pour sa part, a considéré que
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives -unique objet du
présent projet de loi constitutionnelle- était en effet
déjà inscrit dans notre droit, mais que, malgré une
évolution positive récente, ce droit ne s'était pas
suffisamment traduit dans les faits.
Elle a constaté que cette évolution récente
résultait, pour l'essentiel, d'une volonté des acteurs
concernés (les femmes elles-mêmes et les partis politiques).
Votre commission des Lois estime que, quelle que soit l'évolution des
textes, il appartiendra toujours et en premier lieu à ces acteurs de
prendre leurs responsabilités.
C. LA LIBERTÉ DE L'ÉLECTEUR
La
liberté de l'électeur suppose, d'une part, que le vote soit
secret -ce qu'établit l'article 3 de la Constitution- et, d'autre part,
que chaque candidat bénéficie de facilités de propagande
identiques, afin de permettre l'expression d'un libre choix en connaissance de
cause.
La liberté de l'électeur requiert aussi que le choix ne soit pas
limité par des exclusions de candidature qui ne seraient pas
fondées par "
des raisons d'âge, d'incapacité ou de
nationalité ou pour une raison tendant à préserver la
liberté de l'électeur ou l'indépendance de
l'élu ", selon la formule retenue par le Conseil
constitutionnel dans ses décisions précitées du
18 novembre 1982 et du 14 janvier 1999.
Dès lors que certains Français jouissant de leurs droits civiques
seraient écartés de la possibilité de présenter
leur candidature, le choix de l'électeur ne se trouverait-il pas
réduit ?
M. le doyen Georges Vedel a craint, devant votre commission des Lois, que
la révision proposée ait pour conséquence que le
résultat des élections ne dépende plus du choix de
l'électeur lui-même.
La révision constitutionnelle éventuelle n'affecterait certes pas
la liberté de chaque électeur, telle qu'elle est définie
par la loi. Le choix de l'électeur s'effectuerait, comme actuellement,
entre les candidatures présentées.
En revanche, la possibilité pour chaque personne de se présenter
sur une liste déterminée pourrait être conditionnée
par le sexe des autres candidats de cette liste, ce qui réduirait
d'autant le choix de l'électeur.
En l'état actuel, lorsqu'un candidat potentiel revendique l'investiture
d'une formation politique, il se soumet aux critères et
procédures de sélection retenus par cette formation, comportant
éventuellement, comme votre rapporteur, l'a précédemment
exposé, des quotas volontaires qui ne mettent donc pas en cause la
liberté des partis.
En sélectionnant les candidats, les partis politiques remplissent la
fonction qui leur est dévolue par l'article 4 de la Constitution,
puisqu'ils "
concourent à l'expression du suffrage
" et
qu'ils "
exercent leur activité librement
".
Le projet de loi constitutionnelle transférerait aux pouvoirs publics
une responsabilité qui incombe, selon la Constitution, aux partis
politiques.
Il permettrait au législateur d'imposer aux formations une obligation
que la plupart d'entre eux se sont déjà librement fixée,
mais à un niveau qui pourrait être différent et pourrait
donc contredire leur liberté constitutionnellement
affirmée.
III. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le
projet de loi constitutionnelle initial prévoyait de compléter
ainsi l'article 3 de la Constitution :
" la loi favorise
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions "
.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale est ainsi
rédigé :
" la loi détermine les conditions
dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives "
.
A. LA LIMITATION DU CHAMP DE LA RÉVISION
Le
projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre
les femmes et les hommes, en proposant l'adjonction d'un alinéa à
l'article 3 de la Constitution concernant la souveraineté
nationale, ne concerne que la vie publique.
Il ne porte pas, en revanche, sur l'égalité entre les femmes et
les hommes dans les autres domaines.
En effet, le Préambule de la Constitution de 1946, en affirmant que
"
la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits
égaux à ceux de l'homme
", a, selon l'exposé des
motifs du présent projet, levé tout obstacle de caractère
constitutionnel à l'adoption de mesures législatives permettant
d'assurer, à certaines conditions, une répartition plus
équilibrée des responsabilités entre les femmes et les
hommes, sauf pour celles ayant trait à la souveraineté nationale,
dont les principes sont définis par l'article 3
précité.
Cette interprétation se fonde aussi sur les décisions du Conseil
constitutionnel précitée du 18 novembre 1982 et
n° 97-394 du 31 décembre 1997 sur la question de la
conformité à la Constitution du Traité d'Amsterdam.
En effet, les dispositions de ce Traité autorisant les Etats membres
à maintenir ou adopter "
des mesures prévoyant des
avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice
d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté
ou à prévenir ou compenser des désavantages dans leur
carrière professionnelle
", n'ont pas été
déclarées contraires à la Constitution par le Conseil
constitutionnel, dans sa décision du 31 décembre 1997.
Il n'existe donc d'obstacle constitutionnel absolu à la mise en oeuvre
de mesures de discrimination positive pour assurer l'égalité
entre les sexes, que pour l'accès aux mandats et fonctions de
caractère électoral en raison de leurs caractéristiques
exposées ci-dessus.
La révision concernant l'article 3 de la Constitution relatif
à la souveraineté, les auteurs du projet initial avaient
pensé que la nature de ces "
mandats et fonctions
" ne
faisait pas de doute et que toute précision était inutile.
L'Assemblée nationale, considérant que les termes de mandat et de
fonction comportaient des significations juridiques nombreuses, en droit
privé comme en droit public, a préféré
préciser que le texte concernerait les "
mandats
électoraux et fonctions électives
", en adoptant un
amendement de M. Claude Goasguen, sur lequel la commission des Lois avait
émis un avis défavorable. Au cours de la séance publique,
Mme Catherine Tasca, rapporteur, en a cependant recommandé
l'adoption à titre personnel et le Gouvernement s'en est remis à
la sagesse de l'Assemblée.
Seuls les mandats électoraux et fonctions électives acquis sur la
base des principes de l'article 3 de la Constitution seraient
concernés par le texte.
Encore faudrait-il définir précisément ces mandats et
fonctions.
Ainsi, pourrait-on se demander si les
juges élus
seraient
concernés par la révision constitutionnelle.
Dans une décision n° 101 DC du 17 janvier 1979, le Conseil
constitutionnel a considéré, à propos d'une disposition
attribuant des voix supplémentaires à des électeurs
employeurs aux conseils de prud'hommes, en fonction du nombre de
salariés qu'ils occupent, que les élections aux conseils de
prud'hommes devaient être organisées selon des règles
conformes au principe d'égalité du suffrage, ce que l'on pourrait
expliquer par le fait que les juges rendent leurs décisions au nom du
peuple français.
A l'inverse, dans une décision n° 82-148 du 14 décembre
1982, le Conseil constitutionnel a estimé que "
les
élections prévues pour la désignation de
représentants des assurés sociaux
ne se rapportent ni à
l'exercice de leurs droits politiques, ni à la désignation des
juges
" et qu' "
aucun principe ou règle de
valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de réserver
l'initiative des candidatures à certaines organisations en raison de
leur nature et de leur représentativité au plan
national
", ce à quoi, le principe d'égalité du
suffrage s'opposerait, s'il était applicable aux représentants
des assurés sociaux.
Les principes établis par l'article 3 de la Constitution ne sont donc
applicables que pour l'élection à des fonctions qui, selon les
décisions précitées du 27 janvier 1979 et du 14 novembre
1982, se rapportent à l'exercice des droits politiques et à la
désignation des juges.
La révision placée à l'article 3 de la Constitution
pourrait donc concerner, outre les mandats et fonctions de caractère
politique, les fonctions de juge élu, comme l'a confirmé
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice devant votre commission des
Lois.
En revanche, elle ne pourrait concerner la composition du gouvernement. Qu'en
serait-il de la présidence de la République ? Comment
assurer la parité au niveau de ce mandat suprême et unique par
définition ?
Un inventaire de ces mandats et fonctions politiques peut être
tenté à partir des dispositions du code électoral et du
code général des collectivités territoriales relatives aux
incompatibilités.
Ainsi, l'article L.O. 141 du code électoral
énumère-t-il, parmi les mandats et fonctions (sans les distinguer
formellement), ceux de parlementaire, de représentant au Parlement
européen, de conseiller régional, de conseiller à
l'Assemblée de Corse, de conseiller général, de conseiller
de Paris, de maire et d'adjoint au maire.
L'article L. 237 du même code cite les
" fonctions "
de conseiller municipal.
Les articles L. 3122-3 et L. 4133-3 du code
général des collectivités territoriales se
réfèrent aux fonctions de président de conseil
général et de conseil régional.
Les mandats de membre d'une assemblée territoriale d'un territoire ou
d'une collectivité d'outre-mer sont également
énumérés aux articles 4 de la loi
organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 et 5
de la loi n° 85-1406 de la même date tendant à limiter
le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives.
Les fonctions exercées au sein des assemblées territoriales sont
qualifiées comme telles par les statuts des territoires ou
collectivités concernés (par exemple, pour les membres du
Gouvernement de la Polynésie française, par l'article 13 de
la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996).
En revanche, les vice-présidents et autres membres du bureau d'un
conseil régional ou général ne faisant pas l'objet
d'incompatibilités spécifiques ne sont pas cités
expressément par ces textes comme titulaires de fonctions. Cependant,
ils exercent, au moins, un mandat de conseiller.
Les conseillers d'arrondissement de Paris, de Lyon et de Marseille ne sont pas
non plus énumérés par ces textes, mais ne sont-ils pas
titulaires d'un mandat électoral ?
L'ensemble des élus concernés par les termes
" mandats
électoraux et fonctions électives "
n'est donc pas
recensé de manière exhaustive par ces différents textes et
la distinction entre mandats électoraux et fonctions électives
n'est pas juridiquement définie de manière incontestable.
Peut-être les auteurs du projet de loi constitutionnelle entendent-ils,
selon une acception courante, par mandat électoral celui qui est acquis
du suffrage universel direct ou indirect et par fonction élective celle
obtenue au sein d'une assemblée élue au suffrage universel.
Une telle interprétation ne résoudrait pas totalement la
difficulté, car on pourrait alors s'interroger, par exemple, sur
l'assimilation des représentants d'une collectivité territoriale
au sein d'un établissement public de coopération entre
collectivités à des titulaires de fonctions électives au
sens du texte proposé.
Certes les lois mettant en oeuvre le principe de l'égal accès
pourraient préciser sans ambiguïté, d'une part, les mandats
et, d'autre part, les fonctions concernées.
Il serait toutefois souhaitable que le Constituant connaisse
précisément, avant de se prononcer, le champ d'application du
présent projet et votre rapporteur constate que Mme Elisabeth Guigou,
ministre de la Justice n'a pas pu répondu précisément
à son interrogation sur la définition exacte des fonctions
électives.
En tout état de cause, la mise en oeuvre de l'égal
accès aux fonctions électives par des mesures contraignantes,
comme la parité, se heurterait à des difficultés pratiques
importantes, en particulier lorsque l'élection à ces fonctions
s'effectue par votes successifs (élection du maire, puis de ses
adjoints, par exemple).
Seules des mesures de caractère incitatif (par exemple,
aménagement du statut de l'élu) paraissent envisageables pour
l'accès à ces fonctions.
Encore faudrait-il connaître les intentions du Gouvernement à cet
égard et, là encore, malgré l'interrogation de votre
rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, n'a pas
apporté de précisions sur les mesures qui pourraient être
proposées en ce qui concerne les fonctions électives
.
Selon Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, l'habilitation
conférée au législateur permettrait à ce dernier de
prendre des dispositions qui revêtiraient soit un caractère
contraignant, soit un caractère incitatif.
Si l'
" objectif de parité "
est mentionné dans
l'exposé des motifs du présent projet, le mot
" parité "
ne figure pas dans le texte constitutionnel.
En effet, la parité est un concept susceptible de poser de nombreux
problèmes d'application, par exemple lorsque le nombre de sièges
à pourvoir est impair, encore que Mme le Garde des Sceaux ait
indiqué à votre commission qu'elle n'impliquait pas une stricte
égalité mathématique.
Plus fondamentalement, il apparaît préférable de s'en tenir
au principe de l'égalité républicaine, le texte
proposé laissant au législateur une marge d'appréciation
pour mettre ce principe en oeuvre.
La promotion de l'
" objectif de parité "
ne
soulèverait pas de difficultés techniques particulières
pour les
scrutins de liste
, dès lors que ne serait pas
recherché un résultat mathématique. La loi pourrait ainsi
prévoir un taux minimum et un taux maximum se rapprochant de la stricte
parité de candidats d'un même sexe (par exemple, entre 45 %
et 55 % des candidats).
Il en irait bien sûr différemment pour les mandats acquis selon un
mode de scrutin uninominal
, pour lesquels seules des mesures incitatives
(en particulier, modulation du financement public des partis politiques en
fonction de la proportion de candidates qu'ils présentent) semblent
appropriées, ainsi que pour l'accès aux fonctions
électives, dès lors que celles-ci auraient été
définies de manière indiscutable.
Il n'est cependant pas certain que la modulation du financement public -qu'elle
s'applique aux scrutins uninominaux seulement ou à tous les modes de
scrutin- serait autorisée par la modification proposée de
l'article 3 de la Constitution.
En effet, cette modulation serait susceptible de limiter la liberté des
partis et groupements politiques reconnue par l'article 4 de la
Constitution.
B. UNE COMPÉTENCE DONNÉE AU LÉGISLATEUR
Le
projet de loi constitutionnelle aurait pour objet de permettre au
législateur de prendre des mesures de discrimination positive dans le
domaine électoral.
Il ne comporte, en lui-même, aucune disposition de cette nature.
Le législateur aurait la possibilité, s'il l'estimait opportun,
d'adopter de telles dispositions.
Encore convient-il de mesurer la portée de la compétence qui lui
serait donnée.
1. Favoriser l'égal accès ou déterminer les conditions de son organisation ?
Dans la
Constitution, plus que dans tout autre texte, les termes choisis revêtent
une certaine importance.
Selon le projet de loi constitutionnelle initial, la loi "
favorise
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions
".
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, à la suite du
vote d'un amendement de sa commission des Lois approuvé par le
Gouvernement, prévoit que "
la loi détermine les
conditions dans lesquelles est organisé
" cet égal
accès.
Le texte initial
pouvait ne pas traduire de manière suffisamment
claire l'intention des auteurs du projet, telle qu'elle était
affirmée dans l'exposé des motifs : "
La
participation des femmes à la vie publique et à ses institutions
étant très insuffisante, il importe de promouvoir par des mesures
appropriées l'objectif de parité entre les femmes et les
hommes
".
D'une part, le terme "
favoriser
" peut être
interprété comme "
traiter de façon à
avantager
", alors qu'il s'agirait de mettre en oeuvre le principe
d'égalité.
D'autre part, ce terme pourrait apparaître insuffisant au regard des
objectifs affichés. Une mesure destinée à atteindre
"l'objectif de parité "
ne dépasserait-elle pas
l'autorisation de prendre des dispositions
favorisant seulement
l'égal accès ?
En sens inverse, tout texte législatif qui n'établirait pas la
parité serait-il regardé comme
favorisant suffisamment
l'égal accès ?
L'instauration de
quotas
serait-elle considérée comme un
moyen de
favoriser
l'égal accès, ou, en sens
inverse, estimée comme
insuffisante au
regard du principe
constitutionnel proposé d'égal accès ?
La rédaction initiale du projet laisserait une trop grande marge
d'appréciation au Conseil constitutionnel saisi le cas
échéant d'une loi subséquente qui pourrait estimer, soit
que le texte constitutionnel n'autorise pas la parité (puisqu'il
s'agirait seulement de favoriser), soit, en sens inverse, que la disposition
soumise à son examen ne favorise pas suffisamment l'égal
accès.
Au cours de son examen du projet, la commission des Lois de l'Assemblée
nationale a envisagé de proposer que la loi "
assure
"
ou "
garantisse
" l'égal accès.
Cette hypothèse a été écartée, les
députés craignant alors que le Constituant n'impose au
législateur une obligation formelle d'agir, ce qui pourrait conduire le
Conseil constitutionnel à vérifier, à propos de chaque loi
électorale qui lui serait soumise, si l'égal accès est
bien assuré ou garanti. La marge d'appréciation du
législateur se trouverait, là encore, réduite.
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale
serait destinée à faire clairement apparaître qu'il
appartient au Parlement et à lui seul de mettre en oeuvre l'objectif
constitutionnel proposé de l'égal accès des femmes et des
hommes.
Il appartiendrait en effet au législateur de déterminer
lui-même les conditions dans lesquelles serait organisé
l'égal accès aux mandats et fonctions et non pas au Conseil
constitutionnel.
Cette interprétation a été contestée par M. le
doyen Georges Vedel dans un article
24(
*
)
, dont il a confirmé la teneur à votre
commission des Lois, dans lequel il considère qu'en laissant au
législateur le soin de déterminer les modalités de
l'égal accès, le Constituant prendrait le risque de
transférer au Conseil constitutionnel l'appréciation de ces
modalités.
Selon M. le doyen Georges Vedel, il appartiendrait donc au
Constituant de déterminer lui-même les principes permettant
d'établir cet égal accès, sauf à vouloir en appeler
au "
gouvernement des juges
". En l'occurrence, si la
parité est l'objectif, le terme devrait figurer dans le texte
proposé par l'article 3 de la Constitution.
Interrogée, lors des débats à l'Assemblée nationale
sur la question de savoir si le texte donnerait au législateur une
obligation de moyens ou une obligation de résultats,
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, a indiqué que le
texte entraînerait "
un engagement de faire
(et non
seulement)
un engagement de moyens
". Elle a ajouté que ce
ne serait pas "
un engagement de résultats au sens
mathématique
".
Cette interprétation n'est cependant pas inscrite dans le texte
proposé. Elle pourrait s'analyser comme un engagement du Gouvernement
actuel de proposer au Parlement des textes de mise en oeuvre du principe qui
serait établi.
L'inaction totale du législateur ne pourrait pas être
sanctionnée mais une loi électorale n'organisant pas
l'égal accès pourrait-elle être déclarée non
conforme à la Constitution ?
Selon Mme Elisabeth Guigou, la révision constitutionnelle
pourrait permettre soit une législation contraignante, soit des mesures
incitatives, ce qui signifierait que les dispositions législatives
éventuelles pourraient ne pas produire le résultat
escompté. Il n'y aurait donc pas, en définitive, d'obligation de
résultat.
Les personnalités entendues par la commission et interrogées
spécifiquement par votre rapporteur sur ce point se sont montrées
très partagées sur les nuances apportées par les deux
rédactions.
2. Le choix des moyens serait laissé au législateur
Le
projet de loi n'instaure pas la parité, ce terme ne figurant pas dans le
texte proposé, mais seulement dans son exposé des motifs.
Le projet laisserait donc au législateur le choix des moyens.
a) La parité ne serait pas inscrite dans le texte de la Constitution
L'Assemblée nationale a rejeté un amendement
présenté par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, tendant
à préciser que l'égal accès aux mandats et
fonctions est assuré par la parité et que la loi en fixe les
modalités.
Plus fondamentalement, dans l'hypothèse où une modification de
l'article 3 de la Constitution serait retenue, il paraîtrait
préférable de s'en tenir au principe de l'égalité
républicaine, le texte proposé tendant à faciliter sa mise
en oeuvre et non à imposer au législateur un moyen
déterminé à cet effet.
On rappellera cependant qu'une disposition de la loi relative au mode
d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à
l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux,
annulée par le Conseil constitutionnel, prévoyait que chaque
liste devait assurer la parité entre candidats féminins et
masculins, en dépit du nombre impair de conseillers dans toutes les
régions.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur,
avait estimé, devant l'Assemblée nationale, que cette disposition
devrait être interprétée comme permettant un écart
d'une unité entre le nombre de candidats de chaque sexe.
On ne peut mieux illustrer que la parité au sens strict peut se heurter
à de réelles difficultés, même pour les scrutins de
liste.
b) Les conditions dans lesquelles serait organisé l'égal accès
Le
Constituant laisserait donc au législateur le soin de définir les
conditions dans lesquelles serait organisé l'égal accès
aux mandats et fonctions.
Le Gouvernement a exclu l'hypothèse de l'instauration de
quotas
,
lui préférant un
" objectif de parité "
,
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, précisant toutefois,
devant votre commission des Lois, que le texte soumis au Sénat
autorisait l'instauration de quotas.
Or, par définition, les quotas ne garantissent pas un égal
accès, sauf s'ils sont établis autour de 50 % . Les
quotas seraient-ils considérés par le Conseil constitutionnel
comme un moyen de parvenir à l'égal accès ?
Interrogée par le président de votre commission des Lois,
Mme Gisèle Halimi a estimé que le texte permettrait
" malheureusement "
la mise en place de quotas.
Le législateur pourrait aussi, selon l'exposé des motifs du
présent projet, "
promouvoir par des mesures appropriées
l'objectif de parité
".
S'agissant de l'égal accès aux
mandats
électoraux,
la mise en oeuvre de cet objectif dans les scrutins de liste ne
soulèverait pas de difficultés techniques majeures, dès
lors que la parité serait conçue comme un objectif et non comme
un résultat mathématique. La loi pourrait alors peut-être
prévoir un taux de présence de candidats d'un même sexe
proche de la moitié (par exemple, entre 45 % et 55 %).
Il en irait différemment pour les scrutins uninominaux (élections
législatives et cantonales). Votre rapporteur a exposé que ce
mode de scrutin se prêterait difficilement à une
législation paritaire et que le Gouvernement s'était
engagé à ne pas proposer la généralisation des
scrutins de liste pour mettre en oeuvre l'égal accès aux mandats
et fonctions.
Devant votre commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, ministre de
la Justice, a indiqué que, pour les scrutins uninominaux, le
Gouvernement préconiserait une incitation à la réalisation
de la parité par la modulation du financement public des partis
politiques, privilégiant une formule pénalisant les partis
politiques ne répondant pas à l'objectif de parité. Elle
n'a, cependant, pas exclu l'hypothèse selon laquelle une proposition de
loi tendant à assurer la parité aux scrutins uninominaux serait
examinée à l'initiative du Parlement lors d'une journée
d'initiative parlementaire.
L'objectif de parité pourrait donc être mis en oeuvre par des
dispositions contraignantes pour les scrutins de liste et par des dispositions
incitatives pour les scrutins uninominaux.
Votre rapporteur a précédemment exposé les
différentes orientations que le législateur pourrait prendre pour
inciter à l'égal accès, le cas échéant et le
moment venu, par une modulation du financement public des partis politiques.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'égal accès aux
fonctions
électives -qu'il conviendrait de définir
précisément-, elle ne semble pas, en particulier lorsque les
élections sont organisées par scrutins successifs, pouvoir
être réalisée par des mesures de caractère
contraignant, mais plutôt par des dispositions incitatives (par exemple,
aménagement du statut de l'élu).
IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Votre
commission des Lois a constaté que l'égale
égibilité des femmes et des hommes aux mandats et fonctions est
déjà établie en droit.
Certes, l'article VI de la Déclaration de 1789 ayant posé le
principe de l'égale admissibilité de tous les citoyens aux
emplois publics
" sans autre distinction que celle de leurs vertus et
de leurs talents "
n'a pas eu pour effet immédiat d'accorder la
citoyenneté aux femmes auxquelles la pleine capacité civile
n'était pas reconnue à l'époque, mais leur
éligibilité dans des conditions strictement identiques à
celles des hommes a, depuis, été établie de manière
incontestable.
L'égalité des droits civiques résulte plus
précisément de l'article 3 de la Constitution, reconnaissant
ces droits à tous les nationaux français majeurs des deux sexes.
Il n'est donc pas nécessaire de modifier la Constitution pour
établir une égale éligibilité, puisque celle-ci
découle déjà de la Constitution et qu'aucune disposition
du code électoral ne limite en quoi que ce soit
l'éligibilité des femmes ou des hommes.
Le faible nombre de femmes exerçant des mandats électoraux ou des
fonctions électives pourrait laisser supposer que
l'égalité est plus formelle que réelle.
Il n'en demeure pas moins que le droit d'accéder à ces mandats et
fonctions est strictement égal.
Les pays les " plus avancés " dans ce domaine, loin
d'être dotés d'une législation contraignante, ont
simplement laissé les partis politiques, chargés de
présenter les candidatures aux élections, prendre leurs
responsabilités, ce que ceux-ci ont fait en établissant des
règles internes volontaristes de quotas de candidatures féminines
aux élections, de telles règles internes n'entravant pas leur
liberté.
Votre commission des Lois a considéré qu'il revenait
principalement aux acteurs concernés de remplir leur rôle, reconnu
explicitement par l'article 4 de la Constitution.
Elle a cependant pris en considération le souhait émis par la
plupart des responsables politiques de voir leurs efforts -qui ont
déjà produit des effets non négligeables ces
dernières années- encadrés et facilités par des
dispositions juridiques susceptibles de placer les partis politiques
eux-mêmes dans des conditions d'égalité.
La nécessité, non contestée, d'améliorer la
place des femmes dans la vie politique implique-t-elle de permettre au
législateur de prendre des dispositions contraignantes ou plus
simplement d'adopter des mesures incitatives ?
S'il s'agissait d'autoriser le législateur à prendre des mesures
contraignantes
concernant la recevabilité des candidatures en
fonction du sexe des candidats, il conviendrait en effet de modifier
l'article 3 de la Constitution relatif à la souveraineté,
comme le propose le projet de loi constitutionnelle.
Votre commission des Lois s'est prononcée contre une rédaction
qui permettrait d'imposer par la loi des quotas, car ceux-ci remettraient
gravement en cause le principe essentiel de l'universalité du suffrage
et seraient susceptibles d'encourager le développement
déjà perceptible de revendications de représentation
communautariste émanant de certaines catégories de la
population.
La modification proposée de l'article 3 de la Constitution
conduirait inévitablement la France vers une
" démocratie
communautarisée "
,
ce que votre commission des Lois ne
peut accepter.
S'il s'agit en revanche d'inciter les partis politiques
à
présenter un plus grand nombre de femmes aux élections, en
particulier par la modulation du financement public des partis politiques,
une modification de l'article 4 de la Constitution, relatif aux partis
et groupements politiques apparaît mieux adaptée.
Cette solution présente l'avantage de la souplesse, ne comporte pas de
difficultés notables de mise en oeuvre et, surtout, ne risque pas de
mettre en cause le principe du mandat représentatif.
Elle parait plus adaptée au moment où les partis politiques
semblent prendre en considération la nécessité de mieux
équilibrer la présence des femmes et des hommes dans la vie
publique, puisqu'il s'agirait d'encourager un mouvement amorcé notamment
grâce aux efforts des promoteurs du texte.
Aussi votre commission des Lois vous propose-t-elle de compléter
l'article 4 de la Constitution à cet effet.
D'une part, afin de marquer la responsabilité des partis politiques en
la matière, elle vous propose de prévoir, dans cet article, que
ceux-ci
" favorisent l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives ".
D'autre part, votre commission des Lois souhaite que les règles
relatives à leur financement public puissent -si le législateur
l'estime opportun- contribuer à la mise en oeuvre du principe
d'égal accès.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'égal accès des femmes et
des hommes
aux mandats et
fonctions
Le
projet de loi -tant dans sa rédaction initiale que dans celle
adoptée par l'Assemblée nationale
25(
*
)
,- compléterait l'article 3 de la
Constitution afin de permettre au législateur, par des mesures
contraignantes et/ou incitatives d'organiser l'égal accès des
femmes et des hommes aux fonctions et mandats.
Votre commission des Lois a constaté au terme de ses travaux que la
place et le contenu de cette révision impliquait la faculté pour
le législateur d'établir des quotas. Elle s'est prononcée
à titre préliminaire contre une telle faculté.
En effet, pour votre commission des Lois et comme cela a été
précédemment exposé, les quotas porteraient atteinte au
principe constitutionnel de l'universalité du suffrage et seraient
susceptibles de conduire à une
" démocratie
communautarisée ".
Pour autant, votre commission des Lois estime nécessaire de prendre
des dispositions destinées à encourager les partis politiques
à poursuivre une évolution amorcée et, à cet effet,
propose de compléter l'article 4 de la Constitution, relatif au
statut constitutionnel des partis et formations politiques.
En premier lieu, il convient d'énoncer
, sans ambiguïté
aucune, qu'il relève de
la responsabilité des partis
politiques
de favoriser la mise en oeuvre du principe constitutionnel de
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives.
Dès lors, le champ d'application de la révision constitutionnelle
serait mieux assuré, les mandats et les fonctions susceptibles
d'être concernés ne pouvant être que ceux pour lesquels les
partis présentent des candidats, à l'exclusion des fonctions de
juge élu par exemple, et ce, en respectant la totale liberté des
candidatures individuelles.
L'affirmation de la responsabilité des partis politiques en la
matière, non contestée dans les faits, ne remettrait en cause
aucun principe constitutionnel fondant notre démocratie.
En second lieu
, il parait opportun de pouvoir, si nécessaire,
encourager les partis politiques dans les efforts qu'ils ont
amorcés
pour permettre une répartition plus
équilibrée des femmes et des hommes assumant des
responsabilités politiques.
A cet effet, les règles relatives au
financement public des partis
politiques
pourraient, si le législateur le décidait,
contribuer à la mise en oeuvre du principe constitutionnel
d'égal accès
.
Cette législation de caractère incitatif placerait les partis
politiques dans une situation égale au regard du risque électoral
éventuel qu'ils craindraient d'assumer.
Il appartiendrait au législateur de définir les modalités
de cette modulation du financement public, qui pourrait être
établie sans majoration de la masse globale des subventions
accordées aux partis.
Elle devrait rester suffisamment modérée pour ne pas
" compromettre l'expression démocratique des divers courants
d'idée et d'opinion "
, selon la jurisprudence établie
par la décision du Conseil constitutionnel du 11 janvier 1990
(n° 271-DC) sur la loi relative à la limitation des
dépenses électorales.
Votre commission des Lois s'est interrogée sur l'opportunité de
prévoir aussi que les règles de financement public des partis
puissent contribuer au respect des principes de la souveraineté
nationale et de la démocratie auxquels l'article 4 de la
Constitution les soumet également.
Elle a considéré que si le contrôle de la conformité
des règles de financement public au principe de l'égal
accès pouvait être assuré selon des critères
objectifs (proportion de candidats de chaque sexe), celui de la
conformité de ces règles aux principes de la souveraineté
nationale et de la démocratie ne pouvait être exercé sur la
base de critères totalement objectifs.
Sans exclure a priori la possibilité de moduler les règles de
financement en fonction du respect de ces principes, votre commission des Lois
estime cependant que cette éventualité ne pourrait être
introduite dans la Constitution qu'après un examen approfondi de toutes
ses implications.
En conséquence, votre commission des Lois vous propose
un
amendement
tendant à une
nouvelle rédaction
de
l'article unique du projet de loi constitutionnelle pour compléter
l'article 4 de la Constitution.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi constitutionnelle.
A N N E X E
COMPTES RENDUS
DES
RÉUNIONS DE LA COMMISSION
_______
COMPTE RENDU DES AUDITIONS
DU MERCREDI 16
DÉCEMBRE 1998
_______
La
commission a tout d'abord
entendu
Mme Gisèle Halimi
,
présidente de la commission " vie politique " de
l'Observatoire de la parité.
Mme Gisèle Halimi
a tout d'abord exposé que
l'Observatoire de la parité, dont elle a présidé la
commission " vie politique ", avait conclu à
l'opportunité d'une révision constitutionnelle pour
établir dans les faits l'égalité entre les femmes et les
hommes, posée par le troisième alinéa du Préambule
de la Constitution de 1946.
Observant que l'objection principale à cette révision tenait en
la mise en cause de l'universalisme républicain, elle a
considéré que celui-ci, tel qu'il avait été
établi dans les faits en 1789, n'avait pas aboli l'esclavage, ni
instauré la citoyenneté des femmes.
Elle a estimé que jusqu'à l'établissement du droit de vote
des femmes à l'initiative du général de Gaulle en 1944,
les droits de l'homme n'étaient en la matière que ceux des hommes.
Analysant ensuite les statistiques de présence des femmes dans les
assemblées parlementaires depuis 1945, elle a considéré
que l'évolution de 6 % d'élues en 1946 à 10,9 %
en 1997 n'était pas suffisante et a constaté que le chiffre
atteint lors des dernières élections législatives
provenait de l'accroissement des candidatures féminines.
Elle en a conclu que l'insuffisante présence des femmes résultait
principalement des choix des partis lors de l'investiture des candidats.
Elle a remarqué que, devant l'Observatoire de la parité, tous les
responsables politiques avaient exprimé leurs regrets de la faible
participation des femmes et que si les partis avaient effectivement mis en
oeuvre les responsabilités qu'ils détenaient de l'article 4
de la Constitution, la révision constitutionnelle n'aurait pas
été nécessaire.
Mme Gisèle Halimi
a fait valoir qu'elle avait
été, en 1982, l'auteur de l'amendement ne permettant pas à
plus de 75 % de personnes de même sexe de figurer sur une même
liste aux élections municipales dans les communes d'au moins
3.500 habitants, et que cet amendement avait été
adopté à la quasi-unanimité par chacune des deux
assemblées.
Elle a constaté que sans la déclaration de non-conformité
à la Constitution de cette disposition, par le Conseil Constitutionnel,
l'établissement de listes composées uniquement de femmes n'aurait
pas été possible et pris acte du fait que cette décision
rendait indispensable une révision de la loi fondamentale, si l'on
souhaitait parvenir à la parité des candidatures.
Elle a salué la solennité de la révision constitutionnelle
et a approuvé le choix de la modification de l'article 3 de la
Constitution relatif à la souveraineté nationale et au suffrage
universel, regrettant cependant qu'à cette occasion, ne soit pas
également complété l'article 1er de la Constitution
afin de préciser que l'égalité devant la loi devait
être assurée sans distinction de sexe.
Elle a souligné que l'Assemblée nationale avait adopté le
projet de loi constitutionnelle à l'unanimité et
précisé que le recours à un référendum,
selon la procédure de l'article 11 de la Constitution, n'avait pas
été décidé en raison de réserves
exprimées sur cette procédure, aussi bien par le Président
de la République que par le Premier ministre.
Elle a enfin relevé que le recours à l'article 11 de la
Constitution aurait permis d'éviter le veto de l'une des
assemblées, ce à quoi
M. Jacques Larché,
président,
a objecté qu'il n'existait pas de droit de veto en
matière de révision constitutionnelle, mais simplement des
pouvoirs identiques de chaque assemblée.
Mme Gisèle Halimi
a considéré que le
projet de loi constitutionnelle, aussi bien dans sa rédaction initiale
que dans celle adoptée par l'Assemblée nationale, était
imprécis et pouvait se prêter à plusieurs lectures
contradictoires.
Elle a déploré l'absence du mot " parité ",
soulignant que la parité signifiait la réunion de deux
moitiés de la population dans l'ensemble des citoyens et qu'un
renouvellement de la démocratie pourrait naître de l'adoption de
ce principe.
Elle a considéré que la parité était un principe
à faire figurer expressément dans la Constitution, alors que
" l'égal accès " constituait un moyen pour le
législateur de mettre en oeuvre l'égalité des chances.
Elle a estimé que la rédaction de ce projet n'impliquait aucune
obligation pour le législateur alors qu'il appartenait à la
Constitution, elle-même, de fixer des principes que celui-ci devrait
ensuite mettre en oeuvre.
Elle a ensuite observé que le projet n'apportait aucune solution
concernant le mode d'établissement de la parité,
singulièrement en ce qui concerne les scrutins uninominaux.
Constatant que le Premier ministre s'était engagé à ne pas
proposer le scrutin proportionnel aux élections législatives, en
conséquence de la révision constitutionnelle éventuelle,
elle a estimé que l'absence de toute modification en ce domaine ne
permettrait probablement pas d'enregistrer des progrès significatifs
quant à la participation des femmes aux assemblées parlementaires.
Evoquant ensuite la proposition formulée par l'Observatoire de la
parité tendant à moduler le financement public des partis
politiques en fonction du nombre des candidatures féminines, elle a
observé que celle-ci n'avait été émise que dans
l'hypothèse où l'inscription de la parité dans la
Constitution n'aurait pas été retenue.
Elle a enfin considéré que les réticences exprimées
par le Sénat au début du siècle sur le droit de vote des
femmes appartenaient à un passé révolu et qu'il revenait
aujourd'hui à la Haute Assemblée de remédier aux
insuffisances du texte proposé par le Gouvernement et l'Assemblée
nationale.
M. Guy Cabanel, rapporteur,
a souligné que le vote
à l'Assemblée nationale sur ce projet de loi avait
été acquis à l'unanimité et que le nombre
relativement faible des votants, à savoir 82, tenait aux
modalités d'application du vote personnel à l'Assemblée
nationale.
Il a considéré que si le Président de la République
n'avait pas souhaité utiliser la voie référendaire selon
la procédure de l'article 11 de la Constitution, il n'avait
cependant pas exclu de manière définitive tout recours au
référendum en optant pour l'article 89.
En réponse à M. Guy Cabanel, rapporteur,
Mme Gisèle Halimi
a considéré que la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale
n'améliorait que peu le projet initial et a confirmé que la
modification qu'elle proposait à l'article 1er de la Constitution
n'était pas exclusive d'une révision de son article 3.
Répondant à
M. Jacques Larché,
président
,
Mme Gisèle Halimi
a
regretté que le texte transmis au Sénat permette
l'établissement de quotas relevant d'une philosophie différente
de celle de la parité,
M. Guy Cabanel, rapporteur,
observant que selon le doyen Vedel, la parité n'était que
l'institution d'un quota de 50 %.
Puis la commission a procédé à
l'audition
de
M. le doyen Georges Vedel.
M. Georges Vedel
a exposé que le projet de loi tendait
à l'établissement d'un principe en termes suffisamment
imprécis pour laisser ensuite au législateur le choix de retenir
une solution ou une autre, le texte soumis au Sénat pouvant aussi bien
signifier que le législateur serait contraint d'inscrire l'obligation de
parité ou qu'il serait seulement autorisé à le faire.
Il a estimé que si le Constituant adoptait le texte en l'état, il
abdiquerait son pouvoir et renverrait la difficulté en premier lieu au
législateur, laissant, dans le cadre de la procédure
législative, la possibilité à l'Assemblée nationale
de statuer définitivement, et en deuxième lieu au Conseil
Constitutionnel, auquel il appartiendrait de se prononcer sur ces questions de
principe.
M. Georges Vedel
a relevé que dans le passé, le
Conseil Constitutionnel avait été critiqué en raison de
l'interprétation qu'il avait dû faire, par
nécessité, des textes fondamentaux établis à une
période très ancienne et qu'aujourd'hui, le législateur
l'inviterait sciemment à se substituer à lui.
Il a souligné le paradoxe qui tiendrait à ce que la
réponse à la question soulevée dépende non de la
Constitution mais de son interprétation par le Conseil Constitutionnel,
et ce alors que celui-ci se voit parfois reprocher de s'ériger en
" gouvernement des juges ".
M. Jacques Larché, président,
a relevé
que le Sénat exerçait en cet instant son pouvoir constituant et
s'est interrogé sur la portée du texte adopté par
l'Assemblée nationale.
M. Georges Vedel
a considéré que le projet
n'avait pas grammaticalement un caractère contraignant.
M. Guy Cabanel, rapporteur,
a fait part de sa
perplexité sur l'analyse de M. Georges Vedel,
considérant que l'ensemble des dispositions de l'article 3 de la
Constitution était rédigé en des termes imprécis et
laissait au législateur le choix des mesures appropriées.
Il a estimé que l'emploi du verbe " favorise " se situait dans
le même esprit que les autres dispositions de l'article 3 de la
Constitution.
M. Georges Vedel
s'est demandé si la substitution, dans
le texte adopté par l'Assemblée nationale, du terme
" favorise " par le terme " détermine ", accentuait
ou atténuait l'obligation.
Il a observé que lors de la rédaction de la Constitution de 1958,
le suffrage universel ne pouvait s'entendre qu'en excluant toute
possibilité de quotas et que, dans ces conditions, la question de
l'établissement éventuel de discriminations positives pour les
élections politiques ne pouvait être établie que par la
Constitution.
M. Jacques Larché, président,
a observé
que le verbe " détermine " faisait partie de ceux
employés dans différents articles de la Constitution,
contrairement à celui de " favorise ".
A
M. Nicolas About
, qui lui demandait s'il ne serait pas
préférable de prévoir une procédure d'adoption en
termes identiques par les deux assemblées des lois électorales,
M. Georges Vedel
a répondu que cette question relevait
d'une appréciation politique et non d'une analyse juridique, rappelant
en particulier les propositions faites par une commission installée par
M. Pierre Bérégovoy, lorsqu'il était Premier
ministre, tendant, d'une part, à exclure toute réforme
électorale au cours des deux années précédant une
élection et, d'autre part, à instaurer l'adoption de telles
réformes par une majorité qualifiée dans chaque
assemblée.
M. Patrice Gélard
, après avoir exprimé sa
convergence d'analyse avec M. Georges Vedel, lui a demandé
comment la révision constitutionnelle pourrait se concilier avec les
principes établis par l'article 6 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen.
M. Georges Vedel
a estimé que le constituant
étant souverain, une révision constitutionnelle ne pouvait pas
être considérée comme se heurtant à un principe
constitutionnel.
Il a fait valoir que, l'écart entre le principe de
l'égalité et son application effective n'étant pas
contesté, le problème était plutôt de
déterminer le moyen d'apporter un remède à cette situation.
Il a rappelé qu'aucun pays n'avait institué une obligation
juridique de parité et a évoqué l'intérêt
qu'il y aurait à adopter une modulation financière des
règles en vigueur sur le financement public des partis politiques, cette
solution lui paraissant pouvoir apporter des résultats positifs dans un
délai raisonnable, la présentation de candidates n'apparaissant
pas contradictoire avec les succès électoraux et une
révision constitutionnelle n'étant pas impérative pour ce
faire.
Il a craint que la révision proposée ait pour conséquence
que le résultat des élections ne dépende plus du choix de
l'électeur lui-même et a souligné le paradoxe qu'il y
aurait à distinguer hommes et femmes pour l'éligibilité,
ce qui pourrait être analysé comme une forme de racisme.
M. Georges Vedel
a souligné le risque que la
révision proposée ne suscite des revendications de quotas de la
part de certaines catégories de la population, eu égard, par
exemple et si l'on entrait dans cette logique, à
l'inégalité de la représentation des différentes
catégories socio-professionnelles au Parlement.
Il s'est réjoui, en sens inverse, de la décision du Conseil
Constitutionnel refusant la notion de " peuple corse ".
A
M. Robert Badinter
, qui lui a demandé comment, sur un
plan technique, la parité pourrait être établie dans les
scrutins uninominaux,
M. Georges Vedel
a évoqué
la détermination par le sort de circonscriptions réservées
les unes aux hommes et les autres aux femmes.
M. Patrice Gélard
a cité les listes de deux
candidats par circonscription et
M. Robert Badinter
a
demandé si le texte soumis au Sénat permettrait cette solution,
ce à quoi
M. Georges Vedel
a apporté une
réponse positive.
Mme Dinah Derycke
, soulignant le décalage entre
l'affirmation du principe d'égalité et son application effective,
s'est interrogée sur les mesures positives susceptibles d'être
prises pour y remédier, en dehors de celles proposées par le
projet de loi.
M. Georges Vedel
a rappelé que l'égalité
ne s'appliquait pas seulement en matière électorale mais a
estimé que la loi, tout en ayant pour objectif de la mettre en oeuvre,
ne pouvait la substituer dans la pratique à toutes les règles
sociales.
Il a souligné que le défaut de représentation des femmes
ne résultait pas seulement de l'attitude des hommes, mais
peut-être d'une volonté parfois insuffisante des femmes, qu'il
appartenait aux uns et aux autres d'agir et qu'il importait de ne pas perdre de
vue le principe fondamental du libre choix par l'électeur.
Il a conclu en estimant que la démocratie impliquait que
l'électeur choisisse le représentant et non l'inverse.
M. Jean-Pierre Schosteck
a estimé que le rythme de la
progression de la représentation des femmes au cours des
dernières années devait être considéré comme
encourageant pour l'avenir sachant qu'elles n'avaient accédé au
droit de vote qu'en 1944 et que d'autres catégories avaient connu
un processus plus long.
Mme Dinah Derycke
a affirmé que les femmes ne constituaient pas
une catégorie puisqu'elles représentaient la moitié de
l'humanité.
COMPTE RENDU DES AUDITIONS
DU MARDI 19 JANVIER
1999
_______
La
commission a tout d'abord entendu
Mme Françoise Hostalier, ancien
secrétaire d'Etat chargé de l'enseignement scolaire
.
Après avoir constaté l'exception française
constituée par la faible présence de femmes aux postes de
responsabilités,
Mme Françoise Hostalier
a
néanmoins fait valoir qu'il y avait une prise de conscience de plus en
plus forte de cette situation de la part des dirigeants politiques mais aussi
de la part des femmes elles-mêmes.
Estimant que le niveau des débats devant l'Assemblée nationale
avait été décevant,
Mme Françoise Hostalier
a regretté qu'ils
n'aient pas permis un réel examen de la question.
Se déclarant personnellement favorable à l'idée de
parité mais hostile à toute obligation législative,
notamment par la méthode des quotas,
Mme Françoise Hostalier
a fait observer qu'il
était difficile de faire passer cette analyse auprès de l'opinion
publique en l'absence d'un véritable débat.
Après avoir rappelé que, selon le dictionnaire, la parité
se définissait comme " ce qui est pareil ",
Mme Françoise Hostalier
a indiqué qu'elle
l'analysait comme la recherche d'une égalité en termes de valeur
et non pas en termes mathématiques.
Puis, faisant valoir que le projet de loi de révision constitutionnelle
ne changeait pas le fond du problème,
Mme Françoise Hostalier
a rappelé que la
décision du Conseil constitutionnel de 1982 était fondée,
d'une part, sur l'article VI de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789 qui fixait le principe de l'égal
admissibilité aux emplois publics et, d'autre part, sur l'article 3
de la Constitution qui interdisait qu'une section du peuple accapare la
souveraineté nationale.
Elle a donc considéré que, malgré la révision
constitutionnelle, toute loi qui établirait des quotas contredirait ces
mêmes dispositions.
Soulignant que contrairement à l'humanité, la citoyenneté
n'était pas sexuée,
Mme Françoise Hostalier
a plaidé pour une
société qui respecte la diversité des personnes, sans
distinction d'aucune sorte. Elle a relevé que la réforme
proposée contredisait le principe d'universalité.
Elle s'est déclarée favorable à ce que la loi garantisse
aux femmes l'égalité des chances pour arriver à des postes
de responsabilités et non pas un résultat en codifiant une
obligation mathématique sur des listes de candidatures.
Puis
Mme Françoise Hostalier
a suggéré
que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale soit
modifié afin qu'il soit expressément indiqué que la loi
devra déterminer les conditions dans lesquelles l'égalité
des chances pour l'accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions sera garantie.
Mme Françoise Hostalier
a néanmoins fait valoir
que le problème de l'accès des femmes aux postes de
responsabilités était essentiellement d'ordre culturel. Elle a
donc souligné le rôle des partis politiques et de leurs dirigeants
pour favoriser l'accès des femmes aux responsabilités et aux
mandats.
En conclusion, constatant l'existence de signes encourageants,
Mme Françoise Hostalier
a fait observer que les femmes
étaient de plus en plus présentes dans la vie économique
et sociale et que dans les instances destinées aux jeunes, notamment en
milieu scolaire, la parité des délégués
était effective en l'absence de tout texte l'imposant.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a souhaité savoir si la
modification proposée devrait porter sur l'article 3 de la
Constitution. Il s'est en outre demandé s'il ne faudrait pas envisager
des mesures incitatives concernant le financement des partis politiques afin de
favoriser la place des femmes dans la vie politique.
En réponse,
Mme Françoise Hostalier
a
indiqué qu'elle n'avait pas d'a priori sur l'article de la Constitution
qui devrait être modifié afin d'introduire l'idée
d'égalité des chances.
Elle a regretté que cette égalité des chances ne soit pas
suffisamment garantie par les partis politiques, pas assez accueillants pour
les femmes et largement inadaptés aux mentalités
féminines. Elle a également déploré que trop peu de
femmes s'engagent dans la vie politique. Elle a en conséquence
souhaité une mobilisation à l'intérieur des partis
politiques pour faire émerger des talents, notamment parmi les femmes
déjà engagées par ailleurs, par exemple dans la vie
associative.
M. Luc Dejoie
s'est demandé si une obligation
légale, même si elle pouvait apparaître comme peu
satisfaisante dans son principe, ne constituait pas une mesure
d'accélération pragmatique indispensable pour développer
le rôle des femmes dans la vie publique dans des délais plus
rapides.
Estimant qu'il n'y avait pas eu d'avancée dans ce sens depuis la
reconnaissance du droit de vote aux femmes,
Mme Dinah Derycke
s'est déclarée favorable au volontarisme dans ce domaine. Elle a
fait valoir que la réforme constitutionnelle permettait de lever un
obstacle, comme le mettait en évidence la récente décision
du Conseil constitutionnel sur la loi modifiant le mode de scrutin
régional.
Mme Dinah Derycke
, tout en soulignant que certains
progrès avaient été enregistrés au sein de sa
formation politique aux dernières élections législatives,
s'est néanmoins inquiétée des perspectives pour l'ensemble
des listes aux prochaines élections européennes. Elle a en outre
réfuté l'idée que la réforme envisagée
pourrait dévaluer les femmes. Elle a enfin souligné que les
femmes qui exerçaient des responsabilités politiques avaient le
sentiment de représenter tous les citoyens, sans distinction aucune.
En réponse,
Mme Françoise Hostalier
, tout en
partageant cette dernière réflexion, a néanmoins
relevé qu'elle était en contradiction avec la thèse selon
laquelle l'augmentation du nombre de femmes dans les instances politiques
permettrait d'améliorer leur représentation. Elle a en
conséquence contesté l'idée qu'il faudrait favoriser la
place des femmes dans les institutions uniquement pour mieux faire entendre
leur voix.
Mme Françoise Hostalier
a souligné que le fait
d'être choisies pour siéger dans des institutions uniquement parce
qu'elles étaient des femmes aurait pour effet de fragiliser leur
situation.
Admettant que depuis la reconnaissance du droit de vote des femmes, la
situation de ces dernières dans les institutions publiques n'avait pas
beaucoup progressé,
Mme Françoise Hostalier
a
estimé que les femmes n'avaient peut-être pas mené ce
combat et qu'elles avaient souffert de l'absence d'une véritable
solidarité féminine.
Tout en considérant qu'une modification des règles de financement
des partis politiques pourrait avoir un effet incitatif,
Mme Françoise Hostalier
s'est néanmoins
déclarée choquée par une telle solution qui reviendrait,
selon elle, à " acheter " la représentation des femmes.
Elle s'est au contraire prononcée pour des formations spécifiques
pour faciliter l'accès des femmes à la citoyenneté. Elle a
fait part de son hostilité à la création de deux
catégories de citoyens qui devraient faire l'objet de mesures
différentes pour les faire accéder aux postes de
responsabilités.
Répondant à M. Luc Dejoie qui s'interrogeait sur
l'opportunité de mesures législatives ayant un caractère
provisoire,
Mme Françoise Hostalier
a fait valoir que
de telles mesures qui s'apparenteraient à des discriminations positives
seraient contraires aux fondements mêmes de la République.
Enfin, s'agissant des élections européennes,
Mme Françoise Hostalier
s'est prononcée pour un
équilibre global entre les hommes et les femmes qui prenne en compte la
valeur des candidats. Elle s'est en revanche déclarée hostile
à des listes alternant systématiquement " un homme - une
femme ".
La commission a ensuite entendu
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice
et
Mme Nicole Péry, secrétaire
d'Etat auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité,
chargé des droits des femmes et de la formation professionnelle
.
Après avoir rappelé que ce projet de loi constitutionnelle
correspondait à un engagement pris par le Premier ministre au cours de
sa déclaration de politique générale et qu'il avait
été adopté à l'unanimité des suffrages
exprimés à l'Assemblée nationale,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice,
a estimé que personne ne contestait aujourd'hui
l'idée qu'il était souhaitable que les femmes deviennent à
peu près aussi nombreuses que les hommes à être titulaires
de mandats électifs.
Elle a cependant constaté que si la France avait connu une
évolution comparable à celle des autres pays en matière
d'accès des femmes aux responsabilités professionnelles, elle
avait en revanche pris du retard dans deux domaines, à savoir, d'une
part, la modification des règles du code civil napoléonien -qui
n'est intervenue que récemment- et, d'autre part, la présence des
femmes parmi les titulaires de mandats et de fonctions électives.
Soulignant l'" exception française " dans ce dernier domaine,
elle a rappelé que la France avait été l'un des derniers
pays à accorder le droit de vote aux femmes et qu'elle se situait parmi
les derniers quant à la proportion de femmes au sein des
assemblées parlementaires.
Partant de ce constat, elle a considéré que l'universalisme qui
avait prévalu dans toutes les constitutions républicaines
jusqu'à présent ne constituait pas la meilleure voie pour
parvenir à réaliser l'égalité des sexes et elle a
jugé indispensable de lever le " verrou " juridique sur ce
point.
Elle a en effet relevé que les mesures incitatives s'étaient
révélées insuffisantes pour atteindre l'objectif de la
parité et que les discriminations positives étaient aujourd'hui
interdites en raison de la décision du Conseil constitutionnel de 1982
qui avait déclaré inconstitutionnelle une disposition tendant
à limiter à 75 % la proportion de personnes du même
sexe pouvant figurer sur une liste pour les élections municipales, en se
référant aux principes posés par l'article 3 de la
Constitution et l'article VI de la Déclaration des droits de
l'Homme de 1789.
Compte tenu de l'existence de ces principes, elle a estimé qu'il
n'était pas surprenant que le Conseil constitutionnel ait
confirmé sa jurisprudence antérieure dans sa décision du
14 janvier 1999 et en a déduit qu'il était
nécessaire de modifier la Constitution pour atteindre l'objectif de la
parité. Elle a, à cet égard, approuvé la position
exprimée en 1992 par le professeur Vedel, selon lequel " si les
juges ne gouvernent pas, c'est parce que, à tout moment, le Souverain,
à condition de paraître en majesté comme Constituant, peut,
dans une sorte de lit de justice, briser leurs arrêts ".
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat auprès du
ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé des droits des
femmes et de la formation professionnelle,
s'est associée à
ce propos préliminaire et a déclaré qu'elle
répondrait par la suite aux questions des membres de la commission.
M. Jacques Larché, président,
a fait observer
que sur ces bases certaines communautés pourraient faire valoir leur
poids au sein de la population pour exiger une représentation.
Après avoir souligné la situation actuelle d'impasse
résultant, d'une part, du caractère aléatoire et toujours
insuffisant des mesures incitatives et, d'autre part, de l'interdiction des
mesures législatives résultant de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel,
M. Guy Cabanel, rapporteur,
a rappelé
que la modification de l'article 3 de la Constitution avait fait l'objet
d'un accord entre le Premier ministre et le Président de la
République.
Il a souhaité savoir quelle serait la marge d'appréciation
laissée au législateur sur la base du texte initial du projet ou
sur celle de la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale et quelle serait la portée du contrôle du Conseil
constitutionnel dans chaque cas.
Il a ensuite interrogé
Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice,
sur les intentions du Gouvernement
concernant la mise en oeuvre législative du principe posé par le
projet de loi constitutionnelle.
Après s'être interrogé sur la portée des termes
" fonctions électives ", il lui a demandé si la
modification envisagée de la Constitution permettrait au
législateur de prendre des mesures d'incitation financière
à l'égard des partis politiques sans risquer de se heurter au
contrôle du Conseil constitutionnel et a indiqué qu'il envisageait
un amendement tendant à modifier également l'article 4 de la
Constitution.
Enfin, il a questionné le garde des sceaux sur les effets possibles
d'une modification du statut de l'élu pour faciliter les candidatures
féminines.
M. Guy Cabanel, rapporteur,
a indiqué ne pas redouter
un risque de communautarisation.
Après s'être associé aux questions du rapporteur,
M. Nicolas About
s'est interrogé sur l'" exception
française " évoquée par Mme Elisabeth Guigou
et
a fait observer que les hommes se trouvaient eux
pénalisés par une autre " exception française "
relative à l'autorité parentale, à la garde des enfants et
au droit de visite, considérant qu'il conviendrait de parvenir à
un égal accès des hommes et des femmes à leurs enfants.
M. Jean-Jacques Hyest
a souligné l'importance de la
modification de la rédaction du projet de loi constitutionnelle par
l'Assemblée nationale et les difficultés susceptibles de se poser
pour l'application de ce texte. Il s'est en effet interrogé sur
l'organisation de l'égal accès aux fonctions électives
uniques comme la Présidence de la République et a
évoqué la présence majoritaire des femmes dans certaines
fonctions comme les fonctions judiciaires.
M. Jacques Larché, président,
a relevé
qu'en Suède, pays souvent cité comme exemple en matière
d'accès des femmes à la vie politique, les femmes étaient
moins présentes qu'en France dans les postes de responsabilité de
la vie économique et de la fonction publique, soulignant qu'en France
les promotions de l'ENA comportaient désormais 40 % de femmes.
Mme Dinah Derycke
s'est félicitée de la
présentation de ce projet de loi constitutionnelle, rappelant
l'existence actuelle d'un " verrou " constitutionnel tenant à
la conception universaliste de la citoyenneté. Se
référant, sans les reprendre à son compte, aux propos
tenus par Mme Françoise Hostalier au cours de son audition,
elle a demandé à Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice
,
si l'on pouvait considérer que ce
projet de loi était " anti-républicain " ou
qu'il" dévaluait " les femmes.
Après avoir évoqué la situation de la profession d'avocat
où les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans certains barreaux
mais pas toujours dans les conseils de l'ordre,
M. Jacques Peyrat
a estimé que si les femmes n'avaient
pas encore imposé leur présence dans le monde politique, à
la différence des autres milieux professionnels, c'est parce qu'elles ne
l'avaient pas souhaité. Il a fait état de ses propres
difficultés pour trouver des candidates aux municipales tout en se
félicitant qu'une femme l'ait remplacé à
l'Assemblée nationale et que son suppléant soit également
une femme. Il s'est donc interrogé sur les raisons d'une réforme
qui aboutirait à ses yeux à contraindre les femmes à cette
évolution.
M. Robert Badinter
a déclaré que ce projet de
loi constitutionnelle semblait se fixer seulement pour objet de remédier
à l'insuffisante représentation des femmes au sein de la vie
politique et non de proclamer la parité dans la Constitution, ce qui
aurait nécessité une affirmation claire. Il a
considéré que la rédaction initiale du projet de loi
constitutionnelle, tendant à " favoriser " l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électifs,
répondait à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il a cependant fait part de sa perplexité devant la rédaction
retenue par l'Assemblée nationale, prévoyant que " la loi
détermine les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux ". Il s'est en effet demandé si ce texte
n'impliquait pas une obligation de prévoir une parité des
candidatures dans toutes les élections. Il a constaté qu'une
telle obligation ne poserait pas de difficulté technique dans le cadre
du scrutin de liste, mais s'est interrogé sur la possibilité de
la concilier avec le scrutin uninominal.
Enfin,
M. Jacques Larché, président,
a
demandé au garde des sceaux si la révision constitutionnelle
permettrait d'instaurer des quotas.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice,
a tout d'abord indiqué que le projet de loi
constitutionnelle reposait sur un choix philosophique consistant à
considérer que les femmes ne constituaient pas une catégorie mais
représentaient la moitié de l'humanité. Elle a
estimé que l'universalisme abstrait avait conduit à imposer la
domination du masculin et que la réforme envisagée
n'entraînait pas une évolution vers le communautarisme.
Répondant ensuite aux questions du rapporteur, elle a
déclaré que le texte initial et celui adopté par
l'Assemblée nationale poursuivaient le même objectif, à
savoir l'habilitation du législateur à intervenir soit pour
inciter, soit pour contraindre. Relevant que la réforme tendait
seulement à lever le " verrou " constitutionnel, elle a
insisté sur le choix laissé au législateur entre
incitation ou obligation, l'instauration de quotas n'étant pas exclue.
Elle a précisé que le terme " favoriser " retenu dans
la rédaction initiale aurait pu laisser une trop grande marge
d'appréciation au Conseil constitutionnel, soulignant par ailleurs que
la révision constitutionnelle ne ferait disparaître ni les
articles 3 et 4 de la Constitution, ni l'article VI de la
Déclaration des droits de l'Homme de 1789.
Elle a rappelé que le Premier ministre avait clairement indiqué
qu'il n'était pas question que la révision constitutionnelle
relative à la parité soit le prétexte d'une
généralisation du scrutin proportionnel et que le Gouvernement
n'avait pas de projet en ce sens.
Elle a indiqué que, s'agissant des élections au scrutin
proportionnel, il n'y aurait pas de difficultés à imposer la
réalisation de la parité même en cas de nombre impair de
sièges, la parité ne consistant pas en une stricte
égalité mathématique.
Evoquant une décision du Conseil constitutionnel du
17 janvier 1979, elle a par ailleurs noté que les
élections aux conseils de prud'hommes pourraient éventuellement
être concernées, les fonctions de conseiller prud'homal
constituant des fonctions électives au sens de cette jurisprudence.
En ce qui concerne les élections au scrutin majoritaire uninominal, elle
a déclaré que l'intention du Gouvernement était d'agir par
incitation à l'égard des partis politiques, soulignant toutefois
qu'elle n'était pas favorable à l'idée d'accorder des
primes aux partis politiques en fonction du nombre de candidatures
féminines présentées, mais préférerait
plutôt un système de pénalisation des partis les moins
actifs dans ce domaine.
Elle a par ailleurs considéré qu'il n'était pas
nécessaire de modifier l'article 4 de la Constitution dans la
mesure où l'article 3 intégrait les partis politiques dans
son champ d'application.
Enfin, à propos du statut de l'élu, elle a évoqué
les difficultés particulières des femmes, liées à
la conciliation des obligations familiales et des contraintes de la vie
politique.
A la suite d'une remarque de
M. Jacques Larché,
président,
qui a observé qu'il y aurait désormais
deux catégories de lois électorales, les unes contraignantes et
les autres incitatives, ce qui pourrait poser le problème de leurs
modalités d'adoption,
Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice,
a déclaré que la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qu'elle a
qualifiée de plus " allante " que la rédaction
initiale, n'imposait ni obligation, ni incitation et que chaque mode de scrutin
avait sa logique.
En réponse à
M. Nicolas About
, le garde des
sceaux a indiqué qu'elle avait installé un groupe de travail sur
la famille qu'elle avait notamment chargé d'étudier les moyens
d'une application effective de l'autorité parentale conjointe quelle que
soit la situation juridique du couple.
En réponse à
Mme Dinah Derycke
, elle a fait
valoir que le projet de révision constitutionnelle n'ouvrait pas de
brèche dans le principe de l'universalisme, l'humanité
étant composée de femmes et d'hommes.
Répondant à
M. Jacques Peyrat
, elle a reconnu
que beaucoup de femmes hésitaient à s'engager dans des postes de
responsabilité en raison des difficultés de conciliation des
obligations professionnelles et familiales, notamment dans la magistrature.
Elle a par ailleurs constaté que dans certains corps, la
féminisation dominante pouvait poser problème, évoquant
l'exemple des éducateurs confrontés à la
délinquance juvénile. Elle a toutefois contesté que l'on
ne puisse trouver des candidates en les cherchant.
Estimant qu'actuellement tout était fait pour décourager les
femmes d'entrer dans la vie politique,
Mme Elisabeth Guigou, garde
des sceaux, ministre de la justice,
a insisté sur la
nécessité de leur montrer qu'elles y étaient les
bienvenues, sans qu'il soit question de contraindre quiconque.
En réponse à
M. Robert Badinter
, elle a
considéré que pour parvenir à l'objectif de
l'égalité entre les hommes et les femmes, la parité lui
paraissait constituer un meilleur instrument que les quotas, ceux-ci
n'étant toutefois pas exclus.
A propos du scrutin uninominal, elle s'est de nouveau déclarée
favorable à un système d'incitation financière à
l'égard des partis politiques mais a souligné que le
législateur ferait ce qu'il entendrait et que la position du
Gouvernement n'était pas figée a priori.
Interrogée par
M. Jacques Larché, président,
sur
l'éventualité de la mise en place d'un système
contraignant pour les élections au scrutin uninominal, elle n'a pas
exclu le dépôt de propositions de loi en ce sens à
l'Assemblée nationale.
M. Luc Dejoie
a considéré que le texte à
l'Assemblée nationale posait le principe de l'obligation de parvenir
à l'égalité.
Après avoir fait observer que le principe de l'égalité
figurait déjà dans le préambule de la Constitution,
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
réaffirmé qu'il ne s'agissait pas d'une égalité
mathématique et que le texte de l'Assemblée nationale permettait
à la fois l'obligation et l'incitation.
M. Jacques Mahéas
a estimé que la parité
ne poserait pas de problème s'agissant des élections au scrutin
de liste mais s'est interrogé sur les risques de contentieux
résultant de son extension à l'ensemble des fonctions
électives, tout en se déclarant partisan de progresser largement
vers l'égalité entre les hommes et les femmes dans ce domaine.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat auprès du
ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé des droits des
femmes et de la formation professionnelle,
est alors intervenue pour
présenter les actions qu'elle avait engagées en sa qualité
de secrétaire d'Etat chargé des droits des femmes.
Après avoir souligné la volonté du Premier ministre de
" remettre en mouvement " les actions dans ce domaine, elle a
expliqué qu'elle avait demandé à l'Observatoire de la
parité, dont les membres venaient d'être renouvelés, de lui
faire des propositions dans un délai de six mois pour améliorer
la place des femmes dans la vie politique.
Elle a par ailleurs indiqué qu'elle s'était engagée
à faire progresser la lutte contre les inégalités
professionnelles, et a cité des statistiques illustrant la faible
proportion de femmes occupant des postes de responsabilité. Elle a
à cet égard précisé qu'elle venait de nommer Mme
Catherine Génisson parlementaire en mission, chargée de lui faire
des propositions dans un délai de trois mois.
M. Robert Badinter
a déclaré qu'il soutiendrait
toutes les mesures susceptibles de favoriser l'égalité entre les
hommes et les femmes dans la société. Il a cependant fait valoir
que, s'agissant de l'élection d'une personne, le souverain ne pouvait
être que celui qui est appelé à choisir, à savoir
l'électeur qui souhaite que les candidats présentés soient
les meilleurs.
Après avoir constaté que les démocraties les plus
avancées en matière de représentation des femmes dans la
vie politique n'avaient jamais eu recours à des mesures paritaires
contraignantes, il s'est interrogé sur les moyens susceptibles de
permettre sa mise en oeuvre concrète, suggérant l'idée
d'une modification de l'article 4 de la Constitution destinée
à prévoir que les partis organiseraient l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électifs, sans
modifier les dispositions relatives à la souveraineté nationale.
Il a souligné l'inapplicabilité de la parité pour la
Présidence de la République et les présidences
d'exécutifs locaux. Il s'est interrogé sur la conciliation de la
parité et des équilibres politiques au sein des Bureaux des
assemblées nationales et locales.
M. Guy Cabanel
a estimé que le texte initial
était plus souple que celui adopté par l'Assemblée
nationale qui entraînerait une mécanique difficile à
maîtriser.
M. Luc Dejoie
a fait observer que le problème ne
pourrait être réglé par les seuls partis politiques,
certaines fonctions électives ne relevant pas d'eux.
M. Jacques Mahéas
a également
considéré que l'organisation de la parité ne pouvait
être confiée aux seuls partis politiques mais s'est à
nouveau interrogé sur son application dans le cadre des fonctions
électives uniques.
En conclusion,
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat
auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé
des droits des femmes et de la formation professionnelle,
a
déploré que notre pays soit toujours citée comme bon
dernier quant à la place faite aux femmes au sein des lieux de pouvoir.
Elle a estimé que si la volonté politique de favoriser
l'amélioration de la place des femmes avait été
partagée par tous, ce débat sur la révision
constitutionnelle n'aurait pas été nécessaire.
Enfin, évoquant sa propre expérience de la vie politique, elle a
souligné les grandes difficultés pour les femmes de parvenir
à concilier l'ensemble de leurs obligations familiales et
professionnelles.
Mme Dinah Derycke
a souhaité que les hommes se posent
également la question de cette conciliation pour eux-mêmes.
La commission a ensuite procédé à l'audition de
Mme
Elisabeth Badinter
,
professeur de philosophie à l'école
polytechnique,
sur le
projet de loi constitutionnelle n° 130
(1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à
l'égalité entre les femmes et les hommes
.
Mme Elisabeth Badinter
a précisé qu'elle avait
accepté de venir devant la commission des lois du Sénat,
après avoir décliné d'être entendue par celle de
l'Assemblée nationale, car elle s'était rendu compte que son
opinion n'avait pas été représentée dans le
débat. Elle s'est déclarée être également
l'interprète de ses élèves femmes de l'école
polytechnique qui avaient ressenti ce texte comme une véritable
humiliation.
Elle a développé trois motifs qui l'avaient conduite à se
déclarer hostile à la révision constitutionnelle
proposée.
En tant que professeur de philosophie,
Mme Elisabeth Badinter
a tout
d'abord considéré que le projet de loi procédait à
une manipulation des concepts en portant atteinte à la notion
d'humanité qui s'attache à mettre en exergue les points communs
entre les êtres humains et non leurs différences biologiques,
lesquelles, si elles ont de réelles conséquences en
matière de procréation, n'ont pas à intervenir dans le
domaine politique.
Effectuant une comparaison avec les mouvements revendiquant le droit à
la différence initiés par les " Black panthers "
américains au début des années 70, qu'elle a
regretté avoir jugés transposables aux droits des femmes à
l'époque, elle a estimé qu'une telle approche avait
légitimé ultérieurement des théories
d'extrême droite prônant la discrimination au nom de la
différence.
Elle a considéré que la notion de parité relevait d'une
fausse évidence et que les demandes en matière
d'égalité devaient toujours être fondées sur le
droit à la ressemblance pour mettre en exergue ce qui unit et non ce qui
sépare.
En tant que féministe ensuite,
Mme Elisabeth Badinter
a
jugé que ce texte constituait une régression. Rappelant les
travaux qu'elle avait menés, pendant 25 ans, sur la place des
femmes, elle a indiqué que toutes les actions tendant à faire
progresser l'égalité entre les hommes et les femmes avaient
été entreprises au nom de la ressemblance des sexes. Elle a
estimé que les femmes avaient démontré leur
capacité à accomplir dans tous les domaines les mêmes
tâches que les hommes et a réfuté l'idée
communément admise selon laquelle les femmes se
révéleraient meilleures dans les domaines concrets et les hommes
plus capables d'abstraction.
Elle a considéré que la véritable égalité
résiderait dans un partage intégral entre les hommes et les
femmes des charges de famille relevant de la sphère privée et des
charges professionnelles relevant de la sphère publique. Mais elle a
constaté que la réticence des hommes à partager les
charges de famille laissait peu de temps aux femmes pour se consacrer à
l'activité politique.
Rappelant que l'interruption volontaire de grossesse avait été
votée par deux assemblées d'hommes, elle a souligné que
les positions politiques étaient déterminées en fonction
de l'idéologie et non du sexe et que l'engagement politique pouvait
faire abstraction des particularismes.
Elle a craint que l'adoption de la parité n'aboutisse à un
constat de différence irréductible entre les hommes et les femmes
pouvant s'analyser comme un véritable retour en arrière. Elle a
rappelé que l'action intégratrice de Martin Luther King avait
plus fait progresser les noirs américains que les revendications
communautaristes des " Black panthers ".
En tant que républicaine enfin,
Mme Elisabeth Badinter
a
estimé que la constitutionnalisation du concept de parité
marquerait l'échec de la République universelle. Reconnaissant
que la sous-représentation des femmes en politique,
particulièrement mise en évidence par les images de la
réunion du Congrès la veille, était un véritable
problème auquel il fallait apporter une solution, elle a supposé
que de nombreux parlementaires se préparaient à voter la
révision par mauvaise conscience, en croyant prendre une mesure de
justice. Elle a souhaité les mettre en garde contre une telle
démarche qui, conduisant à l'éclatement du concept
d'universalisme, ouvrirait la boîte de Pandore de tous les
communautarismes, chaque communauté pouvant être conduite à
son tour à demander une mesure de justice, quitte à exiger par la
suite la modification de l'article premier de la Constitution assurant
l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction
d'origine, de race ou de religion.
En réponse à
M. Guy Cabanel, rapporteur
, qui
l'interrogeait sur les solutions pratiques permettant de régler le
problème de la sous-représentation des femmes dans la vie
politique, elle a considéré qu'une politique volontariste devait
être entreprise au sein des partis politiques.
Mme Elisabeth Badinter
s'est déclarée en accord avec
M. Charles Jolibois
sur la similitude de la démarche
intellectuelle aboutissant à la parité avec celle qui avait
conduit la Cour suprême des Etats-Unis à appliquer jusqu'en 1953
la doctrine « séparés, mais égaux »
ayant justifié la ségrégation.
M. Paul Girod
, rappelant que le président Clinton, en
arrivant au pouvoir, avait mis en application dans la haute administration
américaine une politique de quotas par groupe ethnique, a craint qu'une
évolution du même type ne se prépare en France.
M. Jacques Larché, président
, rappelant que les Etats-Unis
étaient allés jusqu'au busing, a souligné qu'ils tendaient
à abandonner leur politique de discrimination positive.
Mme Elisabeth Badinter
a considéré que toute nomination
obtenue en fonction d'une discrimination positive laissait planer un doute sur
la qualité des personnes concernées et elle a souligné
que, de ce fait, ses élèves femmes, entrées à
l'école polytechnique à armes égales avec les hommes,
considéraient le projet de loi comme vexatoire. Elle a
précisé que d'après les résultats d'un sondage
publié en mai 1998, l'opinion publique française, même si
elle souhaitait une amélioration de la situation, n'apparaissait pas
favorable à la parité. Elle a jugé qu'il ne devrait pas
être utile de réviser la Constitution pour imposer aux partis
l'autodiscipline qui permettrait d'éviter l'éclatement de la
République.
En réponse à
M. Jacques Mahéas
qui
l'avait interrogée sur le rôle des partis politiques,
Mme
Elisabeth Badinter
s'est déclarée favorable à une
modification de l'article 4 de la Constitution qui préserverait
l'universalisme. Elle a considéré que le débat en cours
permettrait une véritable prise de conscience sur un problème
réellement pathologique, et que la situation devrait s'améliorer
de manière progressive.
En réponse à
M. Guy Allouche
, qui s'est demandé si
le moment n'était pas venu d'entreprendre une politique
véritablement volontariste en adoptant une loi contraignante,
Mme
Elisabeth Badinter,
donnant notamment l'exemple
de
déclarations parues dans la presse, a de nouveau insisté sur les
dangers à plus long terme de l'adoption de la parité, compte tenu
de la pression montante des mouvements communautaristes. Elle a fait un
parallèle entre la parité et le PACS à l'occasion duquel
certains homosexuels revendiquaient le droit d'être reconnus en tant que
tels et non le droit à l'indifférence.
Elle a conclu que, s'il était urgent d'agir pour améliorer la
représentation des femmes dans la vie politique, il ne convenait en
aucun cas d'entamer le principe de l'universalisme.
La commission a ensuite entendu
M. Olivier Duhamel, professeur de droit
public
.
Concernant le principe de la révision, il a indiqué que celle-ci
avait une portée symbolique quant à la présence des femmes
dans l'espace politique, son objectif étant d'aboutir à une
égalité réelle et non plus formelle. Il a estimé
que la révision avait également une portée réelle,
indirecte par la pression qu'elle comportait à l'égard des
acteurs politiques et directe en ce qu'elle levait le veto émis par le
Conseil constitutionnel dans sa décision de 1982 à l'égard
de l'introduction par la loi de discriminations positives.
S'agissant du point d'application dans la Constitution de la révision,
M. Olivier Duhamel
a rappelé que trois versions
étaient envisageables :
- une version minimaliste, évoquée au départ,
prévoyant la modification de l'article 34 de la Constitution par
l'adjonction au domaine de la loi de la détermination des règles
favorisant l'accès des femmes aux responsabilités politiques,
professionnelles et sociales, cette solution s'étant vu reprocher de
confondre les règles de fond et de compétence ;
- une version maximaliste consistant à modifier l'article premier,
souvent considéré comme le " pilier du consensus
républicain ", terme emprunté à
M. Guy Carcassonne, de manière à marquer l'exigence du
caractère paritaire de la démocratie ;
- une version intermédiaire, retenue par le projet de loi, modifiant
l'article 3 relatif au suffrage universel, ayant une forte portée
symbolique et permettant de répondre aux objections formulées en
1982 par le Conseil constitutionnel à l'encontre des quotas.
Concernant le contenu de la révision,
M. Olivier Duhamel
a considéré que son
application au seul domaine politique était justifiée par le fait
que le Conseil constitutionnel avait déjà admis dans sa
décision de 1995 sur l'aménagement du territoire, ainsi que dans
sa décision sur le traité d'Amsterdam, l'adoption d'avantages
spécifiques dans les domaines économiques et sociaux. Il a
souligné que les précisions apportées par
l'Assemblée nationale sur la nature élective des mandats ou
fonctions éliminaient l'application de la réforme au sein du
Gouvernement.
S'agissant du sens à donner à la notion d'égalité,
il a estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale
pouvait être compris de diverses manières : selon une
interprétation large, l'abandon du terme " parité "
indiquerait que l'égal accès serait une mixité sans
domination d'un sexe ; selon l'interprétation étroite des
inspirateurs de la réforme, il imposerait une stricte
égalité à 50% et selon une interprétation
transactionnelle, il permettrait d'aboutir à la parité stricte
sans l'imposer.
Concernant la nature de l'obligation créée par le texte, et
nonobstant le remplacement opéré par l'Assemblée
nationale, du verbe " favorise " par le verbe
" détermine ", il a considéré qu'il ne
s'agissait que d'une obligation de moyens et non de résultats dans la
mesure où n'était visé que " l'égal
accès " aux fonctions et mandats électifs.
Quant à la portée de la prescription, il a
considéré pour sa part, notamment au vu de l'exposé des
motifs, que le texte entraînait une habilitation du législateur
à prendre des mesures plutôt qu'une obligation de le faire, tout
en soulignant son désaccord sur ce point avec le doyen Vedel. Il a
précisé qu'une habilitation à faire pourrait, une fois les
mesures prises, engendrer, comme en matière de droits économiques
et sociaux, une interdiction de défaire, selon la jurisprudence
constitutionnelle de l'" effet de cliquet ".
M. Olivier Duhamel
a conclu que la réforme concrétisait la
volonté d'aller vers plus d'égalité en habilitant le
législateur à poser des obligations de moyens. Mais il a
estimé qu'aucune certitude absolue ne pouvait être
dégagée sur cette interprétation, qu'il conviendrait de
faire préciser lors du débat.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, après s'être
déclaré rassuré par l'appréciation donnée
quant à la contrainte engendrée par le texte à
l'égard du Parlement, a souhaité être éclairé
sur les conséquences du remplacement par l'Assemblée nationale de
l 'expression " la loi favorise " par celle de " la loi
détermine ", concernant tant l'obligation en résultant pour
le législateur que le degré de latitude laissée au Conseil
constitutionnel dans chaque cas.
M. Olivier Duhamel
a rappelé que pour certains, la modification
consistait simplement à marquer qu'il s'agissait de mettre en oeuvre un
droit et non d'octroyer une faveur alors que pour d'autres, au contraire, elle
tendait à introduire une certaine ambiguïté sur la nature de
l'obligation engendrée. Il a considéré, quant à
lui, qu'il n'y avait pas d'obligation pour le législateur d'intervenir,
mais qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel de donner son
interprétation le moment venu. Il a souligné, qu'en tout
état de cause, la question ne pourrait être tranchée avant
que n'intervienne une modification du mode de scrutin, le juge ne pouvant
prescrire au législateur de voter une loi. Quant au degré
d'appréciation laissé au Conseil constitutionnel, il a
estimé qu'il n'y avait pas de différence en fonction de l'une ou
l'autre expression.
En réponse
à
M. Luc Dejoie
qui a
souhaité obtenir des précisions complémentaires sur la
nature de l'obligation engendrée par le texte,
M. Olivier Duhamel
a considéré que
l'introduction dans celui-ci de la notion de l'égal accès au lieu
de celle de parité marquait la défaite des partisans d'une
démocratie sexuée dans laquelle l'égalité aurait
été mathématiquement prescrite et impliquait pour le
législateur une simple obligation de moyens.
A la demande de
M. Patrice Gélard
,
M. Olivier Duhamel
a précisé, qu'à son avis, la réforme permettrait,
sans l'imposer, l'exigence d'une proportion moitié-moitié et
qu'elle n'était pas incompatible avec l'article VI de la
déclaration des droits de l'Homme et du citoyen concernant
l'égalité des citoyens devant la loi. Il a ensuite indiqué
que sa préférence personnelle eut été de
prévoir la possibilité de légiférer à titre
temporaire pour instaurer des éléments d'égalité
réelle, y compris des quotas, par exception au principe
d'égalité, et pour des motifs d'intérêt
général. S'agissant de l'adoption de mesures financières
incitatives à l'égard des partis, il a admis qu'une exception
pouvait être apportée au principe, qu'il défendait
habituellement, de neutralité du financement des partis. Il a
suggéré, qu'à l'image de la législation
adoptée récemment en Belgique prévoyant des
pénalités pour les partis dont les membres tiendraient des propos
racistes ou xénophobes, un tel mécanisme financier pourrait
être étendu à d'autres fins telle l'amélioration de
la représentation des femmes.
En réponse à
M. Charles de Cuttoli
qui
s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'amender le texte afin de lever
les ambiguïtés qu'il recelait,
M. Olivier Duhamel
a redit qu'à son sens, il impliquait une habilitation à faire
mais a considéré qu'il serait en tout état de cause
nécessaire d'obtenir lors du débat les clarifications
nécessaires.
En réponse à
M. Guy Allouche
, qui s'interrogeait sur
les moyens de remédier à l'absence de volontarisme actuel de la
classe politique,
M. Olivier Duhamel
a considéré
qu'une solution pourrait être trouvée dans l'adoption de
dispositions transitoires.
M. Jacques Larché, président,
a jugé que ce
texte, comme celui sur le Conseil supérieur de la magistrature, posait
un principe dont personne n'était en mesure de préciser quelles
en seraient les conséquences législatives. Il a craint que
l'impossibilité d'aboutir à la parité pour les scrutins
uninominaux, malgré les diverses solutions qui avaient pu être
avancées, ne conduise à l'adoption
généralisée d'un scrutin proportionnel. Il a
souligné que les candidatures indépendantes, qui devaient
demeurer possibles, ne pourraient être concernées par
d'éventuelles mesures incitatives à l'égard des partis.
M. Robert Badinter
, ayant également insisté sur
l'impossibilité de mettre en oeuvre le système de la
parité à chaque fois qu'il s'agirait d'élire une seule
personne à un mandat ou une fonction,
M. Olivier Duhamel
a
considéré que la conception de la parité
présentée dans le projet de loi, différente de celle
beaucoup plus tranchée des initiateurs de la réforme, n'exigeait
pas d'intervention en matière de scrutin uninominal. Il s'est cependant
déclaré persuadé que l'action des partis conduirait en
fait à une amélioration progressive en la matière.
Enfin, en réponse à
M. Luc Dejoie
, il a
estimé que les mandats non politiques n'étaient pas
concernés par la révision dès lors que celle-ci portait
sur l'article 3 de la Constitution.
La commission a ensuite entendu
Mme Evelyne Pisier,
professeur de
sciences politiques à l'université de Paris I.
A titre liminaire,
Mme Evelyne Pisier,
en tant que femme et citoyen de
gauche, a fait part de son malaise devant ce débat. Rappelant que le
projet de loi constitutionnelle avait pour objet de réparer une
injustice à laquelle elle était sensible, elle a
déclaré qu'elle ne pouvait pourtant qu'être opposée
à la voie choisie, celle du " marteau
"
de la
révision constitutionnelle. Soulignant que les associations et les
militants à l'origine de cette proposition avaient mené un combat
admirable, elle a estimé que leur action avait permis un réveil
de la classe politique. Elle a toutefois considéré qu'il
était dangereux de porter atteinte à des principes fondamentaux,
en particulier l'universalisme dont l'abstraction même recèle un
potentiel indispensable.
Mme Evelyne Pisier
s'est interrogée sur les raisons qui
poussaient le Gouvernement à proposer ce projet de loi
constitutionnelle, alors qu'il n'avait apporté aucun changement dans les
nominations discrétionnaires dépendant directement de lui, en
particulier au sein des cabinets ministériels et de la haute
administration. Elle a regretté que les femmes soient si peu nombreuses
à la tête des grands établissements publics ou au sein
d'organes tels que le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou le Conseil
supérieur de la magistrature, alors qu'un renforcement de la
présence des femmes dans ces instances était possible sans
modification constitutionnelle. A propos des mandats électoraux, elle a
constaté que les partis politiques étaient à
l'évidence misogynes et responsables de la faible représentation
des femmes. Elle a estimé qu'à tout prendre, il serait
préférable de modifier l'article 4 de la Constitution
relatif aux partis politiques plutôt que de modifier l'article portant
sur la souveraineté nationale.
Mme Evelyne Pisier
a alors souligné que le texte adopté
par l'Assemblée nationale manquait de clarté. Elle a
observé que l'expression " la loi détermine " pouvait
paraître impliquer une obligation de prendre des mesures pour le
législateur. Elle a souligné que l'expression " égal
accès " donnait au contraire à penser qu'il ne s'agissait
pas d'une obligation de résultat mais que l'on souhaitait encourager un
progrès de la représentation des femmes en politique. Soulignant
que le texte pouvait être interprété comme une habilitation
à prendre des mesures, elle a observé qu'il aurait alors des
conséquences moins graves et que l'on pouvait lui trouver le
mérite de faciliter l'adoption de mesures sur le financement des partis
et la limitation du cumul des mandats, encore qu'une révision
constitutionnelle apparaisse alors superfétatoire. Elle a en revanche
fait valoir que si ce texte avait une portée obligatoire et conduisait
à la mise en place de quotas, il conduirait à considérer
que les femmes constituent une catégorie particulière, que
l'humanité est " genrée ".
Rappelant que les défenseurs de la révision constitutionnelle
soulignaient constamment que les femmes ne constituaient pas une
minorité, elle s'est demandé quels motifs pouvaient justifier une
telle affirmation. Elle a souligné que l'importance quantitative des
femmes dans l'humanité ne suffisait pas à les distinguer de
communautés et qu'il était humiliant de justifier des mesures
particulières par des considérations numériques. Elle a
ajouté que le seul autre argument avancé pour démontrer
que les femmes n'étaient pas une communauté était la
faculté procréatrice du couple homme-femme. Mais elle a mis en
valeur la force du droit qui transcende la biologie pour considérer les
individus et non les spécificités.
Dans l'hypothèse d'une révision,
Mme Evelyne Pisier
a
alors marqué sa préférence pour une modification de
l'article 4 de la Constitution afin de rendre les partis responsables
à l'égard de la démocratie. Elle a souligné qu'une
telle modification pourrait concerner non seulement l'accès des femmes
aux mandats électoraux, mais également la lutte contre le racisme
et la xénophobie. Elle a souligné que, dans ce cas, les femmes ne
seraient pas considérées pour leur différence, mais parce
qu'elles subissent des discriminations.
En réponse à
M. Guy Cabanel, rapporteur,
qui
souhaitait savoir si elle avait une préférence entre la
rédaction du projet de loi initial et celle adoptée par
l'Assemblée nationale,
Mme Evelyne Pisier
a indiqué que
l'Assemblée nationale avait manifestement souhaité que la
pression en faveur de la parité soit plus forte. Elle s'est
déclaré opposée à toute modification de
l'article 3 de la Constitution, mais a souligné que la
rédaction contenue dans le projet de loi constitutionnelle initial
paraissait moins dangereuse.
Indiquant avoir toujours lutté pour l'égalité des sexes,
M. Lucien Lanier
a observé que, dans le débat
sur la parité, ceux qui se prononçaient contre étaient
inévitablement qualifiés d'anti-féministes, voire de
misogynes. Il s'est demandé s'il était vraiment indispensable
d'utiliser le " marteau pilon " que constitue une révision
constitutionnelle pour forcer le suffrage universel. Il a rappelé que
les seules inégalités tolérées par la
Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen étaient celles
reposant sur les talents et les vertus.
Mme Evelyne Pisier
a alors estimé que la démocratie
était plus menacée que la République par la
révision en cours, soulignant que la liberté des hommes et des
femmes de faire de la politique était en cause. Elle a estimé que
l'électeur votait pour des idées et non pour un sexe, et que
l'élu ne représentait pas en fonction de son sexe.
Mme Dinah Derycke
a souligné qu'il n'existait en effet
aucune raison pour que les femmes fassent de la politique différemment
des hommes. Elle a fait valoir que les militantes des droits des femmes
étaient partagées sur ce projet de loi constitutionnelle et qu'il
convenait de réfléchir sans a priori tout en gardant à
l'esprit que, en raison de la sous-représentation des femmes en
politique, la démocratie française était inachevée.
Elle a rappelé que la voie de la révision constitutionnelle avait
été choisie compte tenu des décisions du Conseil
constitutionnel sur ce sujet.
Mme Dinah Derycke
a fait valoir
qu'à titre personnel, elle n'estimait pas que l'argument relatif aux
risques de catégorisation de l'humanité soit pertinent
puisqu'elle n'estimait pas appartenir à une catégorie au sens
social du terme. Elle a souligné qu'il était indispensable de
réfléchir aux moyens de faire sauter les verrous empêchant
que dans le pays ayant " inventé " les droits de l'homme, le
pouvoir politique ne soit plus confisqué par les hommes.
Mme Evelyne Pisier
a alors souligné qu'il était
effectivement nécessaire de prendre de nombreuses mesures pour favoriser
l'accès des femmes aux mandats et fonctions. Elle a exprimé la
crainte que la voie choisie ne conduise à mettre l'accent sur la
différence. Elle a observé que les conquêtes des femmes
étaient encore très récentes et qu'il fallait à
tout prix mettre en avant la ressemblance plutôt que la
différence. Elle a rappelé que sous Vichy, la femme était
glorifiée dans sa différence en tant que mère et a
estimé qu'alors que les femmes avaient enfin conquis le droit
d'être des citoyens comme les autres, il serait dangereux de revenir en
arrière. Elle a enfin observé que le passage du suffrage
censitaire au suffrage universel masculin puis au suffrage universel mixte
avait été possible grâce au principe d'universalité.
Enfin, la commission a entendu
M. Guy Carcassonne
,
professeur de droit public
.
A titre liminaire,
M. Guy Carcassonne
a estimé qu'une
modification de la Constitution était indispensable pour franchir
l'obstacle des décisions du Conseil constitutionnel de 1982 et 1999. Il
a en outre souligné que cette révision constitutionnelle ne
serait pas suffisante et qu'une médiation législative serait
indispensable. Il a fait valoir qu'en tout état de cause, aucune
révision constitutionnelle ne pourrait forcer à agir un Parlement
qui ne le voudrait pas.
Évoquant le contenu du projet de loi constitutionnelle,
M. Guy Carcassonne
a estimé que la rédaction de
l'Assemblée nationale était meilleure que celle proposée
par le Gouvernement. Il a indiqué que la rédaction initiale
donnait à penser que le Conseil constitutionnel pourrait porter un
jugement sur la manière dont la loi favoriserait l'égal
accès aux mandats et fonctions. Il a estimé qu'au contraire la
rédaction de l'Assemblée nationale ne permettrait au Conseil
constitutionnel que de vérifier que le législateur n'avait pas
méconnu un autre principe constitutionnel ou commis une erreur manifeste
d'appréciation. Il a jugé préférable que le
législateur soit seul responsable du choix des moyens pour favoriser
l'égal accès aux mandats.
M. Guy Cabanel, rapporteur,
a tout d'abord rappelé que
la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle avait fait
l'objet d'un accord entre le Premier ministre et le Président de la
République. Il s'est demandé si la rédaction issue des
travaux de l'Assemblée nationale ne risquait pas de faire du Conseil
constitutionnel l'arbitre d'éventuels désaccords entre
l'Assemblée nationale et le Sénat.
M.
Guy Carcassonne
a constaté que l'accord entre
le Président de la République et le Premier ministre avait
porté sur l'initiative. Il a souligné qu'il existait dans la
Constitution des prescriptions apparemment impératives difficiles
à transcrire dans la loi. Il a cité le principe de la
nationalisation des entreprises ayant le caractère d'un service public
inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946. Il a alors fait
valoir qu'en renvoyant à la loi la détermination des conditions
dans lesquelles sera favorisé l'égal accès aux mandats, le
constituant laissait une totale liberté d'appréciation au
Parlement, le Conseil constitutionnel ne pouvant jouer qu'un rôle plus
limité.
M. Guy Cabanel, rapporteur,
s'interrogeant sur la place de la
révision, a souhaité savoir si la modification du seul
article 4 permettrait d'adopter des mesures en faveur des femmes sans
risquer une censure du Conseil constitutionnel.
M. Guy Carcassonne
a estimé que placer la modification
à l'article 3 ou à l'article 4 n'entraînait aucune
conséquence en la matière, celle-ci s'imposant en tout
état de cause au Conseil constitutionnel. Il a rappelé que le
Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la
Constitution les traités de Maastricht et d'Amsterdam au nom de la
souveraineté nationale inscrite dans l'article 3 de la Constitution et
que le constituant avait choisi d'insérer dans la Constitution un
article 88-2 pour surmonter cette inconstitutionnalité. Il en a
déduit qu'il était tout à fait possible d'inscrire dans
des articles différents de la Constitution un principe et son exception,
la règle spéciale dérogeant à la règle
générale.
M. Robert Badinter
a souhaité savoir quelle
modification de l'article 4 de la Constitution pourrait être
envisagée si cette solution était préférée
à une modification de l'article 3. Il a en outre demandé dans
quelles conditions pourraient être envisagées des mesures
organisant l'égal accès des femmes aux mandats électoraux
dans le cadre de scrutins uninominaux ainsi qu'aux fonctions électives.
M. Guy Carcassonne
a répondu qu'il était
possible d'insérer le texte adopté par l'Assemblée
nationale dans l'article 4 de la Constitution, cet article concernant à
la fois le rôle des partis et le pouvoir de suffrage. Il a
souligné qu'on ne pouvait invoquer la liberté de
l'électeur pour s'opposer à la parité, observant qu'en
l'absence de possibilité de panachage, l'électeur était
d'ores et déjà privé de liberté dans la plupart des
scrutins. Il a estimé que le projet de loi constitutionnelle permettrait
de limiter la liberté des partis plus que celle de l'électeur. Il
a enfin indiqué que pour les fonctions électives et les scrutins
uninominaux, seules des mesures incitatives paraissaient envisageables.
M. Jacques Larché, président,
a demandé
si le système envisagé ne remettait pas en cause la
liberté de candidature. Il a souligné que le constituant
s'apprêtait à voter ce texte sans qu'il soit possible
d'appréhender la manière dont il serait mis en oeuvre par le
législateur.
M. Guy Carcassonne
a alors rappelé qu'en tout
état de cause, la révision constitutionnelle ne pourrait forcer
le Parlement à agir s'il ne le souhaitait pas. Il a ajouté qu'il
était toujours difficile de prévoir la manière dont serait
mise en oeuvre une disposition constitutionnelle lors de son adoption.
M. Patrice Gélard
a demandé si le texte
adopté par l'Assemblée nationale pourrait conduire à la
mise en oeuvre de quotas et si une telle évolution était
souhaitable. Il a interrogé
M. Guy Carcassonne
sur la
possibilité éventuelle de confier, par une modification de
l'article 4 de la Constitution, le soin aux partis politiques d'assurer
l'égal accès en prévoyant éventuellement des
sanctions financières.
M. Guy Carcassonne
a déclaré qu'il ne lui
paraissait pas choquant de mettre en place des quotas pour les scrutins de
liste. Il a exprimé la crainte que des résultats significatifs
soient plus longs à obtenir avec un système confiant aux partis
la responsabilité d'assurer l'égal accès qu'avec celui
envisagé dans le projet de loi constitutionnelle. Il a observé
que la tentative de M. Michel Rocard de constituer une liste paritaire pour les
élections européennes en 1994 n'avait pas suscité
d'initiatives semblables par la suite.
M. François Marc
a demandé s'il était possible
d'envisager un système de parité dans les scrutins municipaux
où existait le panachage des listes.
M. Guy Carcassonne
a répondu qu'il ne serait pas
choquant de n'appliquer la parité que pour les communes de plus de
3.500 habitants, les électeurs ayant réellement la
possibilité de faire un choix dans les petites communes.
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION D'EXAMEN DU RAPPORT
DU MERCREDI 20 JANVIER 1999
_______
La
commission a procédé à l'examen du rapport de
M. Guy Cabanel
sur le projet de loi constitutionnelle n° 130
(1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à
l'égalité entre les femmes et les hommes.
M. Guy Cabanel, rapporteur,
a exposé que les auditions
de la commission sur le projet de loi constitutionnelle avaient
démontré, d'une part, la complexité des problèmes
soulevés par ce texte et, d'autre part, la difficulté de trouver
une solution acceptable pour tous. Il a souligné que les professeurs de
droit constitutionnel eux-mêmes n'étaient pas unanimes sur le
choix de l'article de la Constitution à modifier et il s'est
déclaré perplexe sur les solutions à proposer.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a rappelé ensuite les
difficultés rencontrées pour reconnaître le droit de vote
et d'éligibilité des femmes, rappelant que ceux-ci avaient
été établis non à l'issue d'une procédure
parlementaire, mais par une ordonnance du 21 avril 1944, sur
l'initiative du Général de Gaulle.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a indiqué qu'il
s'était porté candidat au rapport, d'une part, parce que ses
fonctions de vice-président de la mission d'information chargée
d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie publique lui
avaient permis d'appréhender la réalité du problème
et, d'autre part, afin de porter remède à l'insuffisante
présence des femmes dans la vie publique.
Il a estimé que les progrès constatés au cours des
dernières années résultait plus de raisons conjoncturelles
que structurelles et que les chiffres ne laissaient pas espérer,
à ses yeux, une évolution suffisamment rapide.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a précisé que les
femmes représentaient 14 % des conseillers municipaux en 1983,
chiffre porté à 17,7 % en 1989 et à 21,7 % en
1995 et que 7,6 % des femmes exerçaient aujourd'hui les fonctions
de maire, contre 5,4 % en 1989.
Il a souligné qu'il n'existait en Europe aucun pays ayant adopté
une législation électorale comportant des quotas, à
l'exception de la Belgique, précisant que les résultats belges
s'étaient au demeurant avérés décevants.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a fait valoir que la
présence significative de femmes au Parlement suédois
résultait essentiellement de l'action des partis politiques et des
associations, mais nullement d'une législation particulière.
Après avoir confirmé que ses engagements internationaux ne
prévoyaient ni n'empêchaient la France d'adopter une
législation électorale comportant des quotas,
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a présenté les
réponses possibles au problème posé.
Il a considéré que l'évolution naturelle conduirait
à attendre 50 ans pour atteindre l'équilibre souhaitable. Il
a ajouté qu'une législation en la matière pouvait
être soit incitative, à la condition de ne pas se limiter au
principe selon lequel les partis favoriseraient l'égal accès des
femmes et des hommes aux mandats et fonctions, soit contraignante,
précisant que le projet de loi constitutionnelle donnait au
législateur la faculté de choisir l'une ou l'autre solution.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a ensuite rappelé les
risques que comporterait l'adoption du projet de loi constitutionnelle au
regard des principes de l'universalité du suffrage, du mandat
représentatif, de l'égalité des citoyens et de la
liberté de l'électeur. Il a considéré que le risque
de communautarisme ne devait pas être sous-estimé, mais que son
ampleur ne devait pas non plus être surestimée.
Exposant ensuite le contenu du projet de loi constitutionnelle,
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a fait valoir que celui-ci
reviendrait à donner une signification spécifique au principe
général d'égalité, pour ce qui concerne le
suffrage. Il a ajouté que le choix de l'article 3 de la
Constitution répondait à la décision du Conseil
constitutionnel du 18 novembre 1982, fondée sur cet article 3
et sur l'article VI de la Déclaration de 1789.
Il a fait observer que cette déclaration n'avait été
suivie immédiatement ni du droit de vote pour tous, ni de l'abolition de
l'esclavage.
M. Robert Badinter
a rappelé que la jurisprudence du
Conseil constitutionnel s'appuyant sur la Déclaration de 1789, ne
reposait pas sur le contexte historique de l'époque, mais sur les
principes qu'elle énonce.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a proposé de
réaffirmer expressément, dans le texte de l'article premier de la
Constitution, que le principe d'égalité devant la loi devait
être appliqué sans distinction de sexe.
Il a proposé, pour l'article 3 de la Constitution, de reprendre la
rédaction du projet initial et de compléter également
l'article 4 de la Constitution afin de permettre l'adoption de mesures
incitatives dans le domaine du financement public des partis politiques dans
des conditions juridiques incontestables, cet article ayant trait au statut
constitutionnel des formations politiques.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a regretté l'insuffisante
lisibilité de la démarche du Gouvernement relevant d'une part que
celui-ci n'avait pas annoncé de manière suffisamment
précise ses intentions quant aux modalités législatives de
mise en oeuvre de la révision constitutionnelle et, d'autre part, que
les fonctions exécutives, au sens du texte, n'avaient pas
été définies de manière incontestable.
M. Jacques Larché, président
, après avoir
souligné que les auditions auxquelles la commission avait
procédé avaient révélé un risque de
communautarisation, a indiqué que la commission devait, si elle
envisageait de modifier le projet de loi, s'interroger successivement sur la
place, le contenu et la portée de la révision, afin, le cas
échéant, de prévenir les incertitudes sur l'avenir.
M. Patrice Gélard
, convenant de la
sous-représentation des femmes dans la vie politique, a
considéré que celle-ci n'était pas clairement ressentie
par l'opinion et que les comparaisons avec l'étranger manquaient de
pertinence, notamment à l'égard des États-Unis dont les
mesures de discrimination positive n'avaient jamais concerné les
élections.
Il a indiqué que, en dehors du continent européen, seuls quelques
pays qu'il ne pouvait ériger en modèles de démocratie, le
Pakistan, le Bungla Desh et le Népal avaient inscrit une obligation de
quotas dans leur législation électorale.
Il a ajouté que dans les anciens pays communistes, la
représentation des différentes catégories de la population
fixée selon des quotas avait permis la présence de 37 % de
femmes dans les assemblées, chiffre tombé à 6 %
après le retour de ces pays à la vie démocratique et en a
déduit que les quotas ne correspondaient pas à la volonté
d'électeurs libres.
M. Patrice Gélard
a estimé que la faible
présence des femmes dans la vie politique résultait
essentiellement de l'attitude des partis politiques, relevant néanmoins
une évolution positive depuis quelques années.
Faisant valoir que les femmes étaient de plus en plus nombreuses dans la
magistrature et dans l'enseignement, il a souhaité que
l'équilibre entre les sexes soit considéré plus
globalement et s'est demandé si le texte proposé ne pourrait pas,
dans 20 ans, être utilisé en faveur des hommes.
Favorable à l'examen d'une réforme,
M. Patrice Gélard
a considéré que les
quotas annoncés par Mme le garde des sceaux pour le scrutin de liste
seraient contraires aux principes fondamentaux de la démocratie et qu'en
remettant en cause le caractère universel du suffrage, ils pourraient
conduire à une forme d'apartheid.
Il a ensuite évoqué les solutions qui lui paraissaient
envisageables, à savoir soit l'adjonction à la rédaction
proposée d'une réserve interdisant les quotas, soit une
modification de l'article 4 de la Constitution relatif aux partis,
principaux responsables en la matière, ou encore conférer aux
lois électorales le caractère de lois organiques devant
être adoptées en termes identiques par les deux assemblées.
Après avoir approuvé la modification de l'article premier de la
Constitution proposée par le rapporteur,
M. Patrice Gélard
a marqué sa
préférence pour une responsabilisation, le cas
échéant financière, des partis par une modification de
l'article 4 de la Constitution.
M. Nicolas About
a considéré que dès lors
que l'article premier de la Constitution établissait
l'égalité devant la loi de tous les citoyens, il n'y avait pas
lieu que cet article précise l'interdiction de distinction selon les
sexes, l'origine, la race et la religion.
Il a considéré que l'article unique du projet de loi, dans sa
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, pouvait
être accepté à la condition de prévoir
également l'adoption des lois électorales en termes identiques
par l'Assemblée nationale et par le Sénat.
M. Yves Fréville
a considéré que les
blocages en termes de présence équilibrée des sexes au
sein des assemblées provenaient essentiellement des partis.
Constatant que les quotas ne pourraient s'appliquer qu'au scrutin de liste, il
a souligné le risque de voir apparaître de " bons " et
de " mauvais " modes de scrutin au regard de l'objectif
affirmé et s'est prononcé contre les quotas et pour des mesures
incitatives à l'égard des partis.
M. Charles Jolibois
a exprimé son opposition à
toute possibilité d'instituer des quotas, soulignant que le verbe
" favorise " permettrait l'institution d'une législation
comportant des quotas.
Rappelant les difficultés rencontrées par les États-Unis
pour sortir de la doctrine " séparés, mais
égaux ", il a évoqué l'hypothèse d'interdire
expressément dans le texte de la Constitution la possibilité de
quotas et s'est interrogé sur l'opportunité d'instituer un
bicaméralisme intégral en matière électorale pour
éviter des scrutins à deux vitesses.
M. Charles Jolibois
a observé qu'un complément
éventuel de l'article 4 de la Constitution ne concernerait pas les
candidats se présentant indépendamment des partis politiques et a
souhaité une amélioration du statut de l'élu.
M. Luc Dejoie
a indiqué son accord avec
l'article premier tel que proposé par le rapporteur et s'est
déclaré favorable à l'obligation d'un vote identique des
deux assemblées du Parlement sur les lois électorales.
M. Robert Badinter
a souligné que le Conseil
constitutionnel, sur la base de la révision proposée, pourrait
juger non conforme à la Constitution un texte électoral qui ne
comporterait pas de disposition favorisant ou déterminant les conditions
d'organisation de l'égal accès aux mandats et fonctions, s'il
estimait que le législateur n'avait pas épuisé sa
compétence.
Il a indiqué que le texte initial du projet de loi constitutionnelle
permettrait l'établissement de quotas tandis que la rédaction
adoptée à l'Assemblée nationale autoriserait la
parité là où elle est applicable.
M. Robert Badinter
a estimé qu'avec ou sans
révision de la Constitution, l'équilibre entre les femmes et les
hommes s'inscrirait nécessairement dans la réalité.
M. Daniel Hoeffel
a estimé que l'établissement
de mesures contraignantes relevait de l'idée fausse selon laquelle
l'évolution des moeurs pouvait être organisée par la loi,
considérant à cet égard que des mesures incitatives
seraient préférables.
Il a jugé qu'une législation électorale sur les quotas
contreviendrait à la liberté de choix de l'électeur,
impliquerait un compartimentage de la vie publique et enclencherait le
début d'un processus redoutable, contraire à
l'universalité.
Après avoir estimé qu'une adoption par le Sénat du projet
de loi constitutionnelle sans modification n'aurait pas été
souhaitable,
M. Guy Allouche
a affirmé sa conviction sur le
principe de l'égal accès, s'interrogeant sur la
compatibilité entre une logique philosophique universaliste et une
logique d'action politique.
Considérant qu'une évolution était inéluctable, il
a estimé, s'agissant de la liberté de l'électeur, que
celle-ci se trouvait en fait déjà limitée par le choix des
candidats opéré par les partis politiques.
M. Guy Allouche
, estimant que la loi devait encourager
l'évolution amorcée, a fait valoir cependant qu'un délai
de réflexion supplémentaire serait souhaitable avant de prendre
une position définitive.
M. Michel Duffour
, considérant nécessaire de
modifier la loi et approuvant le texte dans la rédaction adoptée
par l'Assemblée nationale, a indiqué qu'il avait
été sensible aux réserves exprimées par Mme
Elisabeth Badinter, même s'il ne partageait pas son analyse du risque
d'extension que comporterait le projet de loi constitutionnelle.
A
M. Jacques Larché, président
, s'interrogeant
sur l'appréciation que pourrait porter le Conseil constitutionnel saisi
d'une loi électorale ne comportant pas de dispositions favorisant
l'égal accès ou déterminant les conditions de son
organisation,
M. Robert Badinter
a répondu que le
législateur serait tenu de prendre en compte le principe constitutionnel
d'égal accès sans être pour autant tenu d'adopter des
mesures contraignantes.
M. Jacques Larché, président
, constatant
l'unanimité sur la nécessité d'améliorer la
situation présente, a proposé à la commission de prendre
position à l'égard du principe d'une rédaction qui
donnerait au législateur la faculté d'établir des quotas.
Mme Dinah Derycke
a marqué sa préférence
pour un examen des propositions du rapporteur dans l'ordre des articles de la
Constitution auxquels elles se rapportaient. Elle a considéré que
la réflexion sur le projet de loi constitutionnelle devait être
prolongée, le cas échéant par d'autres auditions, et a
indiqué que son groupe ne pourrait participer aux votes à cet
instant.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé
que le calendrier des travaux de la commission était tributaire de
l'inscription par le Gouvernement du texte à l'ordre du jour prioritaire
de la séance du 26 janvier.
M. Pierre Fauchon
s'est considéré, pour sa part,
pleinement informé sur une question qui n'était pas nouvelle et a
estimé que, dans ces conditions, la commission pouvait désormais
se prononcer en pleine connaissance de cause sur le problème des quotas
afin de clarifier le débat sur la rédaction.
MM. Luc Dejoie
et
Christian Bonnet
se sont
également déclarés prêts à trancher cette
question.
Après une suspension de séance,
M. Guy Allouche
, observant
que les quotas ne figuraient pas expressément dans le texte, a
demandé qu'il soit d'abord procédé à un vote sur la
mise aux voix du principe d'une rédaction permettant l'instauration de
quotas.
Après que la commission eut accepté de voter sur ce principe,
elle s'est prononcée contre l'adoption d'une rédaction permettant
l'instauration de quotas.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a présenté un
amendement tendant à insérer
avant l'article unique un article
additionnel
mentionnant expressément dans l'article premier de la
Constitution la prohibition de toute discrimination selon le sexe, faisant
valoir que cet amendement serait complémentaire de la
préoccupation de la commission.
Après que
M. Patrice Gélard
eut fait observer
que cette disposition figurait déjà dans le préambule de
la Constitution de 1946, la commission n'a pas retenu cet amendement.
A l'
article unique
(égal accès aux mandats et fonctions),
M. Patrice Gélard
a estimé
préférable une modification de l'article 4 de la
Constitution, puisqu'il concerne le statut des partis politiques, dont la
responsabilité est essentielle en la matière.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, prenant acte de la position de
principe adoptée par la commission, a proposé que
l'article 4 soit complété afin, d'une part, de confier aux
partis politiques le rôle de favoriser l'égal accès des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives et, d'autre part, de permettre à la législation
sur le financement public des partis politiques de contribuer à la mise
en oeuvre des principes énoncés à l'article 4 de la
Constitution.
M. Guy Cabanel, rapporteur
, a fait valoir que cette
proposition pouvait permettre en outre de limiter le financement des partis
politiques ne respectant pas les principes de la souveraineté nationale
et de la démocratie, auxquels ils sont soumis par l'article 4 de la
Constitution.
A
MM. Nicolas About
et
Charles Jolibois
qui se
préoccupaient de l'étendue du contrôle du Conseil
constitutionnel dans l'hypothèse où le législateur
resterait en deçà de sa compétence,
M. Jacques Larché, président,
a
précisé que les dispositions que
M. Patrice Gélard et M. Guy Cabanel,
rapporteur
,
proposaient d'ajouter à l'article 4 devraient
être conciliées avec son premier alinéa qui dispose que les
partis exercent leur activité librement.
M. Pierre Fauchon
a considéré que, à
défaut de permettre au législateur de moduler ce financement en
fonction de la mise en oeuvre du principe d'égal accès, les
propositions de la commission n'auraient pas une portée suffisante.
Après un large débat, la commission a adopté un
amendement, reprenant la proposition du rapporteur, en limitant la
possibilité de modulation législative du financement public des
partis politiques à la mise en oeuvre du seul principe d'égal
accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et
fonctions électives.
La
commission
a
approuvé
l'
ensemble
du
projet de
loi constitutionnelle
ainsi amendé.
1
Cf. annexe.
2
Document Sénat n° 384 (1996-1997)
3
" Hommes et femmes en politique - La démocratie
inachevée - Etude comparative mondiale - Série " Rapports et
documents " n° 28.
4
cf. en annexe du présent rapport le compte rendu des
auditions de la commission.
5
Observatoire de la Parité - Rapport de la Commission pour
la parité entre les femmes et les hommes dans la vie publique par
Mme Gisèle Halimi. Voir aussi annexe.
6 Chiffres cités par Janine MOSSUZ-LAVAUD dans " Regards sur l'actualité " n° 236, décembre 1997, résultant des informations fournies par les partis eux-mêmes.
7 Document Sénat n° 384 (1996-1997) précité.
8 Il s'agit des listes présentées par Lutte ouvrière, le Parti communiste, le Parti socialiste, le Mouvement de Citoyens, les Verts et de la " liste politique de vie pour l'Europe ", présentée par M. Cotten.
9
" Le Monde ", 12 juin 1996.
10
cf. annexe.
11
Mme Janine Mossuz-Lavaud indique, dans
la
publication précitée (" Regards sur
l'actualité " n° 236, décembre 1997), que
jusqu'à la fin des années 1970, les femmes s'abstenaient
plus que les hommes aux élections, les écarts variant de 7 %
à 10 %.
Depuis près de 20 ans, les femmes participent aux élections
dans des proportions voisines de celles des hommes.
Pour l'élection présidentielle de 1995, l'abstention des hommes
et des femmes mesurée par un sondage post-électoral s'est
établie respectivement à 16 % et 18 % au premier tour
et à 16 % et 14 % au deuxième tour.
12
Déclaration devant l'Observatoire de la
Parité (29 février 1996) et cf. également annexe.
13
" Le Monde ", 12 juin 1996 et cf. également
annexe.
14
" Droit constitutionnel et institutions politiques "
(Dalloz)
15
" Droit constitutionnel et science politique " (Armand
Colin)
16
Propos rapportés dans l'ouvrage précité de
M. Chantebout
17
" Droit électoral " (PUF)
18
Chronique publiée dans le Recueil Dalloz Sirey, 1996-12e
cahier : " A parts égales : contribution au débat sur la
parité "
19
Décision " Mutualisation de la
Caisse
nationale de Crédit agricole " (n° 87-232 - DC du
7 janvier 1988).
20
" Le principe d'égalité dans la jurisprudence
du Conseil constitutionnel " (Economica, octobre 1997).
21
Déclaration devant l'Observatoire de la
Parité (15 novembre 1996).
22
" Le Monde ", 12 juin 1996.
23
Cf. également en annexe son audition devant la commission
des Lois.
24
" Le Monde " - 8 décembre 1998 et Annexe.
25
Texte initial :
" La loi
favorise
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions ".
Texte adopté par l'Assemblée nationale :
" La loi
détermine les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives ".