EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le
mercredi 18 novembre 1998,
sous la présidence
de M. Alain Lambert, président, puis de Mme Marie-Claude
Beaudeau, vice-présidente
, la commission a procédé,
sur le
rapport
de
M. Michel Mercier, rapporteur
spécial
, à
l'examen
des
crédits
de
l'intérieur
et de la
décentralisation
:
décentralisation
pour
1999
.
Il a rappelé que l'année 1998 constituait la dernière
année d'application du "pacte de stabilité" mis en place en 1996
par le précédent Gouvernement, et que le Gouvernement proposait
de lui substituer un "contrat de croissance et de solidarité".
Le rapporteur spécial a constaté que le contrat de croissance
proposé par le Gouvernement reprenait l'architecture
générale du pacte de stabilité, en conservant notamment
son caractère pluriannuel, garantie de lisibilité et de
prévisibilité. Indiquant que le contrat de croissance ne
remettait pas non plus en cause le principe de l'existence d'une "enveloppe
normée" des concours de l'Etat aux collectivités locales, il a
ajouté que la prévisibilité des ressources n'impliquait
pas forcément leur croissance.
Il a en effet expliqué que l'enveloppe normée évoluait
à rythme inférieur à celui des dotations qui la composent,
et que la nécessité de contenir l'évolution des concours
de l'Etat au sein de l'enveloppe impliquait la transformation de l'une des
dotations en variable d'ajustement. Il a indiqué que la dotation de
compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui jouait ce rôle
pendant les trois années du pacte, serait maintenue dans cette fonction.
Il a ensuite confirmé que le mode d'indexation des autres enveloppes
composant l'enveloppe normée resterait inchangé.
Abordant les nouveautés du contrat de croissance,
M. Michel
Mercier
a tout d'abord mentionné la prise en compte d'une fraction
du taux de croissance du produit intérieur brut dans le calcul du mode
de progression de l'enveloppe normée. Il a expliqué cette
évolution par le changement de contexte macro-économique depuis
trois ans. En 1996, en effet, la croissance était faible, et la
majorité d'alors devait relever le défi de l'assainissement des
finances publiques. Il a précisé que la fraction de la croissance
prise en compte dans le contrat était insuffisante, compte tenu de
l'alourdissement des charges des collectivités locales, et s'est
félicité de l'adoption par la commission des finances d'un
amendement tendant à majorer la fraction de la croissance prise en
compte.
Le rapporteur spécial a ensuite indiqué que le contrat de
croissance se caractérisait également par l'introduction de
mesures en faveur des collectivités éligibles aux
différentes dotations de solidarité. A ce titre, il a cité
le plafonnement de la baisse de DCTP de ces collectivités et
l'instauration d'un abondement de la dotation de solidarité urbaine de
500 millions de francs pendant la durée du contrat de croissance.
M. Michel Mercier
a ensuite détaillé la traduction
financière pour 1999 de ces dispositions, regrettant que le Gouvernement
ne revienne pas sur le dispositif de régularisation négative de
la dotation globale de fonctionnement. Il a indiqué que les concours
indexés sur l'indice de progression de la dotation globale de
fonctionnement augmenteraient de 2,78 % en 1999, que les dotations
indexées sur les recettes fiscales de l'Etat progresseraient de
5,88 % et que les enveloppes indexées sur la formation brute de
capital fixe des administrations publiques connaîtraient une hausse de
3,8 %.
Le rapporteur spécial a relevé que le projet de loi de finances
prévoyait une baisse du montant de la variable d'ajustement de
12 %, et que cette baisse avait été ramenée à
9,3 % à la suite des amendements adoptés en première
lecture de la présente loi de finances par l'Assemblée nationale.
Il a souligné que l'amendement adopté par la commission des
finances du Sénat stabilisait la baisse à son niveau de 1998,
soit 4,8 %.
Puis,
M. Michel Mercier
est revenu sur le caractère peu
novateur du contrat de croissance, en insistant sur l'ampleur du sacrifice
financier pour les collectivités locales que constitue l'existence d'une
enveloppe normée. Il a fait valoir que le montant de la dotation de
compensation de la taxe professionnelle des collectivités non
éligibles à une dotation de solidarité baisserait de
23,6 % en 1999 dans le dispositif proposé par le Gouvernement, et
de 15 % si l'amendement proposé par la commission des finances
était adopté.
Le rapporteur spécial a constaté que la
péréquation entre collectivités locales constituait l'un
des axes de la politique du Gouvernement. Il a regretté que les
mécanismes à l'oeuvre dans les dispositions du projet de loi de
finances pour 1999 se traduisent par une recentralisation des ressources dans
les mains de l'Etat, qui les répartit ensuite selon des critères
qu'il détermine seul. Il a estimé que la
péréquation ne devait pas consister à limiter les
ressources fiscales des collectivités locales pour les redistribuer
ensuite, mais à orienter les crédits budgétaires
prioritairement vers les collectivités les moins favorisées.
S'agissant de la future réforme de l'intercommunalité,
fondée sur l'adoption de la taxe professionnelle d'agglomération,
et de sa compatibilité avec la réforme de la taxe professionnelle
contenue dans la présente loi de finances,
M.
Michel
Mercier
a regretté que la taxe professionnelle unique ne soit pas
érigée en droit commun de l'intercommunalité. Il a
également estimé que, dès lors que le taux de la taxe
professionnelle d'agglomération ne serait plus voté par la
même collectivité que le taux des impôts reposant sur les
ménages, la règle de liaison des taux perdait de sa pertinence et
devait évoluer.
S'agissant de la révision des bases cadastrales, il a estimé que
cette réforme devait être effectuée de manière
prudente et s'est interrogé sur la nécessité du maintien
du prélèvement additionnel décidé en 1990 pour
financer les travaux de révision, ces derniers étant
achevés depuis 1992.
Enfin,
M. Michel Mercier
s'est félicité de
l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement, largement
inspiré d'un texte adopté par le Sénat en 1998, et
permettant aux collectivités locales qui réalisent des travaux
d'intérêt général ou liés à la
sauvegarde de la sécurité publique sur des terrains dont elles
n'ont pas la propriété, de bénéficier du fonds de
compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
M. Daniel Hoeffel
,
rapporteur pour avis de la commission des
lois
, a tout d'abord déploré que le montant des concours
financiers de l'Etat pour 1999 ait été décidé par
le Gouvernement sans tenir compte de l'évolution des charges nouvelles
imposées aux collectivités locales.
Il a ensuite considéré qu'il était "aberrant" de
supprimer un tiers de l'assiette de la taxe professionnelle quelques mois avant
la discussion d'un texte qui entend promouvoir la taxe professionnelle
d'agglomération.
Enfin,
M. Daniel Hoeffel
a jugé que la révision des bases
cadastrales n'était pas envisageable avant que des simulations
précises aient été rendues publiques.
En réponse,
M. Michel Mercier
a considéré que
l'une des conditions du succès du contrat était la limitation des
transferts de charges nouvelles aux collectivités locales. Il a
déclaré que les dépenses liées à l'assurance
maladie universelle viendraient s'ajouter, en 1999, aux conséquences des
décisions prises par l'actuel Gouvernement depuis son arrivée au
pouvoir, telles que l'accord salarial dans la fonction publique du
10 février 1998, les emplois-jeunes ou le doublement des versements
aux fonds de solidarité pour le logement. Il a rappelé que la
période du pacte de stabilité avait été
caractérisée par l'absence de transferts de charges.
M. René Trégouët
s'est interrogé sur la
possibilité, pour les collectivités locales, de
bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur
ajoutée pour les opérations de location d'équipements de
nouvelles technologies au bénéfice des établissements
scolaires, que le ministre de l'éducation nationale entend faire
supporter aux collectivités locales.
Il a également attiré l'attention des commissaires sur les
conséquences de la décision du Gouvernement de soumettre les
opérations de ventes d'ateliers-relais au prix du marché, en
dépit des contrats déjà passés entre les
industriels et les collectivités locales.
En réponse,
M. Michel Mercier
a souscrit à
l'idée de faire évoluer les critères
d'éligibilité au FCTVA afin de prendre en compte les
opérations de locations souhaitées par le ministre de
l'éducation nationale.
S'agissant des ateliers-relais, il a rappelé que les
collectivités locales situées dans des secteurs difficiles
procédaient à des opérations d'immobilier d'entreprise
pour encourager les investissements sur leur territoire, et que les dispositifs
de location-vente mis en place tenaient compte des subventions publiques.
Il a considéré que la décision du Gouvernement retirait
leur caractère incitatif à ces opérations. Il a
estimé que cette question n'aurait pas du être
réglée dans l'urgence, mais dans le cadre du projet de loi sur
les interventions économiques des collectivités locales, qui sera
présenté au Parlement l'année prochaine. Il a fait part de
son souhait d'interroger le Gouvernement sur ce point.
M. Philippe Adnot
a contesté la disposition du projet de
loi relatif à l'intercommunalité consistant à encourager
les regroupements en accroissant le montant de la dotation globale de
fonctionnement par habitant des nouvelles communautés
d'agglomération. Constatant que les entreprises qui se regroupaient
faisaient des économies d'échelle et réduisaient leurs
dépenses de fonctionnement, il a estimé qu'il devait en
être de même pour les collectivités locales. Il a
jugé préférable de mettre en place une incitation reposant
sur une dotation d'investissement.
La commission a alors adopté le rapport de M. Michel Mercier et les
crédits de la décentralisation.