EXAMEN EN COMMISSION
Au
cours d'une séance tenue dans la matinée du
mercredi 4 novembre 1998, sous la présidence de M. Alain
Lambert, président, la commission a procédé à
l'
examen
du
rapport
sur les crédits de
l'
équipement
, des
transports
et du
logement
:
III- Transports :
1.-
Transports terrestres
, de
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a tout d'abord
indiqué que les moyens de paiement demandés pour les transports
terrestres en 1999 atteignaient 45,2 milliards de francs, soit une
légère progression -+ 0,6 %- par rapport aux crédits
votés pour 1998.
Il a précisé que les concours de l'Etat au transport ferroviaire
en formaient l'essentiel, avec 37,5 milliards de francs. Il a
indiqué que les contributions de l'Etat aux transports franciliens
s'élevaient par ailleurs à 5,80 milliards de francs dans le
projet de loi de finances pour 1999, soit une baisse de 0,2 % par rapport
à 1998, cette baisse traduisant deux évolutions contraires : d'un
côté, l'augmentation de la subvention d'équilibre
versée à la Régie autonome des transports parisiens (RATP)
; de l'autre, la diminution de la subvention d'équilibre versée
à la SNCF-Ile-de-France, ainsi que la baisse des subventions
d'investissement résultant de la fin des travaux d'Eole et de
Météor.
Il a ajouté que la contribution de l'Etat aux transports collectifs de
province s'élevait à 707 millions de francs en moyens de
paiement, et qu'elle était essentiellement composée de
subventions d'investissement, en forte augmentation par rapport à 1998.
Enfin, il a rappelé que l'essentiel des crédits publics
destinés aux voies navigables transitait désormais hors du budget
général, par trois canaux principalement : le fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN),
à hauteur de 450 millions de francs pour 1999 ; Voies navigables de
France, qui prévoit d'effectuer 640 millions de francs
d'investissements en 1999 à partir de ses ressources propres et des
subventions du FITTVN ; enfin, le budget de la Compagnie nationale du
Rhône.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, a alors
observé que si les crédits affectés à la section
transports terrestres du ministère de l'équipement, des
transports et du logement évoluaient modérément, ils ne
retraçaient pas toutefois l'ensemble de l'effort de l'Etat en faveur des
transports terrestres. Il a indiqué qu'il fallait en effet leur ajouter
2,5 milliards de francs en provenance du fonds d'investissement des
transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) et du fonds
d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF), ainsi que la
dotation en capital de 13 milliards de francs à Réseau
ferré de France (RFF), qui serait prélevée sur les
recettes de privatisation.
Il a estimé que l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres
s'élevait donc au total à 60,7 milliards de francs pour
1999, soit une hausse de 5,8 % par rapport à 1998, cette hausse
étant pour l'essentiel imputable à l'augmentation de la dotation
en capital à RFF.
Il a alors regretté que l'essentiel de cet effort soit absorbé
par l'apurement des investissements passés, les coûts de
fonctionnement et les interventions sociales -retraites de la SNCF,
préretraites des chauffeurs routiers notamment-, au détriment de
la modernisation des réseaux de transport.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a également
regretté que près des trois-quarts des investissements et
subventions d'investissements de l'Etat en matière de transports
terrestres soient désormais débudgétisés, au
travers du FITTVN et du FARIF, ce qui brouillait le débat relatif aux
investissements d'infrastructures dont notre pays a le plus besoin.
Il a ajouté que le bilan de la création du FITTVN
s'avérait à ce jour décevant, le FITTVN ayant
fragilisé les sociétés concessionnaires d'autoroutes, sans
pour autant financer des politiques spécifiques, puisque les
crédits en étaient "saupoudrés", ni améliorer
réellement la transparence des choix publics, puisque ce fonds
était encore insuffisamment ouvert aux élus.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, s'est ensuite
félicité du succès de la réforme de la SNCF.
Il a indiqué que le désendettement de la SNCF et la
clarification de ses relations avec les autorités publiques lui avaient
en effet permis de se mobiliser efficacement sur la reconquête de sa
clientèle et sur l'amélioration de la qualité de ses
services, de sorte que l'image de la SNCF s'améliorait, que le trafic
voyageurs se redressait et que le transport ferroviaire regagnait enfin des
parts de marché au détriment de la route.
Il a ajouté que les premiers résultats de l'expérience de
régionalisation des services régionaux de voyageurs
engagée le 1er janvier 1997 étaient prometteurs, puisque le
trafic régional avait davantage progressé dans les six
régions expérimentatrices que dans les autres.
Il a précisé que les pertes de la SNCF s'étaient ainsi
réduites de 16,2 milliards de francs en 1996, à
0,8 milliard en 1997, cette amélioration allant au-delà des
seuls effets mécaniques de la réforme sur les comptes de la SNCF,
qu'il a estimés à 12 milliards de francs.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, a observé
que le redressement de la SNCF était toutefois fragile et
inachevé.
Il a indiqué que la progression du trafic voyageurs s'explique ainsi
pour partie par le développement du TGV-Nord et par
l'accélération conjoncturelle du revenu des ménages,
tandis que la progression du trafic fret avait fait apparaître des points
d'engorgement du réseau, ce qui s'était traduit par une
dégradation sensible de la fiabilité du service. Il a
rappelé que la commission d'enquête du Sénat sur les
infrastructures de transport avait ainsi montré que le
développement du transport ferroviaire de marchandises passait par
l'adoption de conditions d'exploitation plus favorables au fret, en particulier
par l'abandon de la priorité systématique accordée aux
trains de voyageurs.
Il a également remarqué que les filiales hors
télécommunications s'étaient globalement redressées
en 1997, mais que la rentabilité de la plupart d'entre elles
était très faible, lorsqu'elle n'était pas
négative, et que les perspectives de profit de la filiale
Télécom Développement étaient aléatoires. Il
a observé à cet égard qu'il était paradoxal de voir
la SNCF refuser le développement de la concurrence entre
opérateurs sur le réseau ferré français, mais
développer une offre de téléphonie fixe concurrente de
celle de France Télécom.
Enfin, il a souligné que l'amélioration des comptes de la SNCF
résultait aussi de la faiblesse du niveau des redevances
acquittées à RFF ; et il a précisé que le
résultat cumulé de l'ensemble RFF + SNCF était ainsi
négatif de 13,7 milliards de francs en 1997.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a alors
souligné qu'il appartenait aux cheminots de poursuivre leurs efforts de
maîtrise des coûts et de reconquête de la clientèle,
en ligne avec l'effort consenti par la collectivité nationale pour les
transports ferroviaires, qui était aujourd'hui le plus important jamais
réalisé, à 66 milliards de francs.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, a ensuite
observé que les besoins en capital de Réseau ferré en
France trouvaient pour partie leur origine dans la modicité des
redevances acquittées par la SNCF pour l'utilisation du réseau ;
RFF percevant 6,2 milliards de francs de péages de la SNCF, en
1998, tout en acquittant 16,6 milliards de francs à la SNCF au
titre de la gestion et de l'entretien du réseau.
Il a précisé qu'au total, la propriété du
réseau ferré coûtait ainsi plus de 10 milliards de
francs à RFF, auxquels s'ajoutaient les charges de la dette liée
aux infrastructures.
Il a indiqué que cela se traduisait par une perte très
importante pour RFF -14,1 milliards de francs pour 1997-, de nature
à réduire ses capacités d'autofinancement et à
ralentir la modernisation du réseau existant.
Il a par ailleurs observé que, dans un contexte où de nouveaux
opérateurs seraient potentiellement autorisés à
réserver des "sillons" sur le réseau français, maintenir
les péages à un niveau trop bas reviendrait à
subventionner artificiellement le transit ferroviaire sur un réseau
français déjà saturé, au profit des concurrents
étrangers de la SNCF. Il a donc estimé nécessaire de
permettre à RFF de rapprocher progressivement ses péages du
coût d'usage réel des infrastructures, quitte à
réduire les dotations à RFF au profit d'une subvention
équivalente à la SNCF.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a ensuite
observé que la contribution de l'Etat à l'équilibre
financier de la RATP augmentait de 2,8 %, alors même que la
contribution des entreprises au titre du "versement transport" était
particulièrement dynamique, que le trafic se redressait et que les
voyageurs eux-mêmes payaient de plus en plus cher.
Il a remarqué que ce paradoxe s'expliquait pour partie par
l'augmentation quantitative de l'offre et par la hausse préoccupante des
agressions commises à l'encontre du personnel de la RATP.
Il a précisé que la multiplication de ces actes violents, qui
n'était malheureusement pas spécifique à l'Ile-de-France,
avait notamment conduit la RATP à accélérer la
création de 1.000 emplois jeunes, mais que cela ne constituait sans
doute pas, à coût égal, la réponse la plus
appropriée à la déliquescence de la sécurité
dans certains quartiers.
Il a souligné que ce paradoxe trouvait toutefois aussi son origine dans
la dérive des coûts d'exploitation de la RATP, en particulier de
sa masse salariale, sans que cette dérive ne se traduise par une
amélioration de la qualité du service offert aux voyageurs. A
titre d'exemple, il a remarqué qu'en moyenne, au cours des trois
dernières années, un escalier mécanique sur sept
était hors service dans le métro. Il a rappelé que la Cour
des Comptes avait récemment critiqué l'insuffisance du
contrôle de gestion et de nombreux dysfonctionnements en matière
de marchés à la RATP, en particulier pour les marchés de
nettoyage, alors même que la propreté des véhicules et des
stations participait au sentiment de sécurité des voyageurs et
contribuait à leur respect pour le transporteur.
Il a estimé que ce paradoxe résultait également d'une
mauvaise allocation des investissements d'infrastructures en Ile-de-France ;
ces investissements étant concentrés sur Paris intra-muros,
tandis que les besoins de déplacements des franciliens sont de plus en
plus de banlieue à banlieue. Il a observé qu'Eole et
Météor avaient ainsi mobilisé durant huit ans les
deux-tiers des capacités d'investissement disponibles, alors que ces
projets étaient largement redondants. S'agissant de
Météor, il s'est interrogé si le rôle de la RATP
était bien de construire une "vitrine technologique" à raison de
"7 milliards de francs pour sept stations" ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a souligné
que cette mauvaise allocation des ressources trouvait sa source dans une double
déresponsabilisation : la région Ile-de-France finançant
la majeure partie des investissements décidés par l'Etat, d'une
part ; les pertes d'exploitation des opérateurs étant
systématiquement compensées par la collectivité, d'autre
part.
Il a estimé que la clarification des responsabilités et des
relations financières entre l'Etat, la RATP et les collectivités
locales franciliennes, était donc une priorité. Il a
précisé que cette clarification passait notamment par l'ouverture
du Syndicat des transports parisiens à la région Ile-de-France
et, éventuellement, aux usagers.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, a ensuite
observé que les subventions d'investissement aux transports collectifs
de province connaissaient une forte augmentation, à 720 millions de
francs d'autorisations de programme. Il a indiqué que la réussite
des travaux déjà réalisés incitait à
poursuivre dans cette voie. Il a ajouté que l'impact favorable de cette
hausse serait toutefois partiellement neutralisé par le
relèvement de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers applicable au gazole. Il a estimé qu'il pourrait donc
être opportun de compenser le coût de ce relèvement pour les
opérateurs de transport, par exemple en instituant des aides à
l'équipement de bus propres.
Par ailleurs,
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, a
souligné que l'action opiniâtre des élus membres du
Comité de gestion du fonds d'investissement des transports terrestres et
des voies navigables avait permis d'augmenter la dotation destinée aux
voies fluviales pour 1999, mais que cette dotation restait très
inférieure au produit attendu de la taxe sur les ouvrages
hydroélectriques concédés, et surtout inférieure
aux besoins de réhabilitation du réseau existant tels qu'ils
ressortaient des conclusions de la commission d'enquête du Sénat.
Il a précisé que la priorité en matière de grands
projets était désormais clairement donnée au projet
Seine-Nord, qui avait pour but de relier la Seine et l'Oise aux réseaux
de canaux du Nord de la France et du Bénélux par un canal
à grand gabarit, et il a indiqué que ce projet, estimé
à 15 milliards de francs, présentait une pertinence
économique incontestable en reliant, sur une distance relativement
brève, deux zones très denses en population et en
activités.
Enfin,
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial
, a
observé que le montant des dotations affectées au transport
routier était en augmentation rapide, avec 295 millions de francs
pour 1999, contre 195 millions de francs en 1998. Il a expliqué que
cette évolution résultait des accords tripartites
Etat-conducteurs-entreprises signés en novembre 1996 pour les transports
de marchandises et en avril 1998 pour les transports de personnes, l'Etat
versant à ce titre 180 millions de francs en 1999 afin de
subventionner la cessation d'activité à 55 ans des
chauffeurs routiers et des conducteurs d'autocars.
Au terme de cet exposé, le débat s'est engagé.
M. Philippe Marini, rapporteur général,
a observé
que la dette de la SNCF et de Réseau Ferré de France était
quasiment assimilable à un endettement public, et qu'il importait
dès lors d'en surveiller l'évolution avec vigilance.
M. Denis Badré
a souligné que l'insécurité
dans les transports en commun était un vecteur
d'inégalités sociales, et que le développement des
agressions contre les personnes dans les transports publics pouvait se traduire
par la formation de ghettos. Il a par ailleurs fait part de sa
préoccupation devant le désengagement de l'Etat en matière
de transports en Ile-de-France, et le transfert de charges qui en
résultait pour les collectivités. Il a regretté que la
construction de Météor ait répondu à une recherche
de prestige par la RATP, mais il a observé que la RATP avait su faire
preuve d'écoute, d'imagination et d'ouverture aux besoins de la
clientèle dans le cadre du développement de nouvelles dessertes
en banlieue. Enfin, il a dénoncé le défaut de concertation
préalable à certaines décisions du syndicat des transports
parisiens, comme la mise en place de la carte "Imagine R", qu'il a par ailleurs
considérée comme opportune.
M. Yann Gaillard
a observé que la réforme de la SNCF
s'était traduite par un phénomène de vases communicants du
déficit et de l'endettement de la SNCF vers le déficit et la
dette de réseau Ferré de France. Il s'est ensuite
interrogé sur l'indépendance de RFF, puis sur l'évolution
du climat social dans les transports routiers.
En réponse,
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a
souligné son attachement à la présence humaine dans les
transports en commun et la nécessité de développer des
équipements de sécurité appropriés. Il a
estimé qu'il était également indispensable de renforcer
les poursuites et les sanctions contre les auteurs des dégradations
matérielles ou d'agressions dans les transports en commun.
Il a indiqué que le niveau technologique de la ligne de métro
Météor était impressionnant, mais qu'il serait
déplorable que ce projet obère le développement de
liaisons tangentielles de banlieue à banlieue, qu'elles soient
ferroviaires ou routières. Il a par ailleurs observé que le
rôle effectif de Réseau Ferré de France reposait pour
l'heure largement sur la forte personnalité de son président,
M. Jean-Claude Martinand.
Enfin, en réponse à
M. Alain Lambert, président,
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial,
a dressé
l'historique de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc.
Au terme de cet examen, la commission a adopté un amendement de
M. Auguste Cazalet à l'article 45 du projet de loi de finances pour
1999, portant réduction de 566.982.710 francs des crédits du
Titre IV du budget des transports terrestres.
La commission a ensuite
adopté les crédits des transports
terrestres ainsi modifiés
.