CHAPITRE DEUX
L'ÉVOLUTION CONTRASTÉE DE L'EFFORT
FINANCIER
GLOBAL EN FAVEUR DE LA VILLE
L'effort financier en faveur de la ville est résumé dans le tableau suivant, qui figure dans le "jaune" budgétaire pour 1999.
Etat récapitulatif de l'effort financier - Projet de loi de finances pour 1999
(en millions de francs)
|
LFI 1997 AP ou DO |
LFI 1998 AP ou DO |
PLF 1999 AP ou DO |
Evolution
|
A-1 Crédits spécifiques ville |
1.368,42 |
1.389,16 |
1.660,13 |
+ 19,5 |
A-2 Crédits contractualisés relevant de divers ministères |
|
|
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- 2 |
A-3 Crédits autres ministères inscrits aux programmes d'actions des contrats de ville |
|
|
|
|
A-4 Crédits relevant de divers ministères concourant à la politique de la ville |
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|
+ 39 |
A-5 Solidarité urbaine (loi du 13 mai 1991) |
2.822,20 |
2.991,14 |
3.900,00 |
+ 30,4 |
TOTAL A |
11.499,04 |
13.681,27 |
17.575,05 |
|
B- Dépenses fiscales et compensations |
1.830,10 |
2.559,13 |
2.612,60 |
+ 2 |
TOTAL A + B |
13.329,14 |
16.240,40 |
20.187,65 |
+ 24,3 |
C- Fonds européens concourant à la politique de Développement Social Urbain |
|
|
|
|
D- Intervention de la CDC |
4.050,00 |
4.100,00 |
6.900,00 |
+ 68,3 % |
TOTAL DE L'ETAT |
18.503,14 |
21.386,40 |
28.162,65 |
+ 31,7 |
E- Contribution des collectivités territoriales 1 |
2.344,36 |
2.500,00 |
3.100,00 |
+ 24 % |
TOTAL |
20.847,50 |
23.886,40 |
31.262,65 |
+ 30 % |
La
présentation de ce tableau appelle une
remarque liminaire.
L'état récapitulatif de l'effort budgétaire
consacré à la politique de la ville, le "jaune"
budgétaire, ne fournit que des données en "
dépenses
ordinaires et autorisations de programme
" et ne donne aucune indication
relative aux montants de "
dépenses ordinaires et crédits de
paiement
" qui, seules cependant, représentent
le montant
réel des dépenses que le gouvernement est autorisé
à engager au cours de l'exercice
.
Cette lacune dans la présentation, fréquemment relevée par
la commission des finances, critiquée par la Cour des Comptes, et
déplorée, récemment encore, par le rapport Sueur, ne
permet pas une appréciation véritablement exacte de l'effort
financier global.
Pour donner une idée des décalages susceptibles de se produire,
on relèvera que les crédits inscrits au "bleu" ville
s'élèvent, en dépenses ordinaires + crédits de
paiement, à un milliard de francs en 1999 et, dans l'agrégat
cité par le "jaune", page 13, en dépenses ordinaires +
autorisations de programmes, à 1,175 milliards de francs.
Il convient donc de conserver à l'esprit, dans l'examen des
agrégats financiers inscrits au "jaune", le
gonflement artificiel
des montants qui résulte le plus souvent de cette
présentation.
A. LA CONTRIBUTION DES AUTRES MINISTÈRES
La
contribution des autres ministères à la politique de la ville est
récapitulée à l'intérieur de trois agrégats
distincts, auxquels on doit ajouter, pour être exact, la partie des
crédits "spécifique ville" qui résulte des transferts en
cours d'exercice, déjà évoquée plus haut.
1. Les transferts en provenance d'autres ministères
au sein
de l'agrégat A1 "crédits spécifiques ville", ont
déjà été analysés dans la première
partie de ce rapport. On rappellera ici simplement pour mémoire
qu'à l'exception du FARIF, ils
stagnent
.
2.
L'agrégat A2 ("
crédits contractualisés
relevant de divers ministères
") retrace les crédits
contractualisés au sein des engagements "politique de la ville" de
chaque contrat de plan Etat-Région, les crédits engagés
par la DATAR sur les sites des PACT-urbains, et les crédits inclus dans
les annexes annuelles des contrats de ville.
Ces crédits, qui présentent encore un lien étroit avec les
instruments de la politique de la ville, s'élèvent, en 1999,
à 1.108 millions de francs, en
réduction de 2 %.
3.
Les
crédits des autres ministères inscrits aux
programmes d'action des contrats de ville
(agrégat A3) sont
également, avec 993 millions de francs,
en baisse de près
de 7 %.
4.
En revanche,
l'agrégat A4 "crédits relevant de
divers ministères concourant à la politique de la ville",
connaît à nouveau, en 1999, une forte poussée
(+ 39 %).
En deux années de forte progression, le montant
de cet agrégat aura plus que doublé, passant de 4,8 à
9,9 millions de francs. Son poids relatif au sein de l'effort de l'Etat en
faveur de la "ville" en est modifié. Alors qu'il ne représentait,
en 1997, qu'environ 3,5 fois l'enveloppe de "crédits
spécifiques ville", il sera, en 1999, six fois plus important que
ceux-ci.
Cette évolution n'est pas anodine, car cette enveloppe budgétaire
appelle deux remarques :
- une remarque d'ordre méthodologique : comme l'a d'ailleurs
relevé le rapport Sueur, la
prise en compte de certains de ces
financements au titre de la politique de la ville est "fluctuante et
inégalement justifiée
". Il précise que
l'hétérogénéité des concepts prévaut
non seulement d'un ministère à l'autre, mais dans certains cas,
au sein d'un même ministère, d'une année sur l'autre, et en
donne pour illustration la contribution du ministère de
l'éducation nationale pour 1997, qui est évaluée
différemment dans le jaune 1997 et dans le jaune 1998. Le jaune 1999
fournit également des exemples de décalages frappants :
ainsi, la contribution de l'éducation nationale en 1998,
évaluée à 1.842,5 millions de francs dans le jaune
1998, est appréciée à 2.286 millions de francs dans
le jaune 1999 ;
- une remarque de fond : si la définition des crédits
à prendre en compte dans cet agrégat est flottante, n'est-ce-pas
parce qu'ils entretiennent un rapport moins étroit, moins évident
avec la politique de la ville proprement dite ? N'y a-t-il pas une
disproportion inquiétante entre la progression de cette
nébuleuse un peu floue qui enfle de 2,8 milliards de francs, et
l'accroissement de 245 millions de francs des crédits inscrits au
bleu de la "ville" ? Cette disproportion ne traduit-elle pas le risque,
sinon d'une dilution, du moins d'un décentrage de la politique de la
ville par rapport à ses instruments d'actions
spécifiques
?
L'analyse des contributions de chaque ministère apporte d'utiles
précisions.
A4 Crédits relevant de divers ministères concourant à la politique de la ville
|
LFI 1997 AP ou DO |
LFI 1998 AP ou DO |
PLF 1999 AP ou DO |
Equipement-logement-transports |
357,03 |
347,43 |
359,03 |
Culture |
99,13 |
92,13 |
92,13 |
Intérieur |
210,85 |
1.006,00 |
1.206,00 |
Aménagement du territoire-environnement |
141,50 |
133,70 |
134,70 |
Education nationale |
1.835,86 |
2.286,05 |
2.499,45 |
Jeunesse et sports |
6,20 |
6,25 |
6,20 |
DOM-TOM |
66,36 |
70,00 |
70,00 |
Emploi et solidarité |
1.470,37 |
2.224,43 |
4.725,46 |
Justice |
117,26 |
169,21 |
140,63 |
FAS |
408,00 |
495,78 |
495,78 |
Economie-finances-industrie |
14,00 |
150,00 |
50,00 |
Fonction publique |
55,66 |
45,57 |
50,92 |
Défense |
63,70 |
73,40 |
80,60 |
Affaires étrangères-coopération |
2,40 |
2,40 |
2,40 |
Sous-total A-4 |
4.846,32 |
7.102,35 |
9.913,30 |
Source : jaune budgétaire
a) La contribution massive du ministère de l'emploi et de la solidarité.
L'essentiel des 2,8 milliards de francs
supplémentaires
pris en compte dans l'agrégat A4 provient en effet de la
contribution du ministère de l'emploi et de la solidarité, qui
progresse de 2,5 milliards de francs. En deux années, la
contribution de ce ministère à la politique de la ville aura
été multipliée par un peu plus de trois. Elle
représentera en 1999 quatre fois le montant des crédits inscrits
au bleu "ville".
Cette progression s'explique, comme en 1998, par l'augmentation des
dépenses consacrées aux emplois-jeunes, évaluées
à elles seules à 3.300 millions de francs, et dans une bien
moindre mesure, aux missions locales (416 millions de francs) et au
programme TRACE (" trajets d'accès à l'emploi) qui s'adresse
en priorité aux jeunes des quartiers défavorisés
(120 millions de francs).
b) La contribution du ministère de l'Education nationale
La contribution du ministère de l'Education nationale est la deuxième, en ordre d'importance avec près de 2.500 millions de francs. Elle correspond pour l'essentiel aux crédits spécifiques destinés aux zones d'éducation prioritaires, et aux indemnités de sujétions spéciales (2.110 millions de francs), et aux emplois jeunes pou près de 370 millions de francs.
c) La contribution du ministère de l'intérieur
La contribution du ministère de l'intérieur, 1.206 millions de francs mérite également d'être mentionnée. Les crédits consacrés aux emplois jeunes y passent de 230 à 430 millions de francs.
d) Le poids prédominant des emplois jeunes
Une
analyse transversale de ces diverses contributions montre le rôle
prédominant des emplois jeunes dans le renforcement des contributions
des ministères.
Le tableau ci-après en fournit l'illustration.
(en millions de francs)
|
1998
|
1999
|
Emploi et Solidarité |
|
|
Missions locales et PAIO |
359,90 |
416,45 |
Emplois jeune |
675,70 |
3.330,65 |
Programme TRACE |
- |
120,00 |
Intérieur |
|
|
Emplois jeunes |
230,00 |
430,00 |
Défense |
|
|
Gendarmerie |
41,10 |
47,40 |
Justice |
|
|
juridiction (cellule départementales, traitement en temps réel, aide à l'installation informatique des Maisons de Justice et du Droit) |
6,44 |
9,00 |
Médiation pénale |
35,00 |
50,00 |
Conseils départementaux de l'aide juridique |
2,50 |
8,50 |
Classes relais |
13,70 |
16,00 |
Appel d'offre interministériel |
- |
0,50 |
Médiation familiale |
- |
3,50 |
Éducation nationale, Recherche et Technologie |
|
|
Crédits spécifiques Zones d'Education Prioritaires et indemnités de sujétions spéciales |
2.030,75 |
2.109,99 |
Ecoles ouvertes |
14,00 |
20,27 |
Emplois jeunes |
241,30 |
369,19 |
Equipement, Transports et Logement |
|
|
Démolition |
100,00 |
120,00 |
fonction publique, Réforme de l'Etat et Décentralisation |
|
|
Fonds pour la réforme de l'Etat |
4,65 |
10,00 |
Aménagement du Territoire et Environnement |
|
|
Environnement |
- |
1,00 |
Total |
3.755,04 |
7.062,45 |
Augmentation 98/99 |
3.307,41 |
|
Votre
rapporteur reprend à son compte les arguments développés
par son prédécesseur, dans sa comparaison entre les emplois de
ville, créés par le pacte de relance pour la ville, et les
emplois jeunes que leur a substitué la loi du 16 octobre 1997.
Les emplois de ville cherchaient à améliorer
l'employabilité des jeunes les plus en difficulté : ils
étaient réservés aux personnes de moins de 26 ans
originaires de quartiers en difficulté, et dont le niveau de formation
n'était pas supérieur au baccalauréat.
Les emplois jeunes relèvent plutôt d'une logique de
résorption quantitative du chômage. Comme en est convenu le
récent rapport présenté par M. Jean-Claude Boulard au
nom de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale,
tous ceux qui ont procédé à des opérations de
recrutement ont été frappés par la qualité des
candidatures.
Cette offre très qualifiée risque tout naturellement
d'opérer un effet d'éviction sur les jeunes des quartiers en
difficulté qui présentent des difficultés d'insertion. Cet
effet d'éviction peut d'ailleurs résulter du simple jeu de la
mise en concurrence, comme il peut aussi résulter des exigences de
diplôme posées par une administration, comme on l'a vu avec
l'éducation nationale qui exige le niveau bac+2 pour ses 60.000 postes
d'aides éducateurs.
Pour contrer cette pente naturelle dont il ne peut contester la
réalité, le gouvernement a fixé, non sans un certain
arbitraire technocratique, à 20 % la proportion des emplois jeunes
qui participeraient de la politique de la ville.
Il importera d'apprécier en exécution les effets de cette
déclaration d'intention.
Cette appréciation risque toutefois de s'avérer
délicate : malgré le début du recul dont on dispose
aujourd'hui, votre rapporteur n'a pu obtenir, à ses questions
essentielles, que la réponse suivante :
"
Aucune donnée précise n'est encore disponible
concernant les jeunes affectés sur les sites de la politique de la
ville, ou bien concernant les résidents des quartiers en contrat de
ville, qui sont les deux critères permettant de suivre
l'évolution de l'objectif de 20
%
des emplois jeunes pour la
politique de la ville fixé lors du Comité interministériel
des villes du 30 juin 1998
".