Section 4
-
Branche accidents du travail
Art. 31
Amélioration des conditions de prise en charge des
maladies professionnelles
Objet : Cet article permettra aux victimes de maladies
professionnelles de disposer d'un temps supplémentaire pour faire
reconnaître leurs droits et de lever la forclusion dans le cas
spécifique des personnes souffrant d'affections liées à
l'amiante.
I - Le dispositif proposé
La prescription qui éteint les droits de la victime (ou de ses ayants
droit) aux prestations et indemnités de la branche accident du travail
et maladies professionnelles est actuellement de deux ans à compter de
la date de première constatation de la maladie (prescription biennale de
l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale).
Passé ce délai, la victime ne peut plus être prise en
charge au titre des maladies professionnelles.
Le
2°
du paragraphe I
prévoit un nouveau point de
départ : le délai de prescription (article L. 461-5) ne
court plus à compter du jour de la cessation de travail (date de la
première constatation médicale), mais à compter de la date
à laquelle la victime est informée par un certificat
médical du lien possible entre sa maladie et une activité
professionnelle.
Les maladies professionnelles sont en principe inscrites et définies
avec précision dans des tableaux annexés à l'article R.
461-3 du code de la sécurité sociale. Le
1° du paragraphe
I
modifie par coordination le dernier alinéa de l'article L. 461-2,
afin de garantir que la première constatation médicale intervient
toujours pendant le délai normal d'incubation de la maladie prévu
par les tableaux, à savoir le délai de prise en charge. L'article
D. 461-7 définit la date de la première constatation
médicale comme celle reconnaissant l'existence de l'une des affectations
figurant dans les tableaux (sans établir forcément de lien entre
l'activité et la maladie).
Le
paragraphe II
vise à déroger aux dispositions des
articles L. 431-5 et L. 461-5 du code de la sécurité
sociale, pour rouvrir les droits à réparation des victimes
d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de
poussières d'amiante ou provoquées par elles. Il suffit d'une
première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la
date d'entrée en vigueur du présent projet de loi.
Le
paragraphe III
précise que les victimes ou leurs ayants droits
ont deux ans pour demander bénéfice de ce dispositif
dérogatoire. Les prestations, indemnités et rentes prennent effet
à compter de la date du dépôt de la demande. Elles se
substituent pour l'avenir aux autres avantages accordés à la
victime pour la même maladie au titre des assurances sociales. Un
décret en Conseil d'Etat tiendra compte des réparations
accordées au titre du droit commun.
Le
paragraphe IV
indique que les modalités de financement de
cette amélioration de conditions de prises en charge des maladies
professionnelles par la branche accidents du travail et maladies
professionnelles sont fixées par décret.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement
présenté par M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance
maladie, visant à une rédaction plus claire du paragraphe I de
cet article. La maladie professionnelle sera prise en compte, non plus au
moment où la personne a contracté la maladie, mais au moment
où la maladie professionnelle sera constatée médicalement.
Cet amendement permet également de prendre en compte la situation des
personnes ayant cessé leur activité,
" oubliées " dans la rédaction originelle de l'article.
L'Assemblée nationale a également adopté deux amendements
du Gouvernement, modifiant le paragraphe IV et visant à mettre
définitivement à la charge de la branche accidents du travail et
maladies professionnelles les dépenses liées à la
réouverture des droits à prestations, indemnités et
majorations, dans le cas des affections liées à l'amiante.
III - La position de votre commission
L'article 30 de la loi n°96-1160 du 27 décembre 1996 avait
institué une commission présidée par M. Alain
Déniel, conseiller maître à la Cour des comptes. Son
rapport, rendu en octobre 1997, avait notamment souligné le
caractère inéquitable des dispositions du code de la
sécurité sociale en matière de prescription de la
déclaration de maladie professionnelle. Pour des maladies dont le
délai de latence est important ou dont l'étiologie est complexe,
le délai de deux ans est fréquemment dépassé. Par
ailleurs, les malades sont souvent trop tardivement informés de
l'origine professionnelle de leur maladie.
Une lettre de mission datée du 24 décembre 1997 et signée
par Mme Martine Aubry et M. Bernard Kouchner, a confié à un
rapport à M. le professeur Claude Got. Ce rapport a été
rendu dans sa forme définitive le 29 juillet 1998. L'un des cinq
objectifs définis par M. Got est de redéfinir les délais
de prescription des droits de la victime. Cet objectif trouve sa traduction
législative au paragraphe I de l'article 31.
La nouvelle règle instaurée est plus favorable aux victimes, qui
auront davantage de temps pour demander la reconnaissance de leurs droits
à réparation. Le coût est estimé pour 1999 à
150 millions de francs de dépenses supplémentaires.
S'agissant des affections liées à l'amiante, le rapport Got a
rappelé qu'un grand nombre de victimes, ignorant le lien entre leur
maladie et leur activité professionnelle, avaient déposé
tardivement leur déclaration. Les dispositions proposées par le
Gouvernement permettent de lever la forclusion. Les dépenses ne seront
pas mises au compte individuel de l'employeur. Les excédents de la
branche accidents du travail, via un compte spécial, seront
utilisées, selon des modalités fixées par décrets.
Le coût est estimé pour 1999 à plus de 100 millions de
francs. Il est à noter que si ces nouvelles dispositions
représentent des dépenses supplémentaires pour la branche
accidents du travail, elles devraient également se traduire par une
certaine économie. En effet, la branche accidents du travail a
versé 809,9 millions de francs en 1998 à la branche maladie,
après un versement forfaitaire de 1 milliard de francs en 1997,
compensant les charges indues supportées par la branche maladie du fait
d'une sous-estimation des maladies professionnelles. Ce versement
-estimé à 921 millions de francs pour 1999
21(
*
)
- devrait logiquement voir son montant
se réduire.
Votre commission ne considère pas que la présence
d'excédents au sein d'une branche doit conduire automatiquement à
des dépenses nouvelles. Elle estime cependant que ces nouvelles
dispositions répondent à des demandes depuis longtemps
exprimées et permettront une meilleure prise en charge de cas
particulièrement douloureux.
Votre commission vous propose l'adoption sans modification de cet article.