II. EXAMEN DU PROJET DE LOI

Réunie le jeudi 22 octobre 1998, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des projets de loi 527 (1997-1998) portant règlement définitif du budget de 1995 et n° 528 (1997-1998) portant règlement définitif du budget de 1996 , sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que l'examen de ces projets de loi était riche d'enseignements sur l'art de piloter les finances publiques dans un environnement de plus en plus incertain. A ce titre, il a souligné que, dans des conditions très difficiles, la France avait poursuivi son chemin vers la monnaie unique en 1995 et 1996.

Il a tout d'abord fait observer, s'agissant du cadrage macro-économique, que des écarts importants existaient entre prévisions et réalisations.

Il a indiqué qu'en 1995 le Gouvernement avait prévu une croissance de 3,1 % et qu'elle fut de 2 %, tandis qu'en 1996 la prévision fut encore davantage déjouée : 1,2 % réalisé pour 2,8 % prévu.

De même il a souligné qu'au cours de chacune des deux années, la demande intérieure n'avait pas atteint le niveau que l'on attendait, les ménages préférant épargner et les entreprises continuer à se désendetter.

Il a également fait remarquer que la croissance, qui avait repris vivement en 1994, avait marqué le pas en 1995 et 1996 dans la plupart des grandes économies de l'OCDE, notamment en raison de la crise financière mexicaine de la fin de 1994.

En conséquence, il est apparu nécessaire, pour la plupart des pays européens, d'adopter des politiques budgétaires rigoureuses pour entrer dans l'épure des critères du traité sur l'Union européenne, ce qui avait probablement accentué le ralentissement économique.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ainsi rappelé que la politique rigoureuse et responsable menée avait alors permis à la France de faire ensuite partie des premiers accédants à l'euro.

Il a ensuite détaillé les principaux éléments de la gestion des finances publiques pour 1995 et 1996.

Il a tout d'abord rappelé que les recettes avaient été marquées en 1995 et 1996 par un phénomène que les gouvernements de l'époque avaient appelé " déflation ". Non seulement la croissance économique était plus faible que prévu, mais encore les recettes ne suivaient pas cette croissance. Ainsi, en 1995, les recettes n'avaient progressé spontanément que de 1,4 % alors que la croissance nominale s'établissait à 3,4 %. La loi de finances rectificative d'août 1995 a donc permis de redresser la courbe des recettes, au prix d'un relèvement des prélèvements obligatoires, surtout sur la TVA (+ 17 milliards de francs) et l'impôt sur les sociétés (+ 11 milliards de francs), soit au total 30 milliards de francs.

Le relèvement des impôts a ensuite été beaucoup critiqué, mais s'il en avait été autrement, l'euro n'aurait pas pu être mis en place le 1 er janvier 1999.

Il a cependant souligné qu'en 1996, le phénomène n'avait pas été aussi accentué même si les recettes fiscales nettes avaient enregistré une moins-value de 1,6 % (- 22,8 milliards de francs) essentiellement concentrée sur la TVA (- 22,1 milliards de francs) et que le maintien du niveau des recettes n'avait été obtenu que grâce à une augmentation des recettes non fiscales : + 21,6 milliards de francs.

Néanmoins, il a relevé que, malgré le souhait des gouvernements successifs, les dépenses avaient été mal contenues en 1995 et 1996, essentiellement du fait de la forte progression des charges de la dette publique, mais aussi de certaines dépenses de transfert liées aux difficultés économiques et sociales, comme les aides personnelles au logement ou le revenu minimum d'insertion.

Ainsi, en exécution, les dépenses ont progressé en 1995 de 3,2 % par rapport à 1994, et encore de 4,6 % en 1996 par rapport à 1995.

Il a rappelé que ces deux exercices avaient également subi le vif emballement des charges de la dette publique : + 12,6 % en 1995 (235,4 milliards de francs) et que, même si la progression s'était ralentie en 1996  (+ 1,6 %), la charge brute de la dette publique qui représentait 240 milliards de francs était devenue l'un des postes essentiels du budget de l'Etat avec les crédits militaires et l'éducation nationale.

Par ailleurs, certaines dépenses d'intervention avaient également exercé une très forte pression au cours de ces deux années : le revenu minimum d'insertion (RMI) a augmenté de 13,6 % en 1995 pour représenter 21,8 milliards de francs, les aides au logement de 7,3 %, soit 29,9 milliards de francs et les aides à l'emploi, de 7,2 % en 1995 et 15,2 % en 1996, pour atteindre le chiffre record de 148,8 milliards de francs.

Néanmoins, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que, malgré un effet de ciseaux (déflation des recettes et pression des dépenses liées aux difficultés économiques), les gouvernements de 1995 et 1996 avaient maintenu la France sur les rails de la monnaie unique. Le déficit 1995 avait ainsi été maintenu au niveau prévu initialement : 323 milliards de francs en exécution pour 322,1 milliards de francs en loi de finances initiale.

Il a également indiqué que, si en 1996 le dérapage avait été moins bien contrôlé : 295,4 milliards de francs pour 287,8 milliards de francs prévus, les déficits avaient cependant continué de se réduire en proportion du produit intérieur brut (PIB) (4,2 % en 1995 et 3,8 % en 1996), et que le déficit global des administrations publiques avait atteint respectivement 4,9 %, puis 4,1 % du PIB, grâce à l'amélioration spectaculaire des comptes sociaux en 1996. De ce fait, si la monnaie unique n'était pas accessible pour 1997, la France était en bonne voie pour 1999.

En conclusion, il a tenu à souligner que les difficultés de l'exécution des lois de finances pour 1995 et 1996 permettaient de tirer deux leçons pour l'avenir, dont devraient s'inspirer les gouvernements dans la construction de la loi de finances, et qui seraient utiles pour l'analyse du projet de budget 1999.

D'une part, il lui apparaissait que la situation économique, sensible au moindre choc externe, était devenue d'une incroyable imprévisibilité. Cette donnée imposait donc de construire avec prudence des budgets ne prévoyant pas de dépenser, surtout sous forme de charges de structure, toutes les recettes que la prévision économique du moment pouvait laisser espérer. L'élaboration d'un budget sur la base d'une croissance nominale inférieure d'un point au consensus des prévisionnistes permettrait ainsi de garantir sans trop de dommages l'objectif initial de déficit budgétaire.

Par ailleurs, il a rappelé que le niveau des taux d'intérêt à court et long termes, qui était une donnée échappant totalement à la volonté des gouvernements, constituait une variable déterminante pour les charges de la dette publique. En conséquence, si l'on souhaitait que l'idée même de politique budgétaire puisse continuer à exister, il était impératif de réduire le fardeau de la dette publique, même si cela n'était pas toujours possible puisqu'il fallait, en effet, que la conjoncture économique s'y prête.

Néanmoins, lorsque c'était possible, il fallait le faire avec la plus extrême détermination, car le fait de dépenser les fruits de la croissance lorsque l'Etat est endetté constituait un gaspillage.

M. Bernard Angels , après avoir reconnu que la loi de règlement ne faisait que constater l'exécution d'une loi de finances, a regretté les retards pris dans leur examen.

Il a cependant contesté, s'agissant de la loi de règlement 1995, le qualificatif de "rigoureuse et réaliste" appliqué à la gestion gouvernementale. Ainsi le déficit fixé initialement à 275 milliards a été exécuté à un niveau de 323 milliards, soit 4,2 % du PIB. De même, il a souligné qu'en 1996, le budget s'inscrivait dans le cadre d'une "gestion calamiteuse des finances publiques", même si la dérive avait cependant été limitée de 288 à 295 milliards de francs.

S'agissant de l'objectif de réduction des dépenses publiques, il a relevé que celles-ci avaient évolué en 1995 au même niveau que le PIB et tenu à indiquer qu'elles diminueraient d'un point de PIB en 1999.

De même, il a tenu à souligner que le déficit budgétaire avait été peu réduit malgré des recettes fiscales supplémentaires et les ressources tirées des opérations de privatisation.

A titre liminaire, Mme Marie-Claude Beaudeau a tenu à rappeler que la majoration de TVA, en 1995, avait été accompagnée d'une diminution de l'impôt sur les sociétés. Elle a souligné l'importance pour l'exécution du budget de 1995 des effets du collectif budgétaire, ainsi que l'accroissement du niveau du déficit budgétaire. S'agissant du relèvement du taux de la TVA elle a tenu à indiquer que les craintes qu'elle avait alors exprimées s'étaient révélées justes, et ainsi démontré l'intérêt de diminuer le taux de celle-ci.

En réponse à M. Bernard Angels, M. Philippe Marini, rapporteur général , a fait état des graves aléas de conjoncture extérieure qu'avait connus la France en 1995, notamment du fait de la crise du Mexique en 1994 et de la baisse du cours du dollar, et de ses effets négatifs sur la progression des recettes. Dans ce contexte, après avoir rappelé le choix fait par le Gouvernement d'agir sur les recettes et non de diminuer les dépenses, il en a souligné l'intérêt et l'utilité pour limiter la progression du déficit et protéger l'avenir de la croissance en France dans un contexte économique très différent de celui qui avait été prévu initialement.

La commission a ensuite procédé à l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 1995. Elle a adopté sans modification les quatorze premiers articles.

M. Philippe Marini, rapporteur général , après avoir présenté l'article 15 et l'écart d'intégration de 18 milliards de francs des dépôts des comptes chèques postaux que cet article visait à apurer, a souhaité, dans l'attente d'informations complémentaires et satisfaisantes de la part du Gouvernement, présenter un amendement "d'appel" visant à supprimer cet article. Cet amendement a été adopté par la commission.

A l'article 16 , il a présenté un amendement de coordination consécutif à l'adoption de l'amendement de suppression de l'article 15.

Puis, l'ensemble du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995 ainsi amendé a été adopté.

La commission a ensuite adopté sans modification l'ensemble du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1996.

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