PJL relatif à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959
DURAND-CHASTEL (Hubert)
RAPPORT GENERAL 26 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- INTRODUCTION
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 3
N° 26
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 octobre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse en vue de compléter la convention européenne d' entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 ,
Par M.
Hubert DURAND-CHASTEL,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène,
Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu,
Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat
:
537
(1997-1998).
Traités et conventions. - Suisse. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'autoriser l'approbation de
l'accord franco-suisse signé à Berne le 28 octobre 1996,
complétant la convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale.
Cette convention, signée à Strasbourg le 20 avril 1959 dans le
cadre du Conseil de l'Europe, prévoit que les Etats contractants
s'accordent l'aide judiciaire la plus large en matière pénale
afin d'instruire et de juger les infractions dans les conditions optimales. En
application de l'article 26 de la Convention, la France et la Suisse ont
recouru à la faculté reconnue aux parties de "conclure entre
elles des accords bilatéraux ou multilatéraux en vue de
compléter les dispositions de la convention ou de faciliter
l'application de ses principes". Telle est l'origine de l'accord
présentement soumis à notre appréciation.
Après avoir rappelé l'économie générale de
la convention de 1959, votre rapporteur analysera les principales
précisions qu'apporte l'accord franco-suisse du 28 octobre 1996.
*
* *
I. LE TEXTE DE RÉFÉRENCE POUR L'ENTRAIDE JUDICIAIRE, LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 20 AVRIL 1959
A. LES PRINCIPES DE LA CONVENTION
Conclu
dans le cadre du Conseil de l'Europe, ce texte -en vigueur dans 32 pays-,
instaure la coopération judiciaire entre Etats et en définit les
modalités de mise en oeuvre.
Aux termes de son article premier, les Etats signataires s'engagent à
s'accorder mutuellement
"l'aide judiciaire la plus large possible dans toute
procédure visant des infractions dont la répression est (...) de
la compétence des autorités judiciaires de la partie
requérante".
Cette entraide, précise l'article 2, peut
être refusée si la demande se rapporte à des infractions
politiques ou fiscales ou si elle entraîne une atteinte à la
souveraineté, à la sécurité, à l'ordre
public ou à d'autres intérêts essentiels du pays
concerné.
B. LE CONTENU DE L'ENTRAIDE
Il
concerne tout d'abord, d'après la convention, les
commissions
rogatoires
, qui sont le support le plus courant de l'entraide judiciaire.
Celles-ci se définissent comme
"les missions qu'une autorité
chargée des fonctions d'instruction donne à une autre
autorité d'exécuter certains actes d'information qu'elle ne veut
ou ne peut accomplir elle-même".
La convention précise ainsi
(art. 3) que l'Etat requis s'engage
"à faire exécuter, dans
les formes prévues par sa législation, les commissions rogatoires
relatives à une affaire pénale qui lui seront adressées
par les autorités judiciaires de l'Etat requérant et qui ont pour
objet d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des pièces
à conviction, des dossiers ou des documents".
Cela étant, l'article 5 de la convention autorise tout Etat contractant
à se réserver la faculté de soumettre à certaines
conditions l'exécution des commissions rogatoires aux fins de
perquisition ou de saisie d'objets.
Le contenu de la convention recouvre également d'autres formes
d'entraide :
- la
remise de documents judiciaires
-notamment d'extraits de casier
judiciaire dans le cadre d'une affaire pénale ;
- la
remise d'actes de procédure
ou de décisions
judiciaires ou l'entraide concernant la comparution de témoins, experts
et personnes poursuivies ;
- la
dénonciation aux fins de poursuites,
instituée
par l'article 21 de la convention, qui permet à un Etat de demander
à un autre Etat contractant d'engager des poursuites contre une personne
qui, ayant commis une infraction dans le pays requérant, se
réfugierait ensuite dans le pays requis dont il ne pourrait être
extradé, s'il était, par exemple, ressortissant de cet
Etat.
C. LA PROCÉDURE DE L'ENTRAIDE
La
convention a permis d'adopter une base de procédure plus homogène
que la confrontation des différentes législations nationales ne
l'aurait permis. Elle définit les conditions formelles minimales
nécessaires à la validité de la demande d'entraide.
L'article 15 de la convention (titre V) précise par ailleurs que les
commissions rogatoires sont
adressées de ministère de la
Justice à ministère de la Justice, sauf en cas d'urgence
où les demandes peuvent être formulées directement
d'autorité judiciaire à autorité judiciaire.
Enfin, tout refus d'entraide doit être motivé (art. 19).
II. LES DISPOSITIONS DE L'ACCORD ADDITIONNEL FRANCO-SUISSE
A. L'EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE FRANCO-SUISSE EN MATIÈRE PÉNALE
Les
actes ou procédures relevant du domaine de l'entraide judiciaire
bilatérale sont étendus, par intégration dans l'accord de
certaines dispositions de la convention d'application de la convention de
Schengen à laquelle la Suisse n'est cependant pas partie, aux
éléments suivants :
- aux procédures visant des faits dont la poursuite relève, dans
l'un des deux Etats, de la compétence d'une autorité
administrative, et dans l'autre d'une autorité administrative ou d'une
autorité judiciaire. A la condition toutefois qu'en cours de
procédure, l'affaire puisse être portée devant un tribunal
compétent en matière pénale ;
- aux procédures qui visent des faits réprimés, dans l'un
des deux Etats, d'une amende exclusivement sous réserve, là
encore, que, dans l'un des deux Etats, l'affaire puisse être
portée devant un tribunal compétent en matière
pénale. Ces extensions concernent en particulier les demandes
d'enquêtes sur des infractions aux règles de circulation
routière ;
- à la notification des actes visant l'exécution d'une peine, le
recouvrement d'une amende ou le paiement de frais de procédure ;
- aux mesures relatives à l'exécution d'une peine (sursis,
libération conditionnelle, interruption de l'exécution ou des
procédures de grâce) ;
- aux procédures d'indemnisation des personnes poursuivies,
détenues ou condamnées de façon injustifiée.
Par ailleurs, les cas de refus d'entraide sont enrichis d'une nouvelle
hypothèse : le refus peut être opposé :
- si, pour les mêmes faits, la personne poursuivie a été,
en Suisse, définitivement acquittée ou, en France,
acquittée ou relaxée quant au fond ;
- si, condamnée dans l'Etat requis, la personne est en train
d'exécuter ou a exécuté la sanction prononcée
contre elle.
Ces dispositions traduisent le principe "ne bis in idem" -selon lequel une
personne ne peut être poursuivie ou condamnée deux fois pour la
même infraction-, tel qu'il a été inscrit à
l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen.
B. LES COMPLÉMENTS ET PRÉCISIONS APPORTÉS PAR L'ACCORD À LA CONVENTION EUROPÉENNE
Ainsi :
- les demandes de communications de pièces à conviction, dossiers
et documents, ne doivent
pas porter atteinte aux droits de l'Etat requis et
à ceux des tiers ;
- les renseignements obtenus dans le cadre d'une entraide ne peuvent être
utilisés dans une procédure relative à une infraction pour
laquelle l'entraide est exclue
(principe de spécialité) ;
- la demande d'une autorité de l'Etat requérant en vue d'une
perquisition, d'une saisie ou d'une remise de pièces ou de documents a,
dans l'Etat requis,
la même valeur qu'une décision prise aux
mêmes fins dans cet Etat ;
- s'agissant de
l'exécution des demandes d'entraide
, l'accord
autorise les autorités compétentes de l'Etat requérant et
les personnes en cause à
assister à l'exécution des
commissions rogatoires
dès lors que la législation de l'Etat
requis ne s'y oppose pas, et si leur présence peut faciliter
l'exécution de ces actes ou la procédure pénale de l'Etat
requérant ;
-un acte d'entraide comportant une
mesure coercitive
n'est possible que
si le fait incriminé est punissable selon le droit des deux Etats et si
la législation de l'Etat requis ne s'y oppose pas ;
- concernant le transfèrement de détenus, l'accord prévoit
la possibilité pour l'Etat requérant de transférer
temporairement sur le territoire de l'Etat requis une personne qu'il
détient lorsque sa présence est nécessaire à
l'exécution de l'entraide. Cette faculté est soumise à une
double condition : le consentement du détenu, l'absence de
considérations impérieuses qui s'y opposeraient.
Outre des conditions de forme, l'accord précise les
modalités
de transmission des demandes d'entraide. Ainsi l'accord prévoit que
désormais, ces demandes pourront être adressées
:
- en France, au Procureur général près la Cour d'appel
territorialement compétente pour l'exécution de l'entraide ;
- en Suisse, à l'autorité judiciaire compétente pour
exécuter la demande.
Cette disposition innove, puisque le droit commun des transmissions de demandes
prévu par la convention de 1959 n'évoquait -indépendamment
d'une procédure d'urgence-, que la possibilité de transmission
d'autorité centrale à autorité centrale par voie
diplomatique, procédure allongeant considérablement les
délais. Cette innovation est donc positive, même si certains
magistrats auraient préféré aller jusqu'à "une
transmission directe de juge à juge"
1(
*
)
.
- Une autre disposition réglemente les conditions de forme de la
dénonciation aux fins de poursuite conduisant à requérir
d'un Etat qu'il poursuive un de ses nationaux pour un crime ou un délit
commis sur le territoire de l'Etat requérant.
CONCLUSION
Cet
accord aura une incidence concrète non négligeable puisque, en
1996 et 1997, il y a eu respectivement 372 et 299 demandes d'entraide
judiciaire entre la France et la Suisse, sans compter les demandes
d'enquête touchant à la circulation routière qui,
jusqu'alors, n'entraient pas dans le champ d'application de l'entraide
judiciaire entre nos deux pays.
Ce type d'accord s'inscrit dans un contexte plus général,
évoqué fréquemment aujourd'hui par de nombreux magistrats,
notamment européens, tendant à supprimer les obstacles que les
frontières constituent encore trop souvent pour l'action judiciaire
alors que les délinquants, en ce qui les concerne, n'y trouvent
désormais aucune entrave.
La création d'un véritable espace judiciaire européen
serait une réponse aux difficultés de la justice
transfrontière. En attendant que des progrès interviennent sur ce
terrain, votre rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de
loi qui constitue, pour le travail des magistrats et donc pour la justice, un
pas dans la bonne direction.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent projet de loi lors de
sa séance du mercredi 21 octobre 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin,
président, a fait état d'un entretien qu'il avait eu
récemment avec des parlementaires du Conseil fédéral
suisse. Il a indiqué le souci qu'avaient, à cette occasion,
manifesté les parlementaires suisses de se rapprocher, par le biais de
négociations sectorielles, de l'Union européenne, compte tenu des
avantages économiques et commerciaux qu'elle pourrait leur apporter.
La commission, suivant l'avis de son rapporteur, a alors approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse en vue de compléter la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, signé à Berne le 28 octobre 1996 et dont le exte est annexé à la présente loi. 2( * )
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 3(
*
)
-
Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances
:
La France et la Suisse sont liées depuis le 21 août 1967 par la
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière
pénale, signée à Strasbourg, le 20 avril 1959.
Des difficultés sont apparues en 1990 dans la transmission des demandes
d'entraide que la situation géographique des deux pays rendait encore
moins justifiées.
Aussi un accord additionnel a été conclu le 28 octobre 1996 qui a
été l'occasion d'introduire de nouvelles dispositions en d'autres
matières que la simple transmission des demandes.
-
Bénéfices escomptés en matière
:
* d'emploi : sans objet ;
* d'intérêt général : l'Accord simplifie et rend
plus efficace la coopération judiciaire franco-suisse en matière
pénale ;
* financière : sans objet ;
* de simplification des formalités administratives : l'Accord assouplit
les procédures de transmission des demandes d'entraide et clarifie sur
plusieurs points l'application de la Convention européenne entre les
deux Parties ;
* de complexité de l'ordonnancement juridique : voir paragraphe
précédent.
1
Extrait d'un entretien avec M. Bertossa,
procureur général de Genève, Le Monde, 30 octobre 1996.
2
Voir le texte annexé au document Sénat n° 537.
3
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.