Pjl relatif à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe
BOYER (André)
RAPPORT 21 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- I. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU NOUVEAU MÉCANISME DE CONTRÔLE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
- II. L'ADAPTATION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EXISTANTS AU NOUVEAU MÉCANISME DE CONTRÔLE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
- PROJET DE LOI
N° 21
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 14 octobre 1998
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Affaires étrangères, de la
défense et des forces armées sur :
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant
la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord
général sur les
privilèges
et
immunités
du
Conseil de l'Europe
,
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant
la ratification de l'
accord
européen
concernant les personnes participant aux
procédures
devant
la
Cour européenne des droits de l'homme
,
Par M.
André BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1075
,
1076, 1103,
T.A.
187
et
188
.
Sénat
:
9
et
10
(1998-1999).
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
L'Assemblée nationale a adopté le 7 octobre dernier deux projets
de loi autorisant la ratification de l'accord européen concernant les
personnes participant aux procédures devant la (p. Cour
européenne des droits de l'homme, et du sixième protocole
additionnel à l'accord général sur les privilèges
et immunités du Conseil de l'Europe.)
Ces deux instruments, faits à Strasbourg le 5 mars 1996, sont
destinés à accompagner l'entrée en vigueur, le
ler novembre 1998, du nouveau mécanisme de contrôle
établi par le protocole n° 11 à la Convention
européenne des droits de l'homme, qui prévoit l'instauration
d'une Cour permanente européenne des droits de l'homme remplaçant
la commission et la cour européenne des droits de l'homme actuelles.
Il s'agit en effet d'adapter à la nouvelle cour permanente
européenne des droits de l'homme deux textes antérieurs, l'un
relatif aux personnes participant aux procédures devant la commission et
la cour européenne des droits de l'homme, et l'autre relatif aux
privilèges et immunités accordés aux juges, au greffier et
au greffier adjoint de la nouvelle cour. La ratification de l'accord
européen et du 6e protocole visés par les présents projets
de loi est désormais devenue urgente, compte tenu de l'entrée en
fonction de la nouvelle cour le ler novembre prochain.
Votre rapporteur effectuera un bref rappel des caractéristiques
principales du nouveau mécanisme de contrôle de la Convention
européenne des droits de l'homme, avant d'examiner successivement les
innovations introduites par l'accord européen concernant les personnes
participant aux procédures devant la Cour européenne des droits
de l'homme puis celles relatives au 6e protocole additionnel à l'Accord
général sur les privilèges et immunités du Conseil
de l'Europe.
I. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU NOUVEAU MÉCANISME DE CONTRÔLE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
C'est le
ler novembre prochain qu'entrera en vigueur le nouveau mécanisme de
contrôle issu du protocole n° 11 à la Convention
européenne des droits de l'homme, caractérisé par
l'instauration d'une Cour européenne permanente des droits de l'homme
assumant les fonctions actuellement dévolues à la Commission et
à la Cour européennes des droits de l'homme.
Votre rapporteur rappellera les principes qui guident la mise en oeuvre de
cette réforme, avant d'en souligner l'importance pour la France, pays
parmi les plus concernés, en raison du nombre d'instances
engagées, par les procédures de mise en jeu de la
convention.
A. LA REFONTE DU MÉCANISME DE CONTRÔLE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
La restructuration du mécanisme de contrôle de la convention repose sur un principe essentiel : l'instauration d'une cour unique. Sa mise en oeuvre a débuté au cours de l'année 1998, pour une entrée en vigueur officielle le ler novembre prochain.
1. Les principes de la réforme : une cour unique qui doit favoriser un examen plus rapide des requêtes
Signée à Rome le 4 novembre 1950 et
entrée
en vigueur le 3 septembre 1953, la Convention européenne des droits
de l'homme a mis en place un mécanisme de contrôle s'appuyant sur
trois instances
:
- la
Commission
, composée d'autant de membres que d'Etats parties
à la convention, élus par le Comité des ministres du
Conseil de l'Europe. Elle joue un rôle de filtrage en examinant la
recevabilité des requêtes et en engageant éventuellement
une procédure de règlement amiable ;
- la
Cour
, composée d'autant de juges que d'Etats membres du
Conseil de l'Europe, élus par l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe. La Cour statue sur les requêtes
déclarées recevables, sur saisine soit de la Commission, soit
d'un Etat en cause dans l'affaire, soit d'un requérant individuel. Le
jugement de la Cour a un caractère définitif et obligatoire ;
- le
Comité des ministres du Conseil de l'Europe
, où
siège un représentant par Etat membre, et dont le rôle est
double : un rôle décisionnel, à la majorité des deux
tiers, lorsque la cour n'a pas été saisie sur une requête
déclarée recevable, et un rôle de surveillance de
l'exécution des arrêtés de la Cour.
Au fil des ans, le fonctionnement de cette structure tripartite a
suscité des critiques et des orientations de réforme.
Les
critiques
portaient principalement sur trois points : la
complexité de la procédure, le risque, sinon de contradiction du
moins de différences notables, entre la Commission et la Cour dans
l'interprétation de la Convention, et enfin l'engorgement du
système lié à l'augmentation considérable du nombre
de requêtes individuelles (3 400 requêtes enregistrées
en 1995 et 4 700 en 1996), à la lenteur inhérente à
la procédure et à l'augmentation du nombre d'Etats parties
à la Convention.
Quant aux
orientations de réforme
, elles ont été
définies en 1993 par le Comité des ministres puis par le Sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe et visaient à
créer une cour unique, de manière à simplifier et
accélérer les procédures d'examen des requêtes
présentées par les particuliers.
La réforme s'est concrétisée par l'adoption, le
11 mars 1994, du
protocole n° 11 à la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales,
portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par
la Convention.
Le protocole n° 11 modifie substantiellement les modalités de
contrôle du respect de la Convention, au travers des dispositions
suivantes :
-
l'instauration d'une cour unique et permanente
, composée d'un
nombre de juges équivalent à celui des Etats parties à la
Convention et élus pour 6 ans par l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe. La nouvelle cour doit exercer les compétences
jusqu'alors dévolues à la Commission et à la Cour
actuelles.
- la différenciation, au sein de la Cour,
de trois formations
contentieuses
: les comités de trois juges, qui prennent des
décisions définitives d'irrecevabilité des requêtes,
les chambres de sept juges, qui se prononcent tant sur la recevabilité
des requêtes non rejetées par les comités de trois juge que
sur le fond, et enfin la grande chambre de 17 juges, instance de
réexamen qui intervient soit à la demande d'une chambre
décidant de se dessaisir de l'affaire, soit sur renvoi par toute partie
à l'affaire dans les 3 mois qui suivent l'arrêt de la chambre.
- la
restriction du rôle du Comité des ministres
, qui perd
toute fonction juridictionnelle et n'exerce plus, à titre
résiduel, qu'un rôle de surveillance de l'exécution des
arrêts de la Cour.
- la reconnaissance pleine et entière du
droit de recours
individuel
et de la compétence de la Cour, qui ne sont plus
subordonnés à l'acceptation par l'Etat partie.
2. La mise en oeuvre de la réforme : l'élection de la nouvelle Cour pour une entrée en fonction le ler novembre 1998
Le
protocole n° 11 à la Convention doit entrer en vigueur
à l'expiration d'une période d'un an après le
dépôt du dernier instrument de ratification, intervenu en octobre
1997, soit le
ler novembre 1998
.
Un régime transitoire d'un an a été aménagé
durant lequel la Commission continuera à traiter les requêtes
pendantes devant elle.
Les opérations préparatoires à l'installation de la
nouvelle Cour ont démarré au début de l'année, avec
l'élection des juges par l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe
.
Après avoir examiné, notamment par le biais d'auditions, les
candidatures proposées par les Etats-membres (trois candidats par Etat),
l'Assemblée parlementaire a procédé en début
d'année à l'élection des
39 juges
de la Cour. La
moitié d'entre eux siégeaient déjà soit à la
Commission, soit à la Cour, mais l'instauration d'une limite d'âge
(70 ans) a contribué à abaisser la moyenne d'âge de la
nouvelle instance.
La Cour travaille désormais à l'élaboration de son
règlement
intérieur
, qui doit notamment
préciser des questions telles que la composition du greffe, le
rôle des référendaires chargés d'assister les juges,
la composition des chambres et de la grande chambre, la place du juge national,
la création d'un juge rapporteur, le principe des audiences publiques,
les mesures provisoires et les questions linguistiques.
Le fonctionnement de la nouvelle cour impliquait également
l'actualisation d'instruments internationaux antérieurs. C'est
précisément l'objet des textes visés par les deux projets
de loi présentés au Parlement et qui concernent le statut des
personnes participant aux procédures devant la Cour et les
privilèges et immunités des juges de la Cour.
B. LA SITUATION DE LA FRANCE AU REGARD DU CONTRÔLE DU RESPECT DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Il ne
s'agit pas ici de retracer les étapes qui ont conduit la France à
ratifier, en 1974, la Convention européenne des droits de l'homme, puis,
en 1981, à accepter la compétence de la Commission en
matière de requête individuelle.
Il paraît en revanche important de souligner, au moment où se met
en place la nouvelle Cour européenne, l'importance du contentieux
lié au respect de la Convention et impliquant la France ainsi que
l'influence, sur notre droit positif et sur la jurisprudence de nos hautes
instances juridictionnelles, des arrêts rendus sur la base de cette
convention.
1. L'implication de la France dans un contentieux croissant lié à la Convention européenne des droits de l'homme
La
France est actuellement, avec l'Italie et le Royaume-Uni, le pays le plus
impliqué dans le mécanisme de contrôle de la Convention
européenne des droits de l'homme.
En ce qui concerne les activités de la Commission européenne des
droits de l'homme, son secrétariat a ouvert 1968 dossiers provisoires
adressés par des justiciables devant des juridictions françaises
sur un total de 12 469 dossiers ouverts. Au vu des statistiques des trois
dernières années, on peut considérer qu'environ 1 dossier
provisoire ouvert sur 6 concerne la France. Une part très faible de ces
dossiers débouchent sur des requêtes déclarées
recevables. Pour la France, le nombre de requêtes déclarées
recevables s'est en effet établi à 108 en 1995, 75 en 1996 et 102
en 1997.
S'agissant des activités de la Cour européenne des droits de
l'homme, celle-ci a enregistré en 1997 119 saisines, dont 22
concernaient la France. Depuis la mise en place de la Cour, les saisines
impliquant la France s'élèvent à 109 sur un total de 903
saisines, ce qui nous place derrière l'Italie (260 saisines) mais devant
le Royaume-Uni (98) et l'Autriche (87).
Sur près de 600 arrêts rendus par la Cour et ayant donné
lieu à un constat de violation ou de non-violation de la Convention, 70
concernent la France (126 l'Italie, 81 le Royaume-Uni, 61 l'Autriche). Sur ces
70 arrêts, 43 ont donné lieu à un constat de violation de
la convention (98 pour l'Italie, 50 pour le Royaume-Uni et 44 pour l'Autriche).
Pour la seule année 1997, la Cour a examiné 95 affaires donnant
lieu à un constat sur le fond, dont 12 concernaient la France.
L'arrivée de nouveaux Etats parties à la Convention
européenne des droits de l'homme pourrait à l'avenir
atténuer la part importante prise par la France et par d'autres membres
anciens du Conseil de l'Europe dans ce contentieux.
Les requêtes introduites par des justiciables devant les juridictions
françaises concernent pour environ 70 % d'entre elles l'ordre
judiciaire. Les domaines concernés visent principalement :
- le principe du "droit à un procès équitable", au travers
duquel sont évoqués la durée de la procédure
judiciaire et le respect du contradictoire ou de la présomption
d'innocence,
- la durée de la détention provisoire,
- le droit des étrangers, avec une invocation fréquente du droit
au respect de la vie familiale et privée pour contester des mesures
d'éloignement séparant les familles, ou des risques de
traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans le pays
d'origine.
2. L'incidence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'ordre juridique français
En vertu
de l'article 55 de la Constitution, la Convention européenne des droits
de l'homme, depuis sa ratification par la France en 1974, dispose d'une
autorité supérieure à celle de la loi et des
règlements
. Directement applicable en droit interne, la Convention
stipule également que les Etats doivent se conformer aux
décisions de la Cour dans des litiges auxquels ils sont parties, ce qui
suppose qu'ils tirent dans leur ordre juridique interne toutes les
conséquences des arrêts qui constateraient une violation de la
Convention.
L'incidence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme est tout d'abord perceptible dans
l'adoption de lois ou de
décrets
qui reprennent les principes qu'elle a
dégagés. On peut citer les lois du 10 juillet 1991 relatives
au secret des correspondances et à l'aide juridictionnelle, le
décret du 27 novembre 1991 qui prévoit la possibilité
de publicité des débats dans les procédures disciplinaires
devant le Conseil de l'Ordre des avocats, les lois du 4 janvier 1993 et du
24 août 1993 réformant la procédure pénale.
Plus récemment, par la loi du 30 décembre 1996, un nouvel
article 144-1, directement inspiré de la jurisprudence de la Cour, a
été inscrit dans le code de procédure pénale afin
de préciser que la détention provisoire ne pouvait
"excéder une durée raisonnable au regard de la gravité des
faits reprochés à la personne mise en examen et de la
complexité des investigations nécessaires à la recherche
de la vérité".
La
Cour de cassation
se réfère pour sa part explicitement
à la Convention européenne des droits de l'homme et plus
particulièrement à ses dispositions relatives au droit à
un procès équitable, à la publicité des
débats, au droit à un délai raisonnable, aux droits de
l'accusé (droits de la défense, droit à l'information sur
ses propres droits, droits relatifs à la préparation de la
défense notamment).
Le
Conseil d'Etat
a lui aussi fait application de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme, particulièrement en
matière de droits des étrangers, sur la base des dispositions de
la convention relative au respect de la vie familiale et privée ou au
risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans le
pays d'origine.
II. L'ADAPTATION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EXISTANTS AU NOUVEAU MÉCANISME DE CONTRÔLE
Les deux textes dont la ratification est soumise à l'autorisation du Parlement par les deux présents projets de loi ne font qu'adapter à l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme de contrôle des instruments internationaux existants édictés pour l'application de la Convention européenne des droits de l'homme.
A. L'ACCORD EUROPÉEN CONCERNANT LES PERSONNES PARTICIPANT AUX PROCÉDURES DEVANT LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
L'accord européen du 5 mars 1996 concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme constitue en quelque sorte une actualisation de l'accord européen de Londres du 6 mai 1969 qui visait quant à lui les personnes participant aux procédures devant la Commission et la Cour européenne des droits de l'homme.
1. Une actualisation très limitée de l'Accord européen de Londres du 6 mai 1969
C'est
l'accord européen de Londres du 6 mai 1969 qui fixe les immunités
et facilités dévolues aux personnes (Etats parties,
requérants, conseils, témoins, experts, ...) participant aux
procédures devant la Commission et la Cour européenne des droits
de l'homme.
Ce texte établit notamment une immunité de juridiction pour les
déclarations faites devant la Commission ou la Cour, le droit de
correspondre librement avec la Cour et le droit de libre circulation pour
assister aux procédures.
L'accord européen du 5 mars 1996 reprend pour l'essentiel, en les
adaptant, les dispositions de l'accord de Londres.
Sur le plan formel, il supprime toutes les références à la
Commission européenne des droits de l'homme pour ne viser que la
nouvelle Cour et les diverses formations contentieuses établies par le
protocole n° 11 à la Convention.
Sur le fond, il n'apporte que de minimes innovations par rapport à
l'accord de Londres, sur les points suivants :
- l'article 3 de l'accord de 1996, qui pose le droit de libre correspondance
avec la Cour, ne mentionne plus la possibilité de contrôle de
cette correspondance lorsqu'il s'agit de personnes détenues,
- l'article 5 de l'accord de 1996 ne spécifie plus, à la
différence du texte de 1969, qu'une demande de levée
d'immunité de juridiction par la Cour implique une demande
adressée au secrétaire général du Conseil de
l'Europe.
2. La position de la France au regard de l'accord européen de Londres et de l'accord du 5 mars 1996
L'instrument de ratification de l'accord de Londres de 1969,
déposé par la France en 1984, comportait
3 déclarations
relatives à l'article 4, concernant la libre circulation des
personnes participant aux procédures devant la Commission et devant la
Cour.
Par la première déclaration, la France précisait qu'elle
interprétait le point 1 de l'article 4, posant le principe de
libre circulation des personnes visées par l'accord, comme
ne
s'appliquant pas aux personnes détenues
. Elle a en effet
considéré que le principe de libre circulation était
incompatible avec la situation des personnes détenues, privées,
par définition, de cette liberté. Selon les informations
communiquées à votre rapporteur par le ministère des
affaires étrangères, il est envisagé de reprendre une
déclaration similaire lors du dépôt de l'instrument de
ratification de l'accord européen de 1996. Toutefois, afin de bien
préciser que le terme de "personnes détenues" n'est pas
limité aux détenus après condamnation mais inclut
également la détention provisoire ainsi que diverses situations
visées par l'article 5 de la Convention européenne des
droits de l'homme, il est envisagé de se référer à
la notion de "personnes privées de liberté".
Dans une
deuxième déclaration
, qui devrait être
reprise telle quelle lors de la ratification, la France précisait que le
principe de libre circulation ne dispensait pas les personnes de
nationalité étrangère devant se rendre à Strasbourg
devant la Cour d'obtenir le
visa
nécessaire, un visa
spécial étant délivré aux étrangers
expulsés du territoire français.
Enfin, la
troisième déclaration
du gouvernement
français visait l'immunité dont bénéficient les
personnes visées par l'accord dans les pays de transit et dans le pays
où se déroule la procédure, c'est-à-dire la France,
pendant une période qui se prolonge 15 jours après que leur
présence ait cessé d'être requise par la Cour.
L'article 4 dispose en effet que ces personnes, jusqu'à
l'expiration de ce délai, ne peuvent être arrêtées ni
détenues dans le pays de transit, ni dans le pays où se
déroule la procédure, en raison de faits ou condamnations
antérieurs au commencement du voyage. Comme le lui permettait l'accord,
la France a exclu du bénéfice de ces dispositions les
personnes résidant habituellement en France
. Ainsi, un
français ou un étranger résidant habituellement en France,
qui aurait commis un crime ou un délit antérieurement à
son déplacement à Strasbourg pour participer à une
procédure devant la Cour, ne pourrait invoquer la protection
prévue à l'article 4 et serait donc susceptible d'être
appréhendé au cours de son séjour.
Ici encore, une telle déclaration devrait être reprise avec une
formulation permettant d'englober tous les ressortissants français
(résidant habituellement en France ou non), ainsi que les ressortissants
étrangers résidant habituellement en France.
B. LE 6ÈME PROTOCOLE ADDITIONNEL A L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS DU CONSEIL DE L'EUROPE
Le remplacement des actuelles commission et cour européennes des droits de l'homme par une cour unique et permanente imposait une refonte des textes régissant les privilèges et immunités des membres de ces diverses instances. Tel est l'objet de ce 6ème protocole additionnel.
1. Un statut rénové pour les juges de la nouvelle Cour européenne des droits de l'homme
Dans son
article 59, la Convention européenne des droits de l'homme stipule que
"les membres de la Commission et de la Cour jouissent, pendant l'exercice de
leurs fonctions, des privilèges et immunités prévus
à l'article 40 du statut du Conseil de l'Europe et dans les accords
conclus en vertu de cet article".
Si l'article 40 du statut du Conseil de l'Europe pose le principe des
privilèges et immunités nécessaires à l'exercice
des fonctions, ceux-ci sont précisés dans un accord
général sur les privilèges et immunités du Conseil
de l'Europe du 2 septembre 1949. L'article 18 de l'accord
général énumère les différents
privilèges et immunités accordés aux agents du Conseil de
l'Europe.
Trois protocoles additionnels
sont venus par la suite
préciser le
statut des membres de la Commission et de la Cour
européenne des droits de l'homme
:
- le
deuxième protocole
à l'accord général
concerne les
membres de la Commission
et leur accorde notamment
l'immunité d'arrestation et de juridiction,
- le
quatrième protocole
accorde la même immunité
d'arrestation et de juridiction aux
membres de la Cour
, au greffier et
au greffier adjoint,
- enfin, le
cinquième protocole
, entré en vigueur en 1991,
accorde le
bénéfice de l'exonération de l'impôt
sur le revenu
aux membres de la Commission et de la Cour (ce protocole n'a
pas été signé par la France).
La suppression de la Commission, la transformation de la Cour en instance
permanente, qui exige de ses membres un travail quasi exclusif et non plus
durant la dizaine de sessions de deux semaines chaque année, mais aussi
les évolutions intervenues, dans la pratique sinon dans les textes,
quant au statut fiscal des agents du Conseil de l'Europe, sont autant de
raisons qui justifiaient
l'élaboration d'un nouveau texte clarifiant
le statut des juges de la nouvelle Cour européenne des droits de
l'homme.
C'est donc dans cette optique qu'a été adopté le 5 mars
1996 le
sixième protocole additionnel
à l'accord
général sur les privilèges et immunités du Conseil
de l'Europe.
Le statut mis en place par ce 6e protocole repose sur
6 principes
.
Premièrement
, les juges, tant en ce qui les concerne qu'en ce qui
concerne leurs conjoints et enfants mineurs, bénéficieront des
privilèges et immunités prévus à l'article 18 de
l'Accord général
pour tous les agents du Conseil de
l'Europe,
à savoir :
-
immunité de juridiction
pour les actes accomplis par eux, y
compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle et
dans la limite de leurs attributions,
-
exonération de tout impôt sur les traitements et
émoluments versés par le Conseil de l'Europe
,
-
exonération
, ainsi qu'à leur famille,
des
dispositions limitant l'immigration
,
-
facilités de change
identiques à celles des
fonctionnaires de rang comparable des missions diplomatiques,
-
facilités de rapatriement
identiques à celles des
envoyés diplomatiques en période de crise internationale,
-
franchise pour l'importation de leur mobilier
lors de leur prise de
fonction ainsi que pour la réexportation à la cessation de
fonction.
Deuxièmement
, les juges jouissent des
privilèges,
immunités, exemptions et facilités accordés aux
envoyés diplomatiques
. L'accord général
réservait le bénéfice de cet avantage au Secrétaire
général et au Secrétaire général adjoint du
Conseil de l'Europe. Une extension progressive, sur le plan fiscal et douanier,
avait toutefois été opérée au profit de tous les
agents d'un certain niveau hiérarchique, à la suite
d'échanges de lettres entre le Conseil de l'Europe, le ministère
des affaires étrangères et le ministère de
l'économie et des finances. Les privilèges et immunités
accordés aux envoyés diplomatiques, désormais
étendus aux juges de la Cour européenne des droits de l'homme,
sont définis par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations
diplomatiques. Sur le plan fiscal, cette convention prévoit notamment
dans son article 34 que :
"L'agent diplomatique est exempt de tous impôts et taxes, personnels
ou réels, nationaux, régionaux ou communaux à l'exception :
a. Des impôts indirects d'une nature telle qu'ils sont normalement
incorporés dans le prix des marchandises ou des services ;
b. Des impôts et taxes sur les biens immeubles privés
situés sur le territoire de l'Etat accréditaire, à moins
que l'agent diplomatique ne les possède pour le compte de l'Etat
accréditant, aux fins de la mission ;
c. Des droits de succession perçus par l'Etat accréditaire, sous
réserve des dispositions du paragraphe 4 de l'article 39 ;
d. Des impôts et taxes sur les revenus privés qui ont leur source
dans l'Etat accréditaire et des impôts sur le capital
prélevés sur les investissements effectués dans des
entreprises commerciales situées dans l'Etat accréditaire ;
e. Des impôts et taxes perçus en rémunération de
services particuliers rendus ;
f. Des droits d'enregistrement, de greffe, d'hypothèque et de timbre en
ce qui concerne les biens immobiliers, sous réserve des dispositions de
l'article 23".
Les agents diplomatiques sont ainsi exonérés de la taxe
d'habitation, de la taxe sur l'achat de véhicule ainsi que de la TVA sur
les carburants.
Troisièmement
,
l'immunité de juridiction
dont ils
bénéficient pour les paroles ou les écrits ou les actes
émanant d'eux dans l'accomplissement de leurs fonctions
continuera
à leur être accordée même après l'expiration
de leur mandat.
Quatrièmement
, ces différents privilèges et
immunités sont accordés aux juges non pour leur
bénéfice personnel, mais en vue de préserver leur
indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.
La Cour,
réunie en assemblée plénière, peut lever cette
immunité
si elle fait obstacle à la justice ou si cette
immunité peut être levée sans nuire au but pour lequel elle
est accordée.
Cinquièmement
,
le greffier de la Cour
bénéficie de tous les privilèges et immunités
accordés aux juges. Il en va de même pour un greffier-adjoint
lorsqu'il exerce officiellement les fonctions de greffier. Dans le cas
contraire, le greffier est assimilé aux autres agents du Conseil de
l'Europe.
Sixièmement
,
les documents et papiers
de la Cour, des
juges et du greffe
sont inviolables
et leur correspondance ne peut
être retenue ou censurée.
2. La position de la France face au nouveau statut du juge de la Cour européenne des droits de l'homme
Si
la
France
a ratifié en 1978 le deuxième et le quatrième
protocole, elle
n'a en revanche pas signé le cinquième
protocole
additionnel à l'accord général sur les
privilèges et immunités du Conseil de l'Europe. Ce texte, qui
accorde le bénéfice de l'exonération de l'impôt sur
le revenu aux membres de la Commission et de l'actuelle Cour avait
suscité de
fortes réserves de notre pays
,
considérant que l'exemption totale d'impôt des personnes
considérées allait à l'encontre de la politique
menée vis-à-vis des régimes fiscaux applicables aux
organisations internationales.
La France a en revanche signé le 6e protocole, prenant acte de
l'évolution du système de rémunération
elle-même liée à la restructuration du mécanisme de
contrôle. Dans le nouveau système, les juges percevront une
rémunération mensuelle
, et non plus un
"per diem
"
pour leur présence aux sessions. La France a ainsi
considéré qu'il était désormais logique d'aligner
le régime fiscal de ces rémunérations sur celui des autres
agents du Conseil de l'Europe, le niveau hiérarchique des juges et du
greffier de la Cour justifiant par ailleurs cette assimilation.
Toutefois, dans la mesure où le 6e protocole ne se contente pas
d'aligner le statut des juges sur celui des agents du Conseil de l'Europe, mais
va plus loin en leur étendant les privilèges fiscaux
accordés aux agents diplomatiques, il pourrait être, surtout pour
ce qui concerne le juge français, en contradiction avec la position
traditionnelle de notre pays qui exclut ses propres ressortissants ainsi que
les résidents permanents en France des privilèges fiscaux ou
douaniers accordés aux envoyés diplomatiques.
Selon les informations fournies par le Ministère des affaires
étrangères à votre rapporteur,
la France pourrait donc
assortir la ratification du 6e protocole d'une déclaration
rappelant
que, conformément à sa pratique habituelle, elle n'appliquera pas
à ses ressortissants ni aux résidents permanents sur son
territoire les exemptions fiscales ou douanières qui résultent de
l'assimilation, voulue par le protocole, des juges aux envoyés
diplomatiques.
Concrètement, cette déclaration ne devrait avoir de
conséquences que pour le juge français, qui
bénéficiera, comme tous les agents du Conseil de l'Europe, d'une
exemption de l'impôt sur le revenu sur sa rémunération,
mais qui pourrait en revanche être écarté du
bénéfice de l'exonération de la taxe d'habitation, de la
TVA sur les carburants et de la franchise sur l'achat d'un véhicule,
privilèges exclusivement liés à l'assimilation des juges
aux envoyés diplomatiques.
CONCLUSION
L'accord
européen concernant les personnes participant aux procédures
devant la (p. Cour européenne des droits de l'homme et le 6e protocole
additionnel à l'Accord général sur les privilèges
et immunités du Conseil de l'Europe découlent directement de la
réforme du mécanisme de contrôle de la Convention
européenne des droits de l'homme et de la création d'une instance
juridictionnelle unique et permanente, aux lieu et place des actuelles
commission et cour européennes des droits de l'homme.)
L'entrée en vigueur, le ler novembre prochain, du nouveau
mécanisme de contrôle de la convention rend nécessaire la
ratification rapide de ces deux instruments qui, sur le fond, n'apportent que
quelques aménagements techniques aux règles de procédure
et au statut des magistrats de la Cour européenne des droits de l'homme.
Dans la mesure où ces deux textes sont une conséquence logique de
la réforme que la France a approuvée et qui entrera prochainement
en vigueur, et compte tenu des précisions fournies par le gouvernement
sur l'interprétation qu'il entend leur donner, dans le cadre de
déclarations qui accompagneront le dépôt des instruments de
ratification, votre commission vous propose d'adopter les présents
projets de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné les présents projets de loi au
cours de sa réunion du mercredi 14 octobre 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène
s'est interrogé sur les pratiques linguistiques au sein de la Cour
européenne des droits de l'homme.
M. André Boyer, rapporteur, a précisé que le
français et l'anglais constituaient les deux langues officielles
à la Cour européenne des droits de l'homme, tout en relevant que,
sur 40 membres, le nombre de juges francophones était relativement
restreint.
M. Guy Penne a estimé qu'il était indispensable de faire
respecter l'usage du français comme langue officielle employée
pour les procédures devant la Cour.
M. Christian de La Malène, approuvé par M. Michel
Caldaguès, a souligné l'influence des usages linguistiques sur
les pratiques juridiques, en craignant que la prépondérance de
l'anglais n'entraîne celle du droit anglo-saxon. Il a souhaité que
lors de l'examen de ce projet de loi en séance publique, le rapporteur
insiste sur l'importance qui s'attache à l'usage du français
à la Cour européenne des droits de l'homme.
M. Xavier de Villepin, président, et M. Christian de La Malène se
sont ensuite interrogés sur la signification du champ d'intervention
géographique de la Cour européenne des droits de l'homme. M.
André Boyer
,
rapporteur, a précisé que la Cour
statuait sur la base de la Convention européenne des droits de l'homme
qui lie 40 pays du Conseil de l'Europe.
La commission a ensuite approuvé les deux projets de loi qui lui
étaient soumis
PROJET DE LOI
(Texte
adopté par l'Assemblée nationale)
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme, fait à Strasbourg le 5 mars 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
PROJET DE LOI
(Texte
adopté par l'Assemblée nationale)
Article unique
Est autorisée la ratification du sixième Protocole additionnel à l'Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe, fait à Strasbourg le 5 mars 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 2( * )
1
Voir le texte annexé au document
Assemblée nationale n° 1075.
2
Voir le texte annexé au document Assemblée nationale
n° 1076.