III. LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE AMÈNE LA BRANCHE VIEILLESSE À REDÉFINIR LES AXES PRIORITAIRES DE SON ACTION SOCIALE
A. LA LOI DU 24 JANVIER 1997 INSTITUANT LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE DEVRAIT FAVORISER UNE MEILLEURE COORDINATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES
1. La loi du 24 janvier 1997 constitue une étape importante dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes
Le vote par le Parlement de la loi n° 97-60 du 24 janvier
1997 instituant la prestation spécifique dépendance constitue une
étape considérable dans la prise en charge des personnes
âgées dépendantes.
Jusqu'à l'intervention de cette loi, les personnes âgées
dépendantes étaient considérées comme des
handicapées et percevaient à ce titre l'allocation compensatrice
pour tierce personne (ACTP). Il n'était cependant plus possible de
continuer d'appliquer aux personnes âgées une législation
qui n'était pas destinée à prendre en charge les
sujétions particulières qui sont les leurs. En outre, la
prestation en espèces ne permettait assurément pas de s'assurer
de l'effectivité de l'aide et de proposer aux personnes
concernées un plan d'aide adapté à leur état.
La prestation spécifique dépendance vient donc se substituer,
pour les personnes dépendantes, à l'ACTP. A la différence
de l'ACTP, la PSD est une prestation en nature, c'est-à-dire
affectée au paiement de dépenses préalablement
déterminées. Elle est destinée à couvrir l'aide
dont la personne âgée dépendante a besoin à son
domicile ou dans un établissement pour l'accomplissement des actes
essentiels de la vie.
La PSD est destinée aux personnes âgées de 60 ans au moins
qui remplissent des conditions de dépendance et qui disposent de
ressources inférieures à un plafond variable selon l'importance
du besoin et donc le montant de la prestation attribuée.
L'état de dépendance qui se distingue de la
nécessité de recevoir des soins, se caractérise par le
besoin, pour la personne concernée, d'être aidée dans
l'accomplissement des actes essentiels de la vie, ou d'une surveillance
régulière. Cet état est reconnu par une équipe
médico-sociale qui comprend au moins un médecin et un travailleur
social à partir d'une grille unique nationale, la grille AGGIR
(autonomie gérontologique -groupe iso-ressources) qui comporte six
niveaux. Pour le moment, seuls les niveaux n° 1, 2 et 3 correspondant
à la grande dépendance permettront l'obtention de la prestation.
Une équipe médico-sociale est chargée d'évaluer les
besoins de la personne, de l'informer des aides existantes, d'établir un
plan d'aide et d'en suivre l'application. Le rôle de cette équipe
est primordial.
La prestation est servie et gérée par les conseils
généraux.
On estime que 190.000 personnes âgées dépendantes
percevaient l'ACTP. Dans un proche avenir, la PSD pourrait concerner
jusqu'à 300.000 personnes.
A domicile, l'aide dont a besoin le bénéficiaire de la PSD pourra
lui être apportée soit par un ou plusieurs salariés
directement recrutés en tant qu'aides à domicile, soit par
l'intermédiaire de salariés mis à la disposition du
bénéficiaire par un service mandataire, soit enfin par les
salariés d'un service prestataire d'aide à domicile. Au moins une
fois par an, l'effectivité de l'aide ainsi apportée et la
qualité du service rendu font l'objet d'un contrôle.
Dans le cas où la personne âgée est accueillie en
établissement, la PSD est versée directement à
l'établissement pour financer les surcoûts liés à
l'état de dépendance. Le versement de la PSD aux
établissements d'accueil des personnes âgées
dépendantes passe par une réforme de leur tarification. La loi
fixe le cadre général de cette réforme et prévoit
qu'elle devra intervenir avant le 31 décembre 1998. Désormais, la
tarification des établissements pour personnes âgées se
fera en fonction de l'état de ces dernières et non du statut des
établissements.
Les personnes qui bénéficiaient des prestations
expérimentales dépendance dans douze départements
continuent à le faire dans les mêmes conditions qu'initialement.
2. La loi instaure une coordination entre les différents intervenants
La loi constitue un progrès considérable car
elle ouvre la voie à une coordination des actions des différents
acteurs, coordination qui était souhaitée depuis longtemps par
tous les intervenants. Elle peut constituer les prémisses de la mise en
place d'une véritable coordination gérontologique autour de la
personne âgée qui fait gravement défaut dans notre pays.
Cette coordination est une chance pour les caisses de sécurité
sociale : elle leur permettra de réexaminer les actions
financées par leurs fonds d'action sociale.
La PSD devrait ainsi permettre d'accroître l'efficacité et la
cohérence des actions des caisses de sécurité sociale en
faveur des personnes âgées et plus généralement une
coordination entre les aides existantes grâce au partenariat des
différents acteurs dont le principe est affirmé dans la loi. A
cet égard, il convient de souligner que les expérimentations en
matière de dépendance dans douze départements,
créées suite à un amendement déposé par la
Commission des affaires sociales du Sénat à l'instigation de son
Président, M. Jean-Pierre Fourcade, ont clairement montré que le
partenariat entre les départements et les caisses de
sécurité sociale pouvait fonctionner à la satisfaction de
tous, y compris des bénéficiaires.
Cette expérimentation a fait la preuve qu'il était possible de
fédérer les contributions parfois disparates des
différentes institutions et de rassembler les différents
intervenants autour de la personne âgée. La PSD tire donc les
conséquences des expériences particulièrement concluantes
menées dans ce cadre.
Deux types de conventions vont permettre la mise en oeuvre de cette prestation.
Les premières, obligatoires, et à visée beaucoup plus
générale puisqu'elles concernent l'ensemble des prestations
servies aux personnes âgées, seront conclues entre les
départements et les organismes de sécurité sociale. Elles
doivent favoriser la coordination de ces prestations, préciser les
modalités de gestion de cette coordination et permettre l'instruction et
le suivi des prestations.
Sur le plan formel, elles devront être conformes à un cahier des
charges arrêté par le Ministre chargé des personnes
âgées, après avis de l'Assemblée des
présidents de Conseils généraux et des organismes
nationaux de sécurité sociale.
Le suivi de ces conventions et, le cas échéant, une tâche
de médiation en cas de difficulté pour les conclure, seront
confiés à un Comité national de coordination
gérontologique.
Quant aux conventions facultatives, elles portent, précisément,
sur l'instruction et le suivi de la PSD entre chaque département et les
organismes publics sociaux et médico-sociaux, comme les centres
communaux ou intercommunaux d'action sociale, les organismes régis par
le code de la mutualité et les associations. Ces conventions
facultatives devront, elles, être conformes à une convention-cadre
fixée par arrêté conjoint des ministres chargés,
respectivement, des personnes âgées et des collectivités
territoriales après avis de l'Assemblée des présidents de
Conseils généraux et de l'Association des Maires de France.
3. L'entrée en vigueur de la PSD en établissement reste conditionnée à la réforme de la tarification des établissements
Votre rapporteur ne dispose à ce jour d'aucun
véritable bilan de la mise en place de la prestation spécifique
dépendance.
Le comité national de coordination gérontologique,
institué par l'article premier de la loi, est chargé du suivi de
la mise en oeuvre des conventions entre les départements et les
organismes de sécurité sociale. Il doit rendre public chaque
année, avant l'examen par le Parlement du projet de loi de financement
de la sécurité sociale, un rapport comprenant un bilan de
l'application de la loi. La nomination de ce comité est intervenue de
façon très tardive, le 28 août 1997 : celui-ci ne s'est
toujours pas réuni à ce jour : il n'a donc pu produire le rapport
demandé.
Toutefois, en réponse à une question de votre rapporteur, lors de
son audition par la commission des Affaires sociales du Sénat le 4
novembre 1997, Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la
Solidarité, a indiqué que la première réunion de ce
comité aurait lieu le 25 novembre 1997 et qu'un bilan serait
présenté à cette occasion.
Il faut également souligner que le dispositif réglementaire
nécessaire à l'entrée en vigueur de la loi n'est toujours
pas complet. Restent en effet à paraître :
- un décret définissant les modalités selon
lesquelles les salariés rémunérés pour assurer un
service d'aide à domicile auprès d'une personne allocataire de la
PSD bénéficient d'une formation (deuxième
alinéa de l'article 16) ;
- un décret fixant les modalités d'application de l'article
17 qui prévoit les conditions de versement de la PSD à
domicile ;
- un décret fixant les modalités d'application des contrats
de séjour dans les établissements non soumis à la loi du 6
juillet 1990 relative aux conditions de fixation des prix des prestations
fournies par certains établissements assurant l'hébergement des
personnes âgées (troisième alinéa de l'article 8
ter
de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, introduit par
l'article 26 de la loi) ;
- un arrêté établissant le cahier des charges des
conventions pluriannuelles tripartites entre les établissements, les
départements et l'assurance maladie (I de l'article 23) ainsi qu'un
arrêté ou un décret déterminant les conditions et
délais de transmission des documents nécessaires à la
fixation des tarifs des prestations et les montants de celles-ci (II et III de
l'article 23).
Ces deux derniers textes sont attendus avec une certaine impatience car ils
sont porteurs d'une réforme de la tarification des
établissements, condition indispensable de la mise en place de la PSD en
établissement.
Les auteurs de la proposition de loi sénatoriale avaient en effet
légitimement fait valoir que la réforme de la tarification des
établissements d'accueil, en fonction de l'état de la personne
accueillie et non de la nature juridique des places, devait être un
préalable à la mise en uvre de la PSD en établissement.
Cette réforme de la tarification doit intervenir avant le
1
er
janvier 1999. L'article 5-1 de la loi n° 75-535
du 30 juin 1975, introduit par l'article 23 de la loi, dispose que pour pouvoir
continuer à héberger des personnes âgées
dépendantes après le 31 décembre 1998, les
établissements devront avoir passé une convention pluriannuelle,
tripartite avec le Président du Conseil général et
l'assurance maladie, respectant un cahier des charges établi par
arrêté conjoint du Ministre chargé des personnes
âgées et de celui chargé des collectivités
territoriales. La nouvelle tarification sera alors appliquée à
ces établissements.
Après le 31 décembre 1998, pour pouvoir continuer à
héberger des personnes âgées dépendantes, les
établissements devront avoir passé une convention pluriannuelle,
tripartite avec le président du Conseil général et
l'assurance maladie, respectant un cahier des charges arrêté
conjointement par le Ministre chargé des personnes âgées et
celui chargé des collectivités territoriales
5(
*
)
. Cette convention définira les
conditions de fonctionnement de l'établissement ainsi que ses objectifs
d'évolution et les modalités de son évaluation.
La tarification, notifiée, au plus tard, aux établissements le
31 janvier de l'exercice en cours, sera arrêtée, pour les
prestations remboursables aux assurés sociaux par l'assurance maladie,
après avis du président du Conseil général et pour
les prestations prises en charge par la prestation spécifique
dépendance, par le président du Conseil général,
après avis de l'autorité compétente pour l'assurance
maladie.
La réforme de la tarification n'ayant pu être menée
parallèlement à l'examen de la proposition de loi, l'article 13
du décret n° 97-427 du 28 avril 1997 prévoit une
disposition transitoire : jusqu'à la passation de la convention
prévue à l'article 5-1 de la loi du 30 juin 1975, la tarification
des prestations pouvant être prises en charge par la PSD est
arrêtée par le Président du Conseil général
pour chacun des établissements et pour chacun des groupes 1, 2 et 3 de
la grille AGGIR.
Si la prestation spécifique dépendance à domicile semble
aujourd'hui fonctionner de façon relativement satisfaisante dans la
quasi-totalité des départements, la situation est moins favorable
pour l'établissement. Certaines informations font en effet état
de disparités importantes dans le montant de la prise en charge suivant
les départements.
Dans le rapport annexé au projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998, le Gouvernement indique que
" la loi instaurant une prestation spécifique dépendance
a été votée sous la précédente
législature et sa mise en uvre est largement engagée. ".
Il souligne qu'elle
" comporte des avancées
(développement de la coordination gérontologique,
élaboration d'un plan d'action personnalisée au domicile du
demandeur...), mais aussi des risques, notamment du fait des
inégalités de traitement sur le territoire "
. Le rapport
précise également qu'un
" suivi attentif sera
assuré avec le Comité national de coordination
gérontologique "
et qu'au vu
" du bilan en 1998 de la
première année d'application de la loi, il conviendra d'envisager
les améliorations et les réformes éventuelles à
apporter au dispositif en vigueur ".
Votre rapporteur estime, quant à lui, que ces difficultés sont
essentiellement imputables à
l'absence de réforme de la
tarification
.
A cet égard, votre rapporteur observe que le rapport annexé au
projet de loi de financement précise que
" le Gouvernement
souhaite mener en 1998 l'indispensable réforme de la tarification des
établissements accueillant les personnes âgées ".
En outre, en réponse à une question de votre rapporteur, lors de
son audition par la commission des Affaires sociales du Sénat le 4
novembre 1997, Mme Martine Aubry a indiqué que la réforme de la
tarification serait présentée avant l'été 1998. A
cette occasion, elle a également annoncé une réforme
d'ensemble de l'aide à domicile.
Votre rapporteur se félicite de l'annonce de ce calendrier
prévisionnel et tient à rappeler que tout retard
supplémentaire dans la réforme de la tarification risquerait de
compromettre la mise en place de la PSD en établissement.
Par ailleurs, le rapport annexé au projet de loi indique que
"
le Gouvernement a également décidé de proposer
au Parlement de créer 7.000 lits de section de cure médicale
et 2.000 places nouvelles de services de soins à infirmiers
à domicile qui n'ont pas été ouverts faute de
financements.
". Votre rapporteur prend acte de cette
déclaration et s'en félicite.