2. La priorité donnée aux emplois-jeunes et à la réduction du temps de travail
Le
Gouvernement a décidé de redéfinir le contenu des
politiques de l'emploi autour de deux dispositifs qui occupent désormais
une place éminente : les emplois-jeunes et les 35 heures. Ces deux
mesures constituaient l'essentiel du programme du parti socialiste en
matière d'emploi lors des dernières élections
législatives.
• Les emplois-jeunes ont été mis en place dans la
foulée du vote de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative
au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. 70.000
jeunes auraient signé un contrat emploi-jeune huit mois après le
vote de la loi. Les premières statistiques révèlent que
plus des trois-quarts de ces emplois ont été créés
dans l'administration que ce soit à l'Education nationale, dans la
police ou auprès du ministère de la justice. Or, dans
l'avant-projet de loi, il n'était fait nulle mention de ces emplois
à caractère public, les emplois-jeunes devaient se
développer dans le secteur marchand autour d'activités
émergentes. Ces activités étaient sensées devenir
pérennes et rentables de telle manière que l'aide de l'Etat de
90.000 francs par an puisse prendre fin sans porter atteinte à l'emploi.
Force est de constater que le Gouvernement est loin d'avoir atteint ses
objectifs. Les emplois dans l'administration risquent fort de se traduire par
une augmentation du nombre de fonctionnaires d'ici cinq ans alors que, faute de
formation suffisante et d'encadrement, les emplois-jeunes dans le secteur non
marchand se cantonnent trop souvent à des emplois fictifs dont la
principale vertu est d'ordre statistique.
Faut-il rappeler que le Sénat avait proposé des solutions
originales pour assurer un développement durable d'activités
nouvelles dans le secteur privé
11(
*
)
? La commission des Affaires sociales
avait notamment demandé lors de l'examen du texte à ce qu'un
encadrement sérieux soit mis en place ainsi qu'une véritable
formation. Elle avait imaginé une " migration
accélérée " des activités vers le secteur
privé avant le terme des cinq ans pour favoriser la professionnalisation
des emplois. Elle avait souhaité également que l'accent soit mis
sur l'apprentissage, notamment dans le secteur public. Hormis ce dernier point
sur lequel elle a obtenu satisfaction, l'ensemble de ses propositions a
été rejeté. On constate aujourd'hui qu'elles auraient
permis à cette loi d'atteindre ses objectifs et à des milliers de
jeunes d'accéder à un véritable emploi.
• La loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de travail, plus
communément appelée " loi sur les 35 heures " constitue
le second volet de la politique gouvernementale de lutte contre le
chômage.
Son article 1er est le plus emblématique puisqu'il abaisse la
durée légale du travail effectif des salariés à
trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2000 dans les
entreprises de plus de vingt salariés et à compter du 1er janvier
2002 pour les autres.
Sans entrer dans le détail des nombreux problèmes que pose ce
texte et qui ont été mis en évidence par notre
collègue Louis Souvet, rapporteur au nom de la commission des Affaires
sociales
12(
*
)
, il peut être
utile de rappeler les premières conséquences qui peuvent
être observées sur l'emploi.
L'incertitude demeure dans l'esprit des chefs d'entreprise et influence leurs
décisions d'embauche, plus de la moitié des créations
d'emplois transitent par le biais de l'intérim. Les entrepreneurs
attendent des précisions quant à l'évolution de la future
rémunération minimale et la rémunération des heures
supplémentaires. Ils se posent des questions sur les conditions de
travail des cadres et le régime du travail à temps partiel.
Pour prévenir toute mauvaise surprise, les entreprises ont
commencé à anticiper le surcoût à venir induit par
les majorations pour heures supplémentaires liées à la
baisse de la durée légale du travail. La politique salariale est
revue à la baisse, c'est ainsi que la fourchette des augmentations
moyennes en 1998 pour les ouvriers et les employés ne serait selon le
cabinet Hay Management que de 1,9 % à 2,1 % et de 2 %
à 2,3 % pour les agents de maîtrise, alors que la croissance
économique approche les 3,5 %.
Dans nombre d'entreprises, la réduction du temps de travail ne fait
qu'accélérer et amplifier certaines tendances de fond
déjà constatées dans les stratégies salariales que
ce soit en termes de recours à des rémunérations variables
ou individualisation des salaires.
L'inconnue demeure toujours l'impact de la loi en termes de créations
d'emplois ; malgré la modération salariale, les entreprises sont
nombreuses à considérer qu'elles ne devraient pas modifier leur
politique de recrutement. Dans ces conditions, le Gouvernement se trouverait
dans une position difficile à l'aube de l'entrée en vigueur de
l'abaissement de la durée légale du travail.