I. LES DONNÉES DU PROBLÈME : UN PRODUIT ET UNE PROFESSION A PRÉSERVER

La boulangerie est un secteur essentiel pour l'économie de notre pays. Cette filière se trouve néanmoins confrontée depuis de nombreuses années à de réelles difficultés, qui rendent aujourd'hui nécessaire une évolution de la législation existante.

A. LE PAIN : UN PRODUIT ESSENTIEL DANS NOTRE SOCIÉTÉ

Le secteur de la boulangerie dispose avec le pain de trois atouts essentiels : la qualité de son produit, sa valeur symbolique ainsi que son poids encore relativement important dans notre économie.

1. Un produit à haute valeur ajoutée

a) L'origine du pain

L'origine du pain se perd dans la nuit des temps car selon de récentes recherches archéologiques, notre pain actuel serait l'héritier d'une histoire vieille de plus de 5.000 ans.

Le premier pain, qui paraît avoir pris naissance avec la civilisation en Orient, a probablement été le résultat de l'oubli d'une ménagère qui laissa un peu de cette bouillie pendant un certain temps, dans un endroit abrité du vent, avant de la faire cuire. Ce produit, qui resta un aliment grossier et de digestion difficile, devint un pain léger, gonflé et formé d'alvéoles d'air dès qu'on lui rajouta un peu de pâte.

Au fil des siècles, l'art boulanger s'est efforcé d'améliorer ce produit afin de parvenir à un produit plus fin, plus léger, plus digeste, meilleur au goût 3( * ) .

Au gré des migrations, l'art de fabriquer le pain s'est transmis tout autour du bassin méditerranéen : en Judée, en Asie mineure, en Grèce puis à Rome et dans toute l'empire romain.

Dans le monde catholique du Moyen-Age, où les pèlerinages étaient fréquents, les abbayes eurent un rôle favorable dans le développement de la boulangerie.

En France, le pain s'est affirmé comme la nourriture de base jusqu'à la veille du vingtième siècle.

b) La fabrication du pain et son évolution
•  Longtemps le rôle du meunier s'est limité à moudre le grain. Le boulanger lui apportait le blé et récupérait la farine pour la tamiser. C'est en 1650 que les boulangers ont commencé à s'approvisionner en farines tamisées par le meunier.

Sur le plan de la fabrication proprement dite, les techniques sont restées peu connues jusqu'aux oeuvres de Malouin en 1771 et de Parmentier en 1778.

A la fin du XVIIIe siècle, le levain était obtenu à partir d'un morceau de pâte prélevé sur une des fournées du jour.

Les débuts de la chimie ont permis de séparer le gluten de l'amidon et de mettre en évidence leur rôle dans la panification.

Le XIXe siècle a vu l'apparition de nouveaux matériels dont le développement ne se fit qu'au début du XXe siècle. C'est par exemple le cas du pétrin mécanique.

En milieu urbain, la fabrication du pain, par les ménages disparut pratiquement à l'époque de la première guerre mondiale. En milieu rural, il a fallu attendre la fin des années 40.

Quatre étapes caractérisent la préparation du pain :
la préparation de la farine consiste notamment dans le choix de la farine adéquate ;

le pétrissage est le mélange des divers ingrédients (farine, eau, sel, levure) afin d'obtenir une pâte. Au cours de cette opération, il y a non seulement mélange des composants solides du pain, mais également incorporation d'air dont la présence est indispensable pour la fermentation de la pâte ;

la fermentation voit la pâte se lever pour atteindre son état optimal.

On peut y distinguer successivement la première fermentation au cours de laquelle commence la levée de la pâte : cette étape est également appelée pointage. Puis la pâte est divisée en pâtons qui sont pesés (la pesée). Le façonnage ou " tourne " est l'ensemble des opérations par lesquelles le boulanger donne au pâton la forme exigée par le type de pain envisagé. Enfin, l'apprêt correspond à une nouvelle fermentation au cours de laquelle la pâte gonfle et où le pâton atteint trois fois son volume initial.

La cuisson, au cours de laquelle le pâton se transforme en pain, s'effectue dans un four chauffé à 250 degrés dont l'atmosphère est chargée en vapeur d'eau.

Une part croissante du pain consommé en France est néanmoins fabriquée aujourd'hui à partir de pâte surgelée . Cette pâte est pétrie de manière industrielle et divisée en pâtons ayant la taille et la forme d'une baguette afin d'être surgelés à -40° C. Ces pâtons sont livrés à des points de vente où ils sont stockés dans des congélateurs. Selon la demande de la clientèle, ils sont mis en chambre de fermentation et cuits dans un four à pain. Ces points de vente sont en fait des terminaux de cuisson (communément appelés " points chauds "), leurs employés n'effectuant aucun travail de pétrissage et de façonnage du pain. Ils sont souvent implantés en centre-ville ou centre-bourg et ont une taille souvent modeste. Des supermarchés et des hypermarchés ont également installé dans leurs locaux de tels terminaux de cuisson.

Cependant, la distribution par hypermarché cherche à s'orienter orientée vers une offre de pain de qualité en choisissant d'aménager de véritables boulangeries dans leurs locaux de vente afin d'offrir du pain maison : aujourd'hui une grande partie des hypermarchés de France offrent à leurs clients les services d'une boulangerie traditionnelle. Le livre blanc des industries de la boulangerie-pâtisserie, publié en octobre 1995, estimait que 50 % des grandes et moyennes surfaces de vente françaises (supermarchés de plus de 400 m² et hypermarchés de plus de 1.000 m²) possédaient sur leurs lieux ce vente une boulangerie traditionnelle.

Par ailleurs, de nombreux petits magasins ou supermarchés revendent des baguettes cuites dans des centres industriels et emballées dans des sachets en plastique ou en papier pour être vendues au consommateur.
c) Les différents types de pain

Le pain est un produit alimentaire consommable en l'état. Réalisé à partir de farine, d'eau de sel, de levure, et éventuellement d'adjuvants, il est constitué de mie enrobée d'une croûte dont les caractéristiques varient selon le pain.

Il existe plusieurs types de pain.

Compte tenu du façonnage et de son grammage, le pain de consommation courante reçoit diverses appellations : baguette, flûte, bâtard, ficelle, pain de 400 grammes, pain de 500 grammes...).

L'utilisation de différentes farines ou le recours à certains choix technologiques permet d'obtenir d'autres pains : le pain de campagne, le pain de seigle, le pain au seigle, le pain bis, le pain complet et intégral.

Il existe également, à côté de la catégorie des pains de consommation courante, celle des pains dits spéciaux . Il s'agit de pains dont la pâte comprend en plus de ses composants de base un ou plusieurs ingrédients alimentaires. Il peut s'agir de noix, d'olives, de raisins, d'oignons, de lard, de cumin, etc.

La créativité des artisans est infinie...

Pour être complet sur les types de pain offerts à la clientèle, il faut également évoquer les pains de " régime " (au son, au gluten, etc.) et les pains biologiques. Les pains préemballés, quant à eux, sont essentiellement fabriqués industriellement. Ils peuvent contenir deux conservateurs : le propionate de calcium et l'acide propionique.

2. Un produit authentique

Cette authenticité du pain peut être considérée tant sous l'aspect socioculturel que nutritionnel.

a) Sur le plan socioculturel

Si la variété de pains est très grande, la préférence des Français reste fidèle à la consommation du pain blanc. La baguette n'est elle pas d'ailleurs, parmi d'autres, l'une des images de la table française à l'étranger ?

Même si la place du pain a eu tendance à s'estomper au profit de la viande au cours des vingt dernières années, elle reste encore importante, en 1998, d'un point de vue convivial.

On a, en effet, l'habitude de faire référence au pain pour symboliser deux concepts humains : le travail (ou l'effort) et l'amitié.

En ce qui concerne la notion de travail, innombrables sont les expressions de la langue française qui en témoignent. On se limitera à énumérer : avoir du pain sur la planche ; gagner son pain à la sueur de son front ; être dans le pétrin ; le gagne-pain...

Il en est de même de l'amitié. Le compagnon, étymologiquement, est celui avec qui l'on rompt le pain -et partage le pain-. " Rien n'a d'égal " écrivait A. de Saint-Exupéry " la valeur du pain partagé ".

Le pain est d'ailleurs, pour de nombreuses religions, un élément fondamental, symbole de vie et de don. Ce caractère sacré en fait un aliment différent des autres.

b) Sur le plan nutritionnel

L'importance fondamentale et très ancienne du pain est sans doute liée à ses qualités nutritionnelles particulières.

Selon les nutritionnistes, le pain est, en effet, le seul produit pratiquement parfait pour l'alimentation humaine, au point qu'un être humain pourrait vivre de cette unique nourriture : 100 grammes de pain apportent 55 grammes le glucides, 0,70 grammes de lipides, 7,5 grammes de protides, des sels minéraux sous forme de phosphate, de magnésium et de potassium ainsi que des vitamines du groupe B. Les glucides à absorption lente du pain sont beaucoup mieux utilisés que ceux apportés par des aliments riches en sucres purs et souvent associés à des graisses. De ce fait, le pain est un aliment énergétique de choix.

La présence de cellulose concourt au bon transit intestinal et sa faible teneur en lipides ne l'exclut d'aucune alimentation, à l'exception de celle des personnes à qui le gluten est interdit.

Enfin, un accroissement de la consommation de pain compenserait heureusement la tendance actuelle à un enrichissement excessif de l'alimentation en lipides, au détriment des glucides.

3. Un produit de grande consommation

a) En France

La consommation totale de pain a subi d'importantes évolutions. S'il s'est affirmé comme la nourriture de base jusqu'à la fin du XIXe siècle, le pain n'occupe plus, dans l'alimentation des hommes d'aujourd'hui, la même place que par le passé.

EVOLUTION DE LA CONSOMMATION ANNUELLE DE PAIN PAR PERSONNE



La production de pain frais de connsommation courante était de près de 3,5 milions de tonnes par an en 1986. Elle est actuellement d'un peu plus de 3 millions, soit 8.422 tonnes par jour.

En ce qui concerne les ventes, celles-ci ont tendance à stagner au niveau global.

VOLUME DES VENTES DU PAIN EN 1996 ET 1997

 

Tonnage vendu en 1996
(en tonnes)

Tonnage vendu en 1997
(en tonnes)


Evolution


Parts de marché

Artisans boulangers

1 696 706

1 677 482

-1,13 %

69,85 %

Boulangerie industrielle

500 978

516 296

+3,06 %

21,50 %

Grandes et moyennes surfaces

199 467

207 811

+4,18 %

8,65 %

TOTAL

2 397 151

2 401 589

+0,19 %

100 %

Source : Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française

LA VENTE DU PAIN EN FRANCE

 

1991

1992

1993

1994

1995

VENTES DE PAINS
(en millions de tonnes)

2,69

2,65

2,57

2,62

2,62

LIEUX DE VENTE
(en parts de marché)

 
 
 
 
 

Boulangerie artisanale

78,57 %

77,69 %

76,68 %

75,28 %

74,41 %

Boulangerie industrielle et fabricants de pâtes et pains surgelés

15,07 %

15,66 %

16,11 %

17,28 %

17,90 %

Grandes et moyennes surfaces

5,92 %

624 %

6,81 %

7,08 %

7,35 %

Services publics

0,44 %

0,40 %

0,40 %

0,36 %

0,34 %

CHIFFRE DE VENTES DU PAIN ET DE LA PÂTISSERIE FRAÎCHE(*) (consommation commercialisable
(en milliards de francs)

51,63

52,17

52,49

53,90

54,70

Parts des ventes réalisées par la grande distribution et des magasins populaires

13,5 %

13,4 %

15,1 %

17,9 %

18,6 %

(*) Un tiers du chiffre des ventes est réalisé avec la pâtisserie
Source : Association nationale de la meunerie française et INSEE (pour le chiffre d'affaires)

b) A l'étranger

La plupart des pays d'Europe sont également des producteurs de pain . Des statistiques montrent que la consommation moyenne de pain par jour et par habitant avoisine 150 grammes.

Les exportations de pains de consommation courante sont négligeables. En effet, ce produit se prête mal aux long transports car sa durée de vie est, en principe, limitée à 24 heures. Par contre, le pain préemballé de fabrication industrielle donne lieu à des courants d'exportation et d'importation importants.

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