N° 411
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 avril 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers,
Par M. José BALARELLO,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Sénat
:
208
,
322
(1996-1997),
335
et T.A.
27
(1997-1998).
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
389
,
694
et T.A.
101
.
Logement et habitat.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 29 avril 1998 sous la présidence de M.
Jacques Larché, président, et de M. Pierre Fauchon,
vice-président, la commission des Lois a examiné en
deuxième lecture, sur le rapport de M. José Balarello, le projet
de loi portant transposition de la directive 94/47 CE du Parlement
européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des
acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition
d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers.
Après avoir rappelé que l'Assemblée nationale avait, en
première lecture, adopté sans modification les articles 2 et 3 du
projet de loi tendant respectivement à permettre aux agents de la
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes de constater et de poursuivre les infractions
définies à l'article premier et d'étendre aux agents de
voyages licenciés la possibilité de se livrer ou de prêter
leur concours à la conclusion de contrats de jouissance d'immeubles
à temps partagé, M. José Balarello a indiqué que
plusieurs modifications avaient été introduites à
l'article premier ayant pour objet de transposer la directive dans le code de
la consommation afin de compléter l'information du consommateur
destinataire de l'offre, de faciliter ses échanges avec le professionnel
et de renforcer les sanctions pénales.
Sur cet article premier, la commission des Lois a adopté quatre
amendements tendant à :
- substituer à la mention obligatoire dans l'offre du " mode
d'évolution prévisible des charges ", proposée par
l'Assemblée nationale, une mention informant le consommateur du taux
annuel d'augmentation des charges au cours des trois dernières
années ou, à défaut, une mention attirant son attention
sur le risque d'augmentation des charges ;
- prévoir qu'un décret en Conseil d'État précisera
le contenu des mentions devant figurer dans l'offre ;
- rétablir le quantum des peines d'amende, relevé par
l'Assemblée nationale, au niveau fixé par le Sénat en
première lecture ;
- ériger en délit le fait pour un professionnel de tromper ou de
tenter de tromper un consommateur en lui soumettant une offre dépourvue
des mentions obligatoires.
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des
acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition
d'un
droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers
,
examiné successivement par le Sénat le 23 octobre 1997 et par
l'Assemblée nationale le 4 mars dernier, revient aujourd'hui devant vous
en deuxième lecture.
Ce texte transpose une directive ayant pour objet de réduire les
disparités entre les législations des États membres de la
Communauté européenne en matière de contrats relatifs
à l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partagé
de biens immobiliers à usage d'habitation afin de renforcer la
protection des consommateurs. Il est constitué de trois articles dont
deux ont été adoptés conformes par l'Assemblée
nationale en première lecture.
L'article premier
crée une nouvelle section intitulée
" Contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé " au
chapitre premier du titre II du livre premier du code de la consommation, pour
transcrire dans notre droit les exigences résultant de la directive du
26 octobre 1994. Il définit un cadre juridique qui s'applique à
tous les types de contrats portant transfert d'un droit de jouissance de bien
immobiliers à temps partagé, lesquels sont d'une grande
variété (acquisition de parts de société, bail,
club trustee...), et renforce la protection du consommateur au moment de la
formation du contrat.
Rappelons brièvement que, pour l'essentiel, l'article premier :
- garantit une information complète du consommateur en imposant une
série de mentions obligatoires dans l'offre, dont le non respect est
sanctionné par la nullité du contrat et est constitutif d'une
infraction pénale ;
- impose au professionnel le maintien de l'offre pendant un délai de
sept jours ;
- ouvre un délai de rétractation de dix jours au
bénéfice du consommateur au cours duquel aucun versement ne peut
être reçu ou exigé de lui, cette interdiction étant
pénalement sanctionnée ;
- prévoit la possibilité pour le consommateur d'exiger une offre
rédigée dans une langue qui lui est familière, qu'il
s'agisse de celle de l'État où il réside ou de celle de
l'État dont il est ressortissant ;
- et, excédant les exigences résultant de la directive,
définit un dispositif protecteur en matière de compétence
juridictionnelle et de détermination de la loi applicable.
L'article 2
complète l'article L. 141-1 du code de la
consommation pour permettre aux agents de la Direction Générale
de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
(DGCCRF) de constater et de poursuivre les infractions définies au sein
de la nouvelle section consacrée aux contrats de jouissance d'immeuble
à temps partagé (articles L. 121-69 à L. 121-69-2).
L'article 3
avait initialement pour objet d'étendre le champ
d'application de la législation relative aux intermédiaires de
l'immobilier (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite " loi
Hoguet ") à toutes les opérations d'entremise en
matière de jouissance d'immeuble à temps partagé.
Le Sénat, en première lecture, a considéré,
à l'instar de sa commission des Lois, que s'agissant d'une
activité essentielle pour le développement de l'industrie
touristique, il convenait de permettre aux agents de voyages licenciés
d'effectuer de telles opérations tout en fixant les conditions d'une
loyale concurrence entre les différentes catégories de
professionnels susceptibles de se livrer à ce type d'activité.
Cette modification, qui avait reçu l'aval du Gouvernement, a
été approuvée par l'Assemblée nationale qui a
adopté conforme l'article 3.
Seul l'article premier reste donc aujourd'hui en discussion
,
l'Assemblée nationale y ayant introduit plusieurs modifications,
certaines de nature purement rédactionnelle, d'autres tendant à
renforcer encore les garanties offertes au consommateur, une enfin, relative
aux sanctions pénales applicables, revenant sur la position
adoptée par le Sénat en première lecture.
Quatre ajouts ont été effectués par l'Assemblée
nationale à l'initiative de sa commission des Lois, tendant à
compléter l'information du consommateur destinataire de l'offre et
à faciliter ses échanges avec le professionnel.
Il s'agit tout d'abord d'exiger de ce dernier qu'il inscrive dans l'offre trois
indications supplémentaires, à savoir d'une part, un descriptif
précis de l'environnement du bien immobilier sur lequel porte le droit
de jouissance, d'autre part, la mention du "
mode d'évolution
prévisible
" des charges afférentes à ce bien qui
devront être acquittées par le consommateur et, enfin, le
défaut d'affiliation à une bourse d'échange ou, en cas
d'affiliation, les conditions financières d'adhésion à
cette bourse d'échange.
Si votre commission des Lois approuve l'intention justifiant ces ajouts qui est
d'éclairer pleinement le consentement du consommateur, elle
considère cependant nécessaire de préserver un
équilibre entre les prérogatives du professionnel et celles du
consommateur.
Reconnaissant la pertinence du dispositif proposé au regard de la
protection du consommateur car il permettra de prévenir efficacement les
pratiques commerciales contestables parfois constatées, elle estime
néanmoins indispensable de veiller à ne pas faire peser sur le
professionnel des exigences excédant par trop celles résultant de
la directive, ce qui pénaliserait l'industrie touristique
française, déjà en retard dans ce secteur
d'activité, dans un contexte fortement concurrentiel au niveau
international. Aussi votre commission des Lois considère-t-elle qu'il ne
faut pas exiger des professionnels " l'impossible ".
A cet égard,
la mention du "
mode d'évolution
prévisible
" des charges paraît difficilement
acceptable
.
Cette notion paraît floue et donc susceptible de déboucher sur un
contentieux abondant. Par ailleurs, elle ne semble pas pouvoir répondre
correctement à l'objectif poursuivi qui est d'alerter le consommateur
sur le risque d'augmentation substantielle des charges au fil des
années, susceptible de résulter de l'évolution de
multiples facteurs tels que les frais d'entretien de l'immeuble, la
création de nouveaux équipements ou services collectifs, le poids
de la fiscalité...
Cependant, nombreux sont les consommateurs titulaires d'un droit de jouissance
à temps partagé d'un bien immobilier qui se sont trouvés
confrontés à des difficultés financières dues
à un accroissement important et parfois soudain des charges. Aussi
paraît-il justifié d'attirer leur attention sur ce point
dès la formulation de l'offre. Les éléments de
détermination des charges faisant déjà, aux termes du
projet de loi, l'objet d'une mention obligatoire dans l'offre, il
paraîtrait opportun d'exiger du professionnel, lorsque l'information est
disponible, qu'il indique le taux annuel d'augmentation des charges au cours de
la période triennale précédant l'émission de
l'offre et, à défaut, qu'il insère une clause soulignant
l'éventualité d'un accroissement substantiel à venir des
charges. Votre commission des Lois vous propose à cet effet un
amendement tendant à substituer ce dispositif à la formule
retenue par l'Assemblée nationale.
Les mentions devant être portées dans l'offre étant en
outre fort nombreuses - l'article L. 121-61 du code de la consommation les
énumère dans une série de douze rubriques - et parfois
définies de façon approximative, alors même que toute
omission est susceptible d'emporter la nullité du contrat et
l'application de sanctions pénales, votre commission estime
indispensable, afin de garantir la sécurité juridique des
parties, qu'un décret en Conseil d'Etat détermine exactement le
contenu de l'obligation incombant au professionnel. Ce décret
expliciterait par exemple ce que recouvrent des notions telles que le
descriptif précis de l'environnement des locaux sur lesquels porte le
droit de jouissance, les indications essentielles relatives à
l'administration de l'immeuble, ou encore les conditions et effets essentiels
de l'affiliation à une bourse d'échanges. Votre commission vous
propose donc un amendement à cet effet, le décret devant servir
de guide au professionnel pour la rédaction de l'offre.
Outre ces trois nouvelles mentions devant être portées dans
l'offre par le professionnel, l'Assemblée nationale a
précisé que le coupon détachable accompagnant l'offre,
destiné à faciliter l'exercice par le consommateur de sa
faculté de rétractation, devrait comporter l'indication de
l'identité et du domicile ou de l'adresse du siège du
professionnel. Cette exigence supplémentaire est en effet de nature
à faciliter les échanges entre les parties et tire les
conséquences de la sophistication qui caractérise certains
montages juridiques où les intervenants sont multiples.
Le second point de divergence avec l'Assemblée nationale concerne le
dispositif répressif
sanctionnant d'une part, le non respect des
obligations relatives à l'information du consommateur et, d'autre part,
le fait de recevoir ou d'exiger un quelconque versement avant l'expiration du
délai de rétractation.
Le projet de loi initial punissait de 200.000 F d'amende ces deux
catégories d'infractions. Le Sénat, en première lecture, a
décidé, avec l'avis favorable du Gouvernement, de se conformer
à la proposition de sa commission des Lois tendant à les
différencier en abaissant à 100.000 F le quantum de la peine
applicable en cas de non respect des obligations liées à
l'information du consommateur.
Il avait en effet estimé que le risque encouru par le consommateur du
fait du non respect par le professionnel de l'interdiction de percevoir un
quelconque versement avant l'expiration du délai de rétractation
était plus important et justifiait que cette infraction fût punie
plus sévèrement que le simple fait d'omettre une des mentions
obligatoires dans l'offre, par ailleurs sanctionnée, au plan civil, par
la nullité de plein droit du contrat.
L'Assemblée nationale, tout en maintenant la distinction entre les deux
catégories d'infractions, a préféré rehausser de
100.000 F le quantum de chaque peine encourue, bien que le Gouvernement, s'en
remettant à sa sagesse, eût estimé que les montant
arrêtés par le Sénat étaient suffisants.
Votre commission des Lois, estimant qu'une telle aggravation du dispositif
répressif n'est pas nécessaire et que les peines d'amende
définies en première lecture sont suffisamment dissuasives, vous
propose de revenir à la position initiale du Sénat.
Considérant en outre que le nouveau code pénal s'est
attaché à banir les délits objectifs et que l'omission
d'une mention devant figurer dans l'offre ne traduit pas nécessairement
une intention frauduleuse du professionnel, elle vous propose de ne constituer
en délit que le fait, pour le professionnel, de tromper ou de tenter de
tromper le consommateur par une telle omission.
* *
*
Sous le bénéfice de ces observations et des modifications qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers.